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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 13 39 Date : Le 15 juillet 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot [X] Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS formulée en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 21 mai 2004, le demandeur sadresse au responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) pour réitérer et compléter une première demande qui navait pas été satisfaite. Le demandeur indique quil désire avoir accès à une série de documents (normes policières concernant lutilisation des cinémomètres (radars), recommandations des manufacturiers de léquipement, entretien et vérifications techniques, etc.), quil énumère en 13 points, dans le but de préparer 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
04 13 39 Page : 2 sa défense devant les tribunaux concernant un événement précis : lémission des constats numéros 100400-2064370794 et 100400-2064370802 au demandeur, notamment pour excès de vitesse détecté à laide dun cinémomètre (radar). [2] Entre autres, les points 1, 4 et 12 de sa demande daccès se lisent comme suit : 1. Copies of all the traffic tickets and warnings issued by Agent de la paix Matricule 08199, (Surete Du Quebec Police Officer) Martin Perreault over the last three years from this date. These are public records from what I understand. 4. The service record for this patrol car. 12. The recommendations of the manufacturer for maintaining accuracy for both the police cruiser and radar unit which were used by Martin Perreault when he issued the previously mentioned traffic tickets. [3] Le 22 juin suivant, le Responsable lui répond en joignant une copie de la version anglaise de sa réponse. Il réfère également le demandeur à certains motifs quil avait invoqués le 1 er août 2003 dans la réponse à sa première demande daccès. Notamment, le Responsable justifie les refus de communiquer les documents réclamés aux points 1, 4 et 12 de la nouvelle demande daccès de la façon suivante : Concernant le point 1 de votre demande relative aux constats dinfraction émis par lagent Martin Perreault, matricule 08199 : Depuis les trois dernières années, les constats émis sur le territoire provincial sont transmis par courrier au Bureau des infractions et des amendes au 1200, route de lÉglise `Sainte-Foy (G1V 4M1). Si vous désirez des informations complémentaires, vous pouvez consulter le site internet (www.justice.gouv.qc.ca). De plus, vous pouvez vous adresser au ministère de la Justice, pour en obtenir copie à ladresse indiquée, si vous le jugez approprié, conformément à larticle 48 de la Loi sur laccès. En ce qui concerne les constats émis sur le territoire dune municipalité, ils sont conservés par le poste de police municipal concerné qui en fait le traitement. Si vous le jugez approprié, vous pouvez leur adresser une demande afin den obtenir copie en vertu de larticle 48 de la Loi. […] En ce qui concerne le point 4, nous vous signalons que les articles 28 et 29 de la loi sur laccès ont pour effet de restreindre la communication de ce type de renseignements en raison de leur confidentialité. […]
04 13 39 Page : 3 Au point 12 de votre demande, nous ne pouvons vous donner accès aux informations qui appartiennent au manufacturier, sous réserve des droits relatifs à la propriété intellectuelle, ceci conformément aux articles 12 et 48 de la Loi sur laccès. (sic) […] [4] Insatisfait de la réponse obtenue quant à ces trois points de sa demande daccès, le demandeur requiert la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser cette décision. [5] Une audience se tient le 24 mars 2005 en la ville de Québec, le demandeur y participant par voie téléphonique et lorganisme étant présent dans la salle daudience. LAUDIENCE A. LÉTENDUE DU LITIGE [6] Après discussion et explications reçues durant laudience, le demandeur se déclare finalement satisfait des autres réponses obtenues de lorganisme, se réservant toutefois le droit de formuler une nouvelle demande daccès, plus précise celle-là, au sujet de la justesse de fonctionnement (laccuracy) de lindicateur de vitesse (speedometer) sur le véhicule de lagent Perreault ou utilisé par ce dernier le jour les événements en cause sont survenus. [7] Le Responsable sengage à traiter cette nouvelle demande daccès avec toute la diligence nécessaire. [8] Le demandeur maintient sa contestation des réponses obtenues concernant les points 1, 4 et 12 de sa demande daccès. Il admet toutefois quil a formulé une demande des documents visés par le point 1 au ministère de la Justice comme suggéré par lorganisme. B. LA PREUVE i) de lorganisme Témoignage de monsieur André Marois [9] Monsieur Marois est le Responsable et cest lui qui a traité la demande daccès du demandeur.
04 13 39 Page : 4 [10] Le témoin dépose, dans la liasse O-1, la réponse quil adressait au demandeur le 1 er août 2003 à la suite de la première demande daccès. Il déclare que cette réponse na pas été contestée par le demandeur à cette époque. [11] Pour ce qui est du point 1 de la demande daccès, le témoin réitère les motifs quil a invoqués dans sa réponse sous examen. Ces documents demandés ne sont pas détenus par lorganisme. Ils sont conservés au ministère de la Justice. Il réfère donc le demandeur au Responsable de cet organisme comme il la déjà fait dans sa réponse. [12] En ce qui regarde le point 4, monsieur Marois comprend que le demandeur veut obtenir des renseignements sur lentretien du véhicule dont se servait lagent Perrault le jour des événements ainsi que de léquipement de ce véhicule. Il veut également obtenir les renseignements sur les réparations faites à ce véhicule et à son équipement. [13] Il produit sous pli confidentiel, entre les mains de la Commission, le document pouvant répondre à cette demande afin quelle statue sur son accessibilité. [14] Il sagit de la fiche informatisée concernant le véhicule concerné et intitulée « Informations générales sur le véhicule ». Cette fiche contient 6 feuillets et décrit le véhicule spécifiquement, donne des informations précises sur son achat, lachat des pièces déquipement, les réparations faites et lentretien effectué sur le véhicule et les équipements ainsi que la date, le kilométrage et le coût de ces interventions. [15] Il estime que le véhicule dont se sert un policier dans lexercice de ses fonctions est un outil pour prévenir, détecter et réprimer le crime. Ce véhicule nest pas conçu comme le véhicule de la même marque vendu au public dans le commerce. Il est amélioré et ajusté pour devenir un outil efficace. [16] Ainsi, la force du moteur, les systèmes informatiques et de communication à bord, le système de protection des armes transportées, etc. sont des spécificités propres aux véhicules de la Sûreté du Québec et font lobjet dattentions, de vérifications, dajustements et dentretien particuliers. [17] Il ajoute que labsence de certains équipements peut être également révélatrice. [18] Pour le témoin, donner les détails apparaissant à la fiche du véhicule concerné à toute personne qui la demande risquerait de révéler les composantes dun système de communication policière, ou de révéler des méthodes denquête, des parties dun plan daction dun corps de police sur sa flotte de véhicule.
04 13 39 Page : 5 [19] Le témoin ajoute que la divulgation de ces informations risquerait de compromettre lefficacité dun dispositif de sécurité utilisé par un corps de police qui a pour mission de veiller à la sécurité publique. [20] Il croit que donner les informations demandées pourrait même révéler lendroit lentretien est fait et la période cet entretien se fait. Ces informations sont très sensibles et leur divulgation au public risquerait de diminuer lefficacité du service de police concerné. [21] Le témoin déclare que le détail des interventions faites avec ce véhicule risque de dévoiler des méthodes denquête, des programmes ou des plans daction destinés à prévenir, détecter, empêcher ou réprimer le crime. [22] Pour ce qui est du point 12, le témoin Marois comprend que le demandeur veut obtenir les recommandations du manufacturier concernant le maintien de la justesse de fonctionnement (accuracy) du cinémomètre (radar) utilisé par lagent Perrault lors de lémission des constats en cause. [23] Le témoin Marois dépose sous pli confidentiel entre les mains de la Commission afin que celle-ci statue sur leur accessibilité, les parties de la directive émise par le Directeur général de la Sûreté du Québec intitulée SEC. ROUT. 07 et qui était en vigueur lors des faits en cause. Cette directive traite de lutilisation du cinémomètre et de son entretien, vraisemblablement selon les spécifications du manufacturier aux fins dassurer la justesse de son fonctionnement. [24] Il sagit des paragraphes suivants de ce document : 3.2, 4.1.1.A. avec la « Note », 4.1.1.B avec la « Note », et de ses annexes A, B, C et D. [25] En réponse aux questions du demandeur, le témoin explique que le policier applique non pas les instructions du manufacturier, mais bien la directive dutilisation et dentretien du cinémomètre SEC. ROUT. -.07 préparée pour lui par son corps de police, la Sûreté du Québec, laquelle directive inclut vraisemblablement les recommandations du manufacturier. [26] Le témoin est davis que lorsque le policier est interrogé en cour, il doit répondre du respect de la directive SEC. REC. 07 et non des recommandations du manufacturier. [27] Monsieur Marois est convaincu que ce sont les parties retranchées de la directive qui sont susceptibles de répondre à la demande daccès telle que formulée plutôt que les recommandations du manufacturier comme telles. [28] Le témoin est convaincu que la divulgation des paragraphes et des annexes en litige de la directive SEC. ROUT. 07 permettrait à la personne qui détient ces
04 13 39 Page : 6 informations de rendre lutilisation du cinémomètre inefficace ou de comprendre comment la rendre inefficace. [29] Il ajoute que la divulgation de ces renseignements risque davoir sensiblement les mêmes effets que ceux mentionnés plus haut en regard du point 4 de la demande daccès. ii) du demandeur [30] Le demandeur ne présente aucun élément de preuve. C. LES ARGUMENTS i) de lorganisme [31] Lavocat de lorganisme plaide que la preuve démontre que les renseignements visés par le point 1 de la demande daccès ne sont pas détenus par lorganisme, mais bien par le ministère de la Justice et que lindication en a été faite au demandeur. [32] Il plaide que lorganisme ne peut être tenu de remettre des documents quil ne détient pas conformément à larticle 1 de la Loi. [33] Lavocat de lorganisme prétend ensuite que preuve est faite que les renseignements visés par les points 4 et 12 de la demande daccès sont détenus par lorganisme et sont contenus dans deux documents remis à la Commission sous pli confidentiel. [34] Il soutient que la preuve a démontré que la totalité des fiches dentretien du véhicule ainsi que les parties désignées de la directive SEC. ROUT. 07 contiennent, en substance à leur face même, des renseignements visés par les paragraphes 3° et 6° de larticle 28 de la Loi et par le deuxième alinéa de son article 29. Il conclut que ces fiches et les parties décrites de la directive sont par conséquent inaccessibles à tout demandeur. ii) du demandeur [35] Le demandeur sen remet à lappréciation que fera la Commission des faits et du droit applicable en lespèce.
04 13 39 Page : 7 DÉCISION [36] Les dispositions de la Loi applicables en lespèce et permettant de trancher le litige sont les articles 1, 14 (partie soulignée) et le deuxième alinéa de larticle 29 : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne.
04 13 39 Page : 8 Point 1 de la demande daccès [37] La preuve établit que lorganisme ne détient pas ces documents au sens de larticle 1 de la Loi. [38] La réponse du Responsable est bien fondée et la Commission ne peut forcer un organisme à remettre des documents quil ne détient pas. Points 4 et 12 de la demande daccès [39] Le témoignage de monsieur Marois et lexamen des documents en litige, savoir les fiches dentretien du véhicule concerné ainsi que les parties ci-haut décrites de la directive SEC. ROUT. 07, convainquent la Commission que la substance de ces documents ou partie de documents est constituée de renseignements dont la divulgation permettrait vraisemblablement de réduire lefficacité dun dispositif de sécurité destiné à la protection dun bien ou dune personne. [40] En effet, la preuve démontre que les équipements et le véhicule en cause sont des outils destinés à la protection du public en matière de sécurité routière et en matière de prévention, de détection et de répression du crime ou dinfraction aux lois. [41] La décision du Responsable de refuser laccès aux renseignements en litige basée sur le deuxième alinéa de larticle 29 est fondée. [42] Étant donné que lanalyse et les conclusions qui précèdent suffisent à disposer entièrement de la demande de révision, il est inutile que la Commission se prononce sur lapplicabilité des autres dispositions de la Loi soulevées par le Responsable. [43] Avant den arriver au dispositif final de la présente décision, la Commission désire émettre les deux commentaires qui suivent. [44] La Commission rappelle que lapplication de la Loi est la même pour tous les demandeurs. Ce qui est accessible à un demandeur daccès en vertu de la Loi lest pour tous les autres, quels que soient les buts poursuivis par chacun. [45] La Commission rappelle également que son rôle de révision en matière daccès se limite à décider si un responsable de laccès a bien appliqué les règles prévues dans la Loi sur laccès et non de voir à ce quune personne puisse bénéficier dune défense pleine et entière devant un autre tribunal. Cest au juge de
04 13 39 Page : 9 ce tribunal de voir à la protection de ce droit à une défense pleine et entière et, notamment, à faire appliquer les règles relatives à la divulgation de la preuve. [46] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de lorganisme : M e François Marcoux (Chamberland, Gagnon, avocats) La version française de cette décision est sa seule version officielle.
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