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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 18 86 Date : Le 28 décembre 2005 Commissaire : M e Jacques Saint-Laurent DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION FORMULÉE EN VERTU DE LARTICLE 135 DE LA LOI SUR LACCÈS AUX DOCUMENTS DES ORGANISMES PUBLICS ET SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS. 1 L.R.Q., c. A-2.1. X Demandeur c. Paroisse Saint-Étienne-des-Grès Organisme et Confédération des syndicats nationaux et Syndicat régional des employés(es) municipaux de la Mauricie (CSN) Tiers 1
04 18 86 Page : 2 [1] Le 3 juin 2004, le demandeur sadresse à la Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès pour obtenir différents documents concernant un conflit de travail entre la Paroisse et le syndicat des employés de la Paroisse. Il demande notamment, le contenu du protocole du retour au travail conclut entre la Paroisse et les employés de celle-ci. [2] Sa demande vise également le contenu du « règlement extrajudiciaire intervenu entre le maire Luc Massé et la Paroisse, dune part, et la C.S.N., dautre part », une copie des procès-verbaux des rencontres du conseil municipal, au cours desquelles il a été question du règlement extrajudiciaire et le détail des frais juridiques payés par la Paroisse en marge du conflit de travail. [3] Le 22 septembre, le demandeur écrit à la responsable de laccès aux documents en lui mentionnant quil aimerait bien obtenir les informations quil a demandées en juin 2004. Le 29 septembre 2004, M me Fabienne Bouchard transmet au demandeur le protocole de retour au travail, copies de certains procès-verbaux des réunions de la Paroisse ainsi quun ensemble de résolutions et un tableau faisant état des honoraires professionnels payés. La réponse de M me Bouchard ne comprend pas le règlement extrajudiciaire de la poursuite intentée par la C.S.N. et le syndicat régional contre le maire. [4] Le 8 novembre 2004, le demandeur présente une nouvelle demande à la Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès. Il sexprime de la façon suivante : « copie du règlement extrajudiciaire intervenu entre le maire et la municipalité, dune part, et la C.S.N., dautre part. Ce règlement faisant suite à la poursuite intentée contre le maire Massé. Sachant quil sagit de fonds public, jaimerais, notamment, obtenir les détails de la somme versée à la C.S.N. dans le cadre de ce règlement [5] Le 6 décembre 2004, le demandeur sadresse à la Commission d'accès à l'information pour demander la révision nayant obtenu aucune réponse de la Paroisse suite à cette nouvelle demande. [6] Le 9 mars 2005, les parties sont convoquées à une audience qui se tient le 1 er juin 2005, au Palais de justice de Trois-Rivières. Le même jour, M e André Lemay comparaît pour lorganisme.
04 18 86 Page : 3 LAUDIENCE A. LA PREUVE [7] Avant de faire entendre la responsable de laccès à linformation de la Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès, le procureur de lorganisme dépose les actes de procédure relatifs à la poursuite judiciaire intentée par la Confédération des syndicats nationaux et le Syndicat régional des employés municipaux de la Mauricie (C.S.N.) c. Luc Massé, en sa qualité de maire (C.S. 410-17-000195-037). [8] Il sagit de la requête introductive dinstance en dommages pour diffamation (pièces O-1) du 4 novembre 2003; de la défense (pièce O-2) du 19 janvier 2004; de la défense amendée (pièce O-3) du 31 mars 2004 et de la réponse des procureurs des demandeurs (pièce O-4) du 28 avril 2004. Le procureur de lorganisme produit enfin une copie de la lettre du 13 avril 2005 (pièce O-5) de M e Alain Arsenault. À titre de procureur des syndicats demandeurs dans ce dossier de la Cour supérieure, il réitère la volonté de ses clients de maintenir la confidentialité de lentente intervenue entre les parties le 1 er juin 2004. [9] M me Fabienne Bouchard témoigne par la suite. Elle est directrice générale de la Paroisse et responsable de laccès depuis mars 2004. Elle précise que la Paroisse ne détient pas le règlement extrajudiciaire intervenu entre le maire et la C.S.N. Il ny aurait pas de copie de ce règlement extrajudiciaire à la Paroisse. Elle a fait des vérifications partout, sans trouver le document. [10] La directrice générale nétait pas présente lorsque lentente a été signée entre les parties. Ce texte na pas été soumis au conseil municipal. Le procureur de lorganisme fait remarquer quen examinant les pièces O-1 à O-4, force est de constater que la Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès nest pas visée par la poursuite en dommages pour diffamation. [11] En contre-interrogatoire, M me Bouchard fournit certaines précisions concernant les honoraires davocat payés par la Paroisse pour la défense du maire. En fait, il appert que cest lassureur de la Paroisse qui a assumé la défense du maire. Selon M me Bouchard, lintervention de lassureur a eu pour effet que la Paroisse na pas été appelée à intervenir dans ce litige. Par contre, elle a payé des frais juridiques. [12] La réclamation des demandeurs comprenait non seulement une somme de 150 000 $ pour des dommages moraux, mais également une somme de
04 18 86 Page : 4 50 000 $ pour des dommages et intérêts punitifs. Lassurance au bénéfice de la Paroisse ne couvre pas les réclamations pour les dommages et intérêts punitifs. Ainsi, pour cette portion de la réclamation, les honoraires des avocats qui ont assumé la défense du maire ont été payés par la Paroisse. [13] À lautomne 2004, M me Bouchard a informé le demandeur du montant de ces honoraires. En définitive, il appert quune somme de 4 000 $ a été déboursée par la Paroisse. [14] Au cours de son témoignage, M me Bouchard précise quil ny a pas eu dautre montant payé par la Paroisse concernant cette poursuite en dommages et intérêts. Il y a bien eu un paiement effectué par la Paroisse aux demandeurs. Toutefois ce paiement a été intégralement remboursé par lassureur. La valeur, de ce qui a été ainsi payé puis remboursé, na pas été précisée par le témoin. [15] À la fin de laudience, le procureur de lorganisme ma remis, sous pli confidentiel, une copie du document en litige. [16] Tel quil appert de la pièce O-5, la partie syndicale demande le respect de la confidentialité du document. [17] Pour sa part, le demandeur produit en preuve une copie du protocole de retour au travail conclut entre la Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès et le Syndicat régional des employés municipaux de la Mauricie (C.S.N.) (pièce D-1). Il attire lattention de la Commission sur larticle 13 qui prévoit que : « Les parties sengagent à régler hors cour le litige dans le dossier 410-17-000195-037 logé devant la Cour supérieure. Il est de plus convenu que le règlement hors cour est confidentiel. » [18] À laudience, la responsable de laccès de lorganisme a pris lengagement, au nom de la Paroisse, de remettre au demandeur les documents relatifs au paiement des honoraires des avocats pour la partie de la réclamation concernant les dommages et intérêts punitifs. [19] Le 24 octobre 2005, le commissaire invite le demandeur et le procureur de lorganisme à participer à une conférence téléphonique. Cette communication visait à déterminer comment la preuve pouvait être complétée concernant la conservation dune copie du document en litige par le maire. À cette fin, il a été convenu de procéder par affidavit. [20] Le 25 octobre 2005, le procureur de lorganisme a transmis par télécopieur au demandeur et à la Commission un affidavit du maire Luc Massé confirmant quil détient une copie du règlement hors cour « de la poursuite
04 18 86 Page : 5 intentée contre moi par le syndicat ». [21] Le procureur de lorganisme ma également transmis, à titre confidentiel, le document du 1 er juin 2004 intitulé « Transaction, Reçu-quittance ». B. LES ARGUMENTS [22] En sappuyant sur la doctrine et la jurisprudence 2 , le procureur de lorganisme soumet que la demande de révision nest pas recevable parce que le document demandé nest pas détenu par lorganisme. Il sappuie sur le témoignage non contredit de la responsable de laccès de la Paroisse. [23] Me Lemay précise que la Loi sur laccès sapplique lorsque le document est détenu par un organisme public (article 1). Ce ne serait pas le cas ici. [24] Le procureur de lorganisme ajoute que le recours en dommages pour diffamation a été intenté uniquement contre le maire. La Paroisse qui nest pas concernée par cette poursuite ne détient pas le règlement hors cour conclu entre les parties. [25] Enfin, la Paroisse soumet que si la Commission en venait à la conclusion que le document est détenu par lorganisme, la demande daccès devrait tout de même être refusée. Le contenu de cette entente constituerait un secret financier ou syndical fourni par un tiers au sens de larticle 23 de la Loi sur laccès. En labsence de consentement de ce tiers, le document ne peut pas être communiqué. [26] Pour sa part, le demandeur rappelle que Luc Massé est poursuivi en sa qualité de maire de la Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès. Il sappuie sur des décisions rendues par les commissaires Wallace 3 et Laporte 4 . Selon le demandeur, cette affaire concerne lutilisation de deniers publics. Le maire de la Paroisse est redevable de ses gestes auprès de la population. [27] Il y a un intérêt direct à ce que les citoyens connaissent la teneur de la 2 Accès à linformation et protection des renseignements personnels, Duplessis et Hétu, Publication CCH 2005. Bourassa c. CNT (2003) CAI 502 3 Hassan Ghie c. Roxboro (1991) C.A.I. 101 4 Regroupement des étudiantes et étudiants en sociologie de lUniversité de Montréal c. Université de Montréal et Société du groupe dembouteillage Pepsi (Canada) (2003) C.A.I. 52
04 18 86 Page : 6 transaction intervenue entre le maire et les syndicats. Il soumet que la clause de confidentialité ne saurait être opposable aux contribuables. En fait, si tous les dommages réclamés étaient accordés par le tribunal, chaque citoyen aurait une facture de 50 $ à assumer. [28] Le fait que, dans le cadre du protocole de retour au travail, la Paroisse sest engagée à régler hors cour le litige entre le maire et la partie syndicale démontre que la Paroisse est une partie intéressée dans toute cette affaire. [29] En conclusion, le demandeur souligne que, selon lui, la Paroisse nétait pas intéressée à communiquer la copie du règlement extrajudiciaire intervenu entre le maire et la Paroisse, dune part, et la C.S.N. dautre part. Il prend à témoin les délais encourus entre le 3 juin 2004, la réponse écrite du 29 septembre 2004 et labsence de réponse à sa nouvelle demande du 8 novembre 2004. À ce sujet, M e Lemay insiste pour expliquer que la Paroisse a été placée dans des circonstances exceptionnelles, particulièrement difficiles après le conflit de travail qui a duré une année complète. Selon le procureur, il nétait pas possible de faire autrement dans les circonstances. DÉCISION [30] La première question à considérer concerne larticle 1 de la Loi sur laccès. Il sagit de savoir si le document en litige est détenu par la Paroisse. En effet, la Commission d'accès à l'information ne peut ordonner la communication dun document que dans la mesure il est détenu par un organisme public dans lexercice de ses fonctions, comme le prévoit larticle 1 de la Loi sur laccès. « 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. » [31] Or, la preuve établit clairement que le document en litige ne se retrouve pas parmi les documents conservés par la Paroisse. Le procureur de lorganisme soumet quil est normal quil en soit ainsi, puisque la Paroisse nest pas signataire de lentente. Il ajoute que, dans la mesure la Paroisse na pas été poursuivie, elle navait pas à signer lentente. Donc, lorganisme ne détiendrait pas le document au sens de larticle 1 précité.
04 18 86 Page : 7 [32] En fait, la preuve nous indique que le document en litige est conservé par le maire Luc Massé. Son affidavit atteste quil détient « une copie du document de règlement hors cour de la poursuite intentée contre moi par le syndicat ». [33] Un document conservé par le maire dune Paroisse peut-il être considéré comme étant détenu par un organisme public au sens de larticle 1 de la Loi sur laccès ? À ce sujet, il est essentiel de considérer la preuve et danalyser les circonstances de la détention du document. [34] Dans laffaire Roy c. Village du Lac Poulin 5 , le maire conservait des documents à sa résidence. La commissaire Hélène Grenier sexprime notamment comme suit : « Cette conservation « à lextérieur » nempêche pas lapplication de la loi; elle ne doit jamais nuire à lexercice du droit daccès attribué à toute personne en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Elle ne modifie aucunement les obligations du responsable de laccès. » [35] En fait, la procédure judiciaire (O-1) à lorigine du document dont on demande laccès est dirigée contre monsieur Luc Massé, en sa qualité de maire de lorganisme. Il nest pas poursuivi à titre personnel. [36] La Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès a réagi à cette poursuite en confiant à son assureur la défense du maire. Lorganisme sest impliqué davantage en payant, pour la partie de la réclamation non couverte par lassureur, les honoraires des avocats qui ont assumé la défense du maire. [37] La Paroisse sest intéressée au déroulement du recours exercé contre le maire au moment de la négociation avec la partie syndicale du protocole de retour au travail. Cette entente comprend un engagement des parties à régler hors cour le litige devant la Cour supérieure contre monsieur le maire. [38] Par la suite, la Paroisse est à nouveau intervenue en effectuant le paiement, pour le maire, de la somme convenue dans le cadre du règlement hors cour. Lassureur a immédiatement remboursé la Paroisse. 5 (2003) C.A.I. 361
04 18 86 Page : 8 [39] Ainsi, la preuve au dossier établit que le recours en dommages exercé contre monsieur Luc Massé, en sa qualité de maire de la Paroisse de Saint-Étienne-des-Grès, na pas été considéré par lorganisme comme un recours dirigé contre monsieur Massé à titre personnel. Au contraire, tous les moyens disponibles pour appuyer la défense du maire de la Paroisse ont été déployés par lorganisme. [40] Ayant posé tous ces gestes, la Paroisse ne peut pas, selon moi, subséquemment affirmer que le règlement hors cour ne concerne que M. Massé, à titre personnel. [41] Jen viens à la conclusion que le document en litige est détenu par la Paroisse dans lexercice de ses fonctions. La conservation du document par le maire Luc Massé na pas pour effet de le soustraire à lapplication de la Loi sur laccès. [42] Subsidiairement, lorganisme soulève une restriction à laccès en sappuyant sur larticle 23 de la Loi sur laccès. Selon le procureur de la Paroisse, le document constitue un renseignement financier ou syndical qui ne peut pas être divulgué, sans le consentement du tiers concerné. « 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. » [43] À ce sujet, le procureur de lorganisme rappelle que, suivant la pièce O- 5, les syndicats demandent le respect de la confidentialité du règlement hors cour quils ont signé. [44] Or, le tiers qui souhaite sappuyer sur larticle 23 de la Loi sur laccès pour restreindre laccès à un document dun organisme public doit, notamment, démontrer quil sagit dun « renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical »; que ce renseignement est de nature confidentielle; que le renseignement a été fourni par un tiers; que ce renseignement est habituellement traité de façon confidentielle par ce tiers. [45] À laudience, le procureur de lorganisme a expliqué que la Confédération des syndicats nationaux et le syndicat régional des employés municipaux de la Mauricie CSN ont été invités à donner leur avis sur la demande
04 18 86 Page : 9 daccès au règlement hors cour du 1er juin 2004. [46] La réponse de la partie syndicale a été communiquée au procureur de lorganisme le 13 avril 2005. Il sagit de la pièce O-5, par laquelle Me Alain Arsenault réitère la volonté de ses clients de maintenir la confidentialité de lentente du 1 er juin 2004. [47] Le procureur de lorganisme a souligné que le procureur de la partie syndicale a été invité à être présent à laudience du 19 mai 2005, ce quil a refusé. [48] Lorganisme ne peut pas se substituer au tiers pour faire la preuve des conditions dapplication de larticle 23 de la Loi sur laccès. [49] Une conférence téléphonique a été tenue le 23 novembre 2005 à laquelle participait le demandeur, le procureur de lorganisme et le procureur des tiers, la Centrale des syndicats nationaux et le Syndicat régional des employés municipaux de la Mauricie (CSN). [50] À ce moment, le procureur des tiers a été invité à soumettre une preuve par affidavit pour établir les circonstances pouvant donner ouverture à un refus de communiquer le document. [51] Selon léchéancier convenu, cette preuve devait être soumise à la Commission au plus tard le 22 décembre 2005, le demandeur devant, par la suite, répondre au plus tard le 10 janvier 2006. [52] Le 20 décembre 2005, le procureur des tiers a transmis une lettre à la Commission et aux parties précisant que, dans les circonstances, les tiers nont plus dobjection à la remise du document au demandeur. POUR CES MOTIFS, la Commission : ACCUEILLE la demande de révision; PRENDRE ACTE de lengagement de lorganisme de remettre au demandeur les documents relatifs au paiement des honoraires des avocats pour la partie de la réclamation concernant les dommages et intérêts punitifs;
04 18 86 ORDONNE à lorganisme de communiquer au demandeur lentente du 1 2004. Avocat de lorganisme : M e André Lemay Tremblay Bois Mignault Lemay Avocat des tiers : M e Alain Arsenault Arsenault & Lemieux, avocats Page : 10 er juin __________________________ M e JACQUES SAINT-LAURENT Président
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