Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 15 88 Date : 7 juin 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Protecteur du citoyen Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur formule, le 16 juillet 2003, auprès du Protecteur du citoyen (l’« organisme ») une demande afin d’obtenir tous les documents détenus par celui-ci relativement au traitement de sa plainte portant le n o 02-52103. [2] L’organisme répond partiellement, le 4 août suivant, à la demande en transmettant au demandeur certains documents. Pour ceux qui sont refusés, l’organisme invoque les articles 9, 34, 53, 54 et 83 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »). 1 L.R.Q. c., A-2.1.
03 15 88 Page : 2 [3] Insatisfait, le demandeur sollicite, le 25 août 2003, l’intervention de la Commission d’accès à l’information du Québec (la « Commission »), afin que soit révisée la décision de l’organisme. Il indique notamment que : a) les explications fournies par l’organisme comme motifs de refus « sont illégales »; b) les documents datés du 4 juillet 2002 sont fictifs. Il ajoute « I call them fictitious, because they relate to my complaints going back to 1993, while my address there is listed as Cowansville jail. Clearly, they could not know back in 1993, that later on I shall be in Cowansville jail.»; c) la codification indiquée dans les documents n’est pas claire, il souhaite en connaître la signification. L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause se tient à Montréal, le 2 août 2004, en présence de M e Micheline McNicoll, témoin pour l’organisme, celui-ci étant représenté par M e Jean-Claude Paquet. Le demandeur, pour sa part, participe à l’audience par lien téléphonique. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME [5] M e Paquet fait témoigner, sous serment, M e McNicoll. Celle-ci déclare qu’elle est responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels. Elle dépose confidentiellement les documents dans leur intégralité. Elle affirme avoir reçu la demande (pièce O-1) et y a répondu pour l’organisme, en communiquant au demandeur des documents dont certains ont été élagués (pièce O-2 en liasse). Elle indique que le demandeur conteste (pièce O-3) la décision de l’organisme lui ayant transmis des documents qui, à son avis, sont fictifs. Ces derniers sont tous datés du 4 juillet 2002. Le demandeur prétend que l’organisme a agi ainsi illégalement à son endroit. M e McNicoll ajoute que, selon le demandeur, les numéros de codification inscrits dans les documents « ne sont pas clairs ». Elle produit un document intitulé « Codification de fermeture – Révision » (pièce O4) relativement aux dossiers visant la période couvrant :
03 15 88 Page : 3 a) le mois d’avril jusqu’à la date de l’audience; b) le mois d’avril 2002 à avril 2003; c) l’année 1992 à 2002; d) et avant 1992. [6] M e McNicoll se réfère à chacun des extraits masqués que l’organisme refuse de communiquer au demandeur : a) Les première et deuxième pages représentent « les notes évolutives » d’un fonctionnaire ayant travaillé dans le dossier concernant le demandeur. À la première page, il inscrit les dates de ses interventions et en fait un résumé. La 2 e page contient le nom d’un enquêteur investi « des pouvoirs et de l’immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête 2 ». Au total, 12 lignes de renseignements nominatifs sont masquées; b) L’identité de l’enquêteur revêt un caractère public. Cependant, lorsque celui-ci communique, par exemple, avec un autre employé, le nom de ce dernier est un renseignement nominatif qui doit demeurer confidentiel; c) Un document intitulé « Post-it » est une note manuscrite transmise à un tiers; d) Dans un autre document, 2 lignes de renseignements nominatifs sont masquées, parce que ces derniers ne concernent pas le demandeur; e) Dans le document intitulé « Protection du citoyen - Demande d’intervention », le fonctionnaire ayant travaillé dans le dossier du demandeur considère « qu’il y a un lien entre le 02-52103 et 92-57444 »; il émet une opinion, de quatre lignes, concernant le demandeur. Ces quatre lignes sont masquées; f) Une autre ligne se trouvant à une autre page contient un numéro de dossier et l’identité d’un tiers. Ces renseignements masqués ne concernent pas le demandeur. 2 L.R.Q., c. C-37.
03 15 88 Page : 4 CLARIFICATION RECHERCHÉE PAR LE DEMANDEUR [7] M e McNicoll réitère l’essentiel de son témoignage et ajoute que le délai de conservation des documents détenus par l’organisme est de 5 ans. [8] Par ailleurs, en réponse à une question du demandeur visant son adresse, M e McNicoll souligne que l’organisme utilise l’adresse apparaissant dans son système informatique. La dernière adresse du demandeur, remontant à l’année 1993, n’a pas fait l’objet de modification depuis. M e McNicoll indique cependant qu’elle est prête à vérifier les adresses antérieures du demandeur. [9] Le demandeur dit vouloir connaître la signification de plusieurs numéros inscrits dans les documents de l’organisme, par exemple, les n os 97-16123, 92-57444, etc. M e Paquet intervient pour indiquer que l’organisme s’engage à lui fournir les explications nécessaires à cet effet. B) TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR [10] Après avoir été assermenté, le demandeur déclare qu’il désire obtenir les renseignements masqués dans les documents, car ils le concernent et se trouvent dans son dossier. En ce qui a trait à l’identité de l’employé de l’organisme, le demandeur souhaite la connaître, car, à son avis, ce renseignement revêt un caractère public. LES ARGUMENTS DE L’ORGANISME [11] M e Paquet plaide que l’organisme refuse de communiquer au demandeur les passages masqués dans les documents, car ce sont des renseignements nominatifs. Leur divulgation permettrait d’identifier leur auteur selon les termes des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. M e Paquet dit comprendre que le demandeur souhaite en obtenir une copie au sens de l’article 83 de ladite loi. Cela ne lui permet pas pour autant d’avoir accès aux renseignements nominatifs concernant des personnes physiques autres que le demandeur. Ces renseignements doivent demeurer confidentiels. [12] Par ailleurs, M e Paquet précise que des notes d’intervention se trouvant au dossier, indiquent les interventions qu’a effectuées l’enquêteur de l’organisme, en vertu de la compétence que lui confère le législateur à l’article 13 de la Loi sur le
03 15 88 Page : 5 Protecteur du citoyen 3 (la « L.P.C. »). C’est dans ce cadre-ci que l’enquêteur a contacté un autre employé afin de pouvoir recueillir des éléments pertinents à son enquête. L’identité de celui-ci doit demeurer confidentielle en vertu des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. M e Paquet argue que la preuve n’a pas démontré que cet employé a autorisé l’organisme à dévoiler son identité. L’article 88 de cette loi s’applique. [13] De plus, M e Paquet précise que les interventions de l’organisme se font privément au sens de l’article 24 de la LPC et lorsqu’un enquêteur mène une enquête, il le fait en vertu des pouvoirs que lui confère le législateur selon les termes de l’article 25 de cette loi. [14] M e Paquet décrit le rôle et les fonctions de l’organisme qui s’apparentent à un rôle d’Ombudsman, tel que relaté par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt British Columbia Development Corp. c. British Columbia 4 . DU DEMANDEUR [15] Le demandeur, pour sa part, réitère sa demande à vouloir obtenir une copie intégrale des documents contenus dans son dossier. COMPLÉMENT DE PREUVE [16] Faisant suite à l’engagement pris par l’organisme à l’audience, M e Paquet transmet, le 30 août 2004, à la soussignée une lettre à laquelle sont annexés des documents. Cette lettre, dont une copie est transmise au demandeur, contient des numéros d’intervention ou de codification ainsi que la signification qui leur est attribuée par l’organisme. Les adresses antérieures du demandeur y sont également inscrites. LA DÉCISION [17] Le demandeur requiert de l’organisme l’accès aux renseignements personnels contenus dans son dossier qui contient 22 pages et qui porte le n o 02-52103. Il a formulé sa demande selon les termes de l’article 83 de la Loi sur l’accès et il a le droit d’obtenir ces renseignements, sous réserve de certaines restrictions législatives. 3 L.R.Q., c. P-32. 4 [1984] 2 R.C.S. 447.
03 15 88 Page : 6 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [18] La preuve démontre que l’organisme a répondu partiellement à la demande en communiquant au demandeur une copie de certains documents. [19] Après avoir examiné les extraits en litige, la soussignée est d’avis que ceux contenus dans les 2 premières pages du dossier doivent demeurer confidentiels. En effet, l’enquêteur indique, entre autres, le moment selon lequel des interventions seraient effectuées ou qui l’ont été. Il indique également les personnes avec lesquelles il est en contact, et ce, en vertu des pouvoirs et immunité que lui confère l’article 25 de la LPC. Ces renseignements sont inaccessibles au demandeur. 25. Pour la conduite d'une enquête, le Protecteur du citoyen, son adjoint et ses fonctionnaires et employés qu'il désigne par écrit à cette fin, sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d'imposer l'emprisonnement. [20] Par ailleurs, l’identité de l’employé apparaissant dans ces deux pages est un renseignement nominatif qui doit demeurer confidentiel selon les termes des articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès. Une jurisprudence constante de la Commission respecte le caractère confidentiel de ce type de renseignement. Les décisions suivantes en rapport avec ces articles s’appliquent dans la présente cause : Roy c. Municipalité du Lac Poulin 5 et Boyle c. Société de l’assurance automobile du Québec 6 . De plus, il n’est pas démontré que l’employé en question a autorisé l’organisme à dévoiler son identité et à fournir au demandeur des renseignements nominatifs le concernant. 5 [2003] C.A.I. 361, 366. 6 [2002] C.A.I. 268, 272.
03 15 88 Page : 7 [21] De plus, la soussignée constate que certains renseignements nominatifs concernant des tiers, tels ceux se trouvant à la « page 1 sur 1 » datée du « 02-06-28 » ne devraient pas se trouver dans le dossier du demandeur, ils ne le concernent pas. L’organisme devra retirer de ce dossier tous les renseignements qui n’ont rien à voir avec le demandeur. [22] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que l’organisme a communiqué au demandeur des documents élagués; ORDONNE à l’organisme de retirer du dossier du demandeur les renseignements nominatifs ne le concernant pas et qui n’ont rien à voir avec celui-ci; FERME le présent dossier n o 03 15 88. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Jean-Claude Paquet Procureur du Protecteur du citoyen
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