Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 07 11 Date : 7 juillet 2005 Commissaire : M e Christiane Constant Pompe hydraulique Lévesque Inc. Partie demanderesse c. Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] M. Daniel Lévesque, président de la partie demanderesse formule, le 16 avril 2004, auprès de M me Lise Bigonnesse, greffière adjointe, à la Ville de Saint-Jean-Sur-Richelieu, ci-après désignée l’ « organisme », la demande suivante :
04 07 11 Page : 2 […] La présente est pour vous demander formellement de me faire parvenir avant 16:30hrs la liste des personnes aptes à se prononcer mardi le 27 avril 2004 sur le règlement 325. (sic) […] [2] Le 23 avril, par l’entremise de M e Andrée Senneville, responsable adjointe de l’accès aux documents et à la protection des renseignements personnels, l’organisme refuse à la partie demanderesse l’accès au document convoité. Il indique qu’en vertu de la Loi sur les élections et référendums dans les municipalités 1 (la « Loi sur les élections »), les renseignements personnels contenus sur une liste référendaire ou sur une liste de personnes habiles à voter ne revêtent pas un caractère public. [3] M e Senneville ajoute qu’au moment de la demande, « il n’existe aucune liste officielle des personnes habiles à voter ayant le droit d’être inscrites sur une liste référendaire ». [4] Le même jour, la partie demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») pour que soit révisée la décision de l’organisme. L’AUDIENCE [5] L’audience de la présente cause se tient à Montréal le 19 mai 2005 en présence du témoin de l’organisme et du président de la partie demanderesse. LA PREUVE I) DE L’ORGANISME TÉMOIGNAGE DE M e ANDRÉE SENNEVILLE [6] M e Senneville déclare qu’elle est la personne responsable de l’accès aux documents et greffière adjointe. Elle affirme avoir pris connaissance de la demande adressée à M me Bigonnesse. 1 L.R.Q., c. E-2.2.
04 07 11 Page : 3 [7] M e Senneville spécifie que, lorsqu’elle traite un Règlement de zonage, la Loi sur les élections exige qu’elle s’adresse au Directeur des élections afin d’obtenir de celui-ci une copie de la liste des électeurs pour une zone précise. C’est ce qu’elle a fait dans le cas sous étude relativement à la liste des électeurs visés par le « Règlement de zonage n o 325 ». [8] Elle ajoute que le demandeur cherche à obtenir : la liste électorale contenant, entre autres, les noms et les dates de naissance des électeurs ainsi que la « liste des adresses par zone Règlement n o 325 ». M e Senneville produit confidentiellement ces documents à l’audience. Outre les renseignements personnels déjà mentionnés, M e Senneville précise que celui intitulé « liste des adresses par zone Règlement n o 325 » préparé par M me Bigonnesse, contient également les noms et adresses des personnes morales. Ces adresses peuvent être celles des résidences de leur représentant respectif. Si tel est le cas, l’organisme refuse également de les fournir à la partie demanderesse, car les adresses résidentielles sont des renseignements nominatifs au sens de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (la « Loi sur l’accès »). [9] L’organisme refuse également de communiquer à la partie demanderesse les renseignements nominatifs, tels les noms des personnes physiques, leurs adresses et leurs dates de naissance, car ce sont des renseignements nominatifs. II) DE LA PARTIE DEMANDERESSE TÉMOIGNAGE DE M. DANIEL LÉVESQUE [10] M. Daniel Lévesque affirme solennellement qu’il est le président de la partie demanderesse, celle-ci étant une entreprise dont les principales fonctions consistent, entre autres, en la réparation de camions et d’équipements de machinerie lourde. Il a acheté un terrain de 300 000 pieds carrés, au cours de l’année 2000, sur lequel il exploite son commerce. Préalablement à l’achat de ce terrain, il avait obtenu les renseignements nécessaires auprès des autorités municipales. Il a investi plus de deux millions de dollars dans cette entreprise. [11] M. Lévesque ajoute qu’au mois d’août 2003, il s’est adressé à l’organisme afin d’obtenir un permis d’agrandissement de son entreprise. Il n’a pas été capable de le faire, car la zone commerciale où abrite celle-ci deviendrait exclusivement une zone résidentielle. À cet effet, un référendum allait se tenir afin que les citoyens se prononcent sur le changement de zonage. Une annonce parue dans un journal invitait alors les électeurs à signer un registre. Voulant conserver 2 L.R.Q., c. A-2.1.
04 07 11 Page : 4 l’aspect commercial de la zone en question, il a fait distribuer une pétition par laquelle 45 personnes ont apposé leur signature respective; il en fallait 60. Le référendum s’est tenu le 27 avril 2004. Le demandeur précise que si la liste des électeurs lui avait été accessible, il aurait pu obtenir le nombre de votes manquants, à savoir 15. [12] M. Lévesque souligne qu’il a contacté le bureau du Directeur des élections qui lui a refusé l’accès à cette liste, car seules les villes peuvent en obtenir une copie. Ce document contient des noms, adresses, numéros de téléphone des personnes identifiées. Il dit que la partie demanderesse accepterait une liste sans les noms et prénoms des personnes physiques. Précisions de l’organisme [13] M e Senneville précise que le conseil municipal de l’organisme a décidé d’approuver une recommandation pour le changement de zonage. Celui-ci n’a pas tenu de référendum le 27 avril 2004. Cette date réfère plutôt à un autre avis public, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme 3 relativement à une demande d’approbation référendaire. [14] Selon M e Senneville, la liste électorale est accessible seulement aux candidats lors des élections. Les renseignements personnels contenus dans ce document ne revêtent pas de caractère public au sens de l’article 659 de la Loi sur les élections. LA DÉCISION [15] Selon les termes de l’article 9 de la Loi sur l’accès, la partie demanderesse s’est prévalue de son droit fondamental afin d’obtenir une copie de la liste électorale des personnes habiles à voter dans le cadre d’un changement de zonage du territoire où elle exploite son commerce. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 3 L.R.Q., c. A-19.1.
04 07 11 Page : 5 [16] Avant d’acquérir le terrain de 300 000 pieds carrés, M. Lévesque explique avoir rencontré les autorités municipales afin de s’assurer qu’il n’y aurait pas d’incidents pouvant avoir un impact vis-à-vis la partie demanderesse. Il a investi plus de deux millions de dollars dans cette entreprise. De plus, il explique en détail les démarches qu’il a effectuées tant auprès du Directeur général des élections, qu’auprès de l’organisme afin d’avoir accès à la liste d’électeurs. [17] Malgré le refus de l’organisme de lui donner accès à ce document, M. Lévesque a déployé des efforts afin de recueillir, en faveur de l’entreprise, la signature du nombre requis de personnes habiles à voter sur le territoire faisant l’objet du changement de zonage. Il en a obtenu 45 sur 60. [18] Néanmoins, avec toute l’empathie que peut avoir la soussignée à l’égard de la partie demanderesse et les efforts ayant été déployés par son président pour obtenir satisfaction, la Loi sur l’accès ne permet pas à un organisme, quel qu’il soit, de passer outre les règles de la confidentialité des renseignements nominatifs. L’affaire Fédération de protection de l’environnement du canton d’Orford c. Municipalité du canton d’Orford 4 exige notamment que les renseignements nominatifs demeurent confidentiels. [19] De plus, l’examen approfondi des renseignements contenus dans la liste électorale pour cette zone (14 pages) permet de constater qu’elle contient des renseignements nominatifs, tels les noms, prénoms d’individus, les dates de naissance de ceux-ci et leur adresse respective. Ces renseignements revêtent un caractère confidentiel protégé par les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. Tel que mentionné dans la décision Balmet Canada inc. c. Hôpital du Haut-Richelieu 5 , cette protection s’applique peu importe les intentions de la personne qui en fait la demande. [20] Également, les dispositions législatives prévues à l’article 659.1 de la Loi sur les élections exigent la protection des renseignements personnels contenus dans une liste électorale. Protection des renseignements. 659.1. Il est interdit à quiconque d'utiliser, de communiquer ou de permettre que soit communiqué, à d'autres fins que celles prévues par la présente loi, un renseignement contenu dans une liste électorale ou référendaire ou dans une liste de personnes habiles à voter ayant le droit d'être inscrites sur une liste 4 [1992] C.A.I. 308, 309. 5 [1999] C.A.I. 230, 231.
04 07 11 Page : 6 référendaire, ou de communiquer ou de permettre que soit communiqué un tel renseignement à quiconque n'y a pas légalement droit. [21] Quant au second document, c’est-à-dire la « liste des adresses par zone Règlement n o 325 », il contient en outre les noms des personnes morales, des adresses et l’identité des personnes à contacter. La soussignée retient du témoignage de M e Senneville que ces adresses peuvent être la résidence personnelle de leur représentant respectif dont les noms sont indiqués, mais sans fournir plus de précision. [22] De ce qui précède, la soussignée considère que l’organisme devra effectuer les vérifications nécessaires et transmettre à la partie demanderesse les noms, les coordonnées des entreprises mentionnées dans la liste ci-dessus mentionnée, ainsi que les personnes à contacter. Toutefois, l’organisme devra masquer les adresses résidentielles de ces personnes. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la partie demanderesse contre Ia Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu; ORDONNE à l’organisme de communiquer à la partie demanderesse les renseignements concernant les personnes morales contenus dans la« liste des adresses par zone Règlement n o 325 », et ce, conformément au paragraphe 23; REJETTE, quant au reste, la demande de révision; FERME le présent dossier n o 04 07 11. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire
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