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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 10 37 Date : 8 septembre 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demanderesse c. CHSLD DU LITTORAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS AU DOSSIER DUN USAGER DÉCÉDÉ [1] La demanderesse sest adressée au CHSLD du Littoral (le « CHSLD ») pour obtenir une copie du dossier intégral de sa mère décédée. Elle a formulé sa demande à titre de descendante et dadministratrice de la succession de sa mère et elle a indiqué que cette demande était faite pour « raison médicale ». [2] Le 17 juin 2004, la demanderesse requiert la révision du refus de la responsable dacquiescer à sa demande daccès à ce dossier.
04 10 37 Page : 2 PREUVE i) de lorganisme Témoignage de M me Diane Pellerin : [3] M me Diane Pellerin témoigne sous serment. Elle était, à la date de la demande daccès, responsable de laccès ainsi que directrice des soins infirmiers et des services à la clientèle. [4] Elle a rencontré la demanderesse le 20 mai 2004; celle-ci voulait avoir accès au dossier dusager intégral de sa mère décédée. La demanderesse a précisé quelle formulait sa demande en qualité dadministratrice de la succession de sa mère et elle a établi son titre à laide de documents. Elle a, de la même façon, également établi sa filiation avec sa mère. [5] M me Pellerin a fourni un formulaire de demande daccès à la demanderesse; la demanderesse y a indiqué (O-1, en liasse) quelle voulait se voir remettre une copie du dossier dusager intégral de sa mère, ce, pour une raison médicale indéterminée. M me Pellerin a, en vain, tenté dobtenir des précisions relatives à cette raison médicale compte tenu des dispositions législatives applicables à laccès au dossier dun usager décédé et parce que la demande visait la communication du dossier intégral de la mère de la demanderesse. [6] La mère de la demanderesse a été admise le 7 février 1997, dans un établissement (Résidence de Boucherville) du CHSLD. [7] M me Pellerin a refusé dacquiescer à la demande daccès le 14 juin 2004 (O-1, en liasse). La demanderesse avait formulé sa demande daccès sans être explicite quant à ses droits qui étaient en cause à titre dadministratrice de la succession de sa mère. [8] La demanderesse a également requis deux rectifications (O-1, en liasse) au dossier dusager de sa mère. Lune visait une lettre communiquée par le CHSLD au Curateur public aux fins de louverture dun régime de protection pour la mère de la demanderesse; cette demande de rectification portait précisément sur une erreur dans le libellé de ladresse de résidence de la mère de la demanderesse et la responsable y a acquiescé. Lautre demande de rectification (O-1, en liasse) portait sur des renseignements inscrits dans une évaluation psychosociale de la mère de la demanderesse que le directeur du CHSLD avait
04 10 37 Page : 3 préparée et transmise au Curateur public en vue de louverture dun régime de protection complet pour elle; le refus de M me Pellerin est contesté par la demanderesse (dossier CAI 04 10 36). [9] Lorsque la mère de la demanderesse a été admise au CHSLD (Résidence de Boucherville) en février 1997, elle navait pas été jugée inapte par un tribunal; elle gérait ses dépenses personnelles et disposait elle-même de ses biens et de ses factures. Le CHSLD ne peut dès lors donner accès à des documents quil ne détient pas. [10] La mère de la demanderesse nétait pas représentée par le Curateur public du 7 février 1997 au 28 décembre 2000; aucun bilan financier na conséquemment été rédigé concernant cette période puisquelle gérait elle-même ses biens. La mère de la demanderesse a été sous curatelle publique du 28 décembre 2000 jusquà son décès le 21 mars 2003; tous les bilans financiers (menues dépenses) la concernant ont été transmis au Curateur public, à la requête de celui-ci. Le CHSLD ne détient pas ces bilans financiers; le service financier du CHSLD peut cependant démontrer que la contribution financière pour lhébergement de la mère de la demanderesse était mensuellement payée en totalité et sans retard au CHSLD. Contre-interrogatoire de M me Pellerin : [11] M me Pellerin ne se rappelle pas que la demanderesse ait précisé que sa demande daccès visait la vérification de maladies génétiques ou à caractère familial. Elle se rappelle avoir tenté dobtenir des précisions relatives à la raison médicale invoquée dans la demande daccès (O-1, en liasse). Elle se rappelle aussi que la demanderesse était accompagnée dun témoin. [12] À la connaissance de M me Pellerin, le Curateur public délègue généralement à létablissement réside une personne sous curatelle publique la responsabilité dadministrer les menues dépenses de cette personne (environ 160,00 $/mois). ii) de la demanderesse [13] La demanderesse témoigne sous serment. Elle veut obtenir des renseignements médicaux. Elle a précisé à la responsable que ces renseignements concernaient les maladies héréditaires. Elle veut également obtenir copie de la police dassurance que le CHSLD a contractée au nom de sa
04 10 37 Page : 4 mère pour assurer ses biens, de même que loriginal des factures relatives aux dépenses de sa mère. [14] À la connaissance de la demanderesse, le propriétaire de létablissement vivait sa mère gérait les menues dépenses de celle-ci. Le Curateur public na pas vérifié si les menues dépenses de sa mère étaient bien les siennes; la demanderesse na pour sa part pu récupérer aucune facture et requis une enquête policière afin de savoir ce qui est advenu de largent de sa mère. Contre-interrogatoire de la demanderesse : [15] La demanderesse ne sait pas si un rapport dautopsie a été préparé à la suite du décès de sa mère. Elle prétend avoir droit à tous les renseignements concernant les maladies de sa mère, notamment ceux relatifs à sa maladie dAlzheimer et à ses problèmes cardiaques; elle ajoute lavoir dit à la responsable mais ne pas lavoir écrit. ARGUMENTATION i) de lorganisme [16] La demanderesse sest adressée au CHSLD en qualité dadministratrice de la succession de sa mère décédée pour obtenir le dossier intégral de celle-ci; elle a indiqué que cette demande était faite pour « raison médicale ». [17] La responsable a refusé dacquiescer à cette demande en vertu de larticle 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2); cette décision est fondée dautant plus que larticle 19 de cette loi prescrit que le dossier dun usager est confidentiel : 19. Toute personne qui exploite une entreprise ayant pour objet le prêt d'argent et qui prend connaissance de rapports de crédit ou de recommandations concernant la solvabilité de personnes physiques, préparés par un agent de renseignements personnels, doit informer ces personnes de leur droit d'accès et de rectification relativement au dossier détenu par l'agent et leur indiquer comment et à quel endroit elles peuvent avoir
04 10 37 Page : 5 accès à ces rapports ou recommandations et les faire rectifier, le cas échéant. La personne qui exploite une telle entreprise doit communiquer à la personne physique qui lui en fait la demande la teneur de tout rapport de crédit ou de toute recommandation dont elle a pris connaissance en vue de prendre une décision la concernant. 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. [18] Les articles 19 et 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux sappliquent malgré la Loi sur laccès 1 : 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 10 37 Page : 6 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [19] Le 1 er alinéa de larticle 23 précité régit, à certaines conditions strictes, le droit de savoir des personnes qui y sont mentionnées. La communication des renseignements demandés doit être nécessaire à lexercice des droits qui sont conférés à ces personnes à titre dhéritiers, de légataires particuliers ou de représentants légaux de la personne décédée. Le critère de nécessité applicable est plus exigeant que celui de la simple utilité; il implique que sans la communication des renseignements demandés, les droits des héritiers, des légataires particuliers ou des représentants légaux ne pourront être exercés 2 . [20] La demanderesse na aucunement démontré les droits quelle entendait exercer en qualité dhéritière ou dadministratrice de la succession de sa mère. Elle sest limitée à demander accès au dossier intégral; la responsable navait pas de motivation suffisante pour autoriser laccès à ce dossier confidentiel. Le droit daccès de la demanderesse ne résulte pas de son titre dhéritière ou dadministratrice de la succession de sa mère; il résulte de lexercice dun droit à ce titre et cest lexercice de ce droit qui permet aux responsables de sélectionner les renseignements confidentiels qui sont nécessaires dans le cadre du recours exercé. [21] La preuve démontre que la responsable na jamais pu savoir quels étaient les droits que la demanderesse entendait exercer à lun ou lautre de ces titres. La preuve démontre que la demanderesse na pas, non plus, expliqué à la responsable la raison médicale pour laquelle elle voulait obtenir le dossier intégral de sa mère. La preuve démontre aussi que la responsable na jamais pu connaître « lombre dun motif » supportant la communication du dossier dusager de la mère de la demanderesse. [22] La demanderesse ne rencontre pas les exigences de larticle 23 précité; elle ne peut recevoir communication du dossier intégral de sa mère décédée. 2 X. c. Hôpital du Saint-Sacrement dossier CAI 95 14 53, janvier 1996, Commissaire M e Diane Boissinot.
04 10 37 Page : 7 [23] Le CHSLD ne sest pas objecté à donner à la demanderesse communication des renseignements nécessaires pour vérifier lexistence dune maladie génétique ou dune maladie à caractère familial; encore eut-il fallu que la demanderesse le spécifie à la responsable. [24] La preuve démontre par ailleurs que lorganisme ne détient pas les bilans financiers demandés le 21 juin 2004. ii) de la demanderesse [25] La demanderesse a, en qualité de fille biologique, héritière et administratrice de la succession de sa mère décédée, droit dobtenir le dossier de sa mère, notamment les renseignements relatifs aux maladies génétiques ou à caractère familial. DÉCISION [26] Le dossier en litige, à savoir le dossier dusager intégral de la mère de la demanderesse, est détenu par un CHSLD qui, à titre détablissement de santé ou de services sociaux, est un organisme public au sens de larticle 7 de la Loi sur laccès. Le droit daccès au dossier dun usager décédé, tel quil est détenu par un établissement de santé ou de services sociaux, est régi par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2). [27] Le droit de la demanderesse de recevoir communication du dossier dusager de sa mère décédée est précisément régi par les articles 19 et 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (2001, chapitre 60).
04 10 37 Page : 8 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [28] Le dossier dusager de la mère de la demanderesse est donc confidentiel et seul larticle 23 peut, si les conditions prévues sont satisfaites, conférer à la demanderesse le droit de recevoir communication de renseignements qui y sont inscrits. A) Le 1 er alinéa de larticle 23 : [29] Le 1 er alinéa de larticle 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prescrit les conditions que doivent satisfaire les personnes qui y sont visées pour recevoir communication de renseignements inscrits dans le
04 10 37 Page : 9 dossier confidentiel dun usager décédé. Ces personnes, par exemple les héritiers de lusager décédé, les administrateurs de sa succession ou les bénéficiaires du produit dune assurance sur la vie ou dun régime de retraite, doivent connaître le droit quils entendent exercer à ce titre, le préciser au responsable et ne requérir que les renseignements dont la communication est nécessaire à lexercice de ce droit; lobtention des renseignements demandés demeure tributaire de leur détention par lorganisme et de la mesure dans laquelle la communication de ces renseignements est nécessaire à lexercice du droit invoqué. Les titres de la demanderesse, non contestés par le CHSLD, ne suffisent donc pas pour habiliter la demanderesse à requérir, sans plus, le dossier dusager intégral et confidentiel que détient le CHSLD sur sa mère décédée. [30] La preuve démontre que la demanderesse sest adressée par écrit (O-1, en liasse) à la responsable du CHSLD le 20 mai 2004 à titre de « liquidatrice successorale » et de « fille » pour obtenir copie de lintégralité du dossier dusager de sa mère décédée en mars 2003. La preuve (O-1, en liasse) démontre également quelle a complété sa demande daccès en inscrivant sur le même formulaire les mots « raison médicale » sous la rubrique « Lhéritier ou le bénéficiaire dune police dassurance dun usager décédé doit spécifier le motif de sa demande daccès ». [31] La preuve (O-1 en liasse) démontre que la demanderesse est héritière universelle de sa mère et administratrice de sa succession. [32] La preuve démontre particulièrement que la demanderesse na pas précisé à la responsable du CHSLD les droits quelle voulait faire valoir à lun de ces titres; il était dès lors impossible pour la responsable de discerner les renseignements dont la communication était nécessaire à lexercice des droits de la demanderesse. [33] La preuve démontre aussi que la demanderesse na fourni à la responsable aucune précision relative à la « raison médicale » spécifiée dans sa demande sous la rubrique « Lhéritier ou le bénéficiaire dune police dassurance dun usager décédé doit spécifier le motif de sa demande daccès » (O-1, en liasse). Il nétait pas non plus possible pour la responsable de discerner, sil en est, les renseignements dont la communication était nécessaire à lexercice des droits de la demanderesse à lun de ces titres. [34] La preuve démontre que lorganisme ne détient pas les bilans financiers demandés le 21 juin 2004, après la demande de révision soumise à la Commission.
04 10 37 Page : 10 [35] La décision de la responsable de refuser laccès au dossier confidentiel intégral détenu par le CHSLD est fondée en vertu du 1 er alinéa de larticle 23 précité; elle na pas à être révisée. B) Le 2 e alinéa de larticle 23 : [36] Le 2 e alinéa de larticle 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux confère aux personnes qui y sont visées, notamment aux descendants directs dun usager décédé, le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause du décès de cet usager. [37] Jai pris connaissance du dossier en litige. La cause du décès de la mère de la demanderesse ny est pas, comme telle, inscrite et ne peut être présumée; il en est conséquemment de même des renseignements y relatifs. À cet égard, le refus de la responsable ne peut être révisé. C) Le 3 e alinéa de larticle 23 : [38] Le 3 e alinéa de larticle 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit que les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure la communication de ces renseignements est nécessaire pour vérifier lexistence dune maladie génétique ou dune maladie à caractère familial. [39] La preuve démontre que la demanderesse na pas fourni à la responsable les précisions établissant quil était nécessaire de vérifier lexistence dune maladie génétique ou à caractère familial. La nécessité réelle de vérifier lexistence dune maladie génétique ou à caractère familial est généralement définie par un médecin qui prépare, pour son patient, une demande daccès à des renseignements précis et dont la communication est nécessaire pour vérifier lexistence dune maladie de pareille nature. La simple mention « raison médicale », inscrite par la demanderesse, nétait pas suffisante; la décision de la responsable na pas à être révisée à cet égard.
04 10 37 Page : 11 [40] POUR TOUS CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Christiane Lepage Avocate de lorganisme
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