Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 10 36 Date : 9 septembre 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demanderesse c. CHSLD DU LITTORAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION DU DOSSIER D’UN USAGER DÉCÉDÉ [1] Le 20 mai 2004, la demanderesse s’est adressée au CHSLD du Littoral (le « CHSLD ») pour obtenir la rectification de renseignements qui, selon ses prétentions, la concernent, sont inexacts et portent atteinte à sa réputation. Elle a précisé formuler sa demande à titre d’administratrice de la succession de sa mère décédée; les renseignements dont elle demande la rectification sont inscrits dans le dossier d’usager que le CHSLD détient sur sa mère. Le 17 juin 2004, la demanderesse requiert la révision du refus de la responsable de rectifier ces renseignements.
04 10 36 Page : 2 PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M me Diane Pellerin : [2] M me Diane Pellerin témoigne sous serment. Elle était, à la date de la demande de rectification du 20 mai 2004, responsable de l’accès et directrice des soins infirmiers et des services à la clientèle. [3] Elle a rencontré la demanderesse le 20 mai 2004; elle a par la suite, le 14 juin 2004 et le 8 juillet 2004, refusé d’acquiescer à cette demande de rectification (O-1, en liasse) et avisé la demanderesse qu’elle devait établir en quoi ses intérêts ou ses droits à titre d’administratrice de la succession de sa mère étaient mis en cause par cette rectification. Les renseignements en litige sont compris dans une évaluation psychosociale (O-2) de la mère de la demanderesse; cette évaluation est versée au dossier d’usager que le CHSLD détient sur la mère de la demanderesse. [4] La demanderesse invoquait l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne à l’appui de sa demande de rectification. L’évaluation psychosociale précitée comprend des renseignements qui indiquent que sa mère « était victime de violence physique de la part de cette fille chez qui elle habitait. » et « qu’une injonction a été demandée à la cour en 1997 interdisant la visite d’une des filles de Mme à celle-ci. ». La demanderesse, qui avait obtenu cette évaluation par l’entremise du Curateur public, prétendait que cette affirmation était diffamatoire à son sujet et qu’elle n’était pas celle qui avait violenté sa mère. Pour appuyer sa prétention, la demanderesse n’a fait voir à M me Pellerin qu’une infirme partie d’un document ne renseignant, sans plus, que sur son statut de témoin dans une affaire et devant un tribunal qu’elle a refusé de porter à la connaissance de M me Pellerin. [5] Bien que M me Pellerin ait requis de la demanderesse qu’elle produise des documents au soutien de sa prétention, la demanderesse s’est limitée à ne montrer que la partie d’un document sur laquelle son nom et son statut de témoin étaient inscrits. La demanderesse a alors ajouté qu’une « assignation de témoin » ne démontrait pas sa culpabilité dans quelque affaire. La demanderesse a refusé de renseigner M me Pellerin sur le tribunal et sur la nature de l’affaire en question; elle a indiqué que M me Pellerin devait tenir compte des renseignements qu’elle lui montrait, à savoir son nom et son statut de témoin.
04 10 36 Page : 3 [6] La demanderesse n’a pas fourni de motifs à titre d’héritière et d’administratrice de la succession de sa mère pour appuyer sa demande de rectification. Elle a invoqué l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne et précisé qu’elle demandait la rectification des renseignements précités parce qu’ils portaient atteinte à sa réputation. [7] M me Pellerin a donc refusé (O-1, en liasse) d’acquiescer à la demande de rectification ainsi qu’à la demande de justification qui lui était adressée simultanément. Ce refus a mis fin aux échanges intervenus entre elle et la demanderesse. Contre-interrogatoire de M me Diane Pellerin : [8] La demanderesse lui a montré un document de plusieurs pages. M me Pellerin n’a cependant pu voir qu’une page qui était presque entièrement masquée et ainsi avoir accès à la section témoin qui comprenait le nom de la demanderesse; elle ne se rappelle pas s’il y avait sur cette page une suite de chiffres servant à l’énumération d’autres témoins. M me Pellerin se rappelle par ailleurs que la demanderesse a refusé que cette page presque entièrement masquée soit photocopiée et qu’elle lui a indiqué qu’elle devait se limiter à constater ce qui lui était montré. [9] M me Pellerin se rappelle que la demanderesse était toujours accompagnée d’une autre personne. [10] M me Pellerin a requis la production de documents qui lui permettraient de se questionner sur l’exactitude des renseignements dont la rectification était exigée et qui étaient compris dans l’avis d’un professionnel. M me Pellerin n’a pu voir que le nom de la demanderesse en lien avec son statut de témoin, le tout dans un contexte sur lequel la demanderesse a refusé de la renseigner. [11] M me Pellerin s’est entretenue avec la demanderesse qui lui a présenté une demande de rectification de renseignements qui ne la nomment pas. La demanderesse lui a indiqué être la fille chez qui sa mère habitait au cours de la période visée par ces renseignements; M me Pellerin lui a demandé des renseignements concernant le contexte dans lequel elle avait été citée à comparaître comme témoin. M me Pellerin voulait que la demanderesse la renseigne sur l’inexactitude des renseignements qu’elle voulait voir rectifiés. [12] La demanderesse a nommé 2 personnes au sujet desquelles M me Pellerin n’a rien répondu.
04 10 36 Page : 4 Témoignage de M me Manon Boileau : [13] M me Manon Boileau témoigne sous serment. Elle est travailleuse sociale et elle exerce ses fonctions au CHSLD depuis 1985. Elle intervenait à la Résidence (ou Pavillon) de Boucherville, qui est un établissement du CHSLD, au cours de la période durant laquelle la mère de la demanderesse y a résidé. [14] M me Boileau a connu la mère de la demanderesse en raison de son admission à la résidence susmentionnée, en février 1997; la décision de l’admettre avait été prise parce qu’elle était en situation d’urgence. M me Pellerin avait accueilli la mère de la demanderesse puisque M me Boileau ne travaillait pas le jour de son admission. M me Boileau a donc rencontré la mère de la demanderesse dans les quelques jours qui ont suivi son admission. [15] M me Boileau continue son témoignage ex parte; ce témoignage porte sur les renseignements qui sont en litige. Contre-interrogatoire de M me Manon Boileau : [16] M me Boileau avait obtenu les renseignements qui sont en litige à partir de l’évaluation (CTMSP) que la travailleuse sociale Marie-France Roy du CLSC Simonne Monet-Chartrand avait préparée pour l’hébergement de la mère de la demanderesse au CHSLD, en février 1997. M me Boileau avait aussi verbalement communiqué avec M me Roy à l’occasion de l’admission de la mère de la demanderesse au CHSLD (Résidence de Boucherville). Témoignage du D r Jean-Claude Doyon : [17] Le D r Doyon témoigne sous serment. Il est, depuis 1973, médecin en résidence au CHSLD (Résidence de Boucherville). La mère de la demanderesse a été sa patiente alors qu’elle y vivait, et ce, jusqu’à son décès; le D r Archambault, dont le D r Doyon avait pris la relève, soignait la mère de la demanderesse depuis son arrivée à cette résidence du CHSLD, en 1997. [18] Le D r Doyon reconnaît la note qu’il a signée (O-1, en liasse) le 15 novembre 2000, alors que la mère de la demanderesse venait d’être hospitalisée en raison de problèmes cardiaques. Dans cette note :
04 10 36 Page : 5 • il confirme que la mère de la demanderesse est considérée inapte physiquement et mentalement à gérer ses biens et à prendre soin d’elle-même; • il mentionne qu’une curatelle publique semble indiquée pour cette personne, « tenant compte du fait qu’aucun membre de sa famille n’est apte à prendre cette charge. ». [19] Le D r Doyon explique que la mère de la demanderesse, bien qu’elle pouvait donner des avis, était en perte d’autonomie et avait besoin de support. Il ajoute que sa famille, à laquelle une demande avait été faite, n’avait pas répondu. Il avait su que la famille, invitée à une rencontre, ne s’était pas présentée et il avait conclu que personne n’était apte, c’est-à-dire prêt ou disponible pour la prendre en charge. Il convient que le mot « apte », qualifiant les membres de la famille de la mère de la demanderesse, pourrait être remplacé par le mot « disponible » et il ne s’objecte pas à cette rectification. [20] Le D r Doyon n’a rencontré personne de la famille de la mère de la demanderesse qui se soit déclaré prêt à la prendre en charge. Contre-interrogatoire du D r Doyon : [21] L’utilisation du mot « apte » pour qualifier les membres de la famille de la mère de la demanderesse quant à la prise en charge de celle-ci ne résulte pas d’une évaluation médicale. ii) de la demanderesse [22] La demanderesse a montré à M me Pellerin un document sur lequel étaient inscrits le numéro d’un dossier judiciaire pour qu’elle le prenne en note ainsi que l’adresse où résidait sa mère; cette adresse était alors différente de celle de la demanderesse. M me Pellerin a requis le nom de la personne concernée par le dossier judiciaire afin de rectifier les renseignements en litige; la demanderesse a refusé. [23] La demanderesse est celle chez qui sa mère a habité. Aucun « ordre de cour » n’a été en vigueur la concernant. Les renseignements dont elle demande la rectification n’ont pas été vérifiés et s’appuient du ouï-dire.
04 10 36 Page : 6 [24] La demanderesse a obtenu du Curateur public le rapport d’évaluation psychosociale du CHSLD qui concerne sa mère et qui comprend les renseignements en litige. Elle indique que « l’ordre de cour » auquel réfère ce rapport n’était pas en vigueur; à son avis, ce renseignement ne devait ni être inscrit dans le dossier de sa mère ni être communiqué au Curateur public. Elle affirme qu’une personne l’avait menacée de lui « mettre un ordre de cour » pour l’empêcher de s’approcher de sa mère; la demanderesse a donné ce nom à M me Pellerin afin qu’elle conclue qu’il s’agissait de la personne qui est à l’origine de la diffamation dont elle prétend être l’objet. [25] La demanderesse a communiqué à M me Pellerin le nom de 2 personnes qu’elle considère être à l’origine de la diffamation dont elle est l’objet; ces personnes ne sont « pas les travailleuses sociales, ni les directrices. ». Ces personnes sont celles qui avaient menacé la demanderesse de « lui planter un ordre de cour. ». Elle a considéré que l’absence de réponse de M me Pellerin concernant ces personnes confirmait qu’elles étaient les auteurs de la diffamation. [26] La demanderesse considère qu’elle n’a pas à prouver que les renseignements dont elle requiert la rectification sont inexacts. À son avis, l’organisme a le fardeau de démontrer la véracité de ces renseignements. [27] La demanderesse prétend qu’à l’époque, personne ne l’a appelée concernant la prise en charge de sa mère et elle exige que la note du D r Doyon soit complétée à cet effet. Elle prétend qu’elle était apte à s’occuper de sa mère. [28] La demanderesse reconnaît par ailleurs que la Cour supérieure a convoqué la famille de la mère de la demanderesse à une assemblée de parents, alliés et amis incluant la demanderesse et que personne ne s’est présenté à cette assemblée. [29] La demanderesse précise enfin que sa demande de rectification n’a aucun rapport avec sa qualité d’héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère. ARGUMENTATION i) de l’organisme [30] La demanderesse s’est adressée à l’organisme pour obtenir la rectification de renseignements compris dans un rapport d’évaluation psychosociale que le
04 10 36 Page : 7 directeur général du CHSLD a préparé le 6 décembre 1999. Selon la demanderesse, ces renseignements, qu’elle considère inexacts et diffamatoires, devaient aussi être justifiés par le CHSLD. [31] La responsable a refusé d’acquiescer à ces demandes en vertu des articles 89 et 89.1 de la Loi sur l’accès 1 . [32] La responsable devait, en vertu de l’article 89.1 de la Loi sur l’accès, refuser d’accéder à la demande de rectification du 20 mai 2004 parce que cette demande mettait en cause les intérêts et droits personnels de la demanderesse, non pas ses droits à titre d’héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère. La preuve démontre particulièrement que la demanderesse a exigé la rectification de renseignements qu’elle considère diffamatoires à son sujet. [33] La demanderesse n’a aucunement démontré les droits qu’elle entendait exercer en qualité d’héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère. [34] La preuve démontre que la responsable n’a jamais pu savoir quels étaient les droits que la demanderesse entendait exercer, exception faite d’un droit à « l’intégrité de sa réputation ». [35] La demanderesse ne pouvait faire rectifier un renseignement inscrit au dossier de sa mère. [36] La demanderesse, qui n’a pas droit d’accès au dossier d’usager de sa mère décédée (dossier CAI 04 10 37), tel qu’il est détenu par le CHSLD, n’a pas, en conséquence, le droit de le faire rectifier. [37] La demanderesse n’a présenté, ni à la responsable ni à la Commission, aucune preuve valable qui ait pu convaincre de l’inexactitude des renseignements visés par sa demande. [38] La demanderesse a démontré, en alléguant l’atteinte à sa réputation, que sa demande est motivée par des intérêts strictement personnels. Elle a également démontré que sa demande ne concernait nullement les intérêts de sa mère. Sa demande de révision doit être rejetée en conséquence. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 10 36 Page : 8 ii) de la demanderesse [39] Le CHSLD n’a aucunement prouvé que la demanderesse avait fait l’objet d’un « ordre de cour ». [40] Le D r Doyon a admis son erreur; cette erreur doit être rectifiée. DÉCISION [41] La demanderesse requiert la rectification de renseignements qu’elle prétend nominatifs à son sujet, qui sont inscrits dans le dossier d’usager de sa mère décédée en mars 2003 et qui, selon ce qu’elle avance, seraient inexacts et porteraient atteinte à sa réputation. La demanderesse souhaite donc faire rectifier un dossier d’usager confidentiel qui n’est pas le sien, dossier auquel elle n’a pas droit d’accès (dossier CAI 04 10 37, décision du 8 septembre 2005). [42] Le dossier d’usager de la mère de la demanderesse est détenu par un CHSLD qui, à titre d’établissement de santé ou de services sociaux, est un organisme public au sens de l’article 7 de la Loi sur l’accès. Le droit de rectification de renseignements nominatifs inscrits dans les dossiers d’usagers détenus par un établissement de santé ou de services sociaux est régi par la Loi sur l’accès, la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2) étant muette à ce sujet; les articles 89 et suivants de la Loi sur l’accès s’appliquent donc à la demande de rectification de la demanderesse ainsi qu’à sa demande de révision. [43] La preuve démontre que la demanderesse s’est adressée au CHSLD, le 20 mai 2004, à titre d’administratrice de la succession de sa mère. [44] Aucune preuve ne démontre que la rectification demandée le 20 mai 2004 met en cause les intérêts ou les droits de la demanderesse à titre d’administratrice de la succession de sa mère. La responsable devait, en vertu de l’article 89.1 de la Loi sur l’accès, refuser d’accéder à la demande de rectification du 20 mai 2004 : 89.1 Un organisme public doit refuser d'accéder à une demande de rectification d'un renseignement nominatif faite par l'administrateur de la succession, par le bénéficiaire d'une assurance-vie, par l'héritier ou le successeur de la personne concernée
04 10 36 Page : 9 par ce renseignement, à moins que cette rectification ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. [45] La preuve démontre que la demanderesse veut, à des fins qui lui sont personnelles, obtenir la rectification de renseignements qui sont inscrits dans le dossier d’usager de sa mère, dossier auquel elle n’a pas accès, et qui concernent en premier lieu l’évaluation psychosociale de sa mère. [46] La demanderesse ne peut, en vertu de l’article 89 de la Loi sur l’accès, exiger la rectification des renseignements en litige qui concernent en premier lieu sa mère. La responsable du CHSLD ne pouvait, en conséquence, acquiescer à cette demande de rectification que la demanderesse a adressée à des fins qui lui sont personnelles : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. [47] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Christiane Lepage Avocate de l’organisme
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