Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 11 35 Date : Le 13 janvier 2006 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. VILLE DE QUÉBEC Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 22 avril 2005, le demandeur s’adresse à la responsable de l’accès de l’organisme (la Responsable) afin d’obtenir une copie de la dénonciation initiale rédigée par le lieutenant Michel Plante, son supérieur hiérarchique à l’Unité des stupéfiants du Service de police de la ville de Québec. Le demandeur ajoute que ce rapport contient la version des faits cueillis par le lieutenant Plante auprès des personnes impliquées dans l’événement du 25 mars 2004. [2] La Responsable reçoit cette demande le 25 avril suivant et, le 13 mai 2005, celle-ci se prévaut d’un délai additionnel de 10 jours pour répondre à la demande. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée la « Loi ».
05 11 35 Page 2 [3] Le 20 mai 2005, la Responsable refuse de communiquer le document demandé au motif qu’il est visé par le paragraphe 9° de l’article 59 de la Loi. [4] Par courrier du 10 juin 2005, le demandeur requiert la Commission d’accès à l’information de réviser cette décision de la Responsable et une audience se tient en la ville de Québec le 12 janvier 2006, date à laquelle le délibéré peut commencer. L’AUDIENCE A. LA PREUVE Témoignage de M e Line Trudel, la Responsable [5] M e Trudel abandonne le motif de refus invoqué dans sa décision. Elle admet, en effet, que le paragraphe 9° de l’article 59 de la Loi n’est pas applicable au cas qui nous occupe. [6] Elle base plutôt son refus de communiquer le document demandé sur deux motifs impératifs de refus, savoir le paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 28 et l’article 88 de la Loi. [7] M e Trudel dépose, en liasse sous la cote O-1, les documents introductifs d’instance. [8] Elle dépose également, sous pli confidentiel entre les mains de la Commission, l’intégrale du document faisant l’objet de la demande d’accès afin que cette dernière puisse en déterminer l’accessibilité. [9] Il s’agit d’un document intitulé « Mémoire » de quatre pages rédigé le 26 mars 2004 par le lieutenant Michel Plante à l’intention du capitaine Pierre Mathieu, tous deux du service de police de la ville de Québec, relatant la chronologie des faits (de 18 h 45 à 19 h 05) entourant une altercation survenue le 25 mars précédent entre 2 policiers de ce même service de police, le demandeur et un constable, dans un de ses locaux.
05 11 35 Page 3 [10] La Responsable est d’avis qu’il s’agit d’un dossier mixte de gestion de personnel et de traitement d’allégations de nature criminelle (voies de fait) faisant l’objet d’une enquête policière. C’est pourquoi elle invoque tant l’article 28 que l’article 88 de la Loi. Témoignage du demandeur [11] Le demandeur confirme que le mémoire du 26 mars 2004 est bien le document en litige. [12] Le demandeur expose brièvement les faits entourant l’altercation qui est survenue entre lui et un autre policier le soir du 25 mars 2004. [13] Le demandeur dépose, en liasse sous la cote D-1, les documents pertinents à la contestation de la décision sous examen. [14] Parmi ceux-ci se trouve, sous l’onglet 14, un mémoire que lui a adressé le directeur du service de police de la ville de Québec le 30 mars 2005 intitulé « Avis d’enquête interne » et qui se lit comme suit : Le 29 mars 2004, vous étiez informé de la tenue d’une enquête vous concernant pour avoir tenté d’assener un coup de poing au visage d’un confrère de travail. Comme le dossier comportait des allégations de nature criminelle, nous avons également avisé le Ministère de la sécurité publique. Conformément à l’article 288 de la Loi sur la police, nous avons soumis le rapport d’enquête au substitut en chef du procureur général du district de Québec, Me Jean Lortie. Le 9 mars 2005, Me Lortie nous informait qu’aucune accusation ne serait portée dans ce dossier. Nous désirons également vous aviser que votre suspension avec solde prend fin à compter du 9 mars 2005. (sic) [15] Le demandeur indique qu’il était présent dans les bureaux où l’altercation s’est déroulée le 25 mars 2004 et qu’il est au courant de tout ce qui s’est passé alors, étant un des acteurs principaux des événements. Le demandeur veut savoir si l’auteur du mémoire y a fidèlement relaté les déclarations qu’il lui a faites ce soir-là.
05 11 35 Page 4 [16] Le demandeur précise que sa demande d’accès a été présentée le 22 avril 2005, après que les accusations de nature criminelle contre lui aient été abandonnées le 9 mars 2005 et après qu’une décision finale de son employeur ait été prise à son sujet. B. L’ARGUMENTATION i) De l’organisme [17] L’organisme ne fait pas de représentations autres que celle d’affirmer que les articles 28, alinéa 1, paragraphe 1° et 88 s’appliquent. ii) Du demandeur [18] Le demandeur prétend que l’article 28 ne peut s’appliquer en l’espèce puisqu’il s’agissait avant tout d’une enquête à caractère administratif de gestion de personnel et non d’une enquête découlant de l’exercice des pouvoirs de police proprement dits, que l’autre policier avait déclaré à l’auteur du mémoire ne pas avoir l’intention de porter plainte au criminel contre lui et que le mémoire n’est pas rédigé sous la forme habituelle d’un rapport d’événement ou d’enquête policière. [19] De plus, il soutient qu’il a droit d’accès au contenu de ses propres déclarations en vertu de l’article 83 de la Loi et que l’article 88 ne s’applique pas en l’espèce. [20] Il rappelle également qu’étant présent sur les lieux des événements, il a vu et entendu presque tout ce qui s’est déroulé alors. Il connaît donc le contenu du mémoire en litige. [21] Il rappelle que ce mémoire devrait être une relation de faits bruts et ne contenir aucune analyse ou opinion personnelle ni de son auteur ni des acteurs ayant participé aux événements qu’il relate. DÉCISION [22] Les dispositions en cause sont le paragraphe 9° de l’alinéa 2 de l’article 59, le paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 28 et les articles 83 et 88 de la Loi :
05 11 35 Page 5 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: […] 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; […] 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
05 11 35 Page 6 [23] La preuve démontre que le seul document en litige est le mémoire du 26 mars 2004 décrit plus haut. [24] J’ai bien examiné ce mémoire. L’ARTICLE 59, ALINÉA DEUXIÈME, PARAGRAPHE 9° [25] Même si le document en litige constituait le rapport dont il est question à ce paragraphe, il n’en reste pas moins que l’organisme qui le détient jouit de la totale discrétion de le communiquer ou de ne pas le communiquer. [26] Ce cas échéant, le demandeur ne pourrait donc pas reprocher à l’organisme d’exercer sa discrétion de refuser de lui communiquer ce document 2 . L’ARTICLE 28 DE LA LOI [27] La preuve me convainc que le mémoire en litige a été complété aux fins d’éclairer la prise de décision au sujet d’un événement mettant en cause, entre autres, l’emploi du demandeur. Il s’agit principalement d’un document relatif à la gestion du personnel du service de police de l’organisme. [28] Ce mémoire a toutefois été remis au substitut du procureur général conformément aux prescriptions des articles 286 et suivants de la Loi sur la police 3 , et ce, en raison des allégations de voies de fait dont il est question audit mémoire : ENQUÊTE SUR UN POLICIER OU SUR UN CONSTABLE SPÉCIAL 286. Le directeur d'un corps de police doit sans délai informer le ministre de toute allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier. L'autorité dont relève un constable spécial est soumise à la même obligation. 2 Lire à ce propos Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information. Loi annotée, Editions Yvon Blais, 2001, volume 1, III-59-15 et 16 (mise à jour 3, 2003-09-10). 3 L.R.Q., c. P-13.1, articles 286 et suivants.
05 11 35 Page 7 287. Au plus tard 45 jours à compter de la date de cet avis et, par la suite, à tous les trois mois, le directeur ou l'autorité dont relève le constable spécial, selon le cas, avise par écrit le ministre de l'état d'avancement du dossier. 288. Une fois le dossier complété, le directeur du corps de police qui l'a traité le transmet au procureur général. 289. Le ministre peut ordonner, à tout moment, qu'une enquête soit tenue ou, s'il y a lieu, reprise par le corps de police ou l'agent de la paix qu'il désigne, afin que soit examinée une allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier ou par un constable spécial. Les frais relatifs à l'enquête sont à la charge du corps de police dont relève le policier faisant l'objet de l'enquête ou de l'autorité dont relève le constable spécial, à moins que les corps de police concernés en décident autrement. [29] La preuve démontre que le substitut du procureur général a refusé de porter des accusations concernant ces allégations et que la suspension du demandeur a conséquemment pris fin le 9 mars 2005. [30] Je retiens que ce refus de porter des accusations est antérieur à la demande d’accès du 22 avril 2005. [31] Rien dans la preuve me convainc que les conditions d’application de l’un ou l’autre des paragraphes 1° à 9° du premier alinéa de l’article 28 de la Loi se trouvent réunies au moment où la Responsable reçoit la demande d’accès et rédige sa réponse. [32] L’article 28 de la Loi ne s’applique donc pas au cas qui nous occupe. L’ARTICLE 88 DE LA LOI [33] Le mémoire en litige est la relation chronologique des faits entourant l’altercation survenue entre deux policiers dans leur lieu de travail, en présence
05 11 35 Page 8 de plusieurs autres policiers. L’auteur du mémoire était dans son bureau lors de la survenance des événements, mais n’en a pas été témoin visuel. [34] Le contenu du mémoire en litige concerne, en substance, tant le demandeur que d’autres tierces personnes physiques. [35] La preuve démontre également que le demandeur était présent pendant la majeure partie du déroulement des faits relatés dans ce mémoire. [36] La preuve et la lecture du document en litige démontrent que, pour sa rédaction, l’auteur du mémoire s’est fié aux déclarations de ceux qui étaient présents sur les lieux de l’altercation, qui y ont participé et qui en ont été témoin. [37] Le témoignage du demandeur relativement à ces événements couplé à la lecture du document en litige me convainc que sa divulgation intégrale ne lui apprendrait rien qu’il ne sache déjà. [38] L’article 88 de la Loi stipule qu’en cette circonstance, l’organisme ne doit pas refuser de communiquer à celui qui le demande les renseignements le concernant contenus dans un document qu’il détient. [39] Le deuxième alinéa de l’article 83 doit alors recevoir pleine application : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. […] (J’ai souligné.) [40] POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en totalité la demande de révision ; et ORDONNE à l’organisme de remettre au demandeur le mémoire en litige. DIANE BOISSINOT Commissaire
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