Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 02 09 Date : Le 7 juin 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. SÉCURIMED INC. Entreprise DÉCISION [1] Le 6 février 2004, le demandeur requiert la Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) d’examiner une mésentente survenue en raison du refus réputé de l’entreprise de lui remettre copie de tous les renseignements personnels le concernant, exerçant par là le recours prévu à l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [2] Le 7 mars 2005, une audience se tient en la ville de Québec devant la Commission. [3] Au cours de cette audience, les parties ont l’occasion de produire à la Commission tous les éléments de preuve et les arguments qu’elles jugent pertinents de produire. [4] En particulier, les docteurs Daniel Léger et André Arcand répondent aux questions de l’entreprise et du demandeur, entre autres, sur l’existence ou 1 L.R.Q., c. P-39.1, ci-après appelée « la Loi ».
04 02 09 Page : 2 la non-existence dans le dossier, lors de la demande d’accès, de certains documents. [5] Une fois les parties ainsi entendues, la soussignée déclare l’audience close et prend le dossier en délibéré. LA DEMANDE DE RÉCUSATION [6] Le 16 mars suivant (2005), pendant le délibéré, le demandeur adresse à la soussignée une lettre de 6 pages dans laquelle il manifeste son insatisfaction concernant la façon dont l’audience s’est déroulée, alléguant que la soussignée ne lui avait pas permis de présenter toute sa preuve ou de faire valoir toutes ses représentations. Dans cette missive, le demandeur déclare que son contenu constitue un ajout à sa preuve et à sa plaidoirie. [7] La soussignée ne voyant dans cette démarche, aucun fait nouveau ni aucun motif pour rouvrir l’audience, retourne les documents au demandeur et continue son délibéré. [8] Par courrier du 21 mars 2005 adressé à la soussignée, le demandeur produit à nouveau sa lettre du 16 mars précédent et formule, sans vraisemblablement en aviser la partie adverse, une requête dans laquelle il demande à la soussignée de se récuser et à la Commission de désigner un des quatre autres commissaires qui déciderait de l’issue du litige après avoir considéré les éléments se trouvant actuellement au dossier, comprenant bien sûr ses ajouts. [9] En effet, le demandeur est d’avis que les agissements de la soussignée, qu’il évoque dans ses lettres des 16 et 21 mars 2005, constituent pour lui des motifs raisonnables de croire que la soussignée est partiale. [10] La soussignée est d’avis que pour qu’une crainte de partialité puisse amener un décideur à se récuser, il faut que la crainte soit raisonnable et que les motifs de cette crainte soient sérieux 2 . [11] Pour toute personne sensée et bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, les motifs de cette crainte du demandeur sont plutôt des motifs d’appel des décisions 2 Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, (1978) 1 R.C.S. 369, 394, 395.
04 02 09 Page : 3 interlocutoires ou de procédure que la soussignée a rendues pendant et après l’audience ou de motifs de contestation du bien-fondé de ces décisions. [12] En l’espèce, la soussignée est d’opinion que cette même personne sensée et bien renseignée ne pourrait raisonnablement en arriver à la conclusion d’une crainte fondée de partialité. [13] La soussignée constate que le demandeur en arrive pourtant à une telle conclusion. [14] La soussignée est toutefois d’opinion qu’une personne qui en arriverait à une telle conclusion est une personne tatillonne ou scrupuleuse et que ses motifs de crainte ne sont pas sérieux. [15] La crainte du demandeur que la soussignée soit partiale, telle qu’exprimée par celui-ci, n’est pas raisonnable et les motifs de cette crainte ne sont pas sérieux. [16] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que je ne dois pas me retirer du présent dossier et refuse de me récuser. LA DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE L’AUDIENCE A. LA PREUVE i) De l’entreprise Le témoignage du docteur André Arcand [17] Le docteur Arcand confirme que l’entreprise détient un dossier concernant le demandeur depuis que l’employeur de ce dernier, l’Université McGill, a mandaté celle-ci pour mener une expertise médicale concernant le demandeur, expertise dirigée par le docteur Daniel Léger, oeuvrant chez l’entreprise. [18] À la suite de la demande d’accès du demandeur datée du 30 décembre 2003, et après avoir obtenu le consentement de l’employeur du demandeur, il a finalement remis à ce dernier, le 19 octobre 2004, copie
04 02 09 Page : 4 intégrale de tous les documents qui le concernent personnellement, soit 129 pages. [19] Il affirme qu’aucun élément du dossier du demandeur n’est détenu ailleurs, chez l’entreprise, que dans ce dossier physique qu’il exhibe, et que tout ce qui concerne le demandeur et qui est détenu dans ce dossier par l’entreprise lui a été remis en totalité. Le témoignage du docteur Daniel Léger [20] Le docteur Léger est consultant chez l’entreprise. [21] C’est lui qui a rencontré le demandeur et qui a procédé à son examen. [22] Il est également l’auteur du rapport d’expertise concernant le demandeur et qui a été produit à l’employeur de ce dernier. [23] Une première version de ce rapport d’expertise a été envoyée à l’employeur du demandeur. Une deuxième version a été, par la suite, transmise à l’employeur. Cette deuxième version comportait une rectification de la première. [24] Le témoin Léger n’a pas souvenir qu’une troisième version de ce rapport ait été fournie à l’employeur. [25] En réponse à une question du demandeur qui veut savoir où est la troisième version, le témoin Léger dit qu’il ne peut expliquer pourquoi il existe trois signatures, qu’il reconnaît comme étant les siennes, apparaissent à la dernière page de ce qui constituerait trois versions différentes du rapport d’expertise concernant le demandeur. [26] Il affirme que le dossier du demandeur détenu par l’entreprise ne contient aucun autre élément que ceux qui lui ont été remis. Il ajoute que l’entreprise ne détient pas, ailleurs que dans ce dossier qu’a exhibé le docteur Arcand un peu plus tôt durant l’audience, de renseignements concernant le demandeur.
04 02 09 Page : 5 ii) Du demandeur [27] Le demandeur fait part de ses doutes quant à la non-existence d’une troisième version du rapport d’expertise du docteur Léger. [28] Le demandeur fait état de l’existence d’autres documents qui ne lui auraient pas été communiqués, dont une correspondance échangée entre l’entreprise et des tiers et son employeur ou l’avocat de ce dernier, et ce, avant et après sa demande d’accès du 30 décembre 2003. [29] Il dépose, en liasse sous la cote D-1, à l’appui de sa prétention de l’existence de cette troisième version et des autres documents qui ne lui auraient pas été remis, une lettre datée du 7 mars 2005 accompagnée d’une série de documents tirés de son dossier sur lesquels apparaissent, dans des encadrés, des observations du demandeur. [30] Il confirme l’exactitude des informations qu’il insère dans son document du 7 mars 2005 et dans les encadrés sur les pièces annexées (liasse D-1). B. LES ARGUMENTS i) De l’entreprise [31] L’avocate de l’entreprise plaide que lors de la demande d’accès, soit le 30 décembre 2003, la divulgation des renseignements demandés risquait d’avoir un effet sur les procédures judiciaires impliquant le demandeur et son employeur. [32] En effet, il appert des paragraphes [1] à [6] et [29] à [33] de la décision de la Commission des lésions professionnelles (CLP) rendue le 18 novembre 2004 dans la cause numéro 221829-32-0312 impliquant le demandeur et son employeur, Université McGill, que des procédures judiciaires étaient en cours lorsque la demande d’accès a été formulée et que le contenu du rapport d’expertise du docteur Léger du 19 avril 2001 était en cause. [33] L’avocate de l’entreprise soutient que la preuve démontre que cette dernière était mandatée par l’employeur du demandeur à titre d’expert dans le conflit les opposant.
04 02 09 Page : 6 [34] Elle ajoute que, conformément au paragraphe 2° de l’article 39 de la Loi, en sa qualité de mandataire de l’employeur, l’entreprise était fondée de refuser au demandeur l’accès au dossier qu’elle détenait sur lui dans le cadre de ce mandat. [35] L’avocate ajoute que l’entreprise a, le 19 octobre 2004, remis au demandeur tout le dossier le concernant dès qu’elle eût obtenu le consentement de son mandant, l’employeur. [36] Elle ajoute que la preuve démontre que tous les documents concernant la personne du demandeur et détenus par l’entreprise ont été remis à ce dernier. [37] Elle est d’avis que les documents que le demandeur identifie comme manquants répondent à l’une ou l’autre des catégories suivantes : ils sont inexistants (la troisième version du rapport du 19 avril 2001), ils ne contiennent pas des renseignements personnels mais plutôt, en substance, des renseignements administratifs de l’entreprise lesquels ne sont pas assujettis à la Loi, ou ils sont postérieurs à la demande d’accès du 30 décembre 2003. ii) Du demandeur [38] Le demandeur prétend que l’entreprise n’a pas répondu à sa demande d’accès dans les délais prescrits par les articles 27 à 36 de la Loi. [39] Il plaide aussi que la preuve (D-1) démontre que, lorsque l’entreprise s’est finalement et tardivement acquittée de son obligation de lui répondre, elle ne lui a toutefois pas remis tout le dossier qu’elle détient sur lui, en particulier une troisième version du rapport d’expertise préparée le 19 avril 2001 par le docteur Léger. [40] Il déclare qu’il veut avoir en sa possession les trois exemplaires de ce rapport d’expertise du 19 avril 2001. [41] Il soutient que la correspondance entre l’entreprise et son employeur, incluant les bordereaux de transmission de télécopieur, devrait lui être remise, même s’il n’est question de lui que de façon incidente.
04 02 09 Page : 7 DÉCISION [42] La preuve présentée établit qu’au moment de la demande d’accès, les conditions d’application du paragraphe 2° de l’article 39 sont réunies : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement:: 1° […]; 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [43] En effet, la décision de la CLP précitée mentionne que les faits qui font l’objet du mandat conféré à l’entreprise par l’employeur du demandeur étaient considérés par la CLP au moment de la demande d’accès, soit le 30 décembre 2003, et que celle-ci ne s’était pas encore prononcée à ce sujet. [44] Toutefois, la Commission est d’avis que cet état de fait ne peut constituer un prétexte valable pour autoriser l’entreprise à ne pas donner suite à la demande d’accès conformément aux prescriptions des articles 32 et 34 de la Loi : 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande. À défaut de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande, la personne est réputée avoir refusé d'y acquiescer. 34. La personne qui refuse d'acquiescer à la demande d'accès ou de rectification d'une personne concernée doit lui notifier par écrit son refus en le motivant et l'informer de ses recours.
04 02 09 Page : 8 [45] Le refus réputé justifiait le demandeur de formuler une demande d’examen de mésentente le 6 février 2004. [46] En ce sens, la Commission ne peut considérer cette demande comme étant frivole ou faite de mauvaise foi. [47] Après examen, cette demande s’avère toutefois non fondée parce qu’au moment où elle est formulée, les conditions d’application de l’article 39, 2° sont réunies. [48] Par la suite, l’employeur a autorisé son mandataire, l’entreprise, à remettre le dossier au demandeur, ce qui fut fait le 19 octobre 2004. [49] La preuve établit que l’entreprise a remis au demandeur tous les renseignements personnels qui concernent ce dernier et qu’elle détient sur lui en date de sa demande d’accès et, même au-delà, jusqu’au 19 octobre 2004. [50] La prétention du demandeur que certains documents ne lui ont pas été remis vise, entre autres, une troisième version du rapport d’expertise préparé par le docteur Daniel Léger le 19 avril 2001. [51] Or, la Commission remarque que le demandeur déclare, en post-scriptum de sa lettre du 7 mars (D-1), ce qui suit : […] P.-S. En guise de référence future, je déclare : 1) Que le 19 octobre 2004, le docteur ARCAND m’a remis trois versions de l’expertise du docteur LÉGER datée du 19 avril 2001. Dans la troisième version, la signature du docteur LÉGER superpose la lettre « e » (p. j. 11). 2) […]. [52] La Commission est d’avis que le dernier paragraphe révèle une contradiction dans la preuve du demandeur touchant le nombre de versions de cette expertise qui lui auraient été communiquées. [53] Enfin, la Commission rappelle que le droit du demandeur ne s’étend pas à des documents administratifs de l’entreprise qui ne contiennent pas de renseignements personnels le concernant. [54] En effet, l’article 1 de la Loi limite son champ d’application aux seuls renseignements personnels concernant des individus :
04 02 09 Page : 9 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public. [55] Le demandeur ne peut en conséquence exiger copie de la correspondance ou des documents de communication entre l’entreprise et son mandant ou un tiers et qui ne contient aucun renseignement personnel le concernant. [56] La Commission retient des témoignages des docteurs Léger et Arcand que la partie du dossier non remise au demandeur ne contient pas de renseignements personnels concernant le demandeur. [57] En résumé, la preuve démontre que le demandeur a finalement reçu de l’entreprise tous les renseignements auxquels il avait droit. [58] Vu ce qui précède, la Commission considère qu’elle a des motifs raisonnables de croire que son intervention n’est désormais plus utile au sens de l’article 52 de la Loi : 52. La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire […] que son intervention n'est manifestement pas utile.
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