Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 10 35 Date : 6 septembre 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demanderesse c. CLSC SIMONNE-MONET- CHARTRAND Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS AU DOSSIER D’USAGER D’UNE PERSONNE DÉCÉDÉE [1] La demanderesse s’est adressée au CLSC Simonne-Monet-Chartrand (le « CLSC ») pour obtenir l’intégralité du dossier d’usager de sa mère décédée; elle a précisé être la seule héritière ainsi que l’administratrice de la succession de sa mère et ajouté que sa demande était formulée pour « raison médicale ». Elle requiert la révision du refus de la responsable d’acquiescer à sa demande. PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M me Lise Latreille :
04 10 35 Page : 2 [2] M me Lise Latreille témoigne sous serment. Elle était, à la date de la demande d’accès (O-1, en liasse), responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels du CLSC. [3] Selon le dossier détenu par le CLSC, la mère de la demanderesse a été inscrite aux services offerts par cet organisme à compter du 27 novembre 1985. [4] M me Latreille a rencontré la demanderesse qui a présenté sa demande d’accès au dossier intégral de sa mère en qualité de descendante, d’héritière et d’administratrice de la succession de sa mère décédée le 21 mars 2003. La demanderesse a indiqué que l’obtention du dossier était nécessaire pour comprendre et faire valoir ses droits d’héritière et d’administratrice de la succession de même que pour raison médicale. La demanderesse n’a pas précisé les droits qu’elle voulait faire valoir en qualité d’héritière et d’administratrice; elle a exprimé la raison médicale qu’elle alléguait de façon vague. M me Latreille a décidé de prendre avis auprès d’une avocate et mentionné à la demanderesse qu’elle lui fournirait copie de cet avis (O-1, en liasse) qui, par la suite, est venu confirmer son refus initial (O-1, en liasse) d’acquiescer à la demande d’accès. Le dossier du CLSC ne comprend pas de renseignements relatifs à la cause du décès de la mère de la demanderesse. Contre-interrogatoire de M me Latreille : [5] M me Latreille reconnaît que la demanderesse lui a précisé que sa mère était cardiaque; elle spécifie que le CLSC ne soignait pas la mère de la demanderesse et qu’il n’est conséquemment pas qualifié pour vérifier ce renseignement. Témoignage de M me Marie-France Roy : [6] M me Marie-France Roy témoigne sous serment. M me Roy est travailleuse sociale professionnelle depuis 1995. Elle a travaillé au CLSC (Longueuil-Ouest, juin 1995 à juin 1996 et Longueuil-Est, juin 1996 à août 1997), plus précisément au service de maintien à domicile des personnes du 3 e âge ou en perte d’autonomie. [7] C’est dans l’exercice de ses fonctions au CLSC (Longueuil-Est) et en réponse à une demande d’hébergement que M me Roy a connu la mère de la demanderesse en février 1997. La demanderesse et sa mère vivaient ensemble
04 10 35 Page : 3 dans un climat tendu et souhaitaient mettre un terme à leur vie commune; la mère de la demanderesse s’était plainte de sa situation au Protecteur du citoyen à qui elle avait demandé de l’aide. [8] Pour préparer la demande d’hébergement de la mère de la demanderesse dans le réseau public (CHSLD), M me Roy a complété un formulaire d’évaluation de son autonomie (« CTMSP » ou Classification par Types en Milieu de Soins et services Prolongés); ce formulaire, consigné dans le dossier d’usager de la mère de la demanderesse, comprend des renseignements dont la nature est la suivante : • Identification de l’usager; • Précisions relatives à la nature de la demande; • Évaluation de l’autonomie de l’usager incluant des explications relatives à son histoire familiale et au contexte psychosocial dans lequel il vit. [9] Avant de poursuivre son témoignage détaillé ex parte concernant le dossier en litige et le contexte dans lequel le formulaire précité a été rédigé en février 1997, M me Roy mentionne, sans plus, que ce formulaire a constitué une source de renseignements auxquels le directeur général du CHSLD du Littoral a eu accès pour préparer l’évaluation psychosociale de la mère de la demanderesse le 6 décembre 1999 (O-2) et ainsi justifier l’ouverture, d’un régime complet de protection pour elle. Le CHSLD du Littoral hébergeait la mère de la demanderesse. Contre-interrogatoire de M me Roy : [10] Le CLSC a reçu, de l’externe, une demande d’intervention concernant la mère de la demanderesse. M me Roy s’est conséquemment présentée au lieu de résidence de la mère de la demanderesse qui voulait quitter cet endroit. [11] La mère de la demanderesse a confié à M me Roy qu’elle s’était adressée au Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen a par la suite confirmé à M me Roy avoir reçu plusieurs appels de la mère de la demanderesse. ii) de la demanderesse [12] La demanderesse témoigne sous serment en qualité de descendante, d’héritière et d’administratrice de la succession de sa mère biologique. Elle a
04 10 35 Page : 4 demandé accès au dossier de sa mère décédée; elle conteste le refus de la responsable, M me Latreille. Elle précise vouloir connaître les maladies génétiques ou à caractère familial concernant sa mère et obtenir tous autres renseignements médicaux. Contre-interrogatoire de la demanderesse : [13] La demanderesse a rencontré M me Latreille à son bureau. Elle lui a alors dit que sa mère avait des problèmes cardiaques et qu’elle souhaitait avoir accès au dossier pour des raisons médicales et pour connaître les types de maladies dont souffrait sa mère. [14] La demanderesse a également signalé qu’une travailleuse sociale l’avait diffamée et qu’elle souhaitait que le dossier soit rectifié à cet égard. ARGUMENTATION i) de l’organisme [15] La demanderesse s’est adressée au CLSC en qualité de seule héritière et d’administratrice de la succession de sa mère décédée pour avoir accès au dossier d’usager intégral de celle-ci. Elle a aussi indiqué que sa demande d’accès était faite pour « raison médicale ». [16] La responsable a refusé d’acquiescer à cette demande en vertu de l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2) et en vertu de l’article 19 de la même loi qui pour sa part prescrit que le dossier d’un usager est confidentiel. [17] Les articles 19 et 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux s’appliquent malgré la Loi sur l’accès 1 : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas où la présente loi 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 10 35 Page : 5 prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas où un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (2001, chapitre 60). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [18] Le 1 er alinéa de l’article 23 précité régit, à certaines conditions strictes, le droit de savoir des personnes qui y sont mentionnées. La communication des renseignements demandés doit être nécessaire à l’exercice des droits qui sont conférés à ces personnes à titre d’héritiers, de légataires particuliers ou de représentants légaux de la personne décédée. Le critère de nécessité applicable
04 10 35 Page : 6 est plus exigeant que celui de la simple utilité; il implique que sans la communication des renseignements demandés, les droits des héritiers, des légataires particuliers ou des représentants légaux ne pourront être exercés 2 . [19] La demanderesse n’a aucunement démontré les droits qu’elle entendait exercer en qualité d’héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère. Elle s’est limitée à demander accès au dossier intégral; la responsable n’avait pas de motivation suffisante pour autoriser l’accès à ce dossier confidentiel. [20] La preuve démontre que la demanderesse n’a pas, non plus, expliqué à la responsable la raison médicale pour laquelle elle voulait obtenir le dossier intégral de sa mère; la preuve démontre spécifiquement que la demande d’accès au dossier intégral de sa mère décédée est motivée par les fins personnelles de la demanderesse (atteinte à sa réputation). [21] La demanderesse n’a aucunement démontré les droits qu’elle entendait exercer en qualité d’héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère. Son droit d’accès ne résulte pas de sa qualité d’héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère; il résulte de l’exercice d’un droit à ce titre et c’est l’exercice de ce droit qui permet aux responsables de sélectionner les renseignements confidentiels qui sont nécessaires dans le cadre du recours exercé. La preuve démontre que la responsable n’a jamais pu savoir quels étaient les droits que la demanderesse entendait exercer, exception faite d’un droit relatif à « l’intégrité de sa réputation ». La preuve démontre aussi que la responsable n’a jamais pu connaître « l’ombre d’un motif » supportant la communication du dossier d’usager de la mère de la demanderesse. [22] La demanderesse ne rencontre pas les exigences de l’article 23 précité; elle ne peut recevoir communication du dossier intégral de sa mère décédée. [23] La demanderesse a démontré, en alléguant l’atteinte à sa réputation, que sa demande est motivée par des intérêts strictement personnels. Elle a également démontré que sa demande ne concernait nullement les intérêts de sa mère. Sa demande de révision doit être rejetée en conséquence. ii) de la demanderesse [24] La demanderesse a été claire lorsqu’elle a exprimé qu’elle voulait avoir accès aux renseignements médicaux concernant sa mère, notamment ceux qui 2 X. c. Hôpital du Saint-Sacrement dossier CAI 95 14 53, janvier 1996, Commissaire M e Diane Boissinot.
04 10 35 Page : 7 ont trait aux maladies génétiques ou à caractère familial. La demanderesse a le droit d’obtenir ces renseignements. [25] La demanderesse a, en qualité de descendante, d’héritière et d’administratrice de la succession de sa mère décédée, droit d’avoir accès au dossier de sa mère. DÉCISION [26] La demanderesse a, en 2004, adressé au CLSC, une demande d’accès au dossier d’usager intégral de sa mère décédée en mars 2003 à l’âge de 93 ans. La mère de la demanderesse était, depuis février 1997 et jusqu’à la date de son décès, hébergée dans un CHSLD; les services, notamment professionnels, qui lui ont été offerts par le CLSC ont pris fin en 1997. La demanderesse a précisé au CLSC qu’elle adressait sa demande à titre de descendante, de seule héritière et d’administratrice de la succession de sa mère de même que pour « raison médicale ». [27] Le dossier en litige, à savoir le dossier d’usager de la mère de la demanderesse, est détenu par un CLSC qui, à titre d’établissement de santé ou de services sociaux, est un organisme public au sens de l’article 7 de la Loi sur l’accès. Le droit d’accès au dossier d’un usager décédé, tel qu’il est détenu par un établissement de santé ou de services sociaux, est régi par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2). [28] Le droit de la demanderesse de recevoir communication du dossier d’usager intégral de sa mère décédée est précisément régi par les articles 19 et 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas où la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas où un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (2001, chapitre 60).
04 10 35 Page : 8 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). [29] Le dossier d’usager de la mère de la demanderesse est donc confidentiel et seul l’article 23 peut, si les conditions prévues sont satisfaites, conférer à la demanderesse le droit de recevoir communication de renseignements qui y sont inscrits. A) Le 1 er alinéa de l’article 23 : [30] Le 1 er alinéa de l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prescrit les conditions que doivent satisfaire les personnes qui y sont visées pour recevoir communication de renseignements inscrits dans le dossier confidentiel d’un usager décédé. Ces personnes, par exemple les
04 10 35 Page : 9 héritiers ou administrateurs de la succession de l’usager décédé, doivent connaître le droit qu’ils entendent exercer à ce titre, le préciser au responsable et ne demander que les renseignements dont la communication est nécessaire à l’exercice de ce droit; l’obtention des renseignements demandés demeure tributaire de leur détention par l’organisme et de la mesure dans laquelle la communication de ces renseignements est nécessaire à l’exercice du droit invoqué. Les titres, non contestés, de seule héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère ne suffisent donc pas pour habiliter la demanderesse à requérir le dossier d’usager intégral et confidentiel que détient le CLSC sur sa mère décédée. [31] La preuve démontre que la demanderesse n’a pas précisé à la responsable du CLSC les droits qu’elle voulait faire valoir à titre de seule héritière ou d’administratrice de la succession de sa mère décédée; il était dès lors impossible pour la responsable de discerner les renseignements dont la communication était nécessaire à l’exercice des droits de la demanderesse à l’un ou l’autre de ces titres. La décision de la responsable de refuser l’accès au dossier confidentiel intégral détenu par le CLSC est fondée en vertu du 1 er alinéa de l’article 23 précité; elle n’a pas à être révisée. B) Le 2 e alinéa de l’article 23 : [32] Le 2 e alinéa de l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux confère aux personnes qui y sont visées, notamment aux descendants directs d’un usager décédé, le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause du décès de cet usager. La preuve démontre que la mère de la demanderesse, décédée en 2003, était hébergée dans un CHSLD depuis 1997. La preuve démontre précisément que le dossier qui est en litige et que détient le CLSC ne comprend pas de renseignements relatifs à la cause du décès de la mère de la demanderesse. [33] J’ai pris connaissance du dossier en litige. Ce dossier ne comprend pas de renseignements relatifs à la cause du décès de la mère de la demanderesse. La décision de la responsable n’a pas à être révisée à cet égard. C) Le 3 e alinéa de l’article 23 : [34] Le 3 e alinéa de l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit que les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où la communication de ces renseignements est
04 10 35 Page : 10 nécessaire pour vérifier l’existence d’une maladie génétique ou d’une maladie à caractère familial. [35] La preuve démontre que la demanderesse s’est limitée à préciser à la responsable que sa mère était cardiaque. La preuve démontre cependant que la demanderesse n’a pas établi qu’il était nécessaire de vérifier, à même le dossier d’usager de sa mère décédée, l’existence d’une maladie génétique ou à caractère familial. La nécessité réelle de vérifier l’existence d’une maladie génétique ou à caractère familial est généralement définie par un médecin qui prépare, pour son patient, une demande d’accès à des renseignements précis et dont la communication est nécessaire pour vérifier l’existence d’une maladie de pareille nature. [36] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Christiane Lepage Avocate de l’organisme
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