Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 01 70 Date : Le 11 juillet 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. BUREAU D’EXPERTISES PSYCHO-MÉDICALES DE QUÉBEC L’entreprise DÉCISION L’OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] Le 18 décembre 2003, le demandeur s’adresse à l’entreprise pour obtenir copie du mandat d’expertise médicale confié par M e France Bergeron de la firme d’avocats Cain Lamarre Casgrain Wells au docteur Bruno T. Laplante du Bureau d’expertises psycho-médicales de Québec ainsi que la réaction de son employeur en ce qui a trait au document « Autopsie psychologique – étude de cas ». [2] Étant sans réponse de l’entreprise, le 27 janvier 2004, le demandeur requiert la Commission d’accès à l’information d’examiner la mésentente qui résulte du refus réputé de lui communiquer les documents demandés. 1 L.R.Q., c. P-39.1 ci après appelée « la Loi ».
04 01 70 Page : 2 [3] Toutefois, le 2 février 2004, l’entreprise refuse de divulguer au demandeur les documents demandés alléguant qu’elle n’a pas obtenu de M e Bergeron l’autorisation de les lui remettre puisque, selon cette dernière, ces documents sont visés par le secret professionnel de l’avocat. [4] Toute la correspondance mentionnée ci-haut constitue les éléments introductifs de la présente instance. [5] Les parties sont convoquées à une audience devant se tenir à Saguenay le 10 mars 2005, puis fut reportée au 16 mai 2005, également en la ville de Saguenay. [6] À l’occasion de l’étude d’une demande de remise et de jonction des dossiers 040551 et 040170 de la part de l’avocate de l’entreprise formulée le 3 mars 2005, la soussignée communique aux parties la décision qui suit le 4 mars 2005 : L’examen des deux dossiers tels que constitués me convainc que les audiences de vive voix prévues pour les 10 mars et 16 mai prochain ne sont pas nécessaires. Elles sont donc annulées. Une audition des parties par la production de preuve documentaire et de représentations écrites selon l’échéancier qui suit s’avère plus adéquate pour le moment. Dans un premier temps, d’ici le 30 mars 2005 à 16 h, les entreprises devront tenter de me convaincre, à l’aide d’éléments de preuve pertinents et/ou de représentations écrites, que leurs prétentions sont bien fondées, savoir que les documents recherchés sont couverts par le secret professionnel et qu’ils ne doivent pas être communiqués au demandeur [X] pour ce motif. Dans un deuxième temps, le demandeur aura jusqu’à 16 h le 13 avril 2005 pour réagir par écrit à la preuve documentaire présentée par les entreprises, le cas échéant, par la présentation d’éléments de preuve documentaire pouvant contredire la preuve des entreprises et ou par la production de représentations écrites dans le but de me convaincre que les prétentions des entreprises ne sont pas fondées. Toute la documentation qui me sera produite par l’une des parties devra être produite simultanément à l’autre partie, sauf interdiction par la Commission de ce faire. Sur réception de toute la documentation attendue ou à défaut, à compter du 13 avril 2005, je déciderai de la suite à donner à ces audiences en examen de mésentente.
04 01 70 Page : 3 [7] Le 29 mars 2005, l’entreprise fait parvenir ses arguments à la Commission et au demandeur. Ce dernier fait parvenir les siens à la Commission par télécopieur le 11 avril 2005. Ce dernier confirme à la Commission, par télécopieur du 20 avril suivant, qu’il a fait tenir à l’entreprise copie de ses arguments du 11 avril 2005. [8] À la demande de la Commission, l’entreprise lui fait parvenir sous pli confidentiel, le 19 avril 2005, le document en litige, savoir la copie du mandat confié à l’entreprise par M e France Bergeron le 17 avril 2002 (contenant un peu plus de 3 pages). Par le même courrier, l’entreprise joint à ce document copie de la lettre que M e Bergeron avait transmise à l’entreprise le 15 mars 2002 concernant l’analyse du document du demandeur intitulé « Autopsie psychologique étude de cas » (contenant un peu plus de 2 pages). [9] Le 21 avril 2005, sur réception de ces derniers documents, la Commission considère que les parties ont été entendues et que le dossier contient tous les éléments nécessaires pour décider de l’accessibilité de ces deux documents. L’AUDIENCE A. LA PREUVE [10] Il n’est pas contesté que M e France Bergeron est avocate chez la firme d’avocats Cain Lamarre Casgrain Wells, et qu’elle agit à ce titre comme conseillère juridique de l’ex-employeur du demandeur, en vertu d’un contrat de services professionnels d’avocat. [11] Il n’est pas contesté non plus que c’est en cette qualité que M e Bergeron de la firme d’avocats Cain Lamarre Casgrain Wells a confié un mandat d’expertise psycho-médicale au docteur Bruno T. Laplante de l’entreprise, expertise à être effectuée dans le cadre de l’éventuelle réinsertion du demandeur dans son milieu de travail, à la lumière du contenu d’un texte du demandeur intitulé « Autopsie psychologique – étude de cas », texte à l’époque récemment produit par le demandeur dans le dossier de Révision administrative de la décision de la Commission de la santé et la sécurité du travail (CSST) et, à l’époque aussi, récemment reçu par l’employeur. [12] Les commentaires du demandeur du 11 avril dernier confirment ces faits. [13] Par le même courrier du 4 mars 2005 adressé aux parties et dont il est question plus haut, la Commission considère que la lettre que lui adressait M e Bergeron, l’avocate de l’entreprise, le 3 mars précédent, devait être déposée en
04 01 70 Page : 4 preuve sous la cote E-1 à moins que l’une ou l’autre des parties ne s’y oppose, ce qui ne fut pas le cas. [14] Cette lettre du 3 mars 2005 est donc déposée sous la cote E-1. Dans cette lettre, l’entreprise déclare notamment ce qui suit à la page 2 : […] Lorsque nous avons reçu ce document [« Autopsie psychologique étude de cas »] et que nous avons procédé à l’analyse de celui-ci avec le représentant de l’employeur, nous avons alors jugé nécessaire d’obtenir d’un psychiatre une évaluation médicale de monsieur [le demandeur] notamment étant donné les termes menaçants qu’il employait et qui visait [un autre employé] et la détermination de sa capacité d’effectuer son travail. La soussignée a alors écrit au Dr Bruno T. Laplante, psychiatre, en lui donnant mandat d’évaluer monsieur [le demandeur]. […] Nous soulevons le secret professionnel et selon nous, le Dr Laplante ne peut remettre cette lettre venant de notre part concernant son mandat. […] (sic) (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) [15] Le demandeur n’apporte aucun élément de preuve pour contrer l’application de la protection accordée par l’article 9 de la Charte au secret professionnel de l’avocat de son adversaire. B. LES ARGUMENTS i) de l’entreprise [16] L’avocate de l’entreprise fait valoir qu’elle a reçu le mandat de défendre les intérêts de l’employeur du demandeur, en raison de sa profession d’avocat, à la suite de sa réception d’un texte rédigé par le demandeur et intitulé « Autopsie psychologique – étude de cas ». [17] Selon M e Bergeron, la correspondance en litige, remise sous pli confidentiel entre les mains de la Commission par courrier du 19 avril 2005, entre elle-même et l’expert Laplante, s’est échangée dans le cadre de l’exécution de ce contrat de services professionnels d’avocat conclu entre elle-même et l’employeur du demandeur.
04 01 70 Page : 5 [18] De ce fait, M e Bergeron argue que, autant le contenu du mandat du 17 avril 2002 confié au docteur Laplante que celui de la lettre du 15 mars 2002 sont de la nature d’une confidence entre un client (l’employeur du demandeur) et elle-même en sa qualité d’avocate, le tout en raison de sa profession, et tombe, en substance, automatiquement sous la protection du secret professionnel de l’avocat en vertu de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 . [19] Elle plaide que les dispositions de la Charte ont préséance sur les dispositions de la présente Loi. [20] Elle cite à l’appui de sa position la jurisprudence confirmant la protection accordée par l’article 9 de la Charte à des documents similaires aux documents en litige ici. 3 [21] Ainsi rappelle-t-elle que la Cour d’appel a décidé aux pages 307 et 308 de l’arrêt Poulin précité que même dans le cas où l’expert vient témoigner dans la cause au sujet de laquelle il a été consulté par l’avocat, le fait de son témoignage : […] ne constitue pas pour autant une renonciation au secret professionnel entourant le travail de l’avocat dans sa préparation de la défense des intérêts de son client. En ce sens, les communications entre l’avocat et l’expert, sauf circonstances particulières, demeurent confidentielles. D’ailleurs, les discussions entre l’avocat et le médecin dont il a retenu l’expertise ne relèvent pas du tout du secret médical, mais bien du secret de l’avocat, et continuent à être couvertes par le secret professionnel. […] La même conclusion vaut pour la quatrième objection alors que l’appelante, relativement au rapport du Dr Lefebvre du 5 avril 1990 […] voulait connaître la manière dont le mandat lui avait été confié par les procureurs de l’intimé. Cette information est confidentielle, sujette au secret professionnel de l’avocat. [22] L’avocate de l’entreprise ajoute, dans son argumentation écrite, ce qui suit : […] 2 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée la « Charte ». 3 Poulin c. Prat, [1994] R.D.J. 301 (C.A.).
04 01 70 Page : 6 On constate donc que la Cour d’appel a reconnu que les documents échangés par les avocats avec des tiers, dans le cadre d’un mandat confié par un client sont protégés au même titre que les conversations et documents échangés directement par l’avocat avec ce client puisque le procureur agit simplement à titre de mandataire. Ce tiers ne peut donc révéler l’information protégée que lorsqu’il en est expressément autorisé par l’avocat concerné ou le client lui-même, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la soussignée et [l’ex-employeur du demandeur] ayant, en tout temps, refusé que le Dr Bruno T. Laplante ou [l’entreprise] communiquent au demandeur l’information réclamée. (Les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) [23] Enfin, l’avocate rappelle que la Commission doit voir d’office à ce que le droit au secret professionnel de l’avocat soit protégé. ii) du demandeur [24] Le demandeur ne fait valoir aucun argument relatif au sujet qui nous occupe, préférant insister sur des aspects de ses conflits avec son ex-employeur sur lesquels la Commission n’a aucune compétence ou juridiction. DÉCISION [25] Il n’est pas contesté que les renseignements contenus aux deux documents en litige sont, en substance, des renseignements personnels concernant le demandeur au sens de l’article 1 de la Loi et seraient vraisemblablement assujettis aux règles prévues à celle-ci, en d’autres circonstances que celles prévalant en l’espèce, et notamment seraient assujettis à son article 27 : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont
04 01 70 Page : 7 accessibles : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public. 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. [26] J’ai bien examiné les deux documents en litige remis sous pli confidentiel à la Commission par l’entreprise. [27] Vu la preuve non contestée à l’appui de la prétention de l’entreprise, je souscris entièrement à l’opinion de cette dernière, et ce, pour les mêmes motifs qu’elle exprime, que ces deux documents en litige contiennent en substance des renseignements visés par l’article 9 de la Charte et doivent en conséquence, nonobstant les dispositions de la Loi, demeurer confidentiels : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. [28] En effet, rien dans la preuve ne vient établir que le client qui a commandé l’expertise de l’entreprise, l’ex-employeur et adversaire du demandeur, a renoncé au secret des communications que son avocat a tenues, en son nom et à ce titre, avec l’entreprise.
04 01 70 Page : 8 [29] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande d’examen de mésentente. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de l’entreprise : M e France Bergeron (Cain Lamarre Casgrain Wells, avocats)
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