Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 01 98 Date : Le 22 juin 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demanderesse c. CENTRE HOSPITALIER ANNA- LABERGE Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le 15 décembre 2003, la demanderesse s’adresse au Centre hospitalier Anna-Laberge (le « Centre ») pour obtenir une copie du dossier médical de son époux. [2] Le 30 janvier 2004, la demanderesse veut que la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») intervienne en l’absence de réponse du Centre.
04 01 98 Page : 2 [3] Le 25 février 2004, le Centre fait parvenir à la Commission une note de l’archiviste soulignant qu’elle ne peut communiquer le dossier exigé par la demanderesse en vertu de l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 (la « Loi sur la santé »). [4] Le 13 mai 2005, une audience a lieu à Montréal. L'AUDIENCE A) LA PREUVE ET LES ARGUMENTS La demanderesse [5] La demanderesse affirme qu’elle n’a reçu aucun document ni réponse du Centre depuis sa demande d’accès. Elle précise avoir obtenu trois feuilles du Centre lors d’une intervention de sa part avant sa demande d’accès (pièce D-1 en liasse). Le Centre l’a alors avisée qu’elle pouvait consulter sur place le dossier, sans en obtenir une copie. Elle déplore cette façon de faire du Centre. [6] La demanderesse explique que l'absence de réponse du Centre l’a incitée à entreprendre une démarche parallèle avec un avocat. Elle confirme avoir reçu copie du dossier de son époux après l’intervention de cet avocat. Elle confirme également qu’elle ne veut pas le dossier de son époux parce qu’elle le possède déjà. [7] La demanderesse maintient sa démarche auprès de la Commission pour dénoncer le manque de collaboration et l’attitude du Centre qui, selon elle, ne l’a pas guidée adéquatement dans le cadre de sa demande. Elle veut que le Centre puisse, à l’avenir, soutenir une personne produisant une demande similaire à la sienne. [8] Interrogée par la procureure du Centre, M e Mélanie Sauriol, la demanderesse mentionne que son époux est décédé le 22 juillet 2003, après 44 ans de mariage. Elle n’a pas fourni au Centre le testament prouvant sa qualité d’héritière ni les motifs justifiant sa demande d’accès. [9] Interrogée par la Commission, la demanderesse indique qu’elle a requis les services d’un avocat, s’interrogeant sur le refus d’accès du Centre au dossier d’une personne avec qui elle a vécu 44 ans. Elle affirme qu’elle n’a pas de réclamation à l’encontre du Centre. 1 L.R.Q., c. S-4.2.
04 01 98 Page : 3 M e Mélanie Sauriol [10] M e Sauriol confirme quelle n’a pas de témoin. [11] M e Sauriol soumet que l’article 19 de la Loi sur la santé s’applique malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (la « Loi »), selon l’article 28 de la Loi sur la santé, prévoyant que le dossier d’un usager est confidentiel, même s’il s’agit de l'époux de la demanderesse : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec l'autorisation de l'usager ou de la personne pouvant donner une autorisation en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou dans le cas où la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement. Toutefois, un professionnel peut prendre connaissance d'un tel dossier à des fins d'étude, d'enseignement ou de recherche, avec l'autorisation du directeur des services professionnels ou, à défaut d'un tel directeur, avec l'autorisation du directeur général, accordée conformément aux critères établis à l'article 125 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q., chapitre A-2.1). 28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels [12] M e Sauriol fait valoir que l’article 23 de la Loi sur la santé, d’interprétation restrictive 3 , ne permet l’accès aux renseignements nécessaires qu’aux strictes conditions y étant énoncées : 23. Les héritiers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police 2 L.R.Q., c. A-2.1. 3 Rodrique c. Centre local de services communautaires, [1999] C.A.I. 381.
04 01 98 Page : 4 d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. [13] M e Sauriol allègue que la demande du 15 décembre 2003 ne répondait pas aux exigences de l’article 23 de la Loi sur la santé, la demanderesse n’ayant pas démontré sa qualité d’héritière ou l’exercice d’un droit à faire valoir à ce titre et n’étant pas liée par le sang à son époux. [14] M e Sauriol prétend qu’il faut la dénonciation d’une irrégularité pour accéder au dossier, selon la jurisprudence développée par la Commission, ce qui, dans notre cas, n’a pas été satisfait 4 . DÉCISION [15] Il n’est pas contesté que la demanderesse est l’épouse de la personne décédée. Elle a donc exercé le recours prévu au 2 e alinéa de l’article 27 de la Loi sur la santé : 27. L'usager à qui l'établissement refuse l'accès à son dossier ou à un renseignement qui y est contenu peut, par requête, s'adresser à un juge de la Cour supérieure, de la Cour du Québec ou à la Commission d'accès à l'information pour que soit révisée la décision de cet établissement. Il peut également, dans les 60 jours qui suivent la date à laquelle elle lui a été notifiée, la contester devant le Tribunal administratif du Québec. Il en est de même pour les personnes visées aux articles 21 à 23. (soulignement ajouté) 4 X. c. Hôpital du St-Sacrement, [1996] C.A.I. 33; L… c. S…, [1999] R.J.Q. 2927 (C.S.); Martin HÉBERT, Aspects juridiques du dossier de santé et de services sociaux, Roch-Forest, AQAM, juillet 2002, p. 195.
04 01 98 Page : 5 [16] D’entrée de jeu, j’observe que la demanderesse a déjà obtenu une copie du dossier de son époux, lequel ne fait donc plus l’objet d’un litige. [17] Les articles 42 et 44 de la Loi 5 établissent que la personne responsable de l’accès doit prêter assistance lors d’une demande d’accès et que celle-ci doit être suffisamment précise pour permettre de repérer les documents demandés : 42. La demande d'accès à un document doit, pour être recevable, être suffisamment précise pour permettre de le trouver. 44. Le responsable doit prêter assistance, pour la formulation d'une demande et l'identification du document demandé, à toute personne qui le requiert. [18] Il n’existe pas, à la Loi sur la santé, de disposition similaire à celles des articles 42 et 44 de la Loi. Cependant, diverses dispositions de la Loi sur la santé reconnaissent à l’usager ou à ses représentants le respect de ses droits et libertés. Les principaux articles de la Loi sur la santé sont les suivants : 3 Pour l'application de la présente loi, les lignes directrices suivantes guident la gestion et la prestation des services de santé et des services sociaux: 1° la raison d'être des services est la personne qui les requiert; 2° le respect de l'usager et la reconnaissance de ses droits et libertés doivent inspirer les gestes posés à son endroit; 3° l'usager doit, dans toute intervention, être traité avec courtoisie, équité et compréhension, dans le respect de sa dignité, de son autonomie et de ses besoins; 4° l'usager doit, autant que possible, participer aux soins et aux services le concernant; 5° l'usager doit, par une information adéquate, être incité à utiliser les services de façon judicieuse. 4. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence des services et des ressources disponibles dans son milieu en matière de santé et de services sociaux ainsi que des modalités d'accès à ces services et à ces ressources. 5 L.R.Q., c. A-2.1.
04 01 98 Page : 6 5. Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée. 12. Les droits reconnus à toute personne dans la présente loi peuvent être exercés par un représentant. Sont présumées être des représentants les personnes suivantes, selon les circonstances et sous réserve des priorités prévues au Code civil 1° le titulaire de l'autorité parentale de l'usager mineur ou le tuteur de cet usager; 2° le curateur, le tuteur, le conjoint ou un proche parent de l'usager majeur inapte; 3° la personne autorisée par un mandat donné par l'usager majeur inapte antérieurement à son inaptitude; 4° la personne qui démontre un intérêt particulier pour l'usager majeur inapte. 344. La régie régionale doit, outre les fonctions qui lui sont confiées aux articles 60 à 72, informer les usagers de son territoire des services de santé et des services sociaux qui leur sont offerts de même que de leurs droits et recours et de leurs obligations à cet égard. (soulignements soulignés) [19] J’ai noté que la demande d’accès du 15 décembre 2003 mentionne que la demanderesse est la seule héritière de son époux. Il n’a pas été contesté que la demanderesse a d’abord rencontré les gens du Centre et obtenu certains documents. Le résultat de cette démarche, qualifiée d’insatisfaisante par la demanderesse, a provoqué le dépôt d’une demande d’accès officielle puis l’intervention de son avocat. S’ajoute la déclaration de la demanderesse à l’audience soutenant, sous serment, ne pas avoir été avisée par le personnel du Centre des exigences liées à l’application de l’article 23 de la Loi sur la santé. [20] En outre, la preuve révèle que le Centre n’a pas répondu par écrit à la demande d’accès de la demanderesse. C’est plutôt la Commission qui a reçu une note de l’archiviste constatant le refus du Centre de communiquer le dossier. C’est dans ce contexte que la demanderesse a requis l’intervention de la Commission pour signifier le manque de collaboration du Centre.
04 01 98 Page : 7 [21] On ne peut reprocher la justesse des arguments soumis par M e Sauriol au sujet des conditions d’application de l’article 23 de la Loi sur la santé. De plus, les décisions soumises par M e Sauriol et d’autres similaires 6 permettent de retenir que les organismes publics, incluant les centres, offrent habituellement une entière collaboration dans la façon de traiter ce type de demande d’accès. [22] Toutefois, on peut difficilement reprocher la réaction qu’a eue la demanderesse, la preuve non contredite démontrant une faiblesse dans l’aide et le traitement du cas sous étude. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [23] REMARQUE que le Centre n’a pas répondu par écrit à la demande d’accès du 15 décembre 2003; [24] PREND ACTE que la demanderesse ne veut plus obtenir une copie du dossier demandé, l’ayant déjà reçu par l’intermédiaire de son avocat; [25] CONSTATE que la demanderesse, vu la preuve, n’a pas reçu l’assistance nécessaire du Centre aux fins de présenter une demande en vertu de l’article 23 de la Loi sur la santé; [26] ORDONNE que la présente décision soit remise à l’archiviste et à la personne responsable de l’accès au Centre. MICHEL LAPORTE Commissaire Heenan Blaikie (M e Mélanie Sauriol) Procureurs de l'organisme 6 Messier c. Hôpital Jean-Talon, [1988] C.A.I. 309; Lavoie c. Curateur public du Québec, [2002] C.A.I. 436 (C.Q.); Hudon c. Centre d’accueil Thérèse-Martin, [1992] C.A.I. 16; A. c. Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, [1995] C.A.I. 95.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.