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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 15 85 Date : 22 juillet 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Investissement-Québec Organisme public et Vision Québec Tierce partie DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 25 mai 2004, le demandeur sidentifiant comme étant un journaliste à la station de télévision « TQS », requiert une demande daccès auprès de M. Jean Houde, Président directeur général pour Investissement Québec, ci-après désigné « lorganisme » :
04 15 85 Page : 2 […] Le gouvernement du Québec a choisi dentériner un partenariat public privé avec deux consortiums pour effectuer le démarchage et la prospection économique dans les secteurs des centres dappels et des centres de contacts clients. Les décrets en question sont les 92-97 et 1119-99. De plus, le gouvernement du Québec avait mis en place la Zone de commerce électronique (ZCÉ) afin dattirer au Québec de nombreux investissements. Lors du dépôt du budget le 13 juin 2003, le ministre Yves Séguin a mis un terme à cet incitatif fiscal quétait la ZCÉ. Il y a déjà presque deux ans, le gouvernement du Québec, par lentremise dInvestissement Québec qui administre ces deux partenariats public privé, a accepté de racheter lun des deux consortiums régi par un décret, soit Corporation de commercialisation des centres dappels du Québec, communément appelée Vision Québec, dont les actionnaires, au meilleur de notre connaissance étaient : a) Fonds de Solidarité du Québec; b) Banque nationale du Canada; c) Caisse Desjardins; et d) Bell Canada. Par les présentes, nous croyons quil est de lintérêt public de connaître les termes et conditions de ce rachat de Vision Québec et nous vous demandons de nous fournir, dans les plus brefs délais, tous les renseignements concernant ce rachat. […] [2] Le 3 juin suivant, par lentremise de M e Pierre B. Lafrenière, avocat, vice-président aux affaires juridiques et secrétaire général, lorganisme transmet au demandeur un accusé de réception et avise celui-ci quun délai additionnel de dix jours est nécessaire pour le traitement de la demande. [3] Le 29 juin, lorganisme refuse au demandeur laccès au document, invoquant à cet effet les articles 21, 22, 23 et 24 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur laccès »). 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 15 85 Page : 3 [4] Le demandeur sollicite, le 31 août 2004, lintervention de la Commission daccès à linformation (la « Commission »), afin que soit révisée la décision de lorganisme. LAUDIENCE [5] Ayant été reportée à une reprise à la demande du procureur de lorganisme, M e Jean Lozeau, du cabinet davocats Lozeau LAfricain, laudience de la présente cause se tient à Montréal le 14 juin 2005. La tierce partie, pour sa part, est représentée par M e Catherine Daigle, de la firme davocats Pothier Delisle. LA PREUVE DE LORGANISME A) TÉMOIGNAGE DE M. JEAN CYR [6] M. Jean Cyr affirme solennellement quau moment de la demande, il était vice-président aux mandats gouvernementaux. Au nom de lorganisme, il a été impliqué dans les négociations entre celui-ci et Vision Québec. Le contrat en litige est déposé sous le sceau de la confidentialité à laudience. [7] À la demande de M e Lozeau, une preuve ex parte et par huis clos se tient, à lexclusion du demandeur, selon les termes de larticle 20 des Règles de procédure de la Commission daccès à linformation 2 . 20. La Commission peut prendre connaissance, en labsence du requérant et à huis clos, dun document que lorganisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à laccès en vertu dune restriction prévue à la section II de la Loi. Reprise de laudience [8] À la reprise de laudience, la soussignée informe le demandeur que deux personnes ont témoigné à laudience qui sest tenue ex parte et par huis clos, soit dune part, M. Jean Cyr, pour Investissement Québec et, dautre part, Alain 2 Règles de procédure de la Commission daccès à linformation, décret 2058-84.
04 15 85 Page : 4 Riendeau, pour Vision Québec. La soussignée informe également le demandeur que des documents (pièces O-1 à O-6 confidentielles) ont été produits lors de cette audience. [9] M. Jean Cyr, qui poursuit son témoignage, déclare quil a travaillé pour lorganisme durant 28 ans, et ce, jusquau mois de juillet 2004. [10] Sadressant au demandeur, celui-ci indique à la soussignée quil na pas de questions à poser à M. Cyr. B) TÉMOIGNAGE DE M. ALAIN RIENDEAU [11] Faisant suite au témoignage de M. Riendeau obtenu ex parte et par huis clos, celui-ci ajoute quau moment de la demande, il était le directeur général de la tierce partie. Il avait pour fonction principale la gestion des opérations de lentreprise. La mission de cette dernière était la prospection économique à létranger pour les cartes dappels; elle a cessé ses opérations près de 20 mois précédant la date daudience de la présente cause. M. Riendeau ajoute que la tierce partie refuse que lorganisme communique au demandeur le contrat en litige, car sa divulgation risque de causer un avantage indu à la personne dont le nom apparaît dans les documents qui ont été déposés confidentiellement lors de laudience ex parte et par huis clos. [12] Le demandeur souligne quil na pas de question à poser à M. Riendeau. Cependant, après avoir été assermenté, le demandeur précise quil na rien à dire à cette étape-ci, mais quil soumettra ses arguments en temps opportun. [13] M e Catherine Daigle, pour la tierce partie, informe la soussignée quelle na pas de question à poser aux témoins et au demandeur et na pas de témoins à faire entendre. LES ARGUMENTS I) DE LORGANISME [14] M e Lozeau plaide que le 1 er paragraphe de larticle 21 de la Loi sur laccès prévoit quun organisme public peut refuser de communiquer à un demandeur laccès à un renseignement relatif, entre autres, à une transaction ou projet de transaction, lorsque la divulgation de celui-ci procurerait un avantage indu à une personne. Il réfère à cet effet aux informations dévoilées par les témoins ayant
04 15 85 Page : 5 produit confidentiellement des documents lors de la preuve ex parte et par huis clos. [15] M e Lozeau rappelle que cette preuve a permis à lorganisme de démontrer les motifs pour lesquels il en est arrivé à cette conclusion, et ce, selon les termes du 1 er paragraphe de larticle 21 de la Loi sur laccès. Les renseignements contenus au contrat en litige contiennent des renseignements de nature économique. Leur divulgation risquerait de procurer un avantage indu à la personne mentionnée aux pièces O-1 à O-6 produites confidentiellement. [16] Par ailleurs, à la demande de la soussignée, M e Lozeau sengage à transmettre à celle-ci, dans un délai précis, la jurisprudence relative au 1 er paragraphe de larticle 21 de cette loi. Les parties pourront, dans un délai additionnel équivalent faire connaître, le cas échéant, leur position respective. II) DE LA TIERCE PARTIE [17] M e Catherine Daigle argue que pour les motifs indiqués par les témoins lors de la preuve recueillie au moment de laudience tenue ex parte et par huis clos, ainsi que les arguments soumis par lorganisme, la tierce partie refuse au demandeur laccès au document convoité. Par ailleurs, lavocate dit comprendre les commentaires de la soussignée lorsque celle-ci souligne que la Commission nest pas liée par une clause de confidentialité entre des parties à un contrat, tel le cas sous étude. III) DU DEMANDEUR [18] Le demandeur argumente que le gouvernement a une obligation de transparence à légard des citoyens, car il doit les informer de ce quil fait « avec leur argent ». Il prétend quil est dans lintérêt public que le document convoité soit divulgué, car les entreprises « ont le droit de savoir à quoi sattendre » du gouvernement. LA DÉCISION [19] Le demandeur a formulé sa demande selon les termes de larticle 9 de la Loi sur laccès afin dobtenir une copie dun contrat de rachat de Vision Québec existant entre ce dernier et lorganisme. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public.
04 15 85 Page : 6 Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [20] Lorganisme refuse au demandeur laccès à ce document en vertu des dispositions législatives prévues au 1 er paragraphe de larticle 21 de cette loi. 21. Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un emprunt, un projet d'emprunt, une transaction ou un projet de transaction relatifs à des biens, des services ou des travaux, un projet de tarification, un projet d'imposition d'une taxe ou d'une redevance ou de modification d'une taxe ou d'une redevance, lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation: 1° procurerait un avantage indu à une personne ou lui causerait un préjudice sérieux; ou 2° porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou de la collectivité à l'égard de laquelle il est compétent. [21] La majeure partie de la preuve a été obtenue lors de laudience tenue ex parte et par huis clos au cours de laquelle MM. Riendeau, pour la tierce partie, et Cyr, pour lorganisme ont témoigné. À cette occasion, les documents suivants (pièces O-1 à O-6) ont été produits confidentiellement. Il sagit de la correspondance adressée à une personne ou provenant de celle-ci relativement à la transaction intervenue entre lorganisme et la tierce partie : a) Une pièce O-1 : une lettre datée du 1 er avril 2004; b) Une pièce O-2 : une lettre datée du 5 avril; c) Une pièce O-3 : une autre datée du 16 avril; d) Une pièce O-4 : une lettre datée du 27 avril; e) Une pièce O-5 : une lettre datée du 4 mai 2004 que lorganisme transmet à une personne; f) Une pièce O-6 : une autre lettre de lorganisme datée du 10 mai 2004 adressée à cette même personne.
04 15 85 Page : 7 [22] Cependant, il est opportun de souligner que la personne mentionnée dans cette correspondance ne fait pas partie du litige. [23] Quant au contrat intervenu entre lorganisme et la tierce partie qui est également déposé sous le sceau de la confidentialité, il comprend, entre autres, les annexes A à C. Cette dernière sintitule : « Convention de confidentialité ». [24] La preuve tenue ex parte et par huis clos ainsi que lexamen des documents (pièces O-1 à O-6) démontrent que les renseignements quils contiennent, sont de nature économique. Ces documents visent une entreprise autre que la tierce partie, mais les renseignements quils contiennent, concernent directement celle-ci. [25] Il sagit de déterminer si la tierce partie rencontre les critères législatifs à lapplication du 1 er paragraphe de larticle 21 de la Loi sur laccès pour refuser au demandeur laccès au document recherché. Dans laffaire Casgrain c. Société nationale de lAmiante 3 , le commissaire Pierre Cyr a fait ressortir deux conditions pour voir à lapplication de cet article : a) que la divulgation aurait pour effet, entre autres, de révéler à tout le moins une transaction, un projet de transaction relative à des biens; b) quune telle divulgation aurait vraisemblablement pour effet de causer un avantage indu à une personne. [26] Dans le dictionnaire Le Petit Larousse 4 le mot « indu » signifie : Ce qui nest pas . Dans laffaire Baudin c. Université McGill 5 , M e Carole Wallace, commissaire, fait ressortir, entre autres, la signification du mot « indu 6 ». Ce mot est défini comme étant ce « Qui va à lencontre des exigence de la raison, de la règle, de lusage ». La commissaire Wallace ajoute quil « sagit dune notion synonyme de déraisonnable et dont lapplication dépendra du contexte et dune appréciation de la preuve à la lumière du gros bon sens. » [27] La commissaire ajoute : 3 C.A.I. Montréal, n os 92 09 73 et 92 09 92, 2 août 1993, c. Cyr. 4 Le Petit Larousse illlustré, Paris, 2002, p. 542. 5 [1988] C.A.I. 247, 251, requête pour permission dappeler accueilli, jugement non rapporté, C.Q. Montréal, n o 500-02-036215-882, 24 novembre 1988, suivie dun désistement, 24 juin 1990. 6 Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1987.
04 15 85 Page : 8 […] il suffit que la divulgation des renseignements visés à larticle 21 puisse procurer un avantage ou causer un préjudice « à une personne », donc à tout compétiteur actuel ou potentiel, pour que cette disposition trouve application.[…] [28] Dans le cas sous étude, la preuve ex parte et par huis clos convainc la soussignée que la divulgation des termes et conditions du contrat en litige causerait vraisemblablement un avantage déraisonnable ou indu à une personne et porterait également atteinte aux intérêts économiques de lorganisme et de la tierce partie, et ce, conformément aux affaires Casgrain c. Société nationale de lAmiante 7 et Croft c. Hydro Québec 8 . [29] De plus, la soussignée rappelle les commentaires quelle a émis lors de la preuve ex parte et par huis clos voulant que la Commission nest pas liée par une clause ou convention de confidentialité intervenue entre des parties. Il est indiqué dans la décision Casgrain précitée quil sagit cependant dun indice à considérer lors de lanalyse des conséquences de la divulgation du document. IV) DE LA TIERCE PARTIE [30] Par ailleurs, la soussignée retient que M e Daigle appuie, pour la tierce partie, les arguments soumis par lorganisme dans la présente cause. V) DU DEMANDEUR [31] En ce qui concerne le demandeur qui na pas témoigné et na pas fourni de preuve à laudience, celui-ci indique, en argumentaire, quil est de lintérêt public que les termes et conditions du contrat en litige soient divulgués. Cest une question de transparence. Le public a le droit de connaître la manière selon laquelle le gouvernement gère son argent. [32] De la preuve recueillie, la soussignée est convaincue que lorganisme était fondé de se servir de son pouvoir discrétionnaire pour refuser au demandeur laccès au document convoité au sens du 1 er paragraphe de larticle 21 de la Loi sur laccès. 7 Id., note 3. 8 [1984-86] 1 CAI 415, 416, 417. Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, Laccès à linformation et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 2, publications CCH ltée, 2002, p. 52 002.
04 15 85 Page : 9 [33] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur contre lorganisme; REJETTE la demande de révision contre la tierce partie; FERME le présent dossier portant le n o 04 15 85. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Jean Lozeau LOZEAU, LAFRICAIN Procureurs de lorganisme M e Catherine Daigle POTHIER DELISLE Procureurs de la tierce partie
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