Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 17 75 Date : 18 janvier 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demandeur c. MEUBLES & ÉLECTROMÉNAGERS M.L. Entreprise DÉCISION L'OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE [1] Le 17 août 2005, le demandeur réclame à l’entreprise une copie du contrat d’achat de meubles qu’il a signé avec celle-ci le 4 juin 2005. [2] Le 14 octobre 2005, n’ayant reçu aucune réponse de l’entreprise, le demandeur requiert l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission). [3] Une audience est tenue le 13 octobre 2006 à Montréal.
05 17 75 Page : 2 [4] Le 17 octobre 2006, à la suite d’un engagement pris lors de l’audience, l’avocate de l’entreprise transmet à la Commission une copie vierge d’un document intitulé « Contrat de vente ». L'AUDIENCE LA PREUVE DE L'ORGANISME [5] M. Roland Meloche, directeur général de l’entreprise, explique que, le 4 juin 2005, le demandeur achète de cette dernière des meubles d’une valeur de 8 428,86 $ devant être livrés le 12 juin suivant. [6] Le demandeur retourne au magasin, le 11 juin 2005, afin d’annuler la livraison des meubles ainsi que le contrat de vente. [7] Le témoin dépose une copie vierge des documents intitulés « Bon de livraison » (RM-1) et Contrat de vente (RM-9). Ces documents correspondent au contrat de l’entreprise. La section intitulée « Conditions du contrat » énonce la politique de l’entreprise lors d’annulation de contrat : En cas d’annulation, des frais de 20%, du montant total du contrat, peuvent être exigés sans préjudice ou le marchand est en droit d’exiger l’exécution du contrat dans son entier. […] [8] Le témoin explique que cette clause est placée sur le recto du contrat, au-dessus de l’espace réservé à la signature des clients, afin qu’ils en prennent connaissance. [9] Lorsque le demandeur s’est présenté pour annuler le contrat, un représentant de l’entreprise lui a offert un crédit d’achat de meubles d’une valeur égale à celle du contrat. Mais, puisque le demandeur ne désirait plus acheter de meubles, l’entreprise a finalement annulé le contrat, remboursé une somme de 7 000 $ à l’entreprise de crédit ayant financé la majeure partie de l’achat et gardé la somme de 1 428,86 $, qui représente un peu de moins de 20 % de la valeur totale du contrat. [10] Le témoin dépose un document provenant du système comptable de l’entreprise, intitulé « Interrogation des comptes à recevoir » (RM-2). Ce document indique les diverses transactions intervenues dans le cadre du contrat en litige. On
05 17 75 Page : 3 y lit que, le 4 juin 2005, une transaction d’achat de meubles totalisant 8 428,86 $ a eu lieu et que le demandeur en a assumé lui-même une partie le jour même. Le 7 juin suivant, un paiement de 8 000 $ apparaît sur ce document : il s’agit de la demande de financement du solde du contrat par une entreprise de crédit qui est acceptée. [11] Tel qu’il appert de l’Interrogation des comptes à recevoir, le 4 septembre 2005, l’entreprise annule le contrat et rembourse la somme de 7 000 $ à l’entreprise de crédit qui a financé ce montant. [12] L’entreprise produit une lettre du 27 juin 2005 (RM-5), dans laquelle le demandeur lui réitère, après diverses rencontres et communications téléphoniques dont il fait état, sa demande d’annuler le contrat et les pénalités de 20 %. Le 23 juillet, le demandeur réécrit à l’entreprise (RM-6). Dans cette lettre, il écrit « […] hier le 22 juillet 2005 vous m’avez affirmé par téléphone que vous n’avez d’autres choix que d’exécuter le contrat de vente en entier. […] » Le demandeur prie à nouveau l’entreprise d’annuler le contrat et de lui « […] délivrer la note de crédit dans le plus bref délais. […] ». [13] Finalement, à la suite de l’annulation du contrat, le demandeur écrit à l’entreprise, le 3 octobre 2005 (RM-7), pour lui réclamer la somme de 1 428 $. [14] Le témoin produit un « Relevé informatique » (RM-8) qui décrit les biens achetés par le demandeur en juin 2005. La somme des montants apparaissant sur ce document (à l’exception d’une somme de 345,06 $ annulée) équivaut au montant de 8 428,86 $ du contrat. [15] Selon le témoignage de M. Meloche, le 17 août 2005, l’entreprise ne pouvait transmettre que ce Relevé informatique au demandeur. En effet, l’entreprise ne garde pas les contrats de vente signés par les consommateurs. Si les biens sont livrés au client, le contrat signé au moment de l’achat est remplacé par le Bon de livraison signé par le client et le livreur sur réception des biens. Ce document est identique au contrat, sauf pour le titre. Le témoin en prend pour preuve la copie du document vierge intitulé Contrat de vente (RM-9) 1 . [16] S’il y a annulation, le contrat de vente est détruit. Pour assurer sa comptabilité et sa gestion à l’interne, l’entreprise conserve les bons de livraison complétés lorsque la marchandise est livrée. Dans le cas d’annulation, l’Interrogation des comptes à recevoir et le Relevé informatique (RM-2 et RM-8) contiennent les informations pertinentes pour l’entreprise. 1 Cette copie étant fort peu lisible, l’entreprise a transmis à la Commission et au demandeur un original vierge de ce document, le 17 octobre 2006.
05 17 75 Page : 4 [17] En l’espèce, comme les biens n’ont pas été livrés au demandeur, l’entreprise ne peut lui fournir une copie du contrat qu’il a signé puisqu’elle l’a détruit. [18] Au moment de la signature du contrat, une copie est remise au client sur-le- champ. À la fin de chaque mois, l’entreprise détruit les contrats signés au moment de l’achat parce que, explique le témoin, ils n’ont aucune valeur. [19] Selon le témoin, l’entreprise a avisé verbalement le demandeur à plusieurs reprises qu’elle n’avait plus le contrat de vente, dont il avait reçu copie au moment de l’achat, mais qu’on pouvait lui remettre le Relevé informatique (RM-8), ce qui a d’ailleurs été fait. [20] En contre-interrogatoire, le témoin précise que l’entreprise détruit les contrats à la fin de chaque mois et que c’est à la fin du mois de juin que l’entreprise aurait détruit le contrat du demandeur. [21] Le demandeur rappelle au témoin que ce n’est que vers le 30 août 2005 qu’un représentant de l’entreprise l’a informé par téléphone que l’entreprise acceptait d’annuler le contrat. Il lui rappelle aussi qu’à la même époque, un représentant de l’entreprise l’a informé qu’on ne pouvait lui donner son contrat parce qu’il fallait faire des recherches dans les archives. [22] Le témoin explique que « faire des recherches » dans les archives signifiait vérifier si le contrat avait été détruit. Il ajoute que tous les contrats signés au moment de l’achat sont acheminés au bureau-chef où ils sont mis de côté pour être détruits à la fin du mois. Le témoin réitère que les contrats sont systématiquement détruits à la fin de chaque mois. Malgré ce fait, l’entreprise a tout de même vérifié si le contrat était encore disponible lorsque le demandeur l’a requis. [23] Le demandeur rappelle au témoin qu’il a demandé une copie du contrat parce qu’on lui demandait des pénalités. Il ajoute qu’en juin 2005, le représentant de l’entreprise lui a expliqué que deux possibilités s’offraient à lui : assumer les pénalité de 20 % ou recevoir la marchandise. Un mois plus tard, en juillet, cette personne l’informe que le bureau-chef refuse d’annuler la vente en appliquant les pénalités et qu’il devait recevoir la marchandise. La décision d’annuler le contrat n’a été prise par l’entreprise qu’à la fin du mois d’août. [24] Le témoin réplique que, puisque le demandeur voulait annuler son contrat depuis le 11 juin 2005, l’entreprise l’a détruit. Il ne peut cependant expliquer précisément ce qui est arrivé. Il réitère cependant que, le 17 août 2005, lorsque le
05 17 75 Page : 5 demandeur réclame une copie du contrat, celui-ci avait déjà été détruit. Si l’entreprise a cherché le contrat à la fin du mois d’août 2005, c’est pour tenter d’accommoder le demandeur. Il ajoute que si cette dernière avait eu le contrat en sa possession, elle l’aurait transmis au demandeur. DU DEMANDEUR [25] Le demandeur explique qu’il désire obtenir une copie du contrat qu’il a signé le 4 juin 2005 parce que l’entreprise lui a imposé des pénalités en raison de l’annulation de ce contrat. À la suite de ses demandes, l’entreprise lui a transmis, à deux reprises, une copie du Relevé informatique (RM-8). Ce n’est pas ce qu’il désire. [26] Du 11 juin à la fin du mois d’août 2005, le demandeur a communiqué à plusieurs reprises avec l’entreprise : par téléphone, par fax et par lettre. À la mi-juillet, le responsable du magasin l’a appelé pour lui annoncer que le bureau-chef refusait d’annuler le contrat et qu’il devait l’exécuter. Ce n’est qu’à la fin du mois d’août 2005 qu’un représentant de l’entreprise l’a informé que le contrat était annulé. [27] En contre-interrogatoire, le demandeur ne peut reconnaître la copie vierge du Contrat de vente (RM-9) parce qu’il ne s’en souvient pas. [28] Le demandeur confirme qu’il a reçu une copie du contrat lors de la signature du contrat, le 4 juin 2005. Cette copie est entre les mains de tiers qui refusent de la lui remettre. Il confirme qu’à partir du 11 juin 2005, il a demandé l’annulation du contrat et que l’entreprise ne lui a pas livré les meubles. [29] Le demandeur reconnaît qu’il a eu plusieurs conversations avec un représentant de l’entreprise concernant ses demandes d’annulation et de copie de contrat. Il reconnaît avoir reçu deux fois une copie du Relevé informatique (RM-8) à la suite de ses demandes de copie de contrat. LES ARGUMENTS DE L'ENTREPRISE [30] L’entreprise a détruit le contrat signé le 4 juin 2005 en vertu de sa politique prévoyant la destruction lorsque les biens sont livrés ou que le contrat est annulé.
05 17 75 Page : 6 [31] Le 12 juin 2005, le demandeur a demandé à l’entreprise de ne pas livrer les biens et d’annuler le contrat. Il a réitéré ces demandes à l’entreprise plusieurs fois, tel qu’il appert des lettres des 27 juin et 23 juillet 2005. [32] Selon le témoin Meloche, l’entreprise a l’habitude de détruire les contrats dans le mois suivant une demande d’annulation de contrat. [33] La seule preuve d’une demande écrite au dossier est celle de la demande à l’origine du présent dossier faite le 17 août 2005. À cette date, l’entreprise n’était plus en possession du contrat. [34] L’entreprise a fait preuve de diligence puisqu’elle a remis à deux reprises au demandeur le Relevé informatique (RM-8) qui fait état du contenu du contrat. [35] De plus, la preuve non contredite confirme que le demandeur a reçu, le 4 juin, une copie du contrat signé le même jour, mais que ce contrat n’est plus en sa possession. L’entreprise ne peut être tenue responsable de ce fait. [36] L’article 27 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 2 (la Loi sur le privé) tel qu’il se lisait à l’été 2005 est clair : l’entreprise doit être en possession du document demandé. Or, en l’espèce, l’entreprise ne détenait plus ce document au moment de la demande. DU DEMANDEUR [37] Le demandeur désire obtenir une copie du contrat signé le 4 juin 2005 parce que l’entreprise lui a imposé des pénalités à la suite de son annulation. [38] Le demandeur soutient que l’entreprise n’a pas répondu à sa demande de copie de contrat lorsqu’elle lui a remis une copie du Relevé informatique (RM-8). [39] Il se demande comment l’entreprise a pu détruire le contrat, en juin, avant qu’il ne soit annulé et alors qu’elle menaçait de l’obliger à recevoir les meubles achetés le 4 juin 2005. [40] Le demandeur réclame donc une copie du contrat ou l’annulation des pénalités. 2 L.R.Q., c. P-39.1.
05 17 75 Page : 7 DÉCISION [41] La Commission rappelle, comme elle l’a fait au cours de l’audience, qu’elle n’a aucune juridiction pour décider du litige concernant la légalité des pénalités imposées par l’entreprise. La seule question dont elle doit décider est celle de savoir si l’entreprise était tenue, en vertu de la Loi sur le privé, de remettre au demandeur, à l’été 2005, une copie du contrat signé le 4 juin précédent. [42] Le 17 août 2005, le demandeur formule à l’entreprise une demande d’accès en vertu des articles 27 et 30 de la Loi sur le privé : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. Lorsque le requérant est une personne handicapée, des mesures d'accommodement raisonnable doivent être prises, sur demande, pour lui permettre d'exercer le droit d'accès prévu par la présente section. 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, […]. […] [43] Devant l’attitude de l’entreprise, le demandeur fait une demande d’examen de mésentente à la Commission en vertu de l’article 42 de la Loi sur le privé : 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25. [44] Les règles régissant une entreprise qui reçoit une demande d’accès sont notamment prévues aux articles 32, 34 et 36 de la Loi sur le privé : 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de réception de la demande.
05 17 75 Page : 8 À défaut de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande, la personne est réputée avoir refusé d'y acquiescer. 34. La personne qui refuse d'acquiescer à la demande d'accès ou de rectification d'une personne concernée doit lui notifier par écrit son refus en le motivant et l'informer de ses recours. 36. Celui qui détient un renseignement faisant l'objet d'une demande d'accès ou de rectification doit, s'il n'acquiesce pas à cette demande, le conserver le temps requis pour permettre à la personne concernée d'épuiser les recours prévus par la loi. [45] Il est exact, comme l’a soutenu l’entreprise, que les obligations de cette dernière sont de donner communication des documents qu’elle détient et qui concernent la personne qui en fait la demande. La question qui se pose en l’espèce est celle de déterminer si l’entreprise détenait encore, le 17 août 2005, le contrat signé en juin 2005. [46] L’entreprise soutient que, le 17 août 2005, elle ne détenait plus le contrat signé le 4 juin 2005 puisqu’elle l’avait détruit. Le directeur général a expliqué la politique de l’entreprise concernant la destruction des contrats d’achat. Cette politique peut être résumée ainsi : les documents sont détruits lorsque les biens sont livrés ou que le contrat est annulé. [47] Interrogé par le demandeur, le témoin a précisé que l’annulation du contrat ayant été demandée le 11 juin, le contrat a été détruit à la fin de ce mois. Par la suite, il a ajouté que le demandeur avait clairement signifié à l’entreprise son intention d’annuler le contrat à compter du 11 juin 2005 et que cette dernière avait effectivement détruit le contrat, mais qu’il ne pouvait cependant expliquer précisément quand cela s’était produit. [48] Le demandeur soutient que, le 23 juillet 2005, l’entreprise menaçait toujours de l’obliger à recevoir les biens achetés en juin et que ce n’est qu’à la fin du mois d’août 2005 que l’entreprise l’a finalement informé qu’elle acceptait d’annuler le contrat. [49] Le demandeur a aussi témoigné à l’effet que l’entreprise ne l’a informé de l’annulation de son contrat qu’à la fin du mois d’août 2005. Ce témoignage concorde avec les informations conservées dans le système informatique de l’entreprise, qui indiquent la date du 4 septembre 2005 pour l’annulation du contrat.
05 17 75 Page : 9 [50] Il semble surprenant que l’entreprise ait pu détruire, dès la fin du mois de juin 2005, le contrat signé le 4 juin précédent. Il est vrai que le demandeur, dès le 11 juin, lui avait clairement signifié qu’il désirait annuler ce contrat et ne désirait plus les meubles achetés en juin. Cependant, tel qu’il appert de la lettre du 23 juillet 2005 (RM-6), l’entreprise n’avait pas renoncé à livrer les biens au demandeur, tout au moins jusqu’à cette date, puisqu’elle insistait pour ce faire. [51] Concernant la destruction du contrat, le directeur général de l’entreprise, M. Meloche, est cependant formel : au moment de la demande en litige faite le 17 août 2005, l’entreprise avait détruit ce contrat. Il ajoute que l’entreprise n’avait aucun intérêt à refuser de donner une copie du contrat au demandeur. [52] Bien que le demandeur ait soulevé des questions préoccupantes concernant le moment de la destruction de son contrat, la preuve prépondérante est à l’effet que, tout au moins au moment de la demande d’accès, l’entreprise ne détenait plus le contrat. Celle-ci ne pouvait donc en donner communication au demandeur et la Commission ne peut lui ordonner de le faire. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [53] REJETTE la demande d’examen de mésentente. GUYLAINE HENRI Commissaire BCF s.e.n.c.r.l. (M e Geneviève Bergeron) Procureurs de l’entreprise
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