Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 05 02 39 Date : Le 20 septembre 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L'ALIMENTATION Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] La procureure du demandeur, M e Carole Gagné, conteste la décision du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (le « Ministère ») lui refusant l’accès, selon les termes des articles 28, 53, 54 et 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), au rapport d’événement rédigé par M me Isabelle Crête concernant son client. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 02 39 Page : 2 [2] Le 1 er septembre 2005, une audience se tient à Montréal. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [3] Le Ministère dépose et remet aux parties le rapport d’inspection du 22 juin 2004 (pièce O-2) et à la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), sous pli confidentiel, le rapport d’événement y étant mentionné. [4] La procureure du Ministère, M e Christiane Cantin, explique que le rapport d’événement en litige a été rédigé dans le cadre de la Politique ministérielle concernant la violence en milieu de travail (la « Politique ») (pièce O-3) et des Mesures préventives relatives aux manifestations de violence en milieu de travail (les « Mesures ») (pièce O-4). Elle assure que le rapport d’événement n'est utilisé qu’en référence administrative pour aider l’inspecteur dans son travail lorsqu’il y a eu manifestation de violence à son endroit. Ce rapport n’est pas un rapport d’inspection et ne peut d’aucune façon servir pour poursuivre ou appuyer un recours contre le demandeur en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des animaux 2 (pièce O-1). B) LA PREUVE Du Ministère M me Sylvie Rousseau [5] M me Rousseau, directrice adjointe à l’inspection des aliments, raconte que les inspecteurs sont nommés par le Ministre pour appliquer la Loi sur les produits alimentaires 3 et la Loi sur la protection sanitaire des animaux. [6] M me Rousseau indique que le rapport en litige rapporte les événements de la façon dont ils ont été vécus par l’inspecteur lors de la visite de la ferme du demandeur. Elle fait valoir que le rapport d’événement renferme les réactions émotives et physiques de l’employé. [7] M me Rousseau confirme que le rapport est un document de nature administrative n’étant versé qu’au dossier de l’employé. Elle utilise le rapport pour vérifier si l’employé a besoin d’aide et, le cas échéant, proposer des corrections. Il 2 L.R.Q., c. P-42. 3 L.R.Q., c. P-29.
05 02 39 Page : 3 faut donc distinguer, dit-elle, entre le Rapport d’inspection (pièce O-2) donnant ouverture aux recours prévus aux Lois 4 et le rapport en litige étant une mesure administrative d’aide et de soutien à l’employé. [8] Interrogée par M e Gagné, M me Rousseau reconnaît une lettre datée du 23 juillet 2004, reprochant au demandeur son comportement lors de la visite de l’inspecteur (pièce D-1). Elle précise qu’il s’agit d’un avertissement administratif, dont une copie conforme a été envoyée aux personnes directement concernées par l’application des Lois et de la Politique. Elle assure que la pièce D-1 est au dossier de l’entreprise inspectée et que son contenu ne reflète pas la teneur du document en litige. [9] M me Rousseau atteste que le demandeur lui a manifesté son désaccord sur la situation telle que décrite à l’avertissement administratif, mais qu’il n’y a eu aucune rencontre de médiation à ce sujet. C) LES ARGUMENTS i) Du Ministère [10] M e Cantin soumet que les sentiments et les états d’âme contenus au document en litige appartiennent à la sphère de la vie privée de l’employé. Le rapport en litige ne peut donc pas être donné au demandeur, parce qu’il lui révélerait des renseignements sur le comportement d’un individu au travail étant de nature nominative, selon l’article 53 de la Loi 5 : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 4 Précitées, notes 2 et 3. 5 Villeneuve c. Laliberté & Associés inc., [2003] C.A.I. 207; Galipeau c. Québec (Ministère de la Main-d'œuvre et de la Sécurité du revenu), [1989] C.A.I. 1.
05 02 39 Page : 4 [11] M e Cantin souligne que le rapport d’inspection a déjà été communiqué au demandeur (pièce O-2), mais que l’intégralité du rapport en litige évoquant les sentiments de l'employé ne peut l’être. [12] M e Cantin prétend que la remise du document en litige pourrait mettre en péril la sécurité d’une personne au sens du 4 e paragraphe de l’article 28 de la Loi 6 : 28 Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: [...] 4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne; […] [13] Interpellée par la Commission, M e Cantin confirme que le rapport d’événement en litige ne peut être utilisé par le Ministère dans le cadre d’une poursuite effectuée en vertu de sa Loi 7 . Le rapport est au dossier de l’employé, ne vise que celui-ci et ne peut servir qu’à cette fin. ii) Du demandeur [14] M e Gagné soutient que son client veut connaître ce qui a été dit à son sujet et non obtenir les sentiments exprimés par l’inspecteur. Elle prétend que le demandeur a le droit d’obtenir les renseignements le concernant puisqu’il conteste la version de l’inspecteur. DÉCISION [15] Le témoignage de M me Rousseau, la Politique et les Mesures (pièces O-3 et O-4) démontrent que le document en litige est de nature administrative et n’a pas été confectionné par une personne dans la cadre de ses fonctions visant à contrer un événement décrit au 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi. Je rejette donc le motif de refus basé sur le 4 e paragraphe de cet article 28. 6 Montréal (Communauté urbaine de) c. Winters, [1989] C.A.I. 209; Ouimet c. Québec (Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation), [1990] C.A.I. 37. 7 Précitée, note 2.
05 02 39 Page : 5 [16] Le document en litige de quatre pages, intitulé « Formulaire de rapport d’événement » (le « Formulaire »), dont la copie non remplie se trouve à l’annexe IX des Mesures (pièce O-4), est divisé en sept segments. Les principales questions sont les suivantes : Page 1 1. Lieu et nature de l’événement Lieu (A) Nature des faits (B) Circonstances (C) Récidive (D) Cause probable ou élément déclencheur (E) 2. Auteur de l’acte de violence Identification Page 2 3. Intervenants (F) 4. Interventions 5. Résultats des interventions (G) 6. Suivi auprès de l’employé (H) 7. Coûts Circonstances (suite) Page 3 Annexe I au rapport d’événement Page 4 Annexe 2 au rapport d’événement
05 02 39 Page : 6 [17] Il n’est pas contesté que le demandeur soit visé par les événements ayant donné naissance au document en litige. D’ailleurs, il a reçu du Ministère l’avertissement administratif prévu à l’article 5.2.1 lié à ce Formulaire (pièce D-1) : 5.2.1 Avertissement administratif L'avertissement administratif consiste en une lettre expédiée par la direction de l'unité administrative visée par l'acte de violence à l'auteur de cet acte. Il rapporte les faits, invite la personne à collaborer avec la Direction et l'informe des conséquences possibles de son acte. Ce moyen est utilisé en cas d'expressions méprisantes, blessantes, de propos grossiers ou injurieux, de jurons contre l'employé, d'insultes, de menaces voilées très diffuses, de chantage voilé, de menaces d'entrave etc. [18] J’en conclus que le document en litige concerne bien le demandeur au sens de l’article 83 de la Loi et qu’il peut en obtenir copie, sauf les renseignements, selon l’article 14 de la Loi, répondant aux critères de l’article 88 de la Loi : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
05 02 39 Page : 7 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [19] J’ai examiné attentivement le document en litige. Je suis d’avis que les renseignements se trouvant aux parties ci-après identifiées sont purement factuels et n'apprendraient rien au demandeur qu’il ne sache déjà : Page 1 1. Lieu et nature de l’événement Lieu (A) Nature des faits (B) Circonstances (C) Cause probable ou élément déclencheur (E) 2. Auteur de l’acte de violence Page 2 Les parties 3 à 7 n’ayant aucune inscription Page 3 Les 2 e , 4 e et 5 e paragraphes ainsi que le 7 e et dernier paragraphe de l’annexe 1. [20] Toutefois, le demandeur ne pourra obtenir les renseignements susceptibles de lui révéler vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique que lui, soit : Page 1 1. Lieu et nature de l'événement Récidive (D)
05 02 39 Page : 8 Page 2 La partie « Circonstances (suite) » Page 3 • Les 3 premières lignes de l’annexe 1 • Les 1 er , 3 e et 6 e paragraphes de l’annexe 1 Page 4 • Les 3 paragraphes de l’annexe 2. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [21] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [22] ORDONNE au Ministère de communiquer au demandeur le document en litige, à l’exception des parties suivantes : Page 1 1. Lieu et nature de l'événement Récidive (D) Page 2 La partie « Circonstances (suite) » Page 3 • Les 3 premières lignes de l’annexe 1 • Les 1 er , 3 e , et 6 e paragraphes de l’annexe 1 Page 4 Les 3 paragraphes de l’annexe 2.
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