Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 16 74 Date : Le 14 juillet 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. LA FINANCIÈRE SUN LIFE / CLARICA Entreprise DÉCISION L'OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE [1] Le 21 août 2003, le demandeur requiert de la Financière Sun Life / Clarica (« Clarica ») de lui communiquer les documents suivants : 1) Les notes contenues au système informatique rapportant les conversations téléphoniques avec lui ou son épouse; 2) La correspondance échangée entre Clarica, les médecins et les professionnels de la santé à son sujet, incluant les rapports;
03 16 74 Page : 2 3) Les notes prises par les employés de Clarica lors de conversations téléphoniques ou de rencontres le concernant; 4) La correspondance échangée entre Clarica, Imperial Tobacco Canada Limited (« Imperial Tobacco »), Keyfacts Canada et Groupe SAPA le concernant. [2] Le 25 août 2003, M e Martine L. Tremblay, procureure de Clarica, refuse l’accès aux documents exigés par le demandeur, celui-ci faisant l’objet d’un recours devant la Cour supérieure du district de Montréal. [3] Le 23 septembre 2003, le demandeur veut que la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») examine sa mésentente, Clarica n’ayant pas répondu positivement à sa demande. [4] Le 1 er février 2005, une audience se tient à Montréal. [5] Le 4 avril 2005, la Commission obtient les arguments et l'affidavit de Clarica. Les commentaires du demandeur sont reçus le 9 mai suivant et une réplique de Clarica est déposée le 11 mai 2005. [6] Le 5 juillet 2005, la Commission, après avoir pris connaissance des observations des parties, les avise qu’elle prend le dossier en délibéré et qu’une décision suivra sous peu. L'AUDIENCE A) LA QUESTION PRÉLIMINAIRE [7] La Commission indique à l’audience qu’elle doit trancher un litige permettant de savoir, d’une part, si Clarica possède des documents en vertu de l'article 1 en lien avec la demande d'accès et, d’autre part, s’ils satisfont aux conditions énoncées au 2 e paragraphe de l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi ») : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne 1 L.R.Q., c. P-39.1.
03 16 74 Page : 3 recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public. 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: […] 2 o d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. (soulignement ajouté) [8] La Commission rejette donc à l’audience la requête soumise par Clarica en vertu de l’article 52 de la Loi : 52. La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n'est manifestement pas utile. [9] La Commission, constatant que Clarica n’avait pas avec elle, le 1 er février 2005, les documents faisant l’objet du litige, exige de celle-ci d’en faire une liste exhaustive qu’elle devra communiquer à la Commission et au demandeur. Elle ajoute que Clarica devra produire les documents en litige, sous pli confidentiel, avant le 1 er avril 2005, accompagnés de l'affidavit d’une personne en autorité justifiant les motifs en empêchant la communication. La procureure de Clarica pourra, le cas échéant, soumettre ses arguments par écrit, le demandeur ayant 30 jours de la réception de la liste pour répliquer. [10] La Commission autorise Clarica à ne pas lui remettre les documents concernant les compagnies Keyfacts Canada et Groupe SAPA, mais seulement de produire un affidavit attestant que ces compagnies ne sont intervenues au dossier qu’exclusivement dans le cadre de la réclamation pour invalidité du demandeur.
03 16 74 Page : 4 B) LE LITIGE [11] Le demandeur maintient sa demande d’accès aux documents exigés de Clarica. Il spécifie vouloir, entres autres, les notes détenues par Clarica les concernant, sa femme et lui. C) LA PREUVE i) De Clarica Le demandeur [12] Le demandeur admet à l’audience l’existence d’un recours à la Cour supérieure se rapportant à la détermination de son invalidité ayant débuté le 6 octobre 1999. Ce recours implique notamment Clarica et son employeur, Imperial Tobacco (pièces E-1 à E-6). Il admet n’avoir reçu aucune rente d’invalidité de Clarica ni rencontré un membre du personnel de Clarica avant sa demande d’invalidité du 6 octobre 1999. [13] Le demandeur reconnaît que sa procureure, M e Susan Heap, a déjà interrogé après défense les représentants de Clarica (pièce E-7), notamment M me Gail St-Pierre, analyste et responsable du dossier du demandeur, et M. Angello Iamantuoni, représentant la compagnie Keyfacts Canada, agence d’enquête ayant surveillé les activités du demandeur. [14] Le demandeur précise que Clarica s’est opposée, lors de l’interrogatoire préalable de M me St-Pierre, à la communication au demandeur des notes et correspondance manuscrites ou informatisées détenues par celle-ci. Il confirme également que le rapport d’enquête réalisé par la compagnie Keyfacts Canada fait actuellement l’objet d’une controverse, selon les allégations se trouvant aux paragraphes 76 de la pièce E-4 et 70 de la pièce E-5. [15] Le demandeur confirme qu’il ne connaissait pas la compagnie Keyfacts Canada avant la remise du rapport de surveillance dont il a été l’objet dans le cadre du recours judiciaire. Il maintient qu’il veut savoir ce que possède Keyfacts Canada à son sujet. Il confirme également que Groupe SAPA, firme de consultants, lui était inconnu avant sa demande d’indemnisation pour invalidité. Il déplore le fait qu’il ne peut accéder aux informations le concernant détenues par ces dernières compagnies.
03 16 74 Page : 5 M me Gail St-Pierre [16] M me St-Pierre produit l’affidavit suivant signé le 4 avril 2005 (pièce E-8) : Je, soussignée, GAIL ST-PIERRE, conseillère auprès des clients, gestion d’invalidité, pour La Financière Sun Life / Clarica, domiciliée aux fins des présentes au 1155 rue Metcalfe, 2e étage, Montréal, Québec, H3B 2V9, déclare solennellement : 1. Je suis l’employée de La Financière Sun Life / Clarica ("CLARICA") ayant révisé le dossier constitué par ladite entreprise afin de répondre à l’ordonnance prononcée par le commissaire Michel Laporte le 1 er février dernier; 2. J’annexe aux présentes comme Annexe A la liste du regroupement de tous les documents qui, au 21 août 2003, se trouvaient au dossier constitué par CLARICA sur [le demandeur] et qui entrent dans l’une des catégories établies par le commissaire Michel Laporte lors de l’audition du 1 er février 2005 dans ce dossier; 3. Tous les documents mentionnés à l’Annexe A, à l’exception du document mentionné au paragraphe 4a) de l’Annexe A, ont une date postérieure au 11 juillet 2000 et antérieure au 21 août 2003, le document mentionné audit paragraphe 4a) ayant été reçu postérieurement au 11 juillet 2000; 4. Le chiffre mentionné entre parenthèse à la fin de chaque description indique le nombre de documents regroupés dans cette catégorie; 5. Les notes au dossier mentionnées à l’Annexe A sont parfois le résultat d’un échange de courriels entre les employés de CLARICA; 6. Par ailleurs, dans la description de la correspondance échangée entre CLARICA, d’une part et Imperial Tobacco Canada Limited ou Imperial Tobacco Welfare Benefit Trne (« collectivement « ITC »), d’autre part, CLARICA n’a pas inclus la correspondance adressée [au demandeur] ou sa conjointe par CLARICA où le personnel d’ITC était en copie conforme et celle adressée [au demandeur] ou sa conjointe où le
03 16 74 Page : 6 personnel de CLARICA était en copie conforme, puisque selon la compréhension de nos procureurs, Kugler Kandestin s.e.n.c.r.l.., [le demandeur] a indiqué à l’audience que les documents qu’il avait reçus ou qu’il contrôlait n’étaient pas visés par sa demande; 7. Je confirme par ailleurs que CLARICA, dans le cadre des services de soutien à la gestion du régime d’assurance collective offert par ITC, a retenu les services de Consultations S.A.P.A. Inc. uniquement aux fins d’agir comme experts en réadaptation dans le cadre du dossier [du demandeur]; 8. C’est dans le cadre des mêmes services que CLARICA a retenu les services de KeyFacts Canada Inc. pour effectuer la surveillance des activités [du demandeur], et le résultat de cette surveillance fait l’objet des cassettes vidéo et rapports de surveillance produits au dossier de la Cour supérieure opposant [le demandeur] à CLARICA, portant le numéro […], sous les cotes D-5, D-6 et D-7; 9. Je confirme, de plus, que les services de Keyfacts Canada Inc. et Consultant S.A.P.A. ont tous été retenus après l’arrêt de travail pour l’invalidité alléguée par [le demandeur] dans ledit dossier de la Cour supérieure portant le numéro […] et plus spécifiquement après le 11 juillet 2001; 10. Les faits allégués à la présente déclaration solennelle sont vrais. (sic) [17] L’annexe A jointe à l'appui de l’affidavit de M me St-Pierre révèle que : ANNEXE A 1. Impression complète des notes contenues dans le système informatique détaillant les conversations téléphoniques avec [l’épouse du demandeur] ou [le demandeur] a) Ces notes sont toutes répertoriées et catégorisées ci-dessous.
03 16 74 Page : 7 2. Copie de la correspondance avec les médecins (autre que le Dr Couture et Manon Houle) ou tout autre professionnel de la santé au sujet [du demandeur] ou de sa santé, ainsi que leur rapport (dans la mesure où il ne s'agit pas de dossiers médicaux obtenus suite à l'autorisation [du demandeur]). a) Lettres au Dr Marcus par Nicole Savard ou François Gosselin (2); b) Communications écrites avec les médecins consultants Drs Pierre Gosselin et Lionel Béliveau par les différents analystes ou employés de Clarica, Compagnie d'assurance sur la vie ("CLARICA"), qu'il s'agisse de Mme Catineau ou M. Gosselin ou Mme Fleury ou Mme St-Pierre (5); c) Correspondance échangée avec le Dr Gilles Chamberland relativement au rapport d'expertise requis de lui (6); d) 9 janvier 2001 : Lettre du consultant médical de CLARICA, Dr E. Douglas Gat, au Dr Watts (1); e) Note de Doris Fleury à Gail St-Pierre sur sa conversation téléphonique avec Annie Ratelle de chez SAPA au sujet [du demandeur] (1); 3. Notes écrites des employés de CLARICA suite à des conversations téléphoniques ou rencontres au sujet [du demandeur] ou de sa santé. a) Note de Nicole Savard (1); b) Note d'Annick Marcil (1); c) "New claim assessment" et autres notes au dossier et courriels par Mme Catineau sur ses conversations téléphoniques avec Josée Liby, représentante de Imperial Tobacco Canada Limited et Imperial Tobacco Benefit Trust (collectivement "ITC") et avec le consultant médical Dr Gosselin (3);
03 16 74 Page : 8 d) Notes de l'analyste François Gosselin suite à ses conversations téléphoniques avec le Dr Chamberland et [le demandeur]; et notes et rapports à Mme St-Pierre (CLARICA) et rapports préparés par M. Gosselin pour le dossier (6); e) Note d'appel téléphonique logé par [l’épouse du demandeur] pour Gail St-Pierre (1); f) Notes de Sylvain Bouchard suite à sa rencontre avec Claude Savoie (ITC) et à ses conversations ou rencontres avec Gail St-Pierre (CLARICA) (2); g) Notes de Doris Fleury suite à ses rencontres avec Sylvain Bouchard (CLARICA), Gail St-Pierre (CLARICA), Claude Savoie (ITC), Dr Clément (ITC), [le demandeur et son épouse]; notes de Doris Fleury suite à ses conversations téléphoniques avec [l’épouse du demandeur], M. Savoie (ITC), Me Susan Heap (procureurs [du demandeur]), S.A.P.A.; différents rapports préparés pour le dossier et les autres employés de CLARICA par Mme Fleury suite à des rencontres et conversations téléphoniques (10); h) Notes de Gail St-Pierre sur ses conversations téléphoniques et discussions avec le Dr Roper, [l’épouse du demandeur]; notes de Gail St-Pierre au dossier résumant différentes rencontres et conversations avec les représentants d'ITC ou [le demandeur et son épouse] ou les employés de CLARICA: Doris Fleury, Sylvain Bouchard, François Gosselin (7); i) Divers courriels et projets de lettres échangées avec le contentieux de CLARICA (Me Marie-Claude Lalande et Me Geneviève Pépin) ou les avocats externes de CLARICA (Me Martine L. Tremblay) et ceux de ITC (Me Tamara Gito ou Me Jean-Charles René) pouvant contenir des résumés de conversations téléphoniques et de rencontres au sujet [du demandeur] ou de sa santé;
03 16 74 Page : 9 4. Correspondance entre CLARICA et ITC a) 19 juin 2000 : Copie conforme de la lettre du Dr Clément (ITC) au Dr Marcus; b) 13 juillet 2000 : Transmission par télécopieur de Line Bilodeau (ITC) du dossier [du demandeur]; c) Différentes notes et lettres reçues de Josée Liby (ITC) et du Dr Clément (ITC) (2); d) Transmission de l'expertise du Dr Chamberland à Claude Savoie (ITC) par François Gosselin (CLARICA) (1); e) Lettre et courriels entre Gail St-Pierre (CLARICA) et Claude Savoie (ITC) (7); f) Transmission à Claude Savoie (ITC) du sommaire du dossier préparé à la demande du service du contentieux (1); g) Lettre échangée avec le Dr Clément (ITC) (2); ii) Du demandeur [18] La Commission reçoit du demandeur, le 9 mai 2005, les commentaires suivants : Tel que vous m'avez demandé lors de l'audience du 1 er février 2005, je vous transmets ma réponse à la lettre de Kugler Kandestin, représentants de La Financière Sun Life / Clarica (CLARICA), datée du 4 avril 2005 que j'ai reçue le 8 avril, afin que vous puissiez considérer les arguments des parties et décider comment procéder dans le dossier 03 16 74. Tel qu'expliqué plus loin, ma réponse est possiblement incomplète et demande votre intervention. Ma réponse est divisée en sections comme suit : A. Documents que j'ai déjà en main. B. Documents possiblement couverts par l'article 39.2 ou le Secret Professionnel.
03 16 74 Page : 10 C. Documents pour lesquels je maintiens fermement ma demande d'accès. D. Points et commentaires importants. Afin de simplifier la tâche, j'ai conservé la même numérotation de documents que celle utilisée par CLARICA. A. DOCUMENTS QUE J'AI DÉJÀ EN MAIN : Section 2. : a. B. DOCUMENTS POSSIBLEMENT COUVERTS PAR L'ARTICLE 39.2 OU LE SECRET PROFESSIONNEL : Section 1. : correspondance dans a) datée après le 20 juillet 2000. Section 2. : b, c, e. Section 3. : a, c, d, f, g, h, i. Section 4. : d, f. C. DOCUMENTS POUR LESQUELS JE MAINTIENS FERMEMENT MA DEMANDE D'ACCÈS : Section 1. : correspondance dans a) antérieure au 21 juillet 2000. Section 2. : d. Section 3. : b. Section 4. : b, c, e, g. D. POINTS ET COMMENTAIRES IMPORTANTS : Monsieur le Commissaire, depuis la fin de l'an 2000, je fais face à deux compagnies, Impérial Tobacco et Clarica Compagnie d'Assurances qui ont démontré, dans mon opinion, des attitudes totalement abusives et indifférentes à mon égard, à l'égard de ma famille et à l'égard de ma santé. Dans cet esprit d'indifférence, ces deux compagnies ne m'ont démontré aucune intention de coopérer avec mes requêtes d'accès à l'information originales (juillet 2003) jusqu'à l'audience du 1 er février 2005 lorsque vous êtes intervenu.
03 16 74 Page : 11 En ce qui concerne le document de Kugler Kandestin et de CLARICA datée du 4 avril 2005, je n'ai pas la certitude qu'ils ont énuméré tous les documents en leur possession. Par exemple, ils n'ont listé aucun rapport médical ou lettre qui ont été envoyés à CLARICA par mes seize médecins. Autre exemple : je détiens des copies de lettres envoyées à Gail St-Pierre de Clarica qui ne se trouvent pas sur leur liste. Pourquoi ces documents ne sont-ils pas listés? Et si ceux-ci ne sont pas listés, combien d'autres n'ont-ils pas listés? À ma compréhension, l'ordonnance que vous avez donnée à CLARICA lors de l'audience du 1 er février est que CLARICA énumère tous les documents en leur possession et non pas uniquement les documents qu'ils soupçonnent que je ne détiens pas de copie. Il m'est difficile de vérifier et/ou d'émettre des commentaires sur des documents qui ne sont pas listés. Je demande donc que CLARICA révise la liste et inclut tous les documents en sa possession tel que demandé dans ma requête originale d'accès à l'information datée du 21 août 2003. Le critère de l'article 39.2 s'énonce comme suit : « ...d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans la quelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt ». J'ai beaucoup de mal à accepter que tous les documents énumérés par Clarica aurait un effet sur la procédure judiciaire […] (C.S.Q.). Ma compréhension de votre rôle, cher Commissaire, est de vérifier si ce critère s'applique à chaque document. Je maintiens toujours ma requête d'avoir accès aux documents où l'article 39.2 ne s'applique pas. Je vous demande donc d'examiner chaque document énuméré dans la section B et je m'en remets à votre décision pour mon accès à ces documents. De plus, je demande, par la présente, à CLARICA de conserver ces documents jusqu'à la fin de la poursuite judiciaire […] (C.S.Q) où je renouvellerai ma demande d'accès. Pour tous les documents listés dans la section C ci-dessus, je maintiens fermement ma demande d'accès. Et si CLARICA m'en refuse leur accès, je demande qu'une nouvelle audience ait lieu pour trancher les documents en litige. Je crois que ma famille et moi pourrons vous en faire la preuve pour chacun d'eux.
03 16 74 Page : 12 Commissaire Laporte, même si vous avez exprimé, lors de l'audience du 1 er février 2005 que la motivation de ma requête d'Accès à l'information était sans importance, j'aimerais néanmoins vous l'énoncer aussi brièvement que possible. Mon expérience démontre que les grosses entreprises telles qu'Impérial Tobacco et CLARICA, sont parfois totalement indifférentes aux requêtes et droits des individus de notre Société jusqu'au jour où il y a application de la Justice. Les grosses entreprises riches opèrent dans un vacuum de justice tant que la Justice n'est pas appliquée. Et de nos jours au Québec, ça peut prendre 2-3-4 ans. J'estime que dans mon cas personnel, ces deux compagnies ont versé des dizaines, et possiblement des centaines, de milliers de dollars à essayer de reporter l'application de la Justice et donc à l'obtention de mes droits. La plupart des individus de notre Société abandonnent la bataille contre ces « Gros Joueurs » qui ont amplement d'argent et engagent les meilleurs avocats à leur avantage et finissent par assécher ou intimider leurs opposants. Conséquemment, leurs droits sont brimés. Ma famille et moi avons décidé de faire face à ces compagnies et de tenir à nos droits, et dans ce cas-ci, à nos droits d'accès à l'Information. Dans mon opinion, les propos de CLARICA et d'Impérial Tobacco caractérisant mes requêtes comme « frivoles », « expédition de pêche », etc. sont entièrement compatibles avec mon expérience : que ces entreprises essaient par tous les moyens d'éteindre les recours judiciaires d'individus et d'éviter l'application de la Justice. Pour cette raison, Commissaire Laporte, je dépends de votre intervention pour assurer mes droits tels que définis dans la Loi d'Accès à l'Information et que je ne devienne pas une autre victime de ces grosses entreprises. Je demande donc en premier lieu que CLARICA complète sa liste, et deuxièmement, l'accès aux documents tels que stipulés dans la présente. Si CLARICA refuse toujours mon accès, je demande qu'une nouvelle audience soit tenue pour résoudre le conflit. (sic)
03 16 74 Page : 13 D) LES ARGUMENTS De Clarica [19] M e Tremblay écrit à la Commission, le 4 avril 2005, ce qui suit : Conformément à l’ordonnance prononcée le 1 er février 2005, nous vous faisons parvenir avec les présentes la Déclaration solennelle de Mme Gail St-Pierre, représentante dûment autorisée de La Financière Sun Life / Clarica ("CLARICA") décrivant les documents se trouvant au dossier constitué par CLARICA sur [le demandeur] et entrant dans l’une des catégories visées par votre ordonnance. Dans un premier temps, CLARICA réitère sa demande pour que la Commission d’accès à l’information du Québec (la "COMMISSION"), suite à la réception de la déclaration solennelle, refuse ou cesse d’examiner la présente affaire. En effet, cette déclaration solennelle confirme que tous les documents dont [le demandeur] requiert la transmission ont été reçus ou échangés pendant la période couverte par la réclamation en dommages [du demandeur] dans le dossier de la Cour supérieure portant le numéro […] et ce, tel qu’il appert de la Déclaration, Pièce E-3. Donc, il appert clairement que l’intervention de la COMMISSION n’est manifestement pas utile puisque la totalité du débat est déjà devant la Cour supérieure du Québec et que la démarche [du demandeur] est faite uniquement afin de procéder, via la COMMISSION, à une expédition de pêche interdite par les articles 397 et 398 du Code de procédure civile qui s’appliquent devant la Cour supérieure du Québec. À tout événement, tel que vous nous l’avez suggéré, puisque la déclaration solennelle et l’annexe doivent être transmis [au demandeur], nous avons regroupé les différents documents en fonction de leur auteur, sans indiquer de dates ou trop de détails sur leur contenu. En effet, nous croyons que l’indication de dates à ce stade-ci du débat devant la Cour supérieure peut vraiment influer sur le sort de ce litige, où [le demandeur] plaide essentiellement qu’il est victime des agissements ou du défaut d’agir de Clarica.
03 16 74 Page : 14 Nous vous confirmons donc par les présentes que CLARICA refuse l’accès à la totalité des documents mentionnés à l’Annexe A aux termes de l’article 39, 2e alinéa, de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, L.R.Q., c P-39.1, puisque dans le cadre des procédures judiciaires faisant l’objet des pièces E-2, E-3, E-4, E-5 et E-6, [le demandeur] réclame de CLARICA un montant important à titre de dommages punitifs et moraux en raison du traitement par CLARICA de la demande de réclamation [du demandeur] entre le 11 juillet 2000 et la date de la demande d’accès, soit le 21 août 2003. De plus, nous ajoutons que CLARICA est également en droit de s’objecter à la production des documents faisant l’objet des paragraphes 2b), 2c), 2e), 3d) et 4d) en raison du fait qu’ils constituent des communications avec un médecin chargé de préparer une expertise. Cette expertise a déjà été communiquée [au demandeur], qui allègue d’ailleurs l’incompétence du Dr. Charmberland dans les procédures en Cour Supérieure comme source d’aggravation de son état. Cependant cette communication ne peut nous obliger à transmettre, les courriers et autres documents échangés avec le médecin puisque même lorsqu’il y a procès les documents préparatoires et de travail d’un expert n’ont pas à être produit sauf s’il s’agit d’éléments de preuve sur lesquels repose l’expertise. De même, les documents faisant l’objet des paragraphes 3i) et 4f) constituent des documents qui bénéficient du privilège de confidentialité rattaché aux communications entre un avocat et son client. Nous reconnaissons que les documents mentionnés au paragraphes 2a) et 4a) sont des lettres adressées au médecin traitant [du demandeur], le Dr Marcus et que la lettre mentionnée au paragraphe 2d) est adressée à son rhumatologue traitant, Dr Watts, tel qu’il appert des procédures E-3, E-4, E-5 et E-6. Techniquement, CLARICA n’aurait sans doute pas dû mentionner ces documents puisqu’ils devraient normalement être inclus au dossier médical [du demandeur] avec le Dr Marcus ou le Dr Watts, lesquels ont été obtenus suite à l’autorisation [du demandeur] et n’ont donc pas à être communiqués de nouveau aux termes de votre ordonnance du 1 er février 2005. Cependant, voulant éviter d’avoir à consulter de
03 16 74 Page : 15 nouveau ces dossiers pour vérifier si ces lettres s’y trouvaient ou non, nous avons décidé de les mentionner. Finalement, dans l’éventualité où vous estimeriez que nous avons mal saisi vos exigences quant à la description des documents, il nous fera plaisir d’y remédier. Par ailleurs, en signe bonne foi, CLARICA nous a autorisé à vous soumettre sous scellés, pour vos seuls yeux et sous les mêmes conditions que nous vous avions préalablement soumis les documents de Manon Houle et du Dr. Couture, la liste détaillée de la totalité des documents qui a été préparée pour en permettre le regroupement. Cette liste n’est pas transmise [au demandeur] puisqu’elle ne vous est soumise comme partie intégrante de la déclaration solennelle. (sic) [20] Le 11 mai 2005, M e Tremblay réplique aux commentaires communiqués par le demandeur, le 9 mai 2005, de la façon suivante : Nous accusons réception de la lettre que [le demandeur] vous adressait le 4 mai 2005 au sujet de la demande d'accès mentionnée en titre. Nous croyons que cette lettre confirme sans l'ombre d'un doute que la demande [du demandeur] est entièrement reliée au litige. À tout événement, nous confirmons que les documents listés à la section 2 de l'annexe A joint à l'affidavit de Mme St-Pierre du 4 avril 2005, n'incluaient pas la correspondance reçue des médecins traitants [du demandeur] dans la mesure où ceux-ci faisaient partie de dossiers médicaux obtenus grâce à l'autorisation [du demandeur]. […] Notre cliente estime donc avoir obtempéré à la demande formulée par la Commission, le 1 er février 2005, d'identifier une certaine catégorie de documents. (sic)
03 16 74 Page : 16 La Commission [21] La Commission écrit, lorsqu’elle avise les parties, le 5 juillet 2005, qu’une décision sera rendue sous peu, ce qui suit : J'ai tenu une audience en présence des parties le 1 er février 2005 dans le dossier ci-dessus mentionné. La Financière Sun Life / Clarica a produit, le 4 avril suivant, un affidavit, dont une annexe sous pli confidentiel. Finalement, chaque partie a pu présenter sa position les 4 avril, 9 et 11 mai 2005. J'ai lu attentivement les propos et documents. Je suis d'avis que l'audience et les divers documents et observations soumis par les parties sont amplement suffisants, selon les termes de l'article 49 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, pour me permettre de rendre une décision : 49. Si la Commission est d'avis qu'aucune entente n'est possible entre les parties, elle examine le sujet de la mésentente selon les modalités qu'elle détermine. Elle doit donner aux parties l'occasion de présenter leurs observations. Soyez donc avisés que je prends ce dossier en délibéré et qu'une décision motivée et écrite vous sera communiquée ultérieurement : 54. La Commission rend sur toute mésentente qui lui est soumise une décision motivée par écrit et en transmet une copie aux parties par courrier recommandé ou certifié ou par tout autre moyen permettant la preuve de la date de sa réception. DÉCISION [22] Il faut noter que la preuve en la présente a également été versée pour l’étude de trois autres dossiers impliquant étroitement, sur le fond du litige, les mêmes parties 2 . 2 X c. Clinique Noci, C.A.I. Montréal, n o 03 15 58, 22 février 2005, c. Laporte; X c. Imperial Tobacco Canada Limited, C.A.I. Montréal, n o 03 17 00, 14 juillet 2005, c. Laporte; X c. Couture, C.A.I. Montréal, n o 03 15 78, 22 février 2005, c. Laporte.
03 16 74 Page : 17 [23] Le demandeur a reconnu avoir déposé un recours judiciaire réclamant de son employeur, Imperial Tobacco, et de la compagnie d’assurances de celui-ci, Clarica, près de 550 000$ pour divers dommages concernant à son invalidité ayant débuté le 6 octobre 1999. [24] Le demandeur a également déclaré n’avoir pris contact avec Clarica ou les membres de son personnel que dans le cadre de sa demande d’invalidité. [25] La déclaration du demandeur déposée à la Cour supérieure, au mois de mars 2002, évoque notamment que ce dernier (pièce E-3) : • travaille chez Imperial Tobacco depuis 1991; • constate des problèmes de santé dès le mois de mai 1994; • interrompt son travail des mois d’octobre 1999 à juillet 2000 avec paiement du salaire par son employeur; • poursuit sa période de convalescence et revendique de Clarica une rente d’invalidité; • continue d’éprouver des problèmes de santé; • procède à des expertises médicales à la requête de Clarica; • suit un programme de réhabilitation; • cesse de recevoir ses prestations d’invalidité de Clarica au mois d’août 2000. [26] C’est dans ce contexte que le demandeur soumet, le 21 août 2003, sa demande pour obtenir de Clarica les notes et la correspondance le concernant. [27] Le 2 e alinéa de l’article 39 de la Loi offre à Clarica le choix de refuser l’accès aux documents dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire. Il doit s’agir de renseignements personnels ayant un lien avec une procédure judiciaire. La Commission doit donc apprécier les faits et le contexte prévalant lors de la demande d’accès 3 . 3 Personnelle-Vie (La), corporation d’assurances c. Cour du Québec, [1997] C.A.I. 466 (C.S.).
03 16 74 Page : 18 [28] Il importe de rappeler que la Commission n’est pas le bon forum pour déterminer l’issu d’un recours en matière civile. [29] Vu la preuve prépondérante, la Commission en arrive à la conclusion que Clarica a répondu aux exigences de l’article 1 de la Loi, identifiant tous les documents qu’elle détenait liés à la demande d'accès. [30] Sur le fond du litige, le témoignage du demandeur, l’intention manifeste des parties contestant mutuellement leur position respective, la preuve documentaire (pièces E-1 à E-7) et l'affidavit de M me St-Pierre (pièce O-8) me convainquent de l’existence d’un recours judiciaire et, à sa face même, du cas sous étude, de l’impact vraisemblable qu’aurait sur cette procédure la divulgation des documents en litige directement reliés au différend opposant les parties. Les conditions de l’article 39 étant satisfaites, le demandeur ne pourra donc pas obtenir les documents en litige. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [31] REJETTE la demande d’examen de mésentente du demandeur. MICHEL LAPORTE Commissaire Kugler Kandestin (M e Martine L. Tremblay) Procureurs de l’entreprise
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