Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 17 49 Date : 12 octobre 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Ministère de l’Environnement et de la Faune Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE La DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 5 septembre 2004, le demandeur requiert de M. Thomas Mulcair, ministre de l’Environnement, ci-après désigné « l’organisme »: […] Le plan d’urgence que le ministère de l’Environnement entend mettre en application lors d’une catastrophe environnementale d’envergure mettant en cause un avion rempli de pesticides/insecticides/fongicides heurtant de plein fouet plusieurs maisons situées au cœur d’un village ou encore s’écrasant dans une rivière source d’eau potable. […]
04 17 49 Page : 2 [2] Le 29 octobre suivant, par l’entremise de M e Liliane Côté Aubin, responsable de l’accès aux documents, l’organisme refuse de donner au demandeur l’accès au document convoité, invoquant à cet effet l’article 29 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »). [3] Insatisfait de cette réponse, le demandeur sollicite, le 5 novembre 2004, l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que soit révisée cette décision de l’organisme. L’AUDIENCE [4] Les parties sont entendues en audience, à Montréal, le 20 septembre 2005. L’organisme est représenté par M e Marie-Josée Bourgeault, de la firme d’avocats Bernard, Roy (Justice-Québec). LA PREUVE A) DE L’ORGANISME [5] M e Bourgeault fait témoigner M. Bob Van Oyen. Celui-ci déclare qu’il est directeur général du Centre de contrôle environnemental au Québec. Il est également responsable des urgences relatives à l’environnement. Ses principales fonctions consistent, entre autres, à mener des enquêtes en cette matière sur tout le territoire du Québec. [6] M. Van Oyen indique qu’il a pris connaissance de la demande et dépose confidentiellement le « Plan d’urgence » que souhaite obtenir le demandeur. Il émet des commentaires sur chaque page du document et réfère aux extraits que l’organisme consent à communiquer au demandeur. Il indique également que ce document décrit le rôle du Ministère en cas d’urgence environnementale; il traite des aspects technologiques, de la sécurité des interventions, des différents organismes. Ce document contient de plus des renseignements visant l’identité et les coordonnées des personnes ressources avec lesquelles les intervenants devront prendre contact, etc. Il traite également des obligations des employés de l’organisme et du processus à suivre selon la catégorie d’évènement. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 17 49 Page : 3 [7] Selon M. Van Oyen, l’organisme ne peut pas communiquer au demandeur les coordonnées de ces personnes-ressources, afin de ne pas nuire, par exemple, à l’engorgement des lignes téléphoniques en cas d’urgence. Il ajoute que ces renseignements doivent demeurer confidentiels, car un citoyen « peut mettre en branle le processus d’intervention » à l’insu de l’organisme. De plus, un citoyen peut créer une nuisance à l’organisme, en communiquant, par lien téléphonique, avec les personnes identifiées, ce qui risque également de créer un engorgement des lignes téléphoniques; il sera alors impossible à l’organisme de communiquer avec ces personnes. Selon M. Van Oyen, le refus de l’organisme de communiquer au demandeur les parties masquées du document en litige est axé sur le 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès, car leur divulgation risque de réduire l’efficacité d’un dispositif destiné à la protection d’un bien ou d’une personne, et ce, pour les motifs mentionnés notamment durant son témoignage. [8] Par ailleurs, M. Van Oyen souligne que le document en litige est un guide préparé par l’organisme pour lui permettre d’intervenir efficacement en cas d’urgence. C’est un document évolutif sur lequel des modifications ont été apportées. La quatrième mise à jour remonte au mois de mars 2003. B) TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR [9] Le demandeur déclare qu’il réside dans un village de 700 habitants où l’épandage des pesticides se fait par avion au moins quatre fois par année. Il est entouré de villages voisins où les résidents cultivent des champs de maïs. Il se dit préoccupé de ne pas être capable de connaître les mesures mises en place par l’organisme, afin de protéger et de conseiller les citoyens en cas d’urgence environnementale. Il prétend qu’après avoir vérifié auprès de la MRC de Maskoutin, celle-ci l’a informé qu’elle ignore l’existence d’un plan d’urgence environnemental. Il en est de même pour le Service de pompiers qui, en outre, ne possède pas les équipements appropriés pour intervenir adéquatement dans ce type de situation. [10] Le demandeur souligne qu’il souhaite avoir accès au document en litige afin de pouvoir le distribuer aux citoyens, car ceux-ci ont le droit de connaître les mesures à prendre en cas d’urgence. Pour faire valoir son point, il présente deux photographies (non cotées) sur lesquelles il émet des commentaires. Il affirme que des avions procèdent à l’épandage des pesticides à une basse altitude dans un secteur précis.
04 17 49 Page : 4 LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [11] M e Bourgeault fait un résumé du témoignage de M. Van Oyen, selon lequel les renseignements contenus dans un plan d’urgence environnemental servent à assurer la sécurité des biens ou des personnes selon les termes du 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès. Ce « Plan est un guide préparé par le ministère de l’Environnement pour lui permettre d’intervenir en situation d’urgence. » [12] M e Bourgeault plaide que ce document doit demeurer confidentiel afin de ne pas nuire aux intervenants qui travaillent dans ces circonstances, et ce, conformément à la décision Centre de micro-informatique c. Ville de Montréal 2 . [13] M e Bourgeault plaide également que le numéro de téléphone général des intervenants est accessible au demandeur, selon les termes du 1 er alinéa de l’article 57 de la Loi sur l’accès, à l’exception du numéro du poste de chacun d’eux. Celui-ci doit demeurer confidentiel pour les motifs invoqués par M. Van Oyen lors de son témoignage à l’audience, et ce, tel qu’en a décidé la Commission dans l’affaire Roslin c. Hydro-Québec. 3 : […] La preuve révèle que le demandeur a reçu une copie de ce document mais les numéros de téléphone ont été retranchés. Il s’agit d’un plan de mesures d’urgence qui est mis en œuvre lors d’un bris d’un barrage. […] […] Les autres numéros de téléphone ont été spécifiquement prévus pour l’opération des mesures d’urgence lors d’un bris du barrage. La Commission s’est déjà prononcée sur ce point dans l’affaire Nolin, citée ci-haut, la Commissaire s’exprimant ainsi : […] Quant aux autres renseignements, la soussignée s’estime satisfaite des explications fournies qu’ils sont névralgiques pour le bon fonctionnement du plan d’urgence. Le nom des personnes 2 [1992] C.A.I. 257. 3 C.A.I. Montréal, n o 97 13 06, 15 avril 1999, c. Iuticone.
04 17 49 Page : 5 associé à la fonction précise qui sera la leur et le numéro de téléphone permettant de les rejoindre constitue en fait une porte d’entrée dans le plan d‘urgence et un code pour s’y infiltrer. On peut penser par exemple qu’une personne mal intentionnée pourrait tenter de mobiliser le numéro de téléphone de ces personnes ou les personnes elles-mêmes en situation d’urgence. Ce document apparaît donc constitué, en substance, de renseignements dont la divulgation pourrait réduire l’efficacité d’un dispositif de sécurité que constitue le plan des mesures d’urgence. […] Le soussigné est d’opinion que la divulgation des numéros de téléphone, dans ce contexte d’urgence, risquerait d’entraver la bonne marche de ces mesures et réduire l’efficacité d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d’un bien ou d’une personne. Par conséquent, ces renseignements doivent être soustraits à l’accès en vertu du paragraphe 2 de l’article 29. […] [14] M e Bourgeault précise que cette décision vise l’accès par un demandeur à un « Plan d’urgence des mesures d’urgence de Gentilly 2 » préparé par Hydro-Québec. [15] Par ailleurs, M e Bourgeault souligne qu’elle comprend les craintes du demandeur relativement aux informations qu’il a ressorties durant son témoignage. Elle considère cependant que l’organisme était justifié de refuser au demandeur l’accès au document en litige en vertu de la loi. B) DU DEMANDEUR [16] Le demandeur indique que les noms et les coordonnées des intervenants devraient lui être divulgués, d’une part, afin d’être en mesure de les contacter en cas d’urgence environnementale, et d’autre part, afin de « les transmettre à la population et aux pompiers ». De plus, faisant référence à la décision Rolin c. Hydro-Québec précitée 4 , le demandeur précise qu’il réside dans « la zone 4 Id., note 3.
04 17 49 Page : 6 limitrophe de Gentilly 2 ». Pour ce dossier, les résidents de ce secteur avaient reçu des dépliants mentionnant les personnes à contacter en cas d’urgence. LA DÉCISION [17] Le demandeur cherche à obtenir une copie d’un « Plan d’urgence » préparé par l’organisme, afin qu’il puisse, entre autres, le distribuer aux résidents, au MRC Maskoutin et aux pompiers de son village. Ce principe général de droit d’accès que lui confère le législateur se trouve à l’article 9 de la Loi sur l’accès. Ce droit d’accès n’est pas absolu, et ce, en vertu des dispositions législatives prévues aux articles 18 à 41 de cette loi. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [18] Il importe de préciser que le demandeur n’est nullement obligé de fournir les motifs pour lesquels il désire avoir accès au document convoité et ce, conformément à la décision X c. Hôpital Saint-Sacrement 5 . [19] Par ailleurs, il est opportun de souligner que l’article 29 de la Loi sur l’accès retenu par l’organisme pour refuser au demandeur l’accès audit document, se trouve à la Section II (restrictions aux droits d’accès) du chapitre II (accès aux documents des organismes publics) de cette loi. Il fait donc partie de la liste d’articles (18 à 41) faisant l’objet de restrictions législatives. [20] L’article 29 de la Loi sur l’accès stipule que : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. 5 [1996] C.A.I. 33, 38.
04 17 49 Page : 7 [21] Le document en litige contient 22 pages. Les extraits masqués décrivent notamment le rôle de l’organisme en cas d’urgence. Ces extraits réfèrent de plus aux différents organismes et intervenants à aviser ou à consulter, etc. [22] Après avoir effectué un examen attentif de ce document, la soussignée considère que l’organisme était fondé de refuser au demandeur les extraits du document en litige, et ce, conformément à l’affaire Roslin c. Hydro-Québec précitée 6 et au 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès qui est un article impératif. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision du demandeur contre l’organisme; CONSTATE qu’à l’audience, l’organisme consent à communiquer au demandeur certaines parties du document en litige; REJETTE, quant au reste, cette demande; FERME le présent dossier portant le n o 04 17 49. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Marie-Josée Bourgeault BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) Procureurs de l’organisme 6 Id., note 3.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.