Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 17 43 Date : 15 septembre 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Ville de Laval Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [1] Le 1 er septembre 2004, la demanderesse s’adresse à la Ville de Laval, ci-après désignée « l’organisme », afin d’obtenir une copie d’un rapport d’évènement rédigé à la suite d’un évènement survenu le 15 juin précédent. [2] Après avoir extrait les renseignements nominatifs, dont l’identité des personnes mineures, M. Jean-Pierre Gariépy, Directeur et alors responsable de l’accès aux documents de l’organisme, transmet le 20 octobre suivant, à la demanderesse une copie élaguée du document recherché.
04 17 43 Page : 2 [3] Le 4 novembre 2004, la demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») pour que soit révisée la décision de l’organisme. L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause se tient, à Montréal, le 24 août 2005, en présence de la demanderesse. M e Geneviève Asselin, du cabinet d’avocats Allaire & Associés, est l’avocate de l’organisme. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME I) TÉMOIGNAGE DE M. SERGE BÉLISLE [5] M e Geneviève Asselin fait entendre, sous serment, M. Serge Bélisle. Celui-ci déclare qu’il est directeur adjoint et responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels. Il affirme que M. Gariépy a reçu la demande et a fait parvenir à la demanderesse une copie élaguée du rapport d’évènement, et ce, après avoir extrait les renseignements nominatifs. Ceux-ci sont constitués notamment de l’identité d’une personne considérée comme « un suspect », les coordonnées de personnes mineures et leurs déclarations respectives. [6] M. Bélisle ajoute que ce rapport a été rédigé à la suite d’une plainte portée auprès du Service de police de l’organisme relativement au vol du cyclomoteur du fils de la demanderesse survenu le 15 juin 2004 (pièce O-1). M. Bélisle indique que, d’un point de vue de policier, il a vérifié la manière selon laquelle l’enquête policière a été menée dans ce dossier et la pertinence des statuts accordés aux personnes mineures mentionnées. Il a alors demandé à l’inspecteur-chef Michel Richard de procéder à une autre vérification. Il a constaté qu’à la lumière des renseignements recueillis, l’enquête policière n’a pas permis d’identifier le ou les auteurs du vol, les personnes impliquées, etc. Il souligne de plus que les trois personnes mineures n’ont pas fait l’objet de poursuite de nature pénale ou criminelle selon les termes de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents 1 (la « LSJPA »). Il a donc modifié leur statut et les a qualifiés de « témoins » aux fins d’identité dans le Centre de renseignements policiers du Québec (le « C.R.P.Q. »). 1 [2002] ch. 1.
04 17 43 Page : 3 [7] Après avoir procédé à l’examen des renseignements contenus dans chaque page du rapport d’enquête, l’organisme consent, par l’entremise de M e Asselin, à communiquer à la demanderesse des documents supplémentaires. II) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [8] La demanderesse reconnaît solennellement que l’identité des personnes physiques, dont celles des personnes mineures mentionnées dans le rapport d’évènement doit demeurer confidentielle. Par contre, elle dit vouloir connaître leur identité, afin qu’ils soient tenus responsables de leurs actes, car ils ont commis des dommages au montant de 1 447 $ au cyclomoteur de son fils qui a été retrouvé. LES ARGUMENTS DE L’ORGANISME [9] M e Asselin résume le témoignage de M. Bélisle ayant particulièrement indiqué que l’identité des personnes mineures est protégée par l’organisme en vertu de l’article 119.4 de la LSJPA. L’avocate fait ressortir de plus que ces personnes n’ont pas fait l’objet d’accusation de nature criminelle ou pénale. Elle plaide que divulguer les renseignements nominatifs les concernant, leur déclaration respective et leurs coordonnées risque de leur causer un préjudice, car ils n’ont pas été les auteurs du crime ou des infractions commis à l’égard du cyclomoteur du fils de la demanderesse. Celle-ci n’est pas une personne impliquée dans le rapport d’évènement, mais son fils qui est propriétaire du cyclomoteur (pièce O-1 précitée). L’avocate invoque respectivement l’article 28, 5 e paragraphe et l’article 59, 9 e paragraphe de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (« La Loi sur l’accès »), et ce, conformément, entre autres, aux décisions Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard c. Ministère de la Sécurité publique 3 et Commission scolaire des Chênes c. Ministère de la Sécurité publique 4 . LA DÉCISION [10] La demanderesse a utilisé son droit fondamental, selon les termes de l’article 9 de la Loi sur l’accès, afin d’obtenir une copie d’un rapport d’évènement concernant une autre personne physique. 2 L.R.Q., c. A-2.1. 3 [2003] C.A.I. 497. 4 [2004] C.A.I. 289.
04 17 43 Page : 4 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [11] Les documents en litige sont : a) un document identifiant trois personnes physiques, comportant leur date de naissance respective (1 page) à laquelle est annexé un « rapport d’enquête complémentaire » portant la signature de l’enquêteur, M. Richard (2 pages); b) un rapport d’évènement (7 pages) comportant, outre l’identité du fils de la demanderesse, celle de deux autres personnes physiques, avec leur date de naissance, leur taille respective, leur adresse, leur numéro de téléphone, leur sexe, leur occupation, etc.; c) Une autre série de documents (8 pages) contient une déclaration statutaire de l’individu considéré comme « suspect » par l’organisme. L’on y retrouve également des renseignements démontrant la manière selon laquelle l’enquêteur a mené son enquête relative au vol du cyclomoteur, les personnes qu’il a rencontrées; d) Un autre document signé par le « suspect » intitulé « Loi sur les jeunes contrevenants. » [12] La preuve démontre clairement que dévoiler l’identité des personnes, leurs coordonnées respectives et la déclaration qu’ils ont faite aux enquêteurs de l’organisme risque effectivement de leur causer un préjudice au sens de l’article 28, 5 e paragraphe de la Loi sur l’accès. Par ailleurs, comme il est indiqué dans la décision X c. Ville de Terrebonne 5 , le mot « préjudice » n’étant pas défini dans la Loi sur l’accès, il est opportun de l’examiner selon son sens usuel. Le dictionnaire Petit Larousse illustré le définit comme suit : Atteinte aux droits, aux intérêts de quelqu’un, tort, dommage, causer un préjudice, porter un préjudice à quelqu’un. [13] De plus, considérant la preuve recueillie et l’examen des documents produits confidentiellement à l’audience, la soussignée est d’avis que le responsable de l’accès était fondé de refuser de dévoiler à la demanderesse 5 [2003] C.A.I. 482, 484, 485 et 487.
04 17 43 Page : 5 l’identité des personnes mineures mentionnées dans le rapport ainsi que les autres renseignements nominatifs pour les motifs déjà indiqués. [14] Par ailleurs, il est opportun d’indiquer que l’article 119.4 de la LSJPA (de compétence fédérale) décrit les personnes pouvant avoir accès aux renseignements contenus dans un dossier concernant une personne mineure dans des conditions bien définies. Ce sont, entre autres, à un agent de la paix, le procureur général, un membre d’un groupe consultatif, etc. Cependant, l’article 53 de la Loi sur l’accès (de compétence provinciale) s’interprète de façon restrictive et revêt un caractère d’ordre public, et ce, tel qu’il est mentionné dans la décision Commission des Chênes 6 précitée. Les renseignements nominatifs doivent demeurer confidentiels. La soussignée considère que ces deux articles s’interprètent différemment; il n’y a pas d’incompatibilité entre eux. Article 119.4 de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents 119. (1) Sous réserve des paragraphes (4) à (6), lorsqu'elles en font la demande, les personnes ci-après, à compter de la création du dossier jusqu'à l'expiration de la période applicable visée au paragraphe (2), ont accès aux dossiers tenus en application de l'article 114 et peuvent avoir accès aux dossiers tenus en application des articles 115 et 116 : […] (4) Seules les personnes mentionnées ci-après ont accès au dossier tenu en application des articles 115 ou 116 à l'égard des mesures extrajudiciaires, à l'exception des sanctions extrajudiciaires, dont a fait l'objet un adolescent, et uniquement dans les cas suivants : a) un agent de la paix ou le procureur général, pour décider s'il convient d'avoir encore recours à de telles mesures à l'égard de l'adolescent; b) un membre d'un groupe consultatif, pour décider laquelle de ces mesures convient en l'espèce; c) un agent de la paix, le procureur général ou un membre d'un groupe consultatif, lorsque l'accès s'avère nécessaire pour traiter du cas visé par le dossier; 6 Id., note 4, p. 289-298.
04 17 43 Page : 6 d) un agent de la paix, dans le cadre d'une enquête sur une infraction. […] [15] Par ailleurs, il importe de souligner qu’il est clairement établi à l’audience, que la demanderesse n’est pas une personne impliquée dans le rapport d’évènement. Ce document ne la concerne pas non plus. Une autre personne physique est plutôt impliquée dans ce rapport, c’est-à-dire son fils (pièce O-1 précitée) qui est propriétaire du cyclomoteur. Elle cherche plutôt à obtenir des renseignements nominatifs concernant des personnes qui auraient causé des dommages de 1 447 $ à ce cyclomoteur afin que son fils soit capable de les réclamer auprès de ces personnes mineures ou de leurs tuteurs éventuellement. [16] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse contre l’organisme; CONSTATE que l’organisme a communiqué à la demanderesse des documents élagués; CONSTATE également qu’après examen des documents en litige à l’audience, l’organisme consent à communiquer à la demanderesse des documents supplémentaires; REJETTE, quant au reste, la demande de révision; FERME le présent dossier portant le n o 04 17 43. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Geneviève Asselin ALLAIRE & ASSOCIÉS Procureurs de l’organisme
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