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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 22 15 Date : 19 juillet 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demande daccès est datée du 29 octobre 2003; elle vise laccès aux documents suivants : Rapports de vérification de la conformité des appareils de loterie vidéo réalisés au cours de la dernière année par le laboratoire de certification et de vérification des appareils de jeux; X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme Et LOTO-QUÉBEC Tiers
03 22 15 Page : 2 Rapports de conformité des machines à sous (casinos de Montréal, Hull et Charlevoix) réalisés au cours de la dernière année par le même laboratoire. [2] Le refus dacquiescer à cette demande est daté du 19 novembre suivant; il sappuie sur les articles 22 et 23 de la Loi sur laccès. [3] La demande de révision de ce refus est datée du 4 décembre 2003. PREUVE i) du ministère de la Sécurité publique Témoignage de M. André Marois : [4] M. André Marois témoigne sous serment. Il exerce, depuis lannée 2000, la fonction de responsable de laccès aux documents du ministère de la Sécurité publique; il occupait auparavant le poste dadjoint administratif du directeur régional (Est du Québec) des services correctionnels de ce ministère. [5] M. Marois a traité la demande daccès du 29 octobre 2003; cette demande est postérieure à une demande analogue quil avait aussi traitée. M. Marois sest donc adressé au directeur du «Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale» du ministère pour obtenir les documents demandés; le directeur du laboratoire la référé à M. Pierre Marchand, chef de service du «service des appareils de jeu» du laboratoire, qui lui a fourni un échantillon de ces documents. À la connaissance de M. Marois, ce service est, en vertu de la loi et de protocoles, responsable de la vérification des appareils de jeu, à savoir les machines à sous placées dans les casinos dÉtat ainsi que les appareils de loterie vidéo installés dans différents autres établissements au Québec. [6] Les documents auxquels laccès a été refusé sont les suivants: Des rapports quotidiens de vérification de machines à sous placées dans les casinos dÉtat; Des documents qui résultent de lapplication de protocoles de vérification des appareils de loterie vidéo installés au Québec, dans des établissements autres que des casinos dÉtat.
03 22 15 Page : 3 [7] M. Marois a, dune part, appuyé sa décision sur le 1 er alinéa de larticle 22 de la Loi sur laccès qui concerne la protection de secrets industriels; à son avis aussi, le 2 e alinéa de larticle 22 sapplique en ce quil permet de protéger les renseignements qui portent sur les composantes et les caractéristiques des appareils. Selon M. Marois, la divulgation de ces renseignements rendrait les appareils vulnérables, puisque des moyens techniques sont déjà connus, et risquerait ainsi de causer une perte à Loto-Québec et au Gouvernement du Québec. [8] M. Marois a également invoqué larticle 23 de la Loi sur laccès puisque des renseignements ont été fournis au ministère par des tiers au sujet de leurs activités et que ces renseignements sont traités de façon confidentielle par tous ces tiers. Contre-interrogatoire de M. Marois : [9] Des techniciens complètent quotidiennement un rapport sur leurs activités de vérification de machines. Ils complètent aussi un rapport pour chaque machine vérifiée. Ces rapports sont conservés ensemble, tels quels. [10] La divulgation des documents en litige renseignerait sur des composantes névralgiques des appareils et sur leur fonctionnement; une personne pourrait, à partir de ces renseignements, développer des techniques pour contourner la sécurité, accéder à ces composantes pour les modifier et ainsi entraver le fonctionnement attendu des appareils. Les modifications rendues possibles par la divulgation des documents en litige diminueraient la confiance du public et priveraient Loto-Québec de revenus. [11] M. Marois a appliqué larticle 23 aux renseignements fournis par Loto-Québec qui, en raison de ses activités, les obtient dautres tiers. Témoignage de M. Pierre Marchand : [12] M. Pierre Marchand témoigne sous serment à titre de chef de service du service des appareils de jeu du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. Il précise que ce laboratoire fait partie du ministère de la Sécurité publique et que le service des appareils de jeu, dont il coordonne les activités depuis janvier 2001, compte une vingtaine demployés qui sont pour la plupart ingénieurs et techniciens en électronique.
03 22 15 Page : 4 [13] Le service des appareils de jeu est responsable de la certification des appareils de jeu que Loto-Québec entend exploiter dans les casinos dÉtat ou dans le système de loterie vidéo; ce service est également responsable de la vérification de la conformité des appareils exploités dans ces casinos et dans le système de loterie vidéo. [14] La certification établit que le fonctionnement dun prototype repose entièrement sur le hasard et que les composantes du prototype qui déterminent les chances de gagner sont adéquates. Cette certification précède lacquisition dappareils du même type. La vérification de la conformité porte sur les appareils acquis après la certification de leur prototype; elle vise à établir que chacun des appareils exploités est identique au prototype certifié. [15] Loto-Québec doit sadresser à la Régie des alcools, des courses et des jeux pour obtenir un certificat et une autorisation dexploiter un appareil; pour sa part, cette Régie demande au service des appareils de jeu dexécuter les tests de conformité et de lui faire rapport à ce sujet avant que Loto-Québec soit autorisée à exploiter des appareils de jeu. [16] Une équipe de 4 techniciens du service des appareils de jeu vérifie les machines à sous des 3 casinos dÉtat. [17] M. Marchand continue son témoignage ex parte; cette partie de son témoignage est, quant à son contenu et quant à sa durée, la plus importante. ii) de Loto-Québec Témoignage de M. Roger Garceau : [18] M. Roger Garceau témoigne sous serment. Employé de Loto-Québec, il occupe, depuis le début du mois de juin 2005, le poste de directeur des opérations réseau pour la Société des loteries vidéo du Québec qui exploite, à travers le Québec, un réseau dappareils de loterie vidéo. M. Garceau est ingénieur en électronique; il a occupé, depuis 1998, le poste dingénieur chef à la Société des loteries vidéo du Québec, ce, après avoir travaillé durant 26 années au Centre de recherche industrielle du Québec. [19] La substance du témoignage de M. Garceau est rendue ex parte; ce témoignage porte essentiellement sur les renseignements qui constituent les documents qui sont en litige, renseignements sur lesquels M. Marchand a aussi témoigné.
03 22 15 Page : 5 iii) du demandeur [20] Le demandeur témoigne sous serment. En consultant les renseignements diffusés sur le portail du Gouvernement du Québec au sujet du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du ministère de la Sécurité publique, il a lu que le laboratoire effectuait la certification de la conformité ainsi que la vérification périodique des appareils de jeu exploités dans les casinos dÉtat et dans le système public de loterie vidéo du Québec (D-1); il a donc formulé sa demande daccès pour connaître les résultats de cette vérification de même que les sources qui nuisent au bon fonctionnement des appareils et pour savoir si les appareils de jeu vidéo remplissent leur fonction et donnent le taux de retour prévu. À son avis, il est important que ces renseignements soient divulgués. Référant aux renseignements précités (D-1, p.3), il indique que le laboratoire a, de 1993 à juin 1997, accordé 500 certifications, réalisé 1500 expertises et vérifié au-delà de 5000 machines à sous pour lun ou lautre des 3 casinos dÉtat du Québec; à son avis, la vérification des machines à sous est effectuée afin déviter des problèmes et donne sûrement lieu à des rapports sur leur fiabilité. [21] Le demandeur sexplique mal que la divulgation des documents en litige cause une perte à Loto-Québec ou nuise à sa compétitivité puisque, selon le demandeur, cet organisme nexerce pas ses activités dans un contexte concurrentiel. [22] Le demandeur doute également que la divulgation de ces documents ait un effet sur la confiance du public envers Loto-Québec; à son avis, le public ne se tournera vraisemblablement pas vers dautres sources de jeux puisque cet organisme exerce un monopole. [23] À la connaissance du demandeur, Loto-Québec aurait récemment généré un profit record et les appareils de loterie vidéo lui rapporteraient 30% de son chiffre daffaires. [24] Le demandeur dépose enfin copie dautres renseignements (D-2, en liasse) quil a obtenus en consultant le portail du Gouvernement du Québec (ministère de la Sécurité publique), à savoir : la norme no N-QC-LCV-C-001A sur le comportement des machines à sous (2000); la norme no N-QC-LCV-C-003 sur le taux de retour des jeux (2000).
03 22 15 Page : 6 iv) contre-preuve de Loto-Québec Témoignage de M e Marie-Christine Tremblay : [25] M e Marie-Christine Tremblay témoigne sous serment. Elle est directrice du secrétariat général de Loto-Québec ; elle fait partie du personnel de cet organisme depuis 17 ans. [26] À sa connaissance, les compétiteurs de Loto-Québec sont les établissements de jeux suivants : 4 casinos commerciaux et 19 «racinos» (établissements avec des machines à sous), situés en Ontario; Près de 72 casinos dans le nord-est des États-Unis, certains étant situés près de la frontière du Québec. [27] Loto-Québec a pris position sur la concurrence et elle a intégré cette position dans son plan de développement 2004-2007 quelle diffuse sur son site Internet (T-1). Contre-interrogatoire de M e Marie-Christine Tremblay [28] Le profit net que rapportent les bingos de Loto-Québec est attribué aux organismes sans but lucratif. [29] Loto-Québec sait que les clients des casinos se promènent; si lintégrité des casinos dÉtat ou celle dautres établissements de jeu est mise en doute, ces clients iront ailleurs. [30] Au Québec, Loto-Québec na pas de concurrents en ce qui concerne les appareils de loterie vidéo. ARGUMENTATION i) du ministère de la Sécurité publique A) Lapplication de larticle 22 de la Loi sur laccès : 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient.
03 22 15 Page : 7 Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. [31] Le 2 e alinéa de larticle 22 habilite le ministère de la Sécurité publique à refuser de communiquer les renseignements qui constituent les documents quil détient et qui sont en litige. La preuve démontre à cet effet que ces documents sont constitués de renseignements financiers, commerciaux et surtout techniques qui appartiennent à ce ministère et que la divulgation de ces renseignements risquerait vraisemblablement de procurer un avantage appréciable à une autre personne. La preuve démontre spécifiquement que laccès à ces documents permettrait à une personne qui ny a pas droit de frauder et den retirer des bénéfices appréciables. [32] Les renseignements financiers, commerciaux et techniques qui constituent ces documents appartiennent au ministère qui les obtient par lentremise du service des appareils de jeu de son laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale; ces renseignements excluent donc ceux qui sont communiqués par Loto-Québec. [33] Larticle 22 nexige pas que la divulgation des renseignements en litige constitue un risque certain de procurer un avantage appréciable. [34] La preuve démontre que la divulgation de ces renseignements risquerait vraisemblablement de faciliter la fraude ou lobtention frauduleuse davantages appréciables.
03 22 15 Page : 8 B) Lapplication de larticle 23 de la Loi sur laccès : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. [35] Loto-Québec, organisme public, est un tiers aux fins de lapplication de larticle 23. [36] Larticle 23 est une restriction impérative au droit daccès concernant les renseignements fournis par un tiers. Larticle 48 de la Loi sur laccès noffre pas une protection aussi étanche que larticle 23 et ne peut lui être substitué par le responsable. Loto-Québec a le droit de bénéficier de la protection prévue par larticle 23, protection dont bénéficie tout autre tiers susceptible de fournir des renseignements à un organisme public. [37] La preuve démontre que les renseignements fournis par Loto-Québec sont de nature confidentielle et quils sont habituellement traités par Loto-Québec de façon confidentielle. C) Lapplication de larticle 29 de la Loi sur laccès : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [38] Le 2 e alinéa de larticle 29, qui constitue une restriction impérative au droit daccès, sapplique et peut être invoqué même sil na pas appuyé le refus du responsable. Cette restriction protège lintégrité des processus de vérification mis en preuve. La divulgation de renseignements relatifs à un processus de vérification permet lutilisation de ces renseignements pour contourner le processus.
03 22 15 Page : 9 [39] Le 2 e alinéa de larticle 29 exige du ministère quil refuse de communiquer les renseignements qui constituent les documents détenus qui sont en litige, la preuve démontrant que la divulgation de ces renseignements compromettrait lefficacité des processus de vérification. D) Lapplication de larticle 41 de la Loi sur laccès : 41. Le vérificateur général ou une personne exerçant une fonction de vérification dans un organisme public ou pour le compte de cet organisme peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation serait susceptible: 1° d'entraver le déroulement d'une opération de vérification; 2° de révéler un programme ou un plan d'activité de vérification; 3° de révéler une source confidentielle d'information relative à une vérification; ou 4° de porter sérieusement atteinte au pouvoir d'appréciation accordé au vérificateur général par les articles 38, 39, 40, 42, 43 et 45 de la Loi du vérificateur général (chapitre V-5.01). [40] La preuve démontre la fonction de vérification quexerce le ministère de la Sécurité publique par lentremise du service des appareils de jeu de son laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. [41] La preuve démontre que Loto-Québec exerce également des activités de vérification. [42] Lavocat du ministère poursuit la présentation de son argumentation ex parte. ii) de Loto-Québec [43] Loto-Québec fait siens les arguments du ministère. A) Lapplication de larticle 22 de la Loi sur laccès : [44] Le 2 e alinéa de larticle 22 de la Loi sur laccès sapplique aux renseignements demandés qui sont commerciaux, scientifiques et techniques.
03 22 15 Page : 10 La preuve démontre que la divulgation de ces renseignements risquerait vraisemblablement de causer une perte à Loto-Québec et de procurer un avantage appréciable à une autre personne. [45] La confidentialité des renseignements en litige maintient la nécessaire crédibilité du système de loterie vidéo. B) Lapplication de larticle 23 de la Loi sur laccès : [46] Larticle 23 de la Loi sur laccès sapplique au ministère de la Sécurité publique en ce qui concerne les renseignements qui sont en litige et qui ont été fournis par le tiers Loto-Québec. [47] Lorsquun organisme public fournit à un autre organisme public des renseignements confidentiels qui font par la suite lobjet dune demande daccès, lorganisme qui les obtient détient conséquemment des renseignements confidentiels de cet autre organisme et il ne peut les divulguer sans le consentement de celui qui les a fournis. Lorganisme public qui a fourni les renseignements a droit à la protection prévue par larticle 23; il a aussi droit à ce que la demande lui soit directement adressée afin dy donner suite en vertu de la loi. [48] Loto-Québec a donc droit à la protection que lui accorde larticle 23 en ce qui concerne les renseignements confidentiels fournis au ministère de la Sécurité publique. La décision du responsable du ministère est fondée en ce qui a trait à lapplication de larticle 23, ce, même si le responsable a omis dinvoquer larticle 48 de la Loi sur laccès. [49] Loto-Québec doit, en vertu de larticle 52.15 de la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils damusement (L.R.Q., c. L-6), faire certifier et vérifier par un laboratoire relevant de la responsabilité du ministre de la Sécurité publique, lintégrité des appareils de jeu visés par la demande daccès. Loto-Québec na donc pas le choix et doit fournir des renseignements à ce ministère; le responsable de laccès du ministère devait, compte tenu de la preuve, appliquer larticle 23 à ces renseignements. [50] Le ministère de la Sécurité publique doit appliquer larticle 23 aux renseignements fournis par Loto-Québec, renseignements qui, comme la preuve le démontre, sont commerciaux, scientifiques et techniques, renseignements que Loto-Québec traite de façon confidentielle.
03 22 15 Page : 11 C) Lapplication de larticle 29 de la Loi sur laccès : [51] La preuve démontre que la divulgation des renseignements qui sont en litige aurait pour effet de compromettre lintégrité du système de loterie vidéo. [52] La preuve démontre spécifiquement que larticle 29 sapplique à chacun des renseignements qui sont en litige, la divulgation de lun de ces renseignements ayant pour effet de réduire lefficacité du processus de vérification des appareils de loterie vidéo. [53] La confidentialité des renseignements en litige maintient lintégrité du système de sécurité, protège contre la fraude. D) Lapplication de larticle 41 de la Loi sur laccès : [54] La preuve démontre que le ministère a, en vertu de larticle 52.15 de la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils damusement, mis sur pied un programme de vérification des appareils de jeu exploités par Loto-Québec . [55] La preuve démontre que la divulgation des documents qui sont en litige aurait directement pour effet de révéler ce programme de vérification. [56] La confidentialité des documents en litige maintient lintégrité du processus de vérification. [57] Lavocat de Loto-Québec poursuit la présentation de ses arguments ex parte. iii) du demandeur [58] Larticle 22 de la Loi sur laccès ne trouve pas application; la divulgation des renseignements en litige ne risque pas de causer une quelconque perte. [59] Loto-Québec nest pas un tiers au sens de larticle 23 de la Loi sur laccès; cet article ne trouve pas application, non plus. [60] Lapplication de larticle 41 na pas pour effet de restreindre laccès à des rapports détaillés de vérification.
03 22 15 Page : 12 DÉCISION [61] La Commission a pris connaissance des documents qui sont constitués des renseignements qui sont en litige. Ces documents sont des échantillons de ceux qui sont détenus et qui portent sur la vérification de la conformité de milliers dappareils dont le nombre exact est divulgué dans le plan de développement 2004-2007 de Loto-Québec (T-1). Les témoins, dont la crédibilité, les connaissances et lexpérience nont aucunement été mises en doute, ont, ex parte, analysé et expliqué le contenu de ces échantillons. Tels quils sont rédigés, les documents détenus qui sont en litige ne traitent pas de vérification dune manière générale ou globale; ils en traitent de façon spécifique et détaillée, cest-à-dire par rapport à chaque appareil vérifié ou par rapport à une activité spécifique de vérification. A) La fonction de vérification : [62] La Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils damusement (L.R.Q., c. L-6) prévoit la fonction de vérification et de certification du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du ministère de la Sécurité publique. Ce laboratoire vérifie et certifie les appareils de jeu et le matériel électronique directement liés aux systèmes de loterie de casino exploités dans un casino dÉtat pour donner lassurance que leur fonctionnement repose uniquement sur le hasard et que les appareils sont adéquats; le laboratoire exerce la même fonction en ce qui concerne les appareils de loterie vidéo exploités ailleurs que dans un casino dÉtat: 52.15. La Société des loteries du Québec doit, avant leur acquisition, ensuite selon la fréquence déterminée par les règles de la Régie ou sur demande de celle-ci, faire vérifier et certifier par un laboratoire relevant de la responsabilité du ministre les appareils de jeu et le matériel électronique directement liés aux systèmes de loterie de casino quelle exploite dans un casino dÉtat, pour sassurer que leur fonctionnement repose uniquement sur le hasard et que les appareils sont adéquats. La même obligation simpose, selon le cas, à la Société ou aux titulaires de licences pour les appareils de loterie vidéo exploités
03 22 15 Page : 13 ailleurs que dans un casino dÉtat, avant que ceux-ci ne soient immatriculés, ensuite selon la fréquence déterminée par les règles de la Régie ou sur demande de celle-ci. 1.a.1) «appareil de loterie vidéo» : à lexception des appareils utilisés par la Société des loteries du Québec dans lexploitation dun système de loterie non soumis à la présente loi, un appareil à sous au sens du Code criminel (L.R.C. (1985) c. C-46) et tout autre appareil exploité par un ordinateur, un dispositif électronique de visualisation, un dispositif mécanique ou électromécanique ou exploité à laide dun tel appareil qui offrent des jeux, moyens, systèmes, dispositifs ou autres opérations mentionnés aux alinéas 206 (1) a) à g) du Code criminel; l) «système de loterie vidéo» : un système de loterie dont les jeux sont offerts à partir dappareils de loterie vidéo reliés à un ordinateur central de contrôle, sauf sil est exploité dans un casino dÉtat; 138. Le ministre de la Sécurité publique est chargé de lapplication de la présente loi. [63] La preuve démontre que le laboratoire précité exerce effectivement la fonction de vérification exigée par la loi pour garantir que le fonctionnement des appareils visés par la demande daccès repose uniquement sur le hasard et que ces appareils sont adéquats. La preuve démontre spécifiquement que la vérification de la conformité porte sur les appareils acquis après la certification de leur prototype, la certification établissant que le fonctionnement dun prototype repose entièrement sur le hasard et que les composantes du prototype qui déterminent les chances de gagner sont adéquates; la preuve démontre que la vérification vise à établir que chacun des appareils exploités est identique au prototype certifié.
03 22 15 Page : 14 B) Les documents inhérents à lexercice de la fonction de vérification : [64] La preuve démontre que lexercice de cette fonction de vérification par le service des appareils de jeu du laboratoire donne lieu à la préparation de sommaires quotidiens de vérification de machines à sous, ces sommaires étant complétés par le rapport qui a été préparé concernant chaque appareil ayant fait lobjet de vérification au cours dune journée. La preuve démontre que lexercice de cette fonction de vérification par le service des appareils de jeu du laboratoire donne aussi lieu à la préparation et à la détention dautres documents concernant les appareils de loterie vidéo. C) La preuve relative aux documents en litige : [65] La preuve ex parte a dabord directement porté sur les processus de vérification, cest-à-dire sur lorganisation des activités de vérification et sur les activités de vérification telles quelles ont été effectuées dans les casinos dÉtat et autres établissements, au cours de la période visée par la demande daccès et concernant les appareils visés par cette demande. [66] La preuve ex parte démontre spécifiquement que les renseignements qui constituent les documents en litige font état du détail de ces processus destinés à assurer et à contrôler, par la mise en œuvre des moyens qui y sont exprimés et par lexécution des travaux qui y sont identifiés et expliqués, la sécurité et lintégrité des appareils. [67] La preuve ex parte démontre le lien existant entre les renseignements qui constituent les documents en litige qui sont détenus par le ministère de la Sécurité publique et la protection des appareils. La preuve ex parte établit notamment le lien existant entre les mesures mises en œuvre pour vérifier la sécurité ainsi que lintégrité des appareils et les documents en litige dont le contenu exprime cette mise en œuvre au cours de la période visée par la demande. [68] La preuve ex parte démontre le lien existant entre la sécurité des appareils et la nécessaire confidentialité des renseignements «sensibles» qui constituent les documents en litige et qui, pour certains, font lobjet dun engagement de confidentialité avec des manufacturiers. [69] La preuve ex parte démontre que la divulgation des renseignements en litige en permettrait lutilisation à des fins criminelles. La preuve démontre particulièrement que ces renseignements sont inter-reliés et que leur divulgation
03 22 15 Page : 15 même partielle réduirait lefficacité du dispositif de sécurité destiné à protéger lintégrité des appareils visés. [70] La preuve ex parte démontre que la divulgation des renseignements en litige risquerait de mettre en doute lintégrité des appareils visés, laquelle est à la base des jeux de hasard, et de diriger en conséquence la clientèle de Loto-Québec chez les compétiteurs, ce, malgré le processus de vérification garanti par la loi. [71] La preuve ex parte démontre que les documents en litige qui sont détenus par le ministère de la Sécurité publique après avoir été fournis par Loto-Québec expriment les moyens utilisés pour assurer la sécurité du fonctionnement des appareils ainsi que les renseignements qui identifient et caractérisent précisément ces appareils. La preuve démontre que la divulgation de ces renseignements en permettrait lutilisation à des fins criminelles. La preuve démontre que les renseignements détaillés qui se rapportent aux activités de vérification, telles quelles ont été expliquées, et qui résultent de ces activités pourraient être utilisés à des fins criminelles sils étaient divulgués. La preuve démontre particulièrement que la confidentialité de ces renseignements est essentielle et réelle et quelle protège contre la fraude. [72] La preuve testimoniale et documentaire (T-1) démontre que Loto-Québec exerce ses activités lucratives dans un contexte de concurrence et que cet organisme retourne le produit de ses activités à lÉtat (T-1). D) Les restrictions à laccès : [73] La preuve convainc que les renseignements de vérification produits par le ministère de la Sécurité publique lui appartiennent. La preuve convainc que la divulgation de ces renseignements, essentiellement techniques et inhérents aux activités de vérification des appareils visés, risquerait vraisemblablement de favoriser la fraude et, en conséquence, de procurer un avantage appréciable à des fraudeurs. Le 2 e alinéa de larticle 22 de la Loi sur laccès sapplique à ces renseignements : 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier,
03 22 15 Page : 16 commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. [74] La preuve convainc que la divulgation de renseignements de vérification qui sont en litige réduirait lefficacité de dispositifs de sécurité destinés à la protection de lintégrité des appareils visés. Le 2 e alinéa de larticle 29 sapplique à ces renseignements : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [75] La preuve convainc que la divulgation de ces renseignements serait susceptible dentraver ou de compromettre le déroulement dactivités de vérification et de révéler un programme de vérification. Les 1 er et 2 e paragraphes de larticle 41 de la Loi sur laccès sappliquent : 41. Le vérificateur général ou une personne exerçant une fonction de vérification dans un organisme public ou pour le compte de cet organisme peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation serait susceptible:
03 22 15 Page : 17 1° d'entraver le déroulement d'une opération de vérification; 2° de révéler un programme ou un plan d'activité de vérification; 3° de révéler une source confidentielle d'information relative à une vérification; ou 4° de porter sérieusement atteinte au pouvoir d'appréciation accordé au vérificateur général par les articles 38, 39, 40, 42, 43 et 45 de la Loi du vérificateur général (chapitre V-5.01). [76] La preuve convainc que les renseignements qui, aux fins de la vérification prévue par la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils damusement (L.R.Q., c. L-6), ont être fournis au ministère de la Sécurité publique par Loto-Québec sont dans leur ensemble techniques, quils sont, notamment pour les raisons de sécurité et dintégrité des appareils exprimées plus haut, de nature confidentielle et quils sont traités de façon confidentielle par Loto-Québec qui ne consent aucunement à leur communication. Larticle 23 de la Loi sur laccès sapplique à ces renseignements fournis par Loto-Québec, vu la preuve : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. [77] Larticle 23 précité est une règle de fond. Cette règle de fond se distingue de la règle procédurale que prévoit larticle 48 de la Loi sur laccès qui peut être utilisée, selon lavis du responsable, dans des circonstances déterminées. Larticle 48 peut notamment compléter la décision quun responsable appuie sur larticle 23 de la Loi sur laccès. [78] Les appareils visés par la demande daccès doivent, en vertu de la loi, être certifiés et vérifiés pour garantir que leur fonctionnement repose uniquement sur le hasard et que leurs composantes qui déterminent les chances de gagner sont adéquates. Cette garantie obligée génère la confiance du public. Des processus de vérification sont donc établis et mis en œuvre pour donner cette
03 22 15 Page : 18 garantie. La planification des activités de vérification de même que leur déroulement révèlent les mesures de sécurité utilisées pour protéger et assurer lintégrité des appareils. Les documents qui sont en litige expliquent, en raison des renseignements détaillés qui les constituent, les dispositifs de sécurité utilisés pour protéger lintégrité des appareils ainsi que les processus de vérification mis en œuvre pour examiner, avant et après lacquisition des appareils exploités, lefficacité de ces dispositifs de sécurité. La preuve convainc, précisément et univoquement, de la nécessaire confidentialité des documents en litige. [79] La Commission conserve tous les documents en litige de même que lenregistrement de laudition de tous les témoins et celui de la présentation de tous les arguments pour quils puissent être utilisés, advenant la contestation de la présente, par le tribunal saisi de cette contestation. [80] POUR TOUS CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Sébastien Rochette Avocat du ministère de la Sécurité publique M e William J. Atkinson Avocat de Loto-Québec
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