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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 10 30 Date : 10 juin 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur sest adressé à lorganisme le 28 avril 2004 pour que celui-ci lui fasse « parvenir tous documents, pièces, notes, etc. me concernant ainsi que mon entreprise. ». Il a ajouté : « Sil existe des informations verbales, je désire en être informé aussi. ». [2] Le responsable a donné suite à cette demande le 1 er juin 2004. Il a fait parvenir une partie des documents détenus au demandeur. Il a, en ce qui concerne certains des autres documents détenus, indiqué que ces documents provenaient du ministère de lEnvironnement et il a fourni les renseignements permettant au demandeur de sadresser au responsable de laccès aux documents de ce ministère; il a, de façon subsidiaire, appuyé son refus de donner communication de ces documents sur les articles 28 (paragraphes 1 à 9)
04 10 30 Page : 2 et 32 de la Loi sur laccès 1 . Le responsable a enfin refusé de fournir les documents restants en vertu de larticle 9 (2) de la Loi sur laccès et de larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne. [3] Insatisfait, le demandeur a soumis une demande de révision le 11 juin 2004. Il a précisé que « Le refus et lobstruction à me donner accès à mes documents briment mes droits à avoir une défense pleine et entière, en vertu de larticle 35 et larticle 50 de la Charte des droits et libertés. Je me représente dans ma cause et je dois avoir accès à tous les documents et renseignements qui sont à mon dossier pour me donner la chance de me défendre. ». PREUVE i) de lorganisme Témoignage de M. Pierre Dion : [4] M. Pierre Dion témoigne sous serment; il est responsable de laccès aux documents de lorganisme depuis 1998. M. Dion a reçu la demande daccès (O-1, en liasse) le 3 mai 2004; le 5 mai suivant, il a donné avis de la réception de cette demande et indiqué quun délai supplémentaire de 10 jours était nécessaire pour la traiter (O-1, en liasse). Il a effectué des démarches auprès des directions concernées de lorganisme avant de rendre sa décision le 1 er juin 2004 (O-1, en liasse), décision par laquelle M. Dion : a précisé que la Loi sur laccès ne sappliquait quaux documents visés par larticle 1 de cette loi, non pas aux informations verbales; a donné accès à une partie des documents repérés, cest-à-dire à copie dun extrait du plumitif civil, de documents adressés au demandeur par le ministère de lEnvironnement, dun jugement de la Cour supérieure et dune déclaration de règlement hors cour (O-2); a indiqué, en ce qui concerne 3 des autres documents détenus, que ceux-ci avaient été produits par le ministère de lEnvironnement; il a, en vertu des articles 47 (4) et 48 de la Loi sur laccès, fourni au demandeur les coordonnées du responsable de laccès aux documents de ce ministère; M. Dion considère que ces documents, qui ont été produits par le ministère de lEnvironnement, relèvent davantage de la compétence de ce ministère et quil nest pas, à cet égard, le responsable le mieux placé 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 10 30 Page : 3 pour juger de la pertinence de donner accès à ces documents datés du 31 juillet 1996, du 30 novembre 1995 et du 18 mai 1994; a subsidiairement invoqué les articles 28 et 32 de la Loi sur laccès pour appuyer son refus de donner accès aux 3 documents précités; a invoqué le 2 e alinéa de larticle 9 de la Loi sur laccès concernant les notes personnelles que lavocat au dossier avait rédigées pour préparer lexercice dun recours contre le demandeur, ces notes exprimant notamment la stratégie de lavocat; a invoqué larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne pour refuser laccès aux échanges entre avocats de la poursuite ou entre avocats de la poursuite et des représentants du ministère de lEnvironnement; a fourni au demandeur une liste de dossiers judiciaires civils repérés à son nom; a indiqué au demandeur quil navait pu repérer de dossiers criminels le concernant, à défaut davoir sa date de naissance; a rappelé au demandeur que la Loi sur laccès ne sappliquait pas aux dossiers judiciaires détenus par les tribunaux, ces dossiers étant en principe publics. [5] M. Dion témoigne ex parte concernant les documents qui sont en litige et auxquels sappliquent, selon sa décision, les articles 9 de la Charte des droits et libertés de la personne et 9 (2) de la Loi sur laccès. ii) du demandeur [6] Le demandeur témoigne sous serment. Il veut obtenir les documents qui lui sont accessibles. Des procédures pénales, intentées au nom du ministère de lEnvironnement avant sa demande daccès, sont pendantes; une requête en injonction, également pendante, a été déposée concernant les activités de son entreprise agricole et la réalisation de travaux afférents. ARGUMENTATION i) de lorganisme A) Les informations verbales : [7] La Loi sur laccès ne sapplique pas aux « informations verbales »; larticle 1 de cette loi est clair à ce sujet.
04 10 30 Page : 4 B) Lapplication des articles 47 et 48 de la Loi sur laccès : [8] La preuve démontre que 3 des documents qui demeurent en litige relèvent davantage de la compétence du ministère de lEnvironnement dont ils proviennent. Le responsable de lorganisme devait, comme il la fait adéquatement, dès lors appliquer les articles 47 (4) et 48 de la Loi sur laccès : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : 1°… 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. 48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit.
04 10 30 Page : 5 C) Lapplication du 2 e alinéa de larticle 9 de la Loi sur laccès : [9] Le droit daccès ne sapplique pas aux documents qui sont en litige et qui, de façon manifeste, sont des notes personnelles; le demandeur na conséquemment pas le droit dobtenir ces notes personnelles : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. D) Lapplication de larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne : [10] Larticle 9 de la Charte sapplique également aux notes personnelles qui sont en litige : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins quils ny soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, doffice, assurer le respect du secret professionnel. [11] Le droit de recevoir des services professionnels en toute confidentialité appartient au gouvernement au même titre quà toute autre personne 2 . Le gouvernement a droit au respect du secret professionnel. 2 Montambeault c. Brazeau [1996] C.A.L.P. 1795 (C.A.).
04 10 30 Page : 6 [12] Le secret professionnel a pour objet la protection du client et non celle du professionnel 3 . Le secret professionnel vise essentiellement les informations reçues ou fournies dans le cadre dune relation de service entre le professionnel et son client 4 . [13] Toutes les communications faites dans le but dobtenir un avis juridique sont protégées; tous les renseignements que doit fournir une personne en vue dobtenir un avis juridique et qui sont donnés en confidence à cette fin jouissent du privilège de la confidentialité. Ce droit à la confidentialité prend naissance dès les premières démarches du client virtuel dun avocat, avant même la formation du mandat formel. Il en est ainsi même si les services de lavocat ne sont pas retenus à ce moment-là ou ne le sont jamais. La confidentialité des communications entre client et avocat peut être soulevée en toutes circonstances ces communications seraient susceptibles dêtre dévoilées sans le consentement du client 5 . [14] Le secret professionnel de lavocat est une institution qui comporte deux composantes : dune part, une obligation de confidentialité, qui impose à lavocat un devoir de discrétion et crée un droit corrélatif à son silence en faveur du client; dautre part, une immunité de divulgation, qui protège contre la communication forcée, même en justice 6 . [15] Les notes manuscrites prises par un avocat lors de linterrogatoire dun témoin et qui font état de lapplication du droit à un cas particulier ainsi que la position juridique dune partie impliquée constituent une opinion juridique protégée par larticle 9 de la Charte 7 . [16] La jurisprudence ainsi que la doctrine utilisées par lavocat au soutien de lopinion préparée pour son client et concernant les confidences reçues de celui-ci sont protégées par le secret professionnel. [17] La lettre du 7 août 1996 renseigne de façon déterminante sur le mandat conclu entre le client et son avocat; elle est, compte tenu du droit du client au respect du secret professionnel, inaccessible. Il en est de même en ce qui concerne la lettre du 20 août 1996 et celle du 10 septembre 1996. 3 Trempe c. Dow Chemical of Canada Ltd., [1980] C.A. 571. 4 Pilorge c. Desgens [1987] R.D.J. 341 C.A. 5 Descôteaux c. Mierzwinski [1982] 1 R.C.S. 860. 6 Société dénergie Foster Wheeler Ltée c. Société intermunicipale de gestion et délimination des déchets Inc. [2004] C.S.C. 18. 7 Québec (Ministère de la justice) c. Bouchard [1998] C.A.I. 488 (C.Q.).
04 10 30 Page : 7 [18] La décision du responsable est fondée. DÉCISION A) Les informations verbales : [19] La Loi sur laccès ne sapplique quà des documents, ce, quelle que soit leur forme : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [20] La décision du responsable concernant laccès aux informations verbales na donc pas à être révisée. B) Lapplication des articles 47 (4) et 48 de la Loi sur laccès : [21] Jai pris connaissance des 3 documents auxquels le responsable a appliqué les articles 47 (4) et 48. Il sagit de 3 documents produits par le ministère de lEnvironnement et de la Faune (ainsi désigné à lépoque) et pour son propre compte. [22] Le responsable a correctement appliqué les articles 47 (4) et 48 de la Loi sur laccès; il devait, comme il la fait, indiquer au demandeur le nom de ce ministère et celui du responsable de laccès de ce ministère. La décision du responsable de laccès aux documents de lorganisme na pas à être révisée à cet égard. C) Les autres documents en litige : [23] Les lettres du 7 août 1996, du 20 août 1996 et du 10 septembre 1996 sont des documents qui renseignent sur un mandat qui a été confié par le ministère de lEnvironnement et de la Faune (le ministère-client) à lorganisme et sur lexécution de ce mandat. Le responsable de lorganisme devait respecter le droit
04 10 30 Page : 8 de ce ministère-client au respect du secret professionnel; son refus de donner accès à ces 3 documents résulte du secret auquel lorganisme est tenu en vertu de larticle 9 de la Charte. Le refus du responsable de donner accès à ces 3 documents na donc pas à être révisé. [24] Les notes personnelles de lavocat de lorganisme renseignent sur les confidences faites par le ministère-client ainsi que sur lopinion dont la préparation a été par la suite entreprise par lavocat. Lapplication de larticle 9 de la Charte de même que celle du 2 e alinéa de larticle 9 de la Loi sur laccès simposaient à légard de ces notes manuscrites. Il en est de même de lapplication de larticle 9 de la Charte en ce qui concerne la jurisprudence et la doctrine qui ont été choisies par lavocat parce que ces documents renseignent sur les confidences faites par les représentants du ministère-client et sur lopinion précitée. Le refus du responsable na donc pas à être révisé. [25] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Sébastien Rochette Avocat de lorganisme
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