Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 03 04 Date : Le 15 janvier 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES PARCS Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 19 janvier 2006, le demandeur transmet à la responsable de l’accès à l’information de l’organisme une demande dans laquelle il réclame les documents suivants : 1. Le rapport de M. Léopold Gaudreau dévoilant le résultat de ses négociations avec le promoteur dans le 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 03 04 Page : 2 cadre du nouveau projet immobilier à l’intérieur des limites actuelles du Parc national du Mont-Orford; 2. Le rapport d’évaluation des terrains sujets à une vente ou à un échange dans le cadre de ce même projet immobilier. [2] Dans sa réponse du 7 février 2006, la responsable de l’accès de l’organisme informe le demandeur que le Ministère ne détient aucun document sur une proposition concernant un nouveau projet immobilier à l’intérieur des limites actuelles du parc du Mont-Orford. [3] Quant au second élément de la demande, la responsable de l’accès confirme l’existence d’un document mais refuse la communication en vertu des articles 21 et 39 de la Loi sur l’accès. [4] Le 16 février 2006, le demandeur transmet à la Commission d’accès à l’information, « la Commission », une demande de révision de la décision de l’organisme. [5] Une audience est tenue à Sherbrooke, le 25 octobre 2006, en présence des parties. LA PREUVE i) Du demandeur [6] Exceptionnellement, la Commission a entendu d’abord la preuve du demandeur. Ce dernier qui se représente lui-même indique à la Commission, au début de l’audience, avoir obtenu la communication des documents recherchés au point « 2 » de sa demande. En conséquence, seul le point « 1 » demeure en litige et fera l’objet de la présente décision. [7] Le demandeur fait entendre M. André Lespérance, propriétaire actuel de la station touristique du Mont-Orford. Ce dernier a été impliqué depuis 2005 dans des négociations avec le gouvernement du Québec, en vue d’apporter d’éventuelles modifications à la station touristique qu’il exploite, ainsi qu’aux limites du parc national du Mont-Orford à l’intérieur de laquelle cette station est présentement située.
06 03 04 Page : 3 [8] Le témoin révèle que des négociations ont été menées avec des représentants de l’organisme, dont M. Léopold Gaudreau, qui avait été désigné par le ministre Thomas Mulcair, ministre titulaire de l’organisme en avril 2005, à titre de responsable du dossier. [9] Le témoin indique avoir pris part à des rencontres avec M. Gaudreau au cours desquelles ce dernier agissait comme « médiateur » dans le but de trouver un projet de développement acceptable de la montagne. Selon le témoin, l’organisme a effectivement élaboré une nouvelle proposition d’aménagement. [10] Le demandeur exhibe ensuite au témoin, qui le reconnaît, un document portant un croquis et intitulé « Projet de développement du Mont-Orford ». Ce document porte le logo, la désignation officielle de l’organisme et la mention : (Figure 5. Les conditions imposées par le Ministère pour un projet de développement domiciliaire). Selon le témoin, ce document aurait été préparé et remis par l’organisme, en juillet 2005. [11] Questionné par le demandeur, le témoin affirme ne pas être l’auteur de ce document. [12] Monsieur Léopold Gaudreau, sous-ministre adjoint auprès de l’organisme est également cité comme témoin. Questionné par le demandeur quant à l’existence du rapport dont il demande la production dans sa demande d’accès, le témoin indique avoir déjà répondu au demandeur le 20 janvier 2006 qu’un tel rapport n’existait pas. [13] Le demandeur dépose la réponse transmise par courriel, le 20 janvier 2006, dans laquelle le témoin s’exprime ainsi : « Bonjour M. […], En réponse à votre courriel, je vous informe qu’il n’existe pas de rapports de mes négociations (car il n’y a pas eu de négociations) avec le promoteur dans le cadre d’un nouveau projet immobilier (car nous n’avons pas reçu de proposition d’un nouveau projet immobilier) à l’intérieur des limites actuelles du parc national du Mont-Orford. » [14] Selon le témoin Gaudreau, le document intitulé « Projet de développement du Mont-Orford » a été présenté par le promoteur Lespérance sur une carte géographique préparée initialement par l’organisme.
06 03 04 Page : 4 [15] Bien qu’admettant avoir participé à un grand nombre de rencontres avec des organismes ou des groupes intéressés ou opposés au projet, il indique à la Commission avoir fait ces rencontres dans le but d’explorer un certain nombre de possibilités nouvelles, mais il est catégorique à l’effet qu’il n’y a jamais eu de « rapport dévoilant le résultat de ces négociations avec les promoteurs dans le cadre du nouveau projet immobilier à l’intérieur des limites actuelles du parc national du Mont-Orford ». [16] Le 29 octobre 2006, le demandeur a transmis au soussigné une lettre dans laquelle il fait état de nouveaux éléments de preuve qu’il demande à la Commission de considérer. [17] Le demandeur s’appuie sur un article du quotidien « La Tribune » du 27 octobre 2006. Dans cet article, le journaliste Jean-François Gagnon rapporte avoir appris de l’organisme que le témoin Gaudreau se serait trompé en affirmant que le document qui lui a été exhibé, à l’audience, avait été produit par le témoin Lespérance. [18] Selon le journaliste, M. Gaudreau aurait reconnu après l’audience que son Ministère avait produit le plan reçu par M. Lespérance. Devant ces révélations, le demandeur s’exprime ainsi dans sa lettre transmise à la Commission : « […] le rapport de M. Léopold Gaudreau dévoilant le résultat de ses négociations avec le promoteur dans le cadre du nouveau projet immobilier à l’intérieur des limites actuelles du Parc national du Mont-Orford, tel que formulé dans ma demande, pourrait bien exister. » [19] Il demandait en conséquence à la Commission de considérer ces nouveaux éléments ou de rouvrir l’enquête et fixer une nouvelle audience. ii) De l’organisme [20] La procureure de l’organisme fait entendre M. Réal Carpentier, responsable de l’accès à l’information à la Direction du patrimoine écologique et des parcs de l’organisme. Ce dernier affirme avoir reçu la demande d’accès du demandeur qu’il a acheminée dans les différentes directions de l’organisme, de façon à obtenir la documentation réclamée. [21] Il a rencontré personnellement M. Gaudreau, auteur présumé du rapport recherché par le demandeur. Tel qu’il l’a mentionné à l’audience, M. Gaudreau lui a répondu qu’il n’y a aucun rapport concernant ce sujet.
06 03 04 Page : 5 [22] La procureure de l’organisme déclare par la suite s’en remettre au témoignage déjà livré par M. Gaudreau. [23] Invitée à réagir à la lettre du demandeur du 29 octobre 2006, la procureure admet, au nom de son client, que le plan avait été élaboré par le Ministère suite au rapport du BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement) et du plan d’aménagement d’ensemble du secteur de la station touristique du Mont-Orford. Quoiqu’il en soit, selon la procureure, cette admission ne fait pas la preuve de l’existence d’un rapport qui répond à la description de la demande d’accès. [24] Elle prétend donc que la preuve démontre que le rapport de M. Gaudreau décrit à la demande d’accès n’existe pas. Elle considère que ce document n’est pas « détenu » par l’organisme au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès et demande à la Commission de rejeter la demande de révision. LA DÉCISION [25] Le demandeur réclame de la Commission la révision de la réponse qui lui a été donnée par l’organisme, le 7 février 2006. La réponse de l’organisme précisait : « Pour ce qui est du premier point, je suis informée que le Ministère ne détient aucun document sur une proposition concernant un nouveau projet immobilier (nouveau par rapport à ce qui a été déposé en février 2005 devant le BAPE) à l’intérieur des limites actuelles du parc du Mont-Orford, et qu’aucune négociation n’a été menée avec un entrepreneur à ce sujet. En conséquence, il n’existe aucun rapport au sens de votre première demande. » [26] Le demandeur prétend que les témoins Gaudreau et Lespérance ont fait la preuve que des négociations avaient eu lieu, entre avril et juillet 2005, afin de préparer un nouveau projet ou une nouvelle proposition qui serait plus acceptable pour les parties concernées. [27] Le demandeur dépose un article de presse dans lequel le ministre responsable de l’organisme à cette époque, M. Thomas Mulcair, et le député d’Orford, M. Pierre Reid, auraient confirmé que le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs avait reçu un projet revu et corrigé.
06 03 04 Page : 6 [28] Selon le demandeur, ce projet serait contenu dans un rapport préparé par le témoin Gaudreau. C’est le rapport dont il réclame la communication et dont il maintient avoir démontré l’existence. Il ajoute que la Commission devrait en conséquence rouvrir l’enquête. [29] L’article 1 de la Loi sur l’accès stipule : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [30] Par ailleurs, le droit d’accès du demandeur est consacré à l’article 9 de la Loi sur l’accès : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [31] Cela n’est pas contesté, le demandeur a le droit d’obtenir un tel document de l’organisme si ce dernier le détient. L’organisme soutient qu’il ne détient pas un tel document et que le rapport recherché n’existe pas. L’auteur allégué de ce rapport, M. Léopold Gaudreau, témoignant pour l’organisme, a affirmé, tant dans un courriel transmis au demandeur qu’à l’audience, qu’il n’a jamais produit de rapport correspondant à la demande du demandeur. C’est également la teneur de la réponse que transmettait la responsable de l’accès de l’organisme, le 7 février 2006, lorsqu’elle affirmait : « […] En conséquence, il n’existe aucun rapport au sens de votre première demande. » [32] La preuve faite par l’organisme semble satisfaisante quant à l’inexistence du document réclamé. Est-elle prépondérante à la preuve faite par le demandeur ?
06 03 04 Page : 7 [33] Le demandeur est convaincu qu’un tel document existe. Il soumet à la Commission un croquis géographique émanant de l’organisme et des articles de journaux. Il demande de plus la réouverture de l’enquête pour compléter sa preuve. La Commission ne donnera pas suite à une telle demande pour les motifs suivants. [34] Loin de mettre en doute la bonne foi du demandeur, la Commission doit évaluer la valeur probante de chaque témoignage et de chaque élément de preuve déposé devant elle avant de tirer une conclusion. Or, ni le croquis déposé, ni les articles de journaux rapportant les paroles de personnes qui n’ont pas été entendues devant la Commission ne sauraient convaincre le soussigné de l’existence d’un rapport rédigé par le témoin Gaudreau. [35] Il est vrai que la preuve a démontré que des rencontres ont eu lieu entre mars et juillet 2005, en vue d’élaborer une nouvelle proposition à soumettre au ministre. De même, le document de juillet 2005 intitulé « Projet de développement du Mont-Orford » qui émane de l’organisme semble « porteur », selon le demandeur, de nouveaux éléments par rapport à la proposition initiale de l’organisme. Mais il faut se référer à la demande d’accès telle que rédigée par le demandeur. Existe-t-il un rapport rédigé par M. Léopold Gaudreau sur le sujet mentionné au paragraphe 1 de la présente décision ? [36] Dans M. A. c. Cité de Côte St-Luc 2 le demandeur désirait avoir accès aux plans et documents relatifs à la construction du dépôt de la Compagnie du Canadien Pacifique, à Côte St-Luc. La Ville avait répondu qu’elle ne détenait pas de tels documents et le demandeur a contesté ce refus. Dans sa décision, le commissaire écrit : « Les explications fournies par le témoin sont crédibles et raisonnables. Les représentations du demandeur voulant que les documents qu’il recherche soient détenus par l’organisme sont par contre très générales. […] Dans ces circonstances, la soussignée considère que la prépondérance de preuve favorise l’organisme et qu’elle ne peut conclure que des documents correspondant à ceux recherchés par le demandeur sont détenus par l’organisme. » 2 M. A. c. Cité de Côte St-Luc, C.A.I. Montréal, n o 87 00 27, 19 juin 1987, c. Giroux
06 03 04 Page : 8 [37] Dans une autre affaire, le demandeur réclamait de la Ville de Québec la communication de documents relatifs à une enquête de la Sûreté municipale concernant l’Église de scientologie. Après lui avoir remis certains documents, la Ville de Québec avait mentionné ne détenir aucun autre document pouvant intéresser le demandeur. La Commission écrit 3 : « Devant ces faits et témoignages qui nous ont été rapportés par l’enquêteur, force nous est de reconnaître le caractère plausible de la prétention du responsable de l’accès de la ville de Québec qui soutient ne pas détenir les documents réclamés par le demandeur. Donc, la Commission rejette, faute de preuve adéquate de l’existence des documents réclamés, la demande de révision. » [38] Malgré les soupçons que le demandeur peut entretenir, la preuve est prépondérante à l’effet qu’un tel rapport n’existe pas. [39] Dans la lettre qu’il transmettait au soussigné le 29 octobre 2006, le demandeur affirmait qu’à la lumière des révélations qu’il avait obtenues : « le rapport de M. Léopold Gaudreau pourrait bien exister ». [40] Force est de constater qu’il n’en est pas convaincu lui-même. Or, la Commission doit s’en tenir à la preuve qui démontre que le rapport demandé n’existe pas. [41] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [42] REJETTE la demande de révision. JEAN CHARTIER Commissaire M e Sophie Primeau Bernard, Roy (Justice-Québec) Procureure de l'organisme 3 L. J. c. Ville de Québec, C.A.I. Québec, n o 86 04 71, 12 mai 1987, c. Pépin.
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