Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 10 13 Date : 3 juin 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. CONSEIL DU TRÉSOR Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demande d’accès est datée du 30 avril 2004; elle vise l’obtention de « l’ensemble du dossier d’analyse et d’évaluation que le Secrétariat du Conseil du Trésor a effectué de mon poste dans le cadre du processus d’intégration dans la nouvelle classification des ingénieurs du gouvernement. ». Le demandeur précise qu’il veut obtenir les documents concernant : 1. « l’évaluation rigoureuse de la valeur relative de mon poste que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée; 2. L’analyse que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée de ma description d’emploi à l’aide du plan de classification; 3. L’évaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par points et facteurs;
04 10 13 Page : 2 4. L’évaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par appariement. ». [2] Le refus du responsable de l’accès aux documents de l’organisme porte la date du 27 mai 2004; il s’appuie sur l’article 32 de la Loi sur l’accès 1 . Le responsable indique que les recherches de l’organisme ont permis de constater qu’un avis de classification avait été acheminé au demandeur et que celui-ci l’avait contesté le 15 avril 2004; selon le responsable, les documents refusés constituent des analyses dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire, en l’occurrence celle prévue aux articles 6.1.05 et suivants de la convention collective de travail des ingénieurs. [3] Insatisfait, le demandeur soumet une demande de révision le 7 juin 2004. PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M. Jacques Fréchette : [4] M. Jacques Fréchette témoigne sous serment en qualité de responsable de la coordination du secteur de la rémunération pour la fonction publique; il occupe ce poste depuis 10 ans. [5] M. Fréchette explique que 4 classes d’emploi sont établies depuis juillet 2001 pour les ingénieurs; la convention collective de travail des ingénieurs, qui prévoit un processus d’intégration des emplois d’ingénieur dans l’une des 4 classes, régit l’exercice d’un recours en appel de cette intégration (O-1). L’appel s’effectue en 2 étapes. Tous les cas non réglés au cours de la première étape sont discutés entre l’organisme et le syndicat des ingénieurs avant que ce dernier ne décide d’entreprendre la 2 e étape qui se déroule devant un arbitre choisi par les parties. [6] Le demandeur fait partie des quelque 200 à 225 cas que le syndicat des ingénieurs n’a pas encore présentés en 2 e étape; une discussion sera tenue entre l’organisme et le syndicat au cours de l’été 2005 pour tenter d’en arriver à une solution d’ensemble avant de décider si la 2 e étape de l’appel s’impose. La 1 re étape de l’appel entrepris par le demandeur n’est pas terminée; une enquête 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 10 13 Page : 3 au cours de laquelle il pouvait être accompagné de son représentant syndical a été instruite par un comité ad hoc mais aucun nouveau classement ne lui a encore été attribué. [7] À la connaissance de M. Fréchette, le processus d’intégration précité n’est pas terminé dans tous les ministères; cette situation explique pourquoi l’organisme et le syndicat ne discuteront qu’au cours de l’été 2005. [8] La convention collective de travail des ingénieurs prévoit aussi qu’à compter du 1 er juillet 2001, tous les ingénieurs sont intégrés dans les nouvelles échelles de traitement de rangement 20, 22, 24 et 25 (O-2). À la demande du syndicat ou de l’organisme, un comité ad hoc est créé afin de discuter de toute problématique reliée à cette intégration ainsi qu’au suivi de celle-ci (O-2); cette discussion précède la 2 e étape de l’appel devant l’arbitre. [9] Un avis d’intégration a été adressé au demandeur le 24 mars 2004; le demandeur a fait appel de la classe d’emploi qui lui a été attribuée et il en a donné avis le 15 avril 2004 (O-3). Il avait, en novembre 2002, reçu la documentation relative à la description de l’emploi d’ingénieur qu’il occupe dans un ministère (O-4). [10] La divulgation des renseignements en litige risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur la 2 e étape de l’appel qui, en vertu de la convention collective de travail des ingénieurs (O-1) serait instruite devant un arbitre. Or, il est prévu que l’organisme et le syndicat des ingénieurs discutent au cours de l’été 2005; si leur mésentente devait persister, les griefs suspendus seront instruits devant l’arbitre. L’organisme ne peut se permettre de donner communication de renseignements qu’il utilisera devant l’arbitre alors qu’il prévoit d’abord discuter avec le syndicat pour régler des cas incluant celui du demandeur. Le demandeur a eu accès à la documentation relative à la description de l’emploi qu’il occupe (O-4); en cas de mésentente à l’issue des discussions qui auront lieu avec le syndicat, l’organisme entend se défendre devant l’arbitre et démontrer, à l’aide des documents en litige, le bien-fondé de sa propre position. [11] Les discussions que l’organisme aura avec le syndicat viseront à regrouper, selon des problématiques communes, les quelque 200 à 225 cas qui ont été portés en appel mais qui n’ont pas encore été soumis à l’arbitre (2 e étape de l’appel); les cas qui n’auront pu être réglés à l’issue de ces discussions seront individuellement soumis à l’arbitre. Les discussions avec le syndicat de même que l’arbitrage sont prévus par la convention collective (O-1) et par une lettre d’entente qui y est afférente (O-1, O-2).
04 10 13 Page : 4 [12] Le demandeur en appelle de la classe d’emploi qui lui a été attribuée; les documents en litige serviront à l’organisme pour faire la preuve du bien-fondé de la décision qu’il a prise relativement à la classification contestée par le demandeur (O-3), décision que l’organisme pourrait maintenir après discussions avec le syndicat qui représente le demandeur. [13] Le demandeur est représenté par son syndicat dans le processus d’appel. Il est possible qu’aucune entente ne règle le cas du demandeur; l’arbitrage s’imposera si le litige est maintenu, comme le prévoit la convention collective applicable. [14] M. Fréchette témoigne ex parte concernant le contenu des documents qui sont en litige. Il explique le processus d’évaluation des emplois des ingénieurs ainsi que la présentation que l’organisme en fera au syndicat des ingénieurs au cours des discussions prévues. ii) du demandeur [15] Le demandeur comprend le processus d’appel prévu par la convention collective de travail des ingénieurs. Sa demande d’accès vise l’obtention de documents qu’il veut utiliser en appel et par l’entremise de son syndicat pour contester la classe d’emploi qui lui a été attribuée. [16] Les documents qui sont en litige sont constitués de renseignements personnels qui le concernent. Il a le droit d’obtenir tous ces renseignements dont l’organisme et le syndicat des ingénieurs disposeront dans le cadre du processus d’appel. À son avis, le refus de lui donner accès aux documents qui sont en litige est inéquitable. Rien n’indique que le traitement des cas qui sont en suspens sera collectif puisque ces cas sont différents; de plus, c’est le syndicat qui, dans chaque cas, décide de la démarche à entreprendre pour représenter un ingénieur. [17] Le demandeur se questionne sur la rigueur de l’analyse qui a été faite, dans un contexte de contingentement notamment, et sur le désavantage qui a pu en résulter pour lui. Il a, à quelques mois d’intervalle, reçu 2 avis d’intégration donnant lieu à des rangements différents et ayant conséquemment un effet sur son classement.
04 10 13 Page : 5 ARGUMENTS i) de l’organisme [18] La 2 e étape de l’appel, telle qu’elle est prévue par la convention collective, constitue une procédure judiciaire. [19] L’effet, préjudiciable ou non, du refus de l’organisme sur le demandeur n’empêche pas l’application de l’article 32 de la Loi sur l’accès. [20] L’organisme est habilité à refuser de communiquer les analyses qui sont en litige parce que la divulgation de ces documents risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire. L’appel, soumis à l’arbitre en vertu de la convention collective de travail des ingénieurs, est une procédure judiciaire; ce processus doit être respecté tel que convenu. ii) du demandeur [21] L’obtention des documents en litige est nécessaire au demandeur ou à son syndicat qui les utilisera devant l’arbitre. [22] Le processus d’appel prévu par la convention collective applicable est de nature administrative et non judiciaire. DÉCISION La procédure judiciaire : [23] La preuve (O-3) démontre que le demandeur a complété un « formulaire d’appel de l’intégration » le 14 avril 2004 parce qu’il en appelle notamment de la classe d’emploi qui lui a été attribuée. La preuve (O-3) démontre spécifiquement que le demandeur réclame d’être intégré dans la classe 3, plutôt que dans la classe 1, pour les motifs qu’il exprime dans ce formulaire d’appel. La preuve (O-3) démontre que le demandeur a, le 15 avril 2004, soit 2 semaines avant sa demande d’accès, donné avis de cet appel conformément aux dispositions prévues par la convention collective de travail des ingénieurs (O-1). [24] La preuve démontre que l’appel présenté par le demandeur a été, au cours de la 1 re étape prévue par la convention collective et conformément à celle-ci, examiné par un comité ad hoc mais qu’aucune décision n’a encore été
04 10 13 Page : 6 prise à la suite de cet examen en raison de discussions devant avoir lieu entre l’organisme et le syndicat des ingénieurs; la preuve démontre qu’à défaut d’entente, la 2 e étape de l’appel s’effectue devant l’arbitre (O-1). L’article 6-1.07 de la convention collective applicable (O-1) prévoit que c’est le syndicat qui peut soumettre un appel à l’arbitre choisi par les parties et que la décision de l’arbitre est sans appel et exécutoire. L’article 6-1.08 de cette convention prévoit que l’arbitre doit rendre une décision conforme aux règles d’intégration et qu’il ne peut les modifier, y suppléer, y ajouter ou en retrancher quoi que ce soit. L’article 6-1.09 de la même convention prévoit notamment que chaque partie acquitte les dépenses et traitements de ses témoins. La Commission conclut que le processus d’arbitrage prévu par la convention collective de travail des ingénieurs (O-1) est de nature essentiellement judiciaire. La Commission comprend également que le demandeur a lui-même entrepris de contester la classe d’emploi qui lui a été attribuée et qu’à moins d’un règlement, cette contestation amorcée avant la demande d’accès sera tranchée par l’arbitre, comme le veut la convention collective applicable. L’effet sur la procédure judiciaire : [25] Le témoignage de M. Jacques Fréchette ainsi que celui du demandeur sont unanimes : le contenu des documents en litige est nécessaire à la preuve que l’organisme et le syndicat qui représente le demandeur entendent présenter pour démontrer à l’arbitre que leur prétention respective doit être retenue. L’organisme refuse de communiquer ces documents au demandeur parce qu’il croit que leur divulgation risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur l’arbitrage prévu par la convention collective applicable. La Commission comprend que l’organisme ne veut pas, prématurément et avant d’être tenu de le faire devant l’arbitre, divulguer une partie de sa preuve et de ses arguments. Les témoignages reçus de part et d’autre convainquent la Commission que la divulgation des documents en litige risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur l’arbitrage qui est prévu par la convention collective. Les analyses : [26] L’article 32 de la Loi sur l’accès est invoqué au soutien du refus du responsable : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire.
04 10 13 Page : 7 [27] J’ai pris connaissance des documents auxquels l’accès est refusé afin de vérifier si les renseignements qui les constituent sont des analyses. L’organisme m’a remis 2 documents, l’un correspondant aux renseignements visés par les 1 re et 3 e catégories de la demande d’accès, l’autre correspondant aux 2 e et 4 e catégories de cette demande. [28] Il faut souligner que la preuve démontre que le demandeur a reçu, conformément à la « lettre d’entente numéro 8 » (O-1), une copie de la description de son emploi et qu’il a fourni des renseignements complémentaires qui font partie de cette description (O-4). La Commission a pris connaissance de l’ensemble de cette description d’emploi (O-4) et constate que les renseignements décrivant l’emploi qu’occupe le demandeur, tels qu’ils lui ont été communiqués, ont été examinés par l’organisme qui est chargé d’assurer la coordination de l’intégration (O-1) et que cet examen a conduit l’organisme à : • réunir, parmi les renseignements connus du demandeur, les renseignements les plus déterminants provenant des différentes attributions de l’emploi qu’occupe le demandeur; • conclure en conséquence que l’emploi qu’occupe le demandeur est un emploi de la classe 1. [29] Ces opérations relèvent de l’analyse; l’accès au document « fiche de consignation de l’analyse de l’emploi pour la détermination du niveau de mobilité de l’emploi » peut donc être refusé au demandeur en vertu de l’article 32 précité. Ce document est, selon la preuve, celui que l’organisme détient et qui correspond aux catégories 2 et 4 visées par la demande d’accès : • L’analyse que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée de ma description d’emploi à l’aide du plan de classification; • L’évaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par appariement. [30] L’autre document détenu est intitulé « Évaluation par points et facteurs des emplois d’ingénieurs ». La preuve démontre qu’il s’agit du résultat d’une évaluation effectuée en fonction de plusieurs facteurs, évaluation à l’issue de laquelle des points sont attribués par facteur. Il s’agit d’une évaluation des renseignements qui décrivent l’emploi qu’occupe le demandeur, non pas d’une analyse. La lecture de ce document permet de constater que l’organisme évalue, selon un ensemble de facteurs prédéterminés, l’emploi qu’occupe le demandeur
04 10 13 Page : 8 et attribue une cote qui sera déterminante. L’article 32 ne s’applique qu’à une analyse, non pas à une évaluation ou au résultat de celle-ci. Ce document, qui doit être communiqué au demandeur, correspond, selon la preuve, aux catégories 1 et 3 visées par la demande d’accès : • l’évaluation rigoureuse de la valeur relative de mon poste que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée; • L’évaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par points et facteurs. [32] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande; ORDONNE à l’organisme de donner au demandeur copie du document « Évaluation par points et facteurs des emplois d’ingénieurs » qui concerne l’emploi qu’occupe le demandeur. REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e François Marcoux Avocat de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.