Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 15 03 Date : 6 septembre 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Ville de Montréal Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 14 septembre 2004, la demanderesse cherche à obtenir auprès de M me Johanne Legault, responsable de l’accès aux documents de la Ville de Montréal ci-après désignée « l’organisme », les documents suivants pouvant se résumer ainsi : […] Les rapports, études ou tout autre document produits par la firme Tecsult, particulièrement ceux du mois de décembre 2003 et juin 2004 à la demande du Conseil de l’arrondissement Beaconsfield/Baie-d’Urfé relativement « aux feux de circulation et du carrefour Woodland/bretelles A20/Beaurepaire;»
04 15 03 Page : 2 Les résolutions et minutes du Conseil de l’arrondissement ayant conduit à la contribution des mandats à la compagnie Tecsult en regard de ces feux de circulation. Toute autre résolution et minutes du Conseil de l’arrondissement ayant mené au retrait de ces feux de circulation. [2] Le 1 er octobre suivant, par l’entremise de M me Legault, Directrice des affaires publiques et du Secrétaire de l’arrondissement, l’organisme communique à la demanderesse un extrait des procès-verbaux des réunions du Comité de circulation ainsi que les résolutions du Conseil d’arrondissement concernant les mandats attribués à Tecsult. Il refuse cependant de lui transmettre une copie des rapports produits par cette firme pour les mois de décembre 2003 et juin 2004. L’organisme invoque à cet effet les articles 37, 38 et 39 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »). [3] Le même jour, la demanderesse formule, auprès de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), une demande pour que soit révisée la décision de l’organisme. L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause se tient à Montréal, le 25 août 2005, en présence de la demanderesse et des témoins de l’organisme. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME I) TÉMOIGNAGE DE M me JOHANNE LEGAULT [5] M me Johanne Legault affirme solennellement qu’elle travaille pour la Ville de Montréal depuis plusieurs années. Elle est Directrice des affaires publiques, greffière, Secrétaire de l’arrondissement Beaconsfield/Baie d’Urfé et responsable de l’accès aux documents pour l’organisme. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 15 03 Page : 3 [6] M me Legault déclare qu’elle a pris connaissance de la demande d’accès de la demanderesse souhaitant obtenir deux rapports préparés par la firme de consultants Tecsult, ci-après nommée « Tecsult » à la demande de l’organisme. Elle désire également obtenir les résolutions du « Comité technique de circulation », ci-après désigné « le Comité » et les procès-verbaux du Conseil de l’arrondissement Beaconsfield/Baie d’Urfé relativement à ces deux rapports. Elle ajoute que les extraits de ces documents contiennent les renseignements concernant l’attribution des mandats à Tecsult et le retrait des feux de circulation au « carrefour Woodland/Bretelles A20/Beaurepaire.» [7] Elle indique que l’organisme refuse de communiquer à la demanderesse les copies des rapports, car il n’a pas terminé l’implantation des recommandations qui lui ont été formulées par Tecsult et toutes les décisions n’étaient pas finalisées au moment de la demande; elles ne le sont d’ailleurs toujours pas à la date de l’audience. Les articles 37, 38 et 39 de la Loi sur l’accès devraient s’appliquer dans la présente instance. M me Legault produit confidentiellement ces deux documents en litige. II) TÉMOIGNAGE DE M. ANDRÉ GERVAIS [8] M. André Gervais déclare qu’il est Chef de section projet à l’arrondissement Beaconfield/Baie d’Urfé. Il connaît le contenu des deux rapports, pour avoir été « la personne liaison » entre Tecsult et l’organisme. [9] Selon M. Gervais, l’organisme a donné un 1 er mandat à Tecsult qui devait préparer une étude de faisabilité visant le retrait des feux de circulation dans le secteur Woodland. Après étude du dossier, un premier rapport a été rédigé par Tecsult le 11 décembre 2003; cette dernière a formulé une recommandation à l’organisme. Celui-ci a cru nécessaire d’attribuer un second mandat à Tecsult qui devait explorer certaines alternatives au retrait ou non des feux de circulation et formuler à cet effet des recommandations. Tecsult transmet, le 23 juin 2004, un deuxième rapport à l’organisme. [10] M. Gervais indique que l’organisme a décidé de retirer temporairement les feux de circulation dans le secteur Woodland au mois d’octobre 2004. Le 9 novembre suivant, l’organisme a procédé à une consultation publique au cours de laquelle il informe les citoyens sur les avantages et les inconvénients à retirer ces feux de circulation. L’organisme a alors décidé de les maintenir.
04 15 03 Page : 4 [11] M e Gervais prétend que l’organisme ne détient aucun autre document concernant Tecsult. III) CLARIFICATIONS RECHERCHÉES PAR LA DEMANDERESSE [12] M. Gervais précise que deux études ont été préparées par Tecsult à partir desquelles les deux rapports ont été rédigés par celle-ci. Il n’existe pas d’autres documents. [13] M. Gervais précise que le conseil d’arrondissement de l’organisme a approuvé une recommandation du comité lors d’une assemblée tenue le 2 juillet 2003. Un montant de 8 000 $ est octroyé à Tecsult. Le conseil a également approuvé une autre recommandation du comité le 4 mai 2002, octroyant à Tecsult un second mandat au montant de 15 000 $. B) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [14] La demanderesse reconnaît solennellement que l’organisme lui a communiqué un extrait des procès-verbaux du comité, ceux émanant du conseil d’arrondissement ainsi que les résolutions de celui-ci visant Tecsult. Elle prétend toutefois que sa demande vise en outre à connaître les motifs pour lesquels l’organisme souhaite procéder à la fermeture du boulevard Beaurepaire. À son avis, cette demande est demeurée sans réponse. De plus, elle lit un document en sa possession, non déposé en preuve, dans lequel l’organisme indique, entre autres, le coût de chaque contrat octroyé à Tecsult. [15] La soussignée intervient pour rappeler à la demanderesse les trois points identifiant clairement les documents convoités. Cette demande est précise. Celle-ci ne concerne pas une demande de renseignements relative à la fermeture du boulevard Beaurepaire. L’organisme a répondu en lui communiquant les documents recherchés. La Loi sur l’accès s’applique à des documents détenus par un organisme public et non à des demandes de renseignements. [16] La demanderesse ajoute qu’elle désire obtenir une copie intégrale des deux rapports, car elle souhaite connaître la nature des mandats octroyés par l’organisme à Tecsult. LA DÉCISION [17] La demanderesse a formulé une demande d’accès auprès de l’organisme en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès,elle exerce son droit fondamental afin
04 15 03 Page : 5 d’obtenir des documents détenus par l’organisme dans l’exercice de ses fonctions. Sa demande de révision est formulée selon les termes de l’article 135 de cette loi. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. [18] À l’audience, la demanderesse reconnaît que l’organisme lui a communiqué la plupart des documents. Il ne reste qu’un point en litige, à savoir l’accessibilité ou non des deux rapports préparés par une firme de consultants Tecsult à la demande de l’organisme. [19] La soussignée a examiné ces deux documents intitulés chacun « Étude d’évaluation du retrait des feux de circulation du carrefour Woodland/bretelles/A20/Beaurepaire ». Dans ces deux documents, Tecsult fait une analyse détaillée des conditions relativement aux feux de circulation installés dans ce secteur. LE 2 e ALINÉA DE L’ARTICLE 37 DE LA LOI SUR L’ACCÈS [20] Le premier rapport daté du 11 décembre 2003 contient 11 pages ainsi que les annexes A, B et C. Tecsult y formule une recommandation à l’organisme. Le deuxième rapport daté du 23 juin 2004, pour sa part, contient 22 pages ainsi que
04 15 03 Page : 6 les annexes A, B, C, D, E et F. À la page 21 de ce dernier document se trouvent les conclusions et les recommandations formulées par Tecsult. La dernière page (22), pour sa part, est un « Plan d’action » étalé en huit points. L’examen de cette partie du document s’apparente à des avis. [21] La soussignée retient de la preuve qu’au moment de la prise de décision par l’organisme (le 1 er octobre 2004), l’organisme n’avait pas donné suite aux recommandations que lui a formulées Tecsult les 11 décembre 2003 et 23 juin 2004. Il est démontré, à l’audience, que l’organisme est toujours en train d’examiner plusieurs alternatives en vue de l’implantation de ces recommandations. L’organisme invoque à cet égard les articles 37, 38 et 39 de la Loi sur l’accès. [22] Pour voir à l’application de l’article 37 de cette loi, tel qu’indiqué dans l’affaire Venne c. Ministère de la Santé et des Services sociaux 2 cité par les auteurs Hétu et Duplessis 3 , voici les conditions qui doivent être rencontrées : « Il doit s’agir d’avis et/ou recommandations, ceux-ci doivent avoir été formulés depuis moins de 10 ans, et ce, par les personnes physiques mentionnées au premier alinéa ou par un consultant ou un conseiller indépendant compétent mentionné au deuxième alinéa, ce dernier agissant à la demande de l’organisme. » [23] La soussignée considère que les mots « avis et recommandations » tels qu’indiqués au deuxième alinéa de l’article 37 de la Loi sur l’accès et tels qu’ils sont définis dans la décision Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 4 s’appliquent dans la présente cause. 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. 2 [1999] C.A.I. 26, 28. 3 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, L’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 2, publications CCH ltée, 2002, p. 116 704. 4 [1991] C.A.I. 311, 319 (C.Q.).
04 15 03 Page : 7 L’ARTICLE 38 DE LA LOI SUR L’ACCÈS 38. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation que lui a fait un organisme qui en relève ou qu'il a fait à un autre organisme public, jusqu'à ce que la décision finale sur la matière faisant l'objet de l'avis ou de la recommandation ait été rendue publique par l'autorité compétente. Il en est de même pour un ministre en ce qui concerne un avis ou une recommandation que lui a fait un organisme qui relève de son autorité. [24] La preuve ayant démontré que Tecsult est une firme de consultants, il est évident que cette dernière ne rencontre pas les critères d’application de l’article 38 de la Loi sur l’accès ci-dessus mentionné. L’ARTICLE 39 DE LA LOI SUR L’ACCÈS [25] La décision Fortin c. Ville de Cap-Rouge 5 détermine les trois conditions nécessaires à l’application de l’article 39 de la Loi sur l’accès : « a) il doit s’agir d’une analyse, à l’exclusion des faits bruts sur lesquels elle se fonde; b) cette analyse doit être produite à l’occasion d’une recommandation; et c) cette recommandation doit être faite dans le cadre d’un processus décisionnel en cours. Si l’une de ces trois conditions n’est pas satisfaite, l’article 39 ne peut trouver application.» 39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date où l'analyse a été faite. [26] Les auteurs Doray et Charette 6 font état d’une jurisprudence relative à l’interprétation qu’il faut donner au mot analyse. Ils retiennent du dictionnaire Le Petit Robert, la définition qu’il donne au mot analyse, c’est-à-dire : « Une opération intellectuelle consistant à décomposer une œuvre, un texte en ses éléments essentiels afin d’en saisir les rapports et de donner un schéma de l’ensemble » ou 5 [1997] C.A.I. 312, 319. 6 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information. Loi annotée, Editions Yvon Blais, 2004, volume 1, p. II/39-7, voir le n o 39B/1.
04 15 03 Page : 8 encore « une méthode ou une étude comportant un examen discursif, c’est-à-dire qui tire une proposition d’une autre par une série de raisonnements successifs, en vue de discerner les éléments.» [27] Dans le cas sous étude, l’examen des deux rapports en litige démontre que la firme de consultants Tecsult a fait une analyse des faits bruts à partir de laquelle elle émet des avis et formule des recommandations à l’organisme. De plus, la preuve démontre qu’au moment de la prise de décision par ce dernier, le processus décisionnel n’était pas terminé. [28] Compte tenu de la preuve et la nature des documents en litige, le responsable de l’organisme est fondé de refuser de communiquer à la demanderesse les deux rapports en litige, en s’appuyant sur les restrictions prévues à la Loi sur l’accès mentionnées dans sa décision. [29] Par ailleurs, la demanderesse indique qu’elle souhaite connaître les motifs pour lesquels l’organisme voudrait procéder à la fermeture du boulevard Beaurepaire. La soussignée tient à rappeler que, selon les termes de l’article 1 de la Loi sur l’accès. 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée (les soulignements sont de la soussignée) [30] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse contre l’organisme; CONSTATE que l’organisme a communiqué à la demanderesse une partie des documents recherchés;
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