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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 10 83 Date : 3 juin 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demanderesse c. CONSEIL DU TRÉSOR Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demande daccès est datée du 4 mai 2004; elle vise lobtention de « lensemble du dossier danalyse et dévaluation que le Secrétariat du Conseil du Trésor a effectué de mon poste dans le cadre du processus dintégration dans la nouvelle classification des ingénieurs du gouvernement. ». La demanderesse précise quelle veut obtenir les documents concernant : 1. « lévaluation rigoureuse de la valeur relative de mon poste que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée; 2. Lanalyse que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée de ma description demploi à laide du plan de classification; 3. Lévaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par points et facteurs;
04 10 83 Page : 2 4. Lévaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par appariement. ». [2] Le refus du responsable de laccès aux documents de lorganisme porte la date du 27 mai 2004; il sappuie sur larticle 32 de la Loi sur laccès 1 . Le responsable indique que les recherches de lorganisme ont permis de constater quun avis de classification avait été acheminé à la demanderesse et que celle-ci lavait contesté le 15 avril 2004; selon le responsable, les documents refusés constituent des analyses dont la divulgation risquerait vraisemblablement davoir un effet sur une procédure judiciaire, en loccurrence celle prévue aux articles 6.1.05 et suivants de la convention collective de travail des ingénieurs. [3] Insatisfaite, la demanderesse soumet une demande de révision le 22 juin 2004. PREUVE i) de lorganisme Témoignage de M. Jacques Fréchette : [4] M. Jacques Fréchette témoigne sous serment en qualité de responsable de la coordination du secteur de la rémunération pour la fonction publique; il occupe ce poste depuis 10 ans. [5] M. Fréchette explique que 4 classes demploi sont établies depuis juillet 2001 pour les ingénieurs; la convention collective de travail des ingénieurs, qui prévoit un processus dintégration des emplois dingénieur dans lune des 4 classes, régit lexercice dun recours en appel de cette intégration (O-1). Lappel seffectue en 2 étapes. Tous les cas non réglés au cours de la première étape sont discutés entre lorganisme et le syndicat des ingénieurs avant que ce dernier ne décide dentreprendre la 2 e étape qui se déroule devant un arbitre choisi par les parties. [6] La demanderesse fait partie des quelque 200 à 225 cas que le syndicat des ingénieurs na pas encore présentés en 2 e étape; une discussion sera tenue entre lorganisme et le syndicat au cours de lété 2005 pour tenter den arriver à une solution densemble avant de décider si la 2 e étape de lappel simpose. La 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 10 83 Page : 3 1 re étape de lappel entrepris par la demanderesse nest pas terminée; une enquête au cours de laquelle la demanderesse pouvait être accompagnée de son représentant syndical a été instruite par un comité ad hoc mais aucun nouveau classement ne lui a encore été attribué. [7] À la connaissance de M. Fréchette, le processus dintégration précité nest pas terminé dans tous les ministères; cette situation explique pourquoi lorganisme et le syndicat ne discuteront quau cours de lété 2005. [8] La convention collective de travail des ingénieurs prévoit aussi quà compter du 1 er juillet 2001, tous les ingénieurs sont intégrés dans les nouvelles échelles de traitement de rangement 20, 22, 24 et 25 (O-2). À la demande du syndicat ou de lorganisme, un comité ad hoc est créé afin de discuter de toute problématique reliée à cette intégration ainsi quau suivi de celle-ci (O-2); cette discussion précède la 2 e étape de lappel devant larbitre. [9] Un avis dintégration a été adressé à la demanderesse le 24 mars 2004; la demanderesse a fait appel de la classe demploi qui lui a été attribuée et elle en a donné avis le 15 avril 2004 (O-3). Elle avait, en décembre 2002, reçu la documentation relative à la description de lemploi dingénieur quelle occupe dans un ministère (O-4). [10] La divulgation des renseignements en litige risquerait vraisemblablement davoir un effet sur la 2 e étape de lappel qui, en vertu de la convention collective de travail des ingénieurs (O-1) serait instruite devant un arbitre. Or, il est prévu que lorganisme et le syndicat des ingénieurs discutent au cours de lété 2005; si leur mésentente devait persister, les griefs suspendus seront instruits devant larbitre. Lorganisme ne peut se permettre de donner communication de renseignements quil utilisera devant larbitre alors quil prévoit dabord discuter avec le syndicat pour régler des cas incluant celui de la demanderesse. La demanderesse a eu accès à la documentation relative à la description de lemploi quelle occupe (O-4); en cas de mésentente à lissue des discussions qui auront lieu avec le syndicat, lorganisme entend se défendre devant larbitre et démontrer, à laide des documents en litige, le bien-fondé de sa propre position. [11] Les discussions que lorganisme aura avec le syndicat viseront à regrouper, selon des problématiques communes, les quelque 200 à 225 cas qui ont été portés en appel mais qui nont pas encore été soumis à larbitre (2 e étape de lappel); les cas qui nauront pu être réglés à lissue de ces discussions seront individuellement soumis à larbitre. Les discussions avec le syndicat de même que larbitrage sont prévus par la convention collective (O-1) et par une lettre dentente qui y est afférente (O-1, O-2).
04 10 83 Page : 4 [12] La demanderesse en appelle de la classe demploi qui lui a été attribuée; les documents en litige serviront à lorganisme pour faire la preuve du bien-fondé de la décision quelle a prise relativement à la classification contestée par la demanderesse (O-3), décision que lorganisme pourrait maintenir après discussions avec le syndicat qui représente la demanderesse. [13] La demanderesse est représentée par son syndicat dans le processus dappel. Il est possible quaucune entente ne règle le cas de la demanderesse; larbitrage simposera si le litige est maintenu, comme le prévoit la convention collective applicable. [14] M. Fréchette témoigne ex parte concernant le contenu des documents qui sont en litige. Il explique le processus dévaluation des emplois des ingénieurs ainsi que la présentation que lorganisme en fera au syndicat des ingénieurs au cours des discussions prévues. ii) de la demanderesse [15] La demanderesse comprend le processus dappel prévu par la convention collective de travail des ingénieurs. Sa demande daccès vise lobtention de documents quelle veut utiliser en appel et par lentremise de son syndicat pour contester la classe demploi qui lui a été attribuée. [16] Les documents qui sont en litige sont constitués de renseignements personnels qui la concernent. Elle a le droit dobtenir tous ces renseignements dont lorganisme et le syndicat des ingénieurs disposeront dans le cadre du processus dappel. À son avis, le refus de lui donner accès aux documents qui sont en litige est inéquitable. Rien nindique que le traitement des cas qui sont en suspens sera collectif puisque ces cas sont différents; de plus, cest le syndicat qui, dans chaque cas, décide de la démarche à entreprendre pour représenter un ingénieur. [17] La demanderesse se questionne sur la rigueur de lanalyse qui a été faite, dans un contexte de contingentement notamment, et sur le désavantage qui a pu en résulter pour elle. Elle a, à quelques mois dintervalle, reçu 2 avis dintégration donnant lieu à des rangements différents et ayant conséquemment un effet sur son classement.
04 10 83 Page : 5 ARGUMENTS i) de lorganisme [18] La 2 e étape de lappel, telle quelle est prévue par la convention collective, constitue une procédure judiciaire. [19] Leffet, préjudiciable ou non, du refus de lorganisme sur la demanderesse nempêche pas lapplication de larticle 32 de la Loi sur laccès. [20] Lorganisme est habilité à refuser de communiquer les analyses qui sont en litige parce que la divulgation de ces documents risquerait vraisemblablement davoir un effet sur une procédure judiciaire. Lappel, soumis à larbitre en vertu de la convention collective de travail des ingénieurs, est une procédure judiciaire; ce processus doit être respecté tel que convenu. ii) de la demanderesse [21] Lobtention des documents en litige est nécessaire à la demanderesse ou à son syndicat qui les utilisera devant larbitre. [22] Le processus dappel prévu par la convention collective applicable est de nature administrative et non judiciaire. DÉCISION La procédure judiciaire : [23] La preuve (O-3) démontre que la demanderesse a complété un « formulaire dappel de lintégration » le 15 avril 2004 parce quelle en appelle notamment de la classe demploi qui lui a été attribuée. La preuve (O-3) démontre spécifiquement que la demanderesse réclame dêtre intégrée dans la classe 3 pour les motifs quelle exprime dans ce formulaire dappel. La preuve (O-3) démontre que la demanderesse a, le 15 avril 2004, soit environ 3 semaines avant sa demande daccès, donné avis de cet appel conformément aux dispositions prévues par la convention collective de travail des ingénieurs (O-1). [24] La preuve démontre que lappel présenté par la demanderesse a été, au cours de la 1 re étape prévue par la convention collective et conformément à celle-ci, examiné par un comité ad hoc mais quaucune décision na encore été
04 10 83 Page : 6 prise à la suite de cet examen en raison des discussions devant avoir lieu entre lorganisme et le syndicat des ingénieurs; la preuve démontre quà défaut dentente, la 2 e étape de lappel seffectue devant larbitre (O-1). Larticle 6-1.07 de la convention collective applicable (O-1) prévoit que cest le syndicat qui peut soumettre un appel à larbitre choisi par les parties et que la décision de larbitre est sans appel et exécutoire. Larticle 6-1.08 de cette convention prévoit que larbitre doit rendre une décision conforme aux règles dintégration et quil ne peut les modifier, y suppléer, y ajouter ou en retrancher quoi que ce soit. Larticle 6-1.09 de la même convention prévoit notamment que chaque partie acquitte les dépenses et traitements de ses témoins. La Commission conclut que le processus darbitrage prévu par la convention collective de travail des ingénieurs (O-1) est de nature essentiellement judiciaire. La Commission comprend également que la demanderesse a elle-même entrepris de contester la classe demploi qui lui a été attribuée et quà moins dun règlement, cette contestation amorcée avant la demande daccès sera tranchée par larbitre, comme le veut la convention collective applicable. Leffet sur la procédure judiciaire : [25] Le témoignage de M. Jacques Fréchette ainsi que celui de la demanderesse sont unanimes : le contenu des documents en litige est nécessaire à la preuve que lorganisme et le syndicat qui représente la demanderesse entendent présenter pour démontrer à larbitre que leur prétention respective doit être retenue. Lorganisme refuse de communiquer ces documents à la demanderesse parce quil croit que leur divulgation risquerait vraisemblablement davoir un effet sur larbitrage prévu par la convention collective applicable. La Commission comprend que lorganisme ne veut pas, prématurément et avant dêtre tenu de le faire devant larbitre, divulguer une partie de sa preuve et de ses arguments. Les témoignages reçus de part et dautre convainquent la Commission que la divulgation des documents en litige risquerait vraisemblablement davoir un effet sur larbitrage qui est prévu par la convention collective. Les analyses : [26] Larticle 32 de la Loi sur laccès est invoqué au soutien du refus du responsable :
04 10 83 Page : 7 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. [27] Jai pris connaissance des documents auxquels laccès est refusé afin de vérifier si les renseignements qui les constituent sont des analyses. Lorganisme ma remis 2 documents, lun correspondant aux renseignements visés par les 1 re et 3 e catégories de la demande daccès, lautre correspondant aux 2 e et 4 e catégories de cette demande. [28] Il faut souligner que la preuve démontre que la demanderesse a reçu, conformément à la « lettre dentente numéro 8 » (O-1), une copie de la description de son emploi et quelle a fourni des renseignements complémentaires qui font partie de cette description (O-4). La Commission a pris connaissance de lensemble de cette description demploi (O-4) et constate que les renseignements décrivant lemploi quoccupe la demanderesse, tels quils lui ont été communiqués, ont été examinés par lorganisme qui est chargé dassurer la coordination de lintégration (O-1) et que cet examen a conduit lorganisme à : réunir, parmi les renseignements connus de la demanderesse, les renseignements les plus déterminants provenant des différentes attributions de lemploi quoccupe la demanderesse; conclure en conséquence que lemploi quoccupe la demanderesse est un emploi dune classe autre que la classe 3. [29] Ces opérations relèvent de lanalyse; laccès au document « fiche de consignation de lanalyse de lemploi pour la détermination du niveau de mobilité de lemploi » peut donc être refusé à la demanderesse en vertu de larticle 32 précité. Ce document est, selon la preuve, celui que lorganisme détient et qui correspond aux catégories 2 et 4 visées par la demande daccès : Lanalyse que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée de ma description demploi à laide du plan de classification; Lévaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par appariement. [30] Lautre document détenu est intitulé « Évaluation par points et facteurs des emplois dingénieurs ». La preuve démontre quil sagit du résultat dune évaluation effectuée en fonction de plusieurs facteurs, évaluation à lissue de
04 10 83 Page : 8 laquelle des points sont attribués par facteur. Il sagit dune évaluation des renseignements qui décrivent lemploi quoccupe la demanderesse, non pas dune analyse. La lecture de ce document permet de constater que lorganisme évalue, selon un ensemble de facteurs prédéterminés, lemploi quoccupe la demanderesse et attribue une cote qui sera déterminante. Larticle 32 ne sapplique quà une analyse, non pas à une évaluation ou au résultat de celle-ci. Ce document, qui doit être communiqué à la demanderesse, correspond, selon la preuve, aux catégories 1 et 3 visées par la demande daccès : lévaluation rigoureuse de la valeur relative de mon poste que le Secrétariat du Conseil du trésor a effectuée; Lévaluation de mon poste effectuée par le Secrétariat du Conseil du trésor selon la méthode dite par points et facteurs. [32] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande; ORDONNE à lorganisme de donner à la demanderesse copie du document « Évaluation par points et facteurs des emplois dingénieurs » qui concerne lemploi quoccupe la demanderesse. REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e François Marcoux Avocat de lorganisme
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