Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 12 89 Date : Le 11 juillet 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. MAISON DE LA FAMILLE D.V.S. L’entreprise DÉCISION L’OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] Le 14 juin 2004, le demandeur, en sa qualité de détenteur de l’autorité parentale, s’adresse à l’entreprise pour obtenir copie intégrale de son dossier ainsi que de celui de sa fille. [2] Le 6 août 2004, étant sans réponse de l’entreprise, il formule une demande d’examen de mésentente pour audition devant la Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission). [3] Une audience se tient en la ville de Québec le 8 avril 2005. 1 L.R.Q., c. P-39.1 ci après appelée « la Loi ».
04 12 89 Page : 2 L’AUDIENCE A. LA PREUVE [4] Il n’est pas contesté que le demandeur est le père de l’enfant mineur concerné, que l’enfant est d’âge scolaire et que le demandeur est titulaire de l’autorité parentale requise pour que sa demande d’accès au dossier de sa fille soit considérée. i) de l’entreprise Témoignage de madame Claudine Labrecque [5] Madame Labrecque administre l’entreprise au jour le jour et y travaille. [6] En réponse à une question de la Commission, madame Labrecque explique que l’acronyme D.V.S. signifie Droit de Visite et de Sortie. [7] Elle explique que le rôle et la mission de l’entreprise sont de procurer un lieu où l’échange entre les parents de la garde d’un enfant faisant l’objet d’une décision d’un tribunal en matière de garde d’enfant ou d’une entente intérimaire avant la décision du tribunal puisse se faire en toute sécurité pour l’enfant. [8] En effet, ajoute-t-elle, il arrive que l’échange de l’enfant devant un témoin neutre soit nécessaire, entre autres et à titre d’exemple, pour constater l’exécution des obligations de garde de chacun des parents, pour préserver la quiétude de l’un des parents qui veut garder le lieu de son domicile secret pour quelque temps, pour permettre aux parents de ne pas se rencontrer lors du changement de la garde, diminuant ainsi les risques de conflit, de querelle ou de dispute entre les parents au minimum. [9] Un seul dossier est tenu et l’entreprise, par l’intervenant à son emploi en communication avec les parents ou présent lors du changement de garde, y consigne les notes qu’il prend en prévision ou lors de chaque changement : par exemple, les retards, les absences sont notées, un certain suivi y est fait également. Il s’agit essentiellement de notes évolutives chronologiques. [10] Le témoin affirme qu’il n’y a pas d’autres dossiers détenus par l’entreprise sur le demandeur ou sa fille que celui qu’elle remet séance tenante entre les mains de la Commission, sous pli confidentiel.
04 12 89 Page : 3 [11] La Commission reçoit les trois pages de notes évolutives manuscrites prises par les intervenants de l’entreprise entre le 6 février 2002, début des échanges, jusqu’au 20 août 2004, date du dernier échange. Il s’agit du document en litige. [12] Elle indique succinctement à la Commission quelles sont les personnes physiques mentionnées dans les notes en litige et leur rôle. Elle indique très brièvement les endroits où les renseignements concernent plutôt des personnes physiques autres que le demandeur et son enfant. [13] Le témoin déclare qu’il est toujours délicat pour l’entreprise de divulguer à l’un des parents le contenu de telles notes. Elle rappelle que la mission première de l’entreprise est la sécurité de l’enfant. En plus du nom de l’enfant et des faits et déclarations le concernant ou qui émanent de lui, les notes peuvent mentionner des faits concernant l’autre parent ou concernant des tierces personnes physiques. Témoignage du demandeur [14] Le demandeur explique pourquoi la famille n’a plus besoin des services de l’entreprise. L’entente intérimaire qui régissait la garde de sa fillette est devenue caduque avec la fin des procédures judiciaires. Le jugement a décidé de la garde partagée en part égale entre lui et la mère de l’enfant depuis le 26 août 2004. B. LES ARGUMENTS [15] Les parties s’en remettent à la décision de la Commission et ne font pas de représentations spéciales outre, pour l’entreprise, celle rappelant son obligation de protéger les renseignements personnels concernant les tierces personnes physiques. DÉCISION [16] Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent au cas qui nous occupe : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de
04 12 89 Page : 4 l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public. 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit. 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier, de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'une assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. 38. Une personne âgée de moins de 14 ans ne peut exiger d'être informée de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement de nature médicale ou sociale la concernant qui est contenu dans un dossier constitué sur elle sauf par l'intermédiaire de son procureur dans le cadre d'une procédure judiciaire.
04 12 89 Page : 5 Le premier alinéa n'a pas pour objet de restreindre les communications normales entre un professionnel de la santé et des services sociaux et son patient, ni le droit d'accès du titulaire de l'autorité parentale. 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25. [17] La preuve me convainc que le seul document en litige est celui qui m’a été remis sous pli confidentiel par madame Labrecque. [18] J’ai bien examiné le document en litige. [19] Il contient des renseignements concernant le demandeur seul et ainsi que des renseignements concernant l’enfant seul. Il contient également des renseignements personnels concernant des tierces personnes physiques dont les noms, l’écriture manuscrite et les commentaires des personnes qui, au sein de l’entreprise, sont autorisées à consigner les notes manuscrites. Enfin, il concerne d’autres tierces personnes physiques reliées au milieu familial de l’enfant ou du demandeur. [20] Il est évident que le demandeur a droit de recevoir les renseignements qui le concernent lui seul. [21] J’estime également que le demandeur a droit de se voir communiquer les renseignements personnels concernant son enfant mineur seul.
04 12 89 Page : 6 [22] À titre de titulaire de l’autorité parentale, il exerce, pour son enfant, le même droit qu’aurait ce dernier s’il était en âge de l’exercer. [23] Ainsi, il faut se rappeler qu’en vertu de l’article 40 précité, l’enfant a aussi accès aux renseignements qui, en même temps qu’ils le concernent, visent également des tierces personnes physiques, pourvu toutefois que ces derniers renseignements soient vraisemblablement venus à sa connaissance et pourvu que leur divulgation ne soit pas susceptible de nuire sérieusement à cette tierce personne. [24] La même règle s’applique au demandeur quant au traitement de la demande d’accès à son dossier personnel. [25] Incidemment, rien dans la preuve n’indique que les conditions d’application de cette dernière circonstance relative à une « nuisance sérieuse » sont réunies. [26] Ainsi, par exemple, le fait que telle tierce personne soit venue chercher l’enfant tel jour concerne autant l’enfant que cette tierce personne physique et il n’est pas déraisonnable de conclure que l’enfant connaît ce renseignement concernant cette tierce personne. Il peut donc y avoir accès. [27] Le demandeur titulaire de l’autorité parentale peut donc aussi, en cette qualité, y avoir accès. [28] Je suis d’avis que les renseignements concernant le personnel à l’emploi de l’entreprise (nom, écriture manuscrite, commentaires) ne sont pas des renseignements les concernant personnellement comme individu, mais bien des renseignements personnels les concernant en tant que représentants de l’entreprise. En effet, cette dernière étant vraisemblablement une personne morale, elle ne peut agir que par des personnes physiques qui la représentent et qui la lient juridiquement 2 . 2 Chouinard c. Ministère de la Justice et al, C.A.I Québec 99 18 51, le 20 décembre 2004, paragraphes 26 @ 34; Lavoie c. Pinkerton du Québec ltée, [1996] CAI 67, 73; Clark, Campbell c. Québec (Ministère des Relations avec les Citoyens et de l’Immigration) et al, C.A.I. Québec 01 08 03, le 28 juillet 2004, paragraphes 164 et 165; 9052-1170 Québec inc. (le Groupe Vespo) c. École de technologie supérieure et al., C.A.I., Québec 03 03 01, le 12 décembre 2003, paragraphe 47.
04 12 89 Page : 7 [29] Ainsi, ces renseignements concernant le personnel de l’entreprise dans la prestation de services à une personne physique cliente de l’entreprise sont assujettis à la Loi au motif qu’ils concernent cette personne physique cliente et la Commission doit statuer sur leur accessibilité. [30] En me basant sur l’analyse qui précède, je conclus que le demandeur tant personnellement qu’en sa qualité de titulaire de l’autorité parentale a droit à tous les renseignements contenus aux documents en litige à l’exception des renseignements personnels concernant des tierces personnes physiques qui ne sont vraisemblablement pas venus à la connaissance ni du demandeur, ni de celle de sa fille. [31] Ces renseignements inaccessibles au demandeur, tant personnellement qu’ès qualité, sont énumérés au dispositif qui suit. [32] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE EN PARTIE la demande d’examen de mésentente; ORDONNE à l’entreprise de remettre au demandeur le document en litige à l’exception des renseignements suivants; • À la note du 6 décembre 2002, tout ce qui suit les huit (8) premiers mots; et • À la note du 8 octobre 2003, les neuf (9) mots qui suivent le mot « mère »; et REJETTE la demande d’examen de mésentente quant au reste. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’entreprise : M e Constant Kallis (Arseneault & associés, avocats)
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