Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 05 72 Date : Le 4 août 2005 Commissaire : M e Jacques Saint-Laurent X Demandeur c. AXA Assurances inc. Entreprise DÉCISION L’OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. 1 [1] Le 7 juin 2003, le demandeur aurait fait l’objet d’un vol à sa résidence. Le 9 juin 2003, par l’intermédiaire de son courtier d’assurances, il présente à son assureur une réclamation pour la perte des biens volés. Le lendemain, Axa Assurances inc. communique avec le demandeur. On procède à l’examen des circonstances entourant la perte. [2] Après l’examen d’un expert en sinistre indépendant, la réclamation du demandeur est prise en charge par l’unité spéciale d’enquête de l’assureur. L’enquête débute le 16 juillet 2003. Divers échanges interviennent avec l’assuré 1 L.R.Q., c. P-39.1 ci-après appelé « la Loi »
04 05 72 Page : 2 concernant sa réclamation. Le premier rapport de l’unité spéciale d’enquête est soumis à l’assureur le 31 octobre 2003. Les communications entre l’assureur et son assuré se poursuivent pendant quelques mois. [3] Le 10 février 2004, au terme d’une discussion entre les parties, le demandeur enjoint à Axa Assurances inc. de confirmer par écrit son refus de verser une indemnité pour la perte des biens survenue en juin 2003. Le 12 février 2004, l’unité spéciale d’enquête produit à l’assureur son rapport final concernant le rejet de la réclamation du demandeur. [4] Le demandeur n’est pas d’accord avec ce refus. Le 12 mars 2004, il fait parvenir à Axa Assurances inc. une mise en demeure réclamant la somme de 8 200,00 $ pour la perte des biens. Dans la même lettre, il présente une demande d’accès à son dossier d’assuré. Il s’exprime de la façon suivante : « C’est pourquoi je vous demande d’avoir une copie du rapport concernant mon dossier pour pouvoir me préparer, moi aussi, à me défendre à la Cour. » [5] Le 23 mars 2004, en se basant sur l’article 39 de la Loi, l’entreprise refuse de communiquer le dossier au demandeur. [6] Le 30 mars 2004, le demandeur présente à la Commission d'accès à l'information une demande d’examen de mésentente, à la suite du refus de l’assureur de communiquer les renseignements demandés. Le 17 mai 2004, l’entreprise fait parvenir une lettre à la Commission d'accès à l'information précisant certains faits. L’entreprise réitère le refus de communiquer sur la base de l’article 39 de la Loi. Cette lettre sera subséquemment transmise à l’assuré par un membre du personnel de la Commission d'accès à l'information. L’AUDIENCE A. LA PREUVE [7] La Commission a pris connaissance du dossier de l’assuré détenu par l’entreprise. Une copie a été déposée à titre confidentiel au moment de l’audience du 4 avril 2005. [8] Outre les rapports d’enquête, le dossier produit par l’entreprise contient notamment les pièces appuyant ces rapports ainsi que différents documents produits par l’assuré dans le cadre de sa réclamation. Tenant compte des commentaires du demandeur, la Commission a invité l’entreprise à considérer la possibilité de remettre au demandeur ces documents qu’il avait lui-même fourni et dont il a besoin, dit-il.
04 05 72 Page : 3 [9] Les représentants de l’entreprise ont accepté de remettre au demandeur les documents en question et ont proposé de le faire sans attendre la décision. L’audience a été suspendue pendant quinze minutes. Au retour, les parties ont confirmé que les documents avaient été remis au demandeur. [10] Outre les faits exposés dans les paragraphes qui précèdent, deux témoins ont été entendus lors de l’audience du 4 avril 2005. M me Lorraine Boivin a témoigné en soulignant qu’elle était à l’emploi d’Axa Assurances inc. depuis plus de vingt ans. [11] Le demandeur a été assermenté. Il a décrit les circonstances entourant sa réclamation et sa demande d’accès auprès de l’assureur. [12] La preuve a notamment porté sur plusieurs aspects factuels ou conjoncturels pouvant contribuer à confirmer ou à infirmer le vol chez le demandeur. Le jour de l’audience, aucune poursuite n’avait été intentée. [13] Tenant compte de la juridiction de la Commission d'accès à l'information dans le cadre de l’application de la Loi, cette question du bien-fondé de la réclamation de l’assuré n’est pas pertinente pour l’examen de la mésentente entre le demandeur et l’entreprise. B. LES ARGUMENTS [14] La procureure de l’entreprise a soumis, au nom de sa cliente, différents arguments pour expliquer le refus de les communiquer. [15] D’abord, suivant le paragraphe (1) de l’article 39 de la Loi, l’assureur refuse de communiquer un renseignement personnel au demandeur, puisque la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’enquête que poursuit son service de sécurité interne. 2 [16] Par la suite, plusieurs arguments sont invoqués concernant les conditions d’application du paragraphe (2) de l’article 39 de la Loi. En fait, l’entreprise justifie son refus de communiquer les documents au demandeur en considérant l’effet appréhendé sur une procédure judiciaire. [17] Ainsi, la procureure de l’entreprise souligne que, devant l’imminence des procédures judiciaires, les conditions d’application de l’article 39 (2) de la Loi sont rencontrées. Les notes personnelles et les notes internes des employés d’Axa Assurances inc., les différentes déclarations du demandeur ainsi que les 2 Service anti-crime des assureurs c. Ménard, R.E.J.B. 2004 – 71721 (C.Q.); Ministère des affaires municipales c. Fisette, [1991] C.A.I. 308 (C.Q.)
04 05 72 Page : 4 rapports d’experts en sinistre devraient demeurer confidentiels selon l’avocate. Elle ajoute que ces derniers rapports seraient également protégés par l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne. 3 [18] Le demandeur soumet pour sa part que l’entreprise doit lui communiquer les documents qui lui sont essentiels pour sa réclamation. C. LA QUESTION EN LITIGE [19] Tenant compte du droit d’accès d’une personne aux renseignements personnels qu’une entreprise détient sur elle, l’assureur pouvait-il, dans le circonstances, se prévaloir de la possibilité de refuser de communiquer les renseignements en s’appuyant sur l’article 39 de la Loi. 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1° de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (chapitre A-8); 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [20] Les entreprises doivent respecter la règle générale énoncée à l’article 27 de la Loi. 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. 3 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelé la « Charte »
04 05 72 Page : 5 [21] Par contre, certaines restrictions à l’accès peuvent s’appliquer. Par exemple, une entreprise peut refuser la communication de renseignements personnels dans le cadre de l’article 39, lorsque les circonstances le justifient. [22] C’est le cas du paragraphe 2 de l’article 39. La communication des renseignements personnels peut être refusée lorsque cette divulgation « risquerait vraisemblablement : » 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [23] Les faits démontrent clairement qu’au moment de l’audience, un litige opposait les parties concernant le paiement d’une indemnité. [24] Par contre, il a été établi qu’aucune procédure judiciaire n’a été introduite concernant le paiement d’une indemnité pour la perte subie par le demandeur. [25] Malgré ce fait, tenant compte de la jurisprudence relative au paragraphe (2) de l’article 39 de la Loi, la Commission doit, le cas échéant, considérer les procédures judiciaires que l’on s’apprête à prendre. 4 [26] Comme on le sait, le demandeur a transmis une mise en demeure à l’entreprise le 12 mars 2004. [27] Dans son témoignage, M me Boivin explique que l’entreprise refuse de communiquer les renseignements puisqu’ils doivent être utilisés pour préparer la défense et les arguments de l’assureur, tenant compte de la procédure judiciaire annoncée. [28] Le demandeur ajoute dans son témoignage qu’il a besoin du dossier pour présenter sa réclamation. DÉCISION [29] La preuve démontre l’imminence d’une procédure judiciaire dans laquelle les parties ont un intérêt correspondant à la valeur de la perte subie suite à un vol. 4 SSQ Vie c. Nadeau, C.Q. n o 200-02-023728-001, 8 décembre 2000, j. Sheehan; Bérubé c. Caisse populaire Desjardins de Baie-Comeau, [1994] C.A.I. 298.
04 05 72 Page : 6 [30] Dans le cadre de l’analyse des conditions prescrites par l’article 39 de la Loi, la Commission doit se demander si la communication des renseignements contenus au dossier de l’assuré risquerait vraisemblablement d’avoir un impact sur cette procédure judiciaire. [31] Après un examen attentif des documents en litige, notamment des rapports d’enquête, la Commission conclut que la divulgation des renseignements qu’ils contiennent risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle les deux parties ont un intérêt. [32] Dans ces circonstances, il appert que la restriction à l’accès prévue par le paragraphe 2 de l’article 39 de la Loi pouvait être soulevée par l’entreprise, considérant que les conditions nécessaires à son application sont rencontrées. [33] Étant donné la conclusion à laquelle en arrive la Commission, il n’y a pas lieu de disposer des autres arguments soulevés par la procureure de l’entreprise concernant notamment l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne. [34] POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande d’examen de mésentente présentée le 30 mars 2004 par le demandeur. ___________________ M E JACQUES SAINT-LAURENT Commissaire Avocate de l’entreprise : M e Anne-Marie Burns (Ogilvy Renault
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