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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 12 22 Date : Le 20 janvier 2006 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demanderesse c. QUÉBEC (VILLE DE) Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS formulée en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 20 avril 2005, par télécopieur, la demanderesse formule à la responsable de laccès de lorganisme (la Responsable) une demande daccès aux documents relatifs à lenquête la concernant, notamment, tous les rapports de policiers, les notes personnelles des policiers et les rapports denquête, incluant les notes manuscrites de lagent double à lemploi de lorganisme relatant son intervention le 15 octobre 2002 et le sommaire dactylographié du témoignage de cet agent double concernant les faits survenus à cette date. Elle désire également obtenir copie de la correspondance de monsieur Martial Tremblay, à ce sujet, qui la concerne. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
05 12 22 Page 2 [2] Cette demande nétant pas signée, elle fait parvenir le même document dûment signé à la Responsable, à la demande de cette dernière, le 11 mai suivant. [3] Le 30 mai suivant, la Responsable se prévaut du délai supplémentaire de 10 jours prévu par la Loi pour répondre à celle-ci. [4] Le 10 juin 2005, la Responsable refuse en partie de communiquer les documents demandés en fondant la retenue de certaines parties ou de la totalité des documents demandés sur lapplication des articles 9, 14, 28 paragraphes 1°, 3°, 5° et 9°, 32, 53, 54 et 59 paragraphe 9° de la Loi. Elle ajoute que lorganisme ne détient aucune correspondance de monsieur Martial Tremblay faisant lobjet de la demande daccès autre que celle dont la demanderesse est déjà en possession. [5] Le 28 juin 2005, la demanderesse requiert la Commission de réviser cette décision de la responsable et une audience se tient à cette fin, en la ville de Québec, le 13 janvier 2006. À la suite de la réception après laudience, dans la même journée, des documents produits par lorganisme à la demande de la Commission, le délibéré peut commencer, les parties ayant été entièrement entendues. LAUDIENCE A. LA PREUVE i) de lorganisme Témoignage de M e Line Trudel [6] Madame Trudel est la Responsable de laccès de lorganisme. Elle a traité la demande daccès et a rédigé la réponse sous examen. [7] Elle dépose, sous la cote O-1, en liasse, la correspondance reçue de la demanderesse le 11 mai 2005 afin détablir la date de réception, par son service, de la demande daccès dûment signée. [8] Afin de situer dans son contexte la présente demande daccès, elle dépose également, sous les cotes ci-après mentionnées, les documents suivants :
05 12 22 Page 3 O-2 la sentence que larbitre Marc Poulin a rendue le 10 mars 2004 (dossier 01-98-005678) à la suite du grief n° 99554 déposé par la demanderesse le 20 décembre 2002 à la suite de son congédiement survenu le 16 décembre précédent; O-3 une copie de la décision de la Commission rendue par la soussignée le 29 mars 2005 concernant les mêmes parties et sensiblement les mêmes documents dans le dossier numéro 03 03 84; O-4 Une copie de laccusé de réception du 12 mai 2005 la Responsable reconnaît avoir reçu la demande le 11 mai 2005; O-5 Une copie de lavis de prorogation du délai daté du 30 mai 2005 ci-haut mentionné; O-6 Une copie de la décision du 10 juin 2005 accompagnée des parties accessibles des documents demandés (documents élagués); O-7 Une copie du plumitif criminel et pénal de la Cour supérieure, dossier numéro 200-01-081543-039, montrant louverture du dossier le 16 juin 2003 relativement à des crimes qui auraient été commis par Jonathan Soucy le 16 novembre 2001. Laudition de cette cause nest pas terminée. [9] La Responsable dépose sous pli confidentiel, entre les mains de la Commission, lintégrale des trois documents dont laccès a été partiellement ou totalement refusé et, à cette occasion, indique à la Commission ce qui, dans ces documents, fait lobjet du refus de communiquer, donc ce qui constitue lobjet du litige : document 1° Les notes personnelles et manuscrites de lagent double ou agent dinfiltration à lemploi de lorganisme qui enquêtait sur le trafic de drogues dans le secteur de la rue Grande-Allée à Québec relatant son intervention du 15 octobre 2002 au bar travaillait à loccasion la demanderesse (6 pages comprenant un croquis des lieux); seules sont en litige les parties suivantes de ce document : Page 1 : tout le texte qui suit les mots « suspect ciblé »; Page 2 : les deux premiers paragraphes et les quatre dernières lignes du quatrième paragraphe; Page 3 : les deux premiers paragraphes et le dernier paragraphe;
05 12 22 Page 4 Page 4 : les cinq paragraphes de cette page; Page 5 : les six paragraphes de cette page; Page 6 : le graphique des lieux, la légende des symboles du graphique et le nombre de consommations achetées et consommées; document 2° Le sommaire dactylographié du témoignage que pourrait rendre lagent double à un éventuel procès concernant les mêmes faits survenus le 15 octobre 2002, sommaire qui fait partie du dossier denquête policière (une demi-page). Seules sont en litige les parties suivantes de ce document : Dans le récit des faits survenus à 1 h, linscription comprise entre les mots « lui mentionne que » et « La transaction »; et Dans le récit des faits survenus à 2 h 5, tout ce qui apparaît après les mots « sarranger avec elle » jusquà la fin de cette inscription; et document 3° Le rapport dévénement numéro 2002-92039 (trafic de stupéfiants) survenu le 15 octobre 2002 à Québec sur la rue Grande-Allée et rédigé et signé le 23 octobre 2002 (2 pages), contenant lidentification des deux suspects sur la première page et la narration des faits sur la deuxième page. Lintégrale du document est en litige. [10] Elle souligne que la comparaison entre le contenu de lintégrale des documents déposés sous pli confidentiel et le contenu de ce qui a été remis à la demanderesse (voir O-6) illustre bien ce qui a été refusé à la demanderesse. [11] Elle déclare que lorganisme ne détient pas dautres documents pouvant répondre à la demande daccès, à lexception des deux documents émanant de monsieur Martial Tremblay quelle identifie et qui sont déjà entre les mains de la demanderesse. [12] Cette dernière confirme être en possession de ces deux documents émanant de monsieur Tremblay. [13] Elle déclare quaucune poursuite criminelle na été intentée contre la demanderesse et quil ny en aura jamais. [14] Elle réitère les motifs de refus exprimés dans sa décision du 10 juin 2005 sous examen.
05 12 22 Page 5 ii) de la demanderesse [15] La demanderesse corrobore, en substance, le témoignage de madame Trudel, pour la partie des faits qui sont parvenus à sa connaissance. [16] Elle estime que lenquête policière la concernant est terminée et affirme quaucune accusation na été portée contre elle. De surcroît, elle déclare quaucune poursuite pénale ou criminelle nest ou ne sera intentée contre elle. [17] Elle déclare accepter que les renseignements nominatifs concernant des tierces personnes physiques qui ne sont pas déjà parvenus à sa connaissance ne lui soient pas remis. B. LES REPRÉSENTATIONS i) de lorganisme [18] Lorganisme ne présente pas de plaidoirie. ii) de la demanderesse [19] La demanderesse sinterroge toujours sur la légalité de la communication des renseignements policiers par lorganisme, de sa propre initiative, communication qui est la conséquence directe de son congédiement survenu le 16 décembre 2002. [20] Elle estime que les renseignements nominatifs concernant des tierces personnes physiques contenus aux documents en litige lui ont tous été révélés par le témoignage très précis de lagent double livré en sa présence lors de laudition devant larbitre Marc Poulin et dont la sentence rendue le 10 mars 2004 est déposée par lorganisme au dossier sous la cote O-2, témoignage ayant été reproduit presque textuellement par larbitre aux paragraphes [21] à [29] de sa sentence. [21] Elle soutient que cette sentence est publique. [22] Elle plaide que larbitre na décrété le huis clos que sur lidentité de lagent double et argue quoutre pour ce qui est des renseignements concernant son identité, ce témoin a rendu son témoignage sur les événements de la nuit du
05 12 22 Page 6 14 au 15 octobre 2002 publiquement sans quaucune requête en huis clos ou en ex parte ne soit présentée par quiconque à larbitre Poulin. [23] Elle rappelle que lorganisme avait déposé cette même sentence sous la cote O-4 lors de laudience devant la Commission dans le dossier 03 03 84. [24] Elle en conclut donc que, lors de lexamen de la présente demande daccès, lorganisme savait ou devait savoir que la demanderesse était au courant du contenu des documents en litige qui, en gros, relatent les faits la concernant survenus dans la soirée du 14 octobre et la nuit du 15 octobre 2002. [25] Elle est davis que lenquête sur les faits la concernant étant terminée et quaucune accusation ni poursuite criminelle contre elle nétant amorcée jusquà ce jour, les paragraphes 1° et 2° de larticle 28 ne peuvent sappliquer aux renseignements la concernant. [26] De même, elle soutient que la divulgation des renseignements masqués ne risquerait aucunement de révéler les renseignements visés par les paragraphes 3°, 6° et 9° de larticle 28 compte tenu que le tout a déjà été révélé publiquement lors de laudience devant larbitre de grief, Marc Poulin. [27] Les paragraphes invoqués de larticle 28 ne peuvent donc plus trouver application. [28] En conséquence, elle demande que les renseignements en litige lui soient communiqués. DÉCISION [29] Les dispositions de la Loi invoquées au soutien du refus de communiquer les renseignements demandés sont les articles 9 alinéa deuxième, 14, 28 alinéa premier, paragraphes 1°, 3°, 5° et 9°, 32, 53, 54 et 59 alinéa deuxième, paragraphe 9° : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes
05 12 22 Page 7 préparatoires ou autres documents de même nature. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi;
05 12 22 Page 8 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8° de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1° à 9° du premier alinéa. 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.
05 12 22 Page 9 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: […] 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. ALINÉA DEUXIÈME DE LARTICLE 9 [30] Traditionnellement, la Commission napplique pas cette disposition aux renseignements personnels faisant lobjet dune demande daccès formulée en vertu des articles 83 et suivants de la Loi. ARTICLE 28, ALINÉA PREMIER [31] Rien dans la preuve ne vient établir que la divulgation des renseignements en litige à la demanderesse risquerait de provoquer lun ou lautre des effets prévus aux paragraphes 1°, 3°, 5° et 9° de cette disposition. [32] En effet, la preuve démontre plutôt que lenquête est terminée, quaucune accusation ne sera portée contre la demanderesse, que le procès concernant Jonathan Soucy concerne une infraction criminelle qui a eu lieu à une date antérieure à celle des événements en cause ici, et que les méthodes denquête,
05 12 22 Page 10 les sources dinformation, le programme ou plan daction destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime en cause ici ont déjà été révélés publiquement. [33] Rien dans la preuve nétablit que dautres personnes et événements pourraient être visés par lune ou lautre des situations prévues aux paragraphes 1° à 9° de cet alinéa. [34] Cet alinéa premier de larticle 28 de la Loi ne sapplique pas au cas qui nous occupe. ARTICLE 32 [35] Les documents et renseignements en litige ne constituent pas des analyses au sens de larticle 32, mais bien la seule relation de faits bruts. [36] Cette disposition ne sapplique pas en lespèce. ARTICLES 53, 54 ET 59, PARAGRAPHE 9° [37] Les renseignements en litige sont revêtus dun caractère public en vertu des articles 29.1, 53 paragraphe 2° (précité), 55 ou concernent directement la demanderesse personnellement ou, sils concernent incidemment des tierces personnes physiques, sont connus de cette dernière au sens de larticle 88 de la Loi, à lexception de la date de naissance et des inscriptions mentionnées à la case CRPQ apparaissant à la section D du document 3° : 29.1 La décision rendue par un organisme public dans l'exercice de fonctions quasi judiciaires est publique. Toutefois, un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement contenu dans cette décision lorsque celle-ci en interdit la communication, au motif qu'il a été obtenu alors que l'organisme siégeait à huis clos, ou que celui-ci a rendu à son sujet une ordonnance de non-publication, de non-divulgation ou de non-diffusion ou que sa communication révélerait un renseignement dont la confirmation de l'existence ou la communication doit être refusée en vertu de la présente loi.
05 12 22 Page 11 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [38] EN CONSÉQUENCE, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à lorganisme de remettre à la demanderesse tous les documents et renseignements en litige à lexception des renseignements nominatifs confidentiels suivants : Les nom et prénom apparaissant au quatrième paragraphe de la page 4 du document 1°; et la date de naissance et les inscriptions mentionnées à la case CRPQ apparaissant à la section D du document 3°; et REJETTE la demande de révision quant au reste, savoir, quant à ces derniers renseignements confidentiels nominatifs. DIANE BOISSINOT Commissaire
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