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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 17 01 Date : Le 6 décembre 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demanderesse c. RÉSEAU DE TRANSPORT DE LA CAPITALE Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS formulée en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 8 octobre 2004, la demanderesse sadresse à lorganisme afin dobtenir copie complète de tous les dossiers relatifs à ses entrevues et tests passés lors des processus de sélection de candidats pour un emploi de chauffeur au cours des années 1998, 2001 et 2004. [2] Le responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) refuse de lui communiquer copie des tests (questionnaires, examens, grilles dévaluation et autres) puisque ceux-ci sont toujours utilisés par lorganisme, invoquant à lappui de ce refus lexception à laccès prévue à larticle 40 de la Loi. [3] Le 3 novembre 2004, la demanderesse requiert la Commission de réviser cette décision et une audience se tient en la ville de Québec, le 20 septembre 2005. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée la « Loi ».
04 17 01 Page 2 LAUDIENCE A. LA PREUVE i) De lorganisme Témoignage de monsieur Pierre Bélanger [4] Monsieur Bélanger occupe le poste de directeur des ressources humaines de lorganisme. [5] Il explique en détail chacune des étapes du processus de recrutement des candidats au poste de chauffeur dautobus. [6] À létape de lentrevue dun candidat par un comité évaluateur composé de trois personnes, des questions sont posées au candidat et des notes sont prises par les évaluateurs selon un guide dentrevue précis sur lequel des espaces sont prévus pour les questions qui sont déjà formulées et pour linscription des réponses données. [7] Ensuite, chacun des évaluateurs appose sur une grille dévaluation son appréciation des réponses données au regard de chacun des critères à évaluer. Un consensus est atteint et une grille dévaluation unique est signée collectivement par les trois membres du comité. [8] Monsieur Bélanger ajoute que les documents dévaluation mentionnés aux deux paragraphes précédents pour les processus de recrutement des années 1998 et 2001 visées par la demande daccès ont été détruits. [9] En effet, déclare-t-il, ces documents ne sont conservés que pendant une année seulement en raison de la trop grande quantité de papier que ces processus génèrent et en raison des coûts élevés de conservation et darchivage. [10] Lorganisme ne détient donc que les documents relatifs au dernier processus de recrutement qui sest déroulé en 2004. [11] Dans le cas qui nous occupe, le témoin explique que le guide dentrevue comprend 20 questions (certaines comprenant des sous-questions) et, sous
04 17 01 Page 3 chacune des questions, les inscriptions des évaluateurs servant daide-mémoire des réponses données, le tout, sur 11 pages dont la première contient le nom de la demanderesse, la date de lentrevue et la signature de lévaluateur. Nous avons donc ici trois grilles dentrevue puisque le comité dévaluation était composé de trois personnes. [12] Ces trois guides de questions-réponses sont accompagnés, chacun, dune grille dévaluation dune page sur laquelle apparaissent 20 critères au regard desquels lévaluateur doit apposer une cote allant de A (la meilleure note) à F (la pire note) en passant par la cote moyenne C (satisfaisante). Nous avons donc trois grilles dévaluation, chacune signée par un évaluateur. Ces grilles comportent aussi le nom de la demanderesse et la date de lentrevue. [13] Un dernier document sajoute à ces deux séries de documents. Il sagit dune autre grille dévaluation composée des mêmes critères qui sont cotés par consensus de A à F. Cette grille est signée par les trois membres du comité dévaluation et porte le nom de la demanderesse et la date de lentrevue. [14] Monsieur Bélanger dépose entre les mains de la Commission les trois guides de questions-réponses, les trois grilles individuelles dévaluation et la grille dévaluation par consensus. [15] Il déclare que lorganisme a fait parvenir le 5 juillet 2005 à la demanderesse, qui le reconnaît, les documents administratifs quil dépose sous les cotes O-1 à O-13. [16] Monsieur Bélanger ajoute que le 22 juillet suivant, lorganisme a fait parvenir à la demanderesse une copie épurée de la grille dévaluation en consensus signée par les trois évaluateurs. Cette copie épurée est déposée sous la cote O-14. [17] Le témoin déclare que lorganisme a ainsi voulu révéler à la demanderesse les critères auxquels elle navait pas satisfait. En effet, la demanderesse avait clairement manifesté son désir de connaître les raisons pour lesquelles sa candidature navait pas été retenue. [18] Le témoin déclare que la demanderesse na pas satisfait à 5 des 20 critères et quà son avis, la divulgation de ces seuls 5 critères sur les 20 qui ont été évalués ne peut porter préjudice à la réutilisation du même test par lorganisme lors des prochains processus de recrutement.
04 17 01 Page 4 [19] Il est toutefois convaincu que la divulgation des 20 critères risquerait vraisemblablement de « brûler » lentrevue, de la rendre inutilisable lors des futurs recrutements et dainsi nuire à lintégrité du processus de sélection dans son ensemble. [20] Il en est de même pour tous les autres documents en litige, affirme-t-il. [21] Le témoin Bélanger est en effet davis quune entrevue est « brûlée » dès que certains des candidats connaissent les critères puisque ces derniers peuvent dès lors, à partir de cette connaissance, se forger le profil désiré pendant lentrevue ou du moins, tenter de le faire. [22] Monsieur Bélanger déclare quil est de lintention de lorganisme de réutiliser ces guides dentrevues et les grilles de critères à évaluer pour les recrutements des futurs chauffeurs. Il est convaincu que la divulgation des documents en litige empêcherait telle réutilisation. [23] Il ajoute que la confection de ces tests est très onéreuse et que préserver leur intégrité est aussi une source déconomie appréciable pour lorganisme. ii) De la demanderesse [24] La demanderesse confirme son intérêt à connaître tous ses résultats. B. LES ARGUMENTS i) De lorganisme [25] Lavocate de lorganisme plaide que la preuve démontre que lorganisme ne détenait plus les tests des années 1998 et 2001 au moment de la réception de la demande daccès. Il ny a donc pas « détention » de document au sens de larticle 1 de la Loi à leur égard. [26] Quant aux documents détenus au sens de larticle 1, elle soutient que la preuve établit que les critères dapplication de larticle 40 développés par la jurisprudence 2 sont tous satisfaits. 2 Therrien c. Montréal (Ville de), [2001] CAI 208; Jodoin, Jacques c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, CAI Montréal 00 18 11, le 5 avril 2002, C. Constant, commissaire; X c. Société de transport de Montréal, CAI Québec 02 18 67, le 16 février 2004, H. Grenier, commissaire.
04 17 01 Page 5 [27] En effet, le témoignage de monsieur Bélanger établit que les documents en litige forment une épreuve au sens de larticle 40 de la Loi et que lorganisme a lintention de les utiliser lors des prochains appels de candidature pour le poste de chauffeur dautobus. ii) De la demanderesse [28] La demanderesse ne fait valoir aucun argument, sen remettant à la décision de la Commission. DÉCISION [29] Lapplication des articles 83, 87 et 40 de la Loi dispose du litige : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à
04 17 01 Page 6 l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. [30] Jai examiné les documents en litige. [31] La preuve établit que lorganisme ne détient pas dautres documents que ceux désignés au paragraphe suivant, lesquels concernent le recrutement de lannée 2004 seulement. [32] Ces documents se divisent en deux catégories, savoir : (a) les trois guides dentrevue qui se composent des questions et des réponses de la demanderesse succinctement notées par chacun des trois évaluateurs et (b) les grilles dévaluation individuelles de chacun des trois évaluateurs et la grille dévaluation constatant le consensus des trois évaluateurs, sur lesquelles grilles apparaissent les cotes accordées (de A à F) pour chacun des 20 critères dévaluation. (a) Les guides [33] La partie questionnaire des trois guides dentrevue forme lépreuve visée par larticle 40 de la Loi. Je suis davis que les notes manuscrites des évaluateurs rapportant les réponses données par la demanderesse peuvent, en même temps que receler des renseignements personnels auxquels la demanderesse devrait avoir accès en principe, révéler les questions posées ou, à loccasion, des commentaires de lévaluateur qui relient une question à un ou plusieurs des 20 critères dévaluation. [34] La preuve me convainc que la divulgation de ces guides tels que complétés par les évaluateurs aurait pour effet de révéler de façon significative des éléments de lépreuve et, à loccasion, le lien entre une question précise et un ou lautre des 20 critères. [35] Les documents en litige de la catégorie (a) sont visés par lexception prévue à larticle 40 de la Loi (section II du chapitre II) et lorganisme était fondé dexercer la faculté quil avait den refuser la communication sur cette base.
04 17 01 Page 7 (b) Les grilles [36] Les grilles révèlent les résultats de la demanderesse en regard de chacun des 20 critères dévaluation que lépreuve cherchait à mesurer. [37] Je suis davis quun document qui illustre lappréciation et le résultat de la performance dun candidat à la passation dun test contient indéniablement, en substance, des renseignements personnels concernant ce candidat, renseignements auxquels le candidat devrait avoir accès en principe, conformément à larticle 83 de la Loi. [38] Tout document constatant lappréciation et le résultat de la performance dun candidat na aucune signification pour ce dernier sans la connaissance des critères sur lesquels se base lévaluation. [39] En effet, à quoi sert de connaître la note accordée si on ignore quel critère elle veut mesurer. [40] Je suis davis que la divulgation à la demanderesse du résultat de sa performance par rapport aux 20 critères sur lesquels est basée son évaluation ne compromet pas la validité de lépreuve (i.e. les questions posées) pour le futur ou lopportunité de son utilisation dans un avenir prochain. [41] En effet, les critères en cause ici sont objectifs, ne sont pas pondérés les uns par rapport aux autres et sont libellés en termes très généraux. [42] Je suis convaincue que la divulgation de ces critères ne révèle rien à quiconque du contenu spécifique de lépreuve, savoir les questions posées. [43] La connaissance à lavance, par un candidat, de tels critères généraux ne peut donc vraisemblablement lui permettre de se forger un profil favorable au jour de lentrevue puisquil nest pas possible à ce candidat qui ignore à lavance les questions quon lui posera de relier, de façon certaine, telle question à la mesure de tel critère. [44] Tant que ne sont pas décelables les questions posées et les réponses attendues, la divulgation de lappréciation et du résultat de la performance dun candidat eu égard à ce test, apparaissent par ailleurs les critères dévaluation, ne peut être refusée sur la base de larticle 40 de la Loi au candidat concerné qui les demande.
04 17 01 Page 8 [45] Je suis davis quen lespèce, la demanderesse doit avoir accès aux quatre grilles dévaluation. Lopinion de lauteur de lévaluation constitue-t-elle un renseignement nominatif concernant ce dernier ? [46] Il convient en dernier lieu de statuer sur cette question étant donné que la Commission doit protéger doffice les renseignements nominatifs se trouvant dans un document détenu par un organisme. [47] Lévaluation faite par le membre dun comité dévaluation révèle manifestement lopinion de cet évaluateur sur le candidat. Cette opinion constitue un renseignement personnel sur cet évaluateur. Toutefois, il sagit dune opinion quil émet dans lexécution de ses fonctions, cest-à-dire dans laccomplissement du travail quon attend de lui et pour lequel il est payé. [48] La preuve établit que les membres du comité dévaluation sont des membres du personnel de lorganisme. [49] Je suis davis que lémission de cette opinion est reliée à la fonction quil occupe et non à sa personne comme individu. Lopinion dun membre du personnel dun organisme public, dans lexercice de ses fonctions, nest pas de nature nominative à son égard. Cette opinion est revêtue dun caractère public en vertu des paragraphes 1° et 2° de larticle 57 de la Loi : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; […]
04 17 01 Page 9 [50] De surcroît, protéger cette opinion de toute divulgation viderait de son sens les articles 83 et suivants de la Loi consacrant le droit daccès du citoyen aux renseignements que lÉtat détient sur lui. À ce compte, en poussant à lextrême cette protection quil faudrait accorder aux opinions des membres du personnel dun organisme public dans lexercice de leurs fonctions, un élève dune école publique ne pourrait connaître quel professeur lui a attribué telle note à tel examen, ce qui serait une aberration, bien sûr. [51] On peut raisonnablement supposer que le législateur avait, entre autres, ce type de renseignements en tête lorsquil édicta, immédiatement après larticle 57, larticle 58 de la Loi 3 : 58. Le fait qu'une signature apparaisse au bas d'un document n'a pas pour effet de rendre nominatifs les renseignements qui y apparaissent. [52] En lespèce, le contenu des grilles dévaluations ne constitue pas des renseignements nominatifs concernant les auteurs de ces opinions dévaluation. [53] POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à lorganisme de remettre à la demanderesse les quatre grilles dévaluation; et REJETTE quant au reste la demande de révision. DIANE BOISSINOT commissaire Avocate de lorganisme : M e Louise Brisset des Nos 3 Lire à ce propos Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à linformation. Loi annotée, Editions Yvon Blais, 2001, volume 1, III-58/1 à 3.
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