Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 06 02 76 Date : 6 septembre 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. Ville de Montréal Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN VERTU DE LA LOI SUR L’ACCÈS AUX DOCUMENTS DES ORGANISMES PUBLICS ET SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS 1 . [1] Le 3 mai 2005, le procureur de la demanderesse transmet à la responsable de l’accès à l’information de l’organisme une demande dans le but d’obtenir : « 1. Tous documents relatifs aux politiques d’appariement appliquées par la Ville de Montréal, notamment, en ce qui concerne le cas de M me X; 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 02 76 Page : 2 2. Le dossier d’appariement de M me X, incluant, notamment toutes résolutions, calculs ou autres documents portant sur l’appariement effectué dans son cas. » [2] Le 26 mai 2005, l’organisme transmet au procureur de la demanderesse copie d’un document intitulé « fiche synthèse » qui démontre que l’emploi détenu par la demanderesse n’a pas fait l’objet d’appariement. En conséquence, aucun autre document n’était transmis. [3] Le 11 juillet 2005, une nouvelle demande était transmise à l’organisme par le procureur de la demanderesse, pour requérir les documents suivants : « 1. Tout document relatif aux politiques appliquées et le processus décisionnel suivi par la Ville de Montréal afin de déterminer le groupe de traitement ainsi que le salaire de nos clientes suite à la création de la nouvelle Ville; 2. Toutes résolutions, calcul ou autre document portant sur la détermination du groupe de traitement ainsi que le salaire de nos clientes suite à la création de la nouvelle Ville. » (Le pluriel est utilisé puisque la lettre du procureur de la demanderesse visait également une autre personne.) [4] N’ayant obtenu aucune réponse, le procureur de la demanderesse renouvelait sa demande auprès de l’organisme, le 20 décembre 2005. Le 19 janvier 2006, l’organisme refusait l’accès aux documents demandés en invoquant pour ce faire les articles 22 et 37 de la Loi sur l’accès. [5] Le 15 février 2006, le procureur de la demanderesse demandait à la Commission d’accès à l’information (la Commission), la révision de la décision de l’organisme. LA PREUVE [6] Le procureur de l’organisme fait témoigner madame Josée Lapointe, chef de la section rémunération – classification des emplois à la Ville de Montréal. Cette dernière explique que lors de la fusion des municipalités de l’Île de Montréal opérée en 2001, la nouvelle Ville a dû intégrer l’ensemble du personnel provenant de vingt-sept (27) villes différentes et le service du personnel a dû procéder à une classification uniforme des emplois. Cette opération
06 02 76 Page : 3 d’appariement était nécessaire puisque des emplois semblables pouvaient ne pas être assujettis aux mêmes conditions de travail et de rémunération. D’autres emplois, dont celui de la demanderesse, n’ont pu être jumelés ou appariés puisqu’ils étaient inexistants dans la Ville de Montréal d’avant 2001. Le témoin explique que le Comité de transition, désigné par le gouvernement pour mettre en place les mécanismes menant à l’intégration de la nouvelle Ville de Montréal a alors choisi d’utiliser « le plan d’évaluation des emplois cadres administratifs » élaboré par la Ville de Montréal et qui a été déposé sous la cote O-1. [7] Ce document est un instrument qui permet de faire l’évaluation des emplois qui ne peuvent être comparés avec des emplois semblables. [8] Au cours de cette opération, les personnes chargées de procéder à l’évaluation des emplois doivent attribuer un certain pointage à chaque candidat en fonction du niveau d’étude complété, de son expérience, de la complexité de la tâche à accomplir, du degré de responsabilité, etc. Le total des points ainsi accumulé lors de l’évaluation d’un emploi est ensuite converti suivant une échelle déterminée pour lui attribuer une classe salariale. [9] Au moment de la création de la nouvelle Ville de Montréal, la demanderesse était « superviseur – inspection des aliments », au service de la Communauté urbaine de Montréal. Selon le témoin, il a d’abord fallu créer une description d’emploi pour ensuite procéder à l’évaluation selon la pièce O-1. [10] Ce processus d’évaluation des emplois cadres administratifs a été confié à un comité interne (ci-après désigné : comité d’évaluation) qui a procédé à cette analyse avant d’en faire rapport au Directeur principal du capital humain de l’organisme. Par la suite, le résultat des travaux du comité d’évaluation est transmis au supérieur immédiat avant d’être approuvé par un représentant du comité exécutif de l’organisme. [11] Ayant appris en septembre 2004 que l’échelle salariale de sa cliente avait été modifiée à la baisse, le procureur de la demanderesse a fait une demande pour obtenir « tout document relatif aux politiques appliquées et le processus décisionnel suivi par la Ville de Montréal afin de déterminer le groupe de traitement auquel elle appartenait ». [12] Le document visé par la demande a été déposé par le témoin de l’organisme, sous pli confidentiel, tel que le permet l’article 20 des règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information (A-2.1, r. 2). Pour les motifs mentionnés ci-après, l’organisme s’oppose à la communication de ce document.
06 02 76 Page : 4 L’ARGUMENTATION [13] En début d’audience, le procureur de l’organisme a indiqué à la Commission qu’il se désistait de l’argument basé sur l’article 22 de la Loi sur l’accès. Il invoque toutefois l’article 37 de cette loi en soutenant que le document constitue un avis ou une recommandation puisqu’il est le résultat de l’évaluation faite par le comité d’évaluation en 2004, soit depuis moins de dix (10) ans. [14] Le procureur de la demanderesse prétend quant à lui que le processus décrit par le témoin est un processus « technique » qui ne consiste pas en un avis ou une recommandation dont la nature est décrite à l’article 37 de la Loi sur l’accès. Pour le procureur de la demanderesse, le plan d’évaluation (pièce O-1) est constitué de normes objectives établissant des échelles de pointage selon l’amplitude du critère évalué. [15] Selon ce dernier, un pointage déterminé est attribué aux divers éléments de description de l’emploi qui sont ensuite additionnés pour un résultat final. L’élément discrétionnaire ou subjectif réservé à chaque membre du comité d’évaluation est pratiquement inexistant. En conséquence, cette application « objective » ne saurait être considérée comme un avis ou une recommandation. LA DÉCISION [16] Le document intitulé « Cadres de direction et administratifs – Évaluation d’emplois » nous a été remis sous pli confidentiel. L’analyse de ce document, même par une personne non spécialisée en ces matières, révèle l’utilisation du plan d’évaluation (pièce O-1), de la pondération et des pointages qui y sont indiqués. [17] Il est évident, tel que le précise le procureur de la demanderesse, qu’une partie de l’analyse ne contient aucun élément de subjectivité pour le comité qui l’accomplit. Donnons-en comme exemple l’évaluation de la formation académique et des années d’expérience. On comprend facilement que ces éléments ne laissent pas place « à discrétion » de la part des membres du comité d’évaluation. [18] Par contre, il en va autrement lorsqu’il s’agit d’évaluer la latitude qui est laissée à l’employé dans l’exécution de ses fonctions ou lorsqu’il s’agit d’analyser la complexité de l’ensemble des tâches effectuées dans l’emploi occupé.
06 02 76 Page : 5 [19] Avec respect, le soussigné est d’avis que les membres du comité d’évaluation sont alors appelés à utiliser leurs connaissances et leur expertise personnelle, afin d’en venir à un consensus quant à l’évaluation de l’emploi. C’est le résultat de ce consensus qui est alors transmis au supérieur. [20] Le document réclamé par la demanderesse contient-il un « avis ou une recommandation » au sens de l’article 37 de la Loi sur l’accès ? Cet article stipule : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. [21] Dans une rare décision portant sur des faits similaires, le commissaire Pierre Cyr écrivait 2 : « La preuve révèle qu’un comité d’évaluation des emplois a été constitué à l’Office en application d’une directive du Conseil du Trésor concernant l’évaluation des emplois de niveau plus élevé de la catégorie du personnel professionnel. Pour procéder à cette évaluation, le comité devait appliquer un « système d’évaluation » uniforme contenu à l’annexe 1 de la directive. L’emploi est évalué suivant cinq (5) facteurs comportant chacun huit (8) cotes possibles auxquelles correspond un pointage déterminé. La tâche du comité a consisté à attribuer une cote donnée et son pointage correspondant sous chacun des facteurs à considérer et de justifier cette cotation en regard de la description de l’emploi évalué. Cette opération est consignée dans un document intitulé « fiche d’évaluation ». Ce sont ces fiches d’évaluation que recherche en réalité le demandeur. 2 Les représentants et représentantes des employés et employées professionnels de l’Office de la langue francaise c. Office de la langue française, C.A.I. Montréal, 15 décembre 1992, c. Cyr.
06 02 76 Page : 6 […] Il nous semble que la fiche d’évaluation exprime l’avis ou l’opinion du comité d’évaluation sur l’emploi évalué. En ce sens, les documents en litige sont visés par l’article 37 de la Loi. » [22] Dans une autre affaire, Deslauriers c. Québec (Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 3 ) le juge Jean-Paul Aubin s’exprime ainsi à propos de l’article 37 : « Pour déterminer si un organisme peut refuser de communiquer un document ou une partie d’icelui au motif qu’il contient un avis ou une recommandation, le Tribunal doit en venir à la conclusion, à l’examen du document en litige, que celui-ci comporte une évaluation ou un jugement de valeur portant sur les informations qui peuvent faire l’objet d’une décision, évaluation ou jugement de valeurs formulés de nature à mettre l’organisme dans une position de choix : agir ou non. » [23] Or, la preuve de l’organisme me convainc que l’exercice effectué par le comité d’évaluation des employés cadres et administratifs de l’organisme constitue un avis ou une recommandation. Compte tenu de la date à laquelle il a été effectué, le document d’évaluation de l’emploi qui en a résulté pouvait faire l’objet d’un refus de communication de la part de l’organisme conformément à l’article 37 de la Loi sur l’accès. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse. JEAN CHARTIER Commissaire M e Dan Goldstein Avocat de la demanderesse M e Philippe Berthelet Avocat de l’organisme 3 [1991] C.A.I. 311 (C.Q.) 321.
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