Commission d'accès à l'information du Québec Dossiers : 06 00 24 et 06 00 39 Date : 3 octobre 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 21 septembre 2005, à son lieu de travail, la demanderesse reçoit la visite de deux représentants de la Sûreté du Québec, suite à une plainte faite à son sujet par le bureau du ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 00 24 et 06 00 39 Page : 2 [2] Le 7 novembre 2005, la demanderesse transmet à la Sûreté du Québec (ici représentée par l’organisme), une demande d’accès à l’information dans le but d’obtenir : « … toutes documentations, mémos, notes, lettres, rapports ou toutes autres formes de documents concernant cette affaire. » [3] Le 5 décembre 2005, l’organisme répond qu’il ne peut accéder à la demande, parce que les renseignements demandés pourraient révéler des méthodes d’enquête ou un plan d’action conformément aux articles 28 et 29 de la Loi sur l’accès. [4] Le 4 janvier 2006, la demanderesse déposait à la Commission d’accès à l’information (la Commission), une demande de révision du refus de l’organisme. LA PREUVE [5] La demanderesse est une citoyenne très impliquée dans son milieu. Elle milite au sein d’un comité de citoyens de sa région et tentait d’obtenir une rencontre ou une entrevue avec le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. Elle voulait s’entretenir avec ce dernier au sujet d’un dossier qui lui tenait à coeur. Elle admet avoir fait plusieurs appels téléphoniques au bureau de circonscription du ministre. [6] Selon ce qu’elle a appris par la suite, c’est une plainte faite à son endroit par les représentants du bureau du ministre qui a donné lieu à la visite des enquêteurs, le 21 septembre 2005. [7] Suite à cette rencontre, la demanderesse n’a jamais été informée du cheminement de la plainte, ni de son aboutissement. C’est la raison pour laquelle elle demande à l’organisme toute la documentation que ce dernier a pu colliger concernant cette affaire. [8] La procureure de l’organisme fait entendre M. André Marois, responsable de l’accès, qui a traité la demande de la demanderesse. [9] Il dépose sous le sceau de la confidentialité le document visé par la demande.
06 00 24 et 06 00 39 Page : 3 [10] Ce dépôt est autorisé par l’article 20 des Règles de preuve et de procédure 2 de la Commission d’accès à l’information qui stipule : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l’absence du requérant et à huis clos, d’un document que l’organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l’accès en vertu d’une restriction prévue à la section II de la Loi. [11] Une preuve a ensuite été présentée à la Commission, à l’exclusion de la demanderesse, de façon à éviter que ne soient divulgués les renseignements susceptibles d’être protégés par la Loi sur l’accès. [12] La procureure de l’organisme a fait entendre M me Catherine Beaudry, chef de division, au Service des renseignements de sécurité, de la Sûreté du Québec. Cette dernière a expliqué à la Commission les motifs pour lesquels l’organisme a refusé la demande. [13] Elle explique que le Service dont elle fait partie a notamment pour fonctions d’assurer la sécurité des personnalités politiques et du personnel à leur service. Elle indique aussi qu’il est exact que la demanderesse a été rencontrée par deux enquêteurs au service de la Sûreté du Québec, suite aux très nombreux appels logés par la demanderesse, au bureau du ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. [14] Les démarches effectuées par son Service ont fait l’objet d’un rapport dont la divulgation doit être refusée puisque cela aurait pour effet de révéler une méthode d’enquête et, en conséquence, de réduire l’efficacité des dispositifs de sécurité destinés à la protection des personnalités politiques. [15] La demanderesse, invitée à revenir à l’audience, est informée par le soussigné des motifs invoqués par l’organisme pour refuser l’accès au document réclamé. La demanderesse affirme connaître les motifs pour lesquels elle a été rencontrée par des enquêteurs de la Sûreté du Québec. Elle déclare qu’à l’époque de cette rencontre, et dans les semaines qui ont suivi, elle a été très affectée par la plainte faite à son sujet. Considérant qu’aucune suite n’a été donnée à cette visite, elle avoue nourrir de l’inquiétude quant aux conséquences de cette plainte. C’est la raison pour laquelle elle demande d’obtenir une copie du dossier la concernant. 2 A-2.1, r. 2.
06 00 24 et 06 00 39 Page : 4 [16] À la fin de l’audience, le responsable de l’accès a témoigné de nouveau pour affirmer que la demanderesse n’avait pas fait l’objet d’une enquête criminelle, suite aux événements ci-haut décrits. LA DÉCISION [17] La preuve a démontré que la demanderesse a fait l’objet d’une plainte pour des appels téléphoniques qu’elle logeait, de façon insistante, au bureau du ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. [18] Suite à cette plainte, la demanderesse a été rencontrée par des enquêteurs au service de la Sûreté du Québec. Quelques mois plus tard, elle a demandé la divulgation des informations détenues à son sujet. [19] La Commission a reçu à l’audience, sous pli confidentiel, le document réclamé. [20] La procureure de l’organisme soumet que la Loi sur l’accès fait obligation à l’organisme public de refuser de donner communication des renseignements obtenus dans de telles circonstances. Elle réfère la Commission aux articles 28 (3 o ) et 29 al. 2 de la Loi sur l’accès qui stipulent : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. […] 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi.
06 00 24 et 06 00 39 Page : 5 Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [21] La procureure de l’organisme ajoute que la divulgation du contenu du document aurait pour effet de révéler les façons de faire et les moyens mis en oeuvre afin d’établir un plan d’action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. De même, si de tels renseignements devaient être dévoilés, cela aurait certainement pour effet de réduire l’efficacité des dispositifs de sécurité mis en place par l’organisme. [22] À l’appui de ses prétentions, elle soumet une décision rendue par la Commission. Dans cette affaire, le demandeur réclamait une copie de son dossier personnel détenu par le chef de la sécurité du bureau du premier ministre. La Commission s’exprime ainsi 3 : « Il s’agit d’un programme de protection de personnalités et la divulgation de quelque renseignement que ce soit irait à l’encontre du 2 e paragraphe de l’article 29 de la Loi sur l’accès : […] De plus, il s’agit d’un programme de sécurité mis en place par la Sûreté du Québec et les outils du programme suscitent un niveau de protection supérieure. L’article 28 (3) de la Loi reçoit toute son application : » [23] Le soussigné a pris connaissance du document en litige et en arrive à la conclusion que les renseignements qui ont été dévoilés, à huis clos, remplissent les conditions mentionnées à la Loi sur l’accès. [24] Bien que consciente que la demanderesse puisse être irritée d’avoir fait l’objet d’une telle démarche de la part de l’organisme, la Commission n’a pas le mandat de porter un jugement sur la nécessité ou sur les moyens utilisés par l’organisme public pour donner suite à la plainte reçue. Elle ne peut que déterminer si les informations qui ont été recueillies peuvent être communiquées à la demanderesse. 3 Massand c. Ministère de la Sécurité publique, C.A.I. Montréal, n o 99 21 66, 30 mai 2001, c. Iuticone.
06 00 24 et 06 00 39 Page : 6 [25] Considérant l’ensemble de la preuve et le caractère impératif des articles 28 (3 o ) et 29 al. 2 de la Loi sur l’accès, l’organisme public devait refuser de communiquer de tels renseignements. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de la demanderesse. JEAN CHARTIER Commissaire M e Sophie Primeau Avocate de l’organisme
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