Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 07 20 Date : Le 1 er juin 2005 Commissaire : M e Michel Laporte DÉCISION L'ÉTAT DU DOSSIER [1] Le 18 février 2004, le demandeur écrit à la Ville de Sherbrooke (la « Ville ») pour consulter : X Demandeur c. VILLE DE SHERBROOKE Organisme -et- CORPORATION DE CONSERVATION DU BOISÉ DE JOHNVILLE INC. Tierce partie
04 07 20 Page : 2 • les plans et rapports d’arpenteur concernant les terrains de la Ville situés à Cookshire-Eaton; • le rapport de M me Marie Parent; • la correspondance entre la Ville, Lennoxville et différents organismes, ministères, municipalités et municipalités régionales de comté (les « MRC ») concernant les terrains et le ruisseau Racey; • les rapports touchant le ruisseau Racey. [2] Le 19 février 2004, la Ville accuse réception de la demande et, le 9 mars suivant, avise le demandeur qu’un délai supplémentaire de dix jours est nécessaire pour pouvoir la traiter. [3] Le 22 mars 2004, la Ville achemine au demandeur les documents suivants : • le plan d’un arpenteur-géomètre représentant les terrains de la Ville situés à Cookshire-Eaton; • les baux signés par la Corporation de conservation du boisé de Johnville inc. (la « Corporation de conservation ») pour la location de ces terrains; • la correspondance reçue ou échangée depuis l’année 2001 concernant ces terrains et le ruisseau Racey. [4] Toutefois, la Ville refuse l’accès aux avis et recommandations réalisés par un membre de son personnel, selon l’article 37, aux notes personnelles inscrites sur certains documents, selon l’article 9, aux avis et recommandations réalisés par un organisme relevant de la Ville, selon l’article 38, et aux renseignements communiqués par un tiers, selon les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi ») et aux renseignements confidentiels contenus dans certains documents, selon l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 . [5] La Ville ajoute que les endroits où se trouvent les terrains ne sont pas reconnus comme étant des aires protégées. Elle signale qu’elle ne détient pas l’entente intervenue entre le Bureau des délégués, les MRC de Sherbrooke et du 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 L.R.Q., c. C-12.
04 07 20 Page : 3 Haut-Saint-François et la Ville de Lennoxville concernant notamment l’endroit où devait être creusé le ruisseau Racey. [6] Finalement, la Ville informe le demandeur qu’il est impossible de lui communiquer les documents détenus par la Corporation de conservation. [7] Le 25 mars 2004, le demandeur écrit de nouveau à la Ville pour obtenir, selon les termes de l’article 16 de la Loi, la liste des documents détenus par la Ville en lien avec sa demande précédente. [8] Le 6 avril 2004, la Ville avise le demandeur qu’elle ne possède aucune liste pouvant répondre à sa demande. [9] Le 15 avril 2004, le demandeur veut que la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») révise les décisions de la Ville. [10] Le 28 avril 2005, une audience a lieu à Magog et, le 10 mai suivant, la Commission reçoit un complément de preuve de la Ville. L'AUDIENCE A) LA QUESTION PRÉLIMINAIRE [11] La responsable de l’accès, M e Line Chabot, prévient la Commission que le refus basé sur les articles 23 et 24 de la Loi est abandonné. Cependant, la Ville maintient son refus de communiquer au demandeur l’intégralité des cinq documents restant en litige, et ce, en vertu des articles 37 et 53 de la Loi. [12] Les parties conviennent que la Corporation de conservation doit être considérée aux fins de la présente comme un organisme public relevant de l’autorité de la Ville et non comme une tierce partie. B) LE LITIGE [13] Le demandeur confirme avoir obtenu, le 2 mars 2004, une série de documents de la Ville (pièce O-1). Il confirme également avoir reçu la liste identifiant les cinq documents restant en litige (pièce O-2).
04 07 20 Page : 4 C) LA PREUVE De la Ville [14] M e Chabot raconte que le demandeur est propriétaire d’un terrain contigu à ceux possédés par la Ville dans l’arrondissement Cookshire-Eaton. La Corporation de conservation gère ces terrains pour la Ville, s’agissant dans les faits d’une tourbière. [15] M e Chabot signale l’existence d’un litige entre la Ville et le demandeur, ce que confirme ce dernier : pour la Corporation de conservation, les lieux accueillant une tourbière doivent être préservés dans un état naturel. Pour le demandeur, le drainage des terrains appartenant à la Ville est inadéquat, subsistant un écoulement d’eau inapproprié sur sa propriété. [16] M e Chabot passe en revue les documents en litige de la façon suivante : 1) Lettre de la Corporation de conservation du 8 avril 2002 (2 pages) [17] Elle mentionne qu’il s’agit d’une lettre de la Corporation de conservation dont le demandeur a obtenu copie, masquée des notes manuscrites inscrites à la marge du texte. [18] Le demandeur signale que ce document n’est plus en litige. 2) Note interne de M me Marie Parent du 11 mars 2003 (8 pages) [19] Elle fait valoir que le document est une note interne rédigée par M me Parent, à l’époque chef de la Division des arpenteurs-géomètres à la Ville, dont le demandeur a reçu copie, masquée des notes manuscrites apparaissant aux pages 3 à 8 et des avis et recommandations aux pages 6 et 7. [20] M e Chabot allègue que la note est le point de vue et le jugement de valeur de M me Parent au sujet de la situation des terrains. Elle signale que les avis et recommandations contenus à ce document sont adressés pour prise de décisions à deux membres de la Direction, MM. Guy Labbé et Claude Marcoux. Elle précise qu’il n’y a pas encore de décision au dossier, les notes manuscrites étant celles de M. Richard Bernier, ingénieur à la Ville, commentant la situation. [21] M e Chabot assure que les membres du conseil municipal n’ont pas été saisis du contenu et des orientations se trouvant à cette note.
04 07 20 Page : 5 [22] M e Chabot accepte de remettre au demandeur les paragraphes du point 3 à la page 6, intitulé « Position de la Corporation de conservation du boisé de Johnville », et le deuxième paragraphe et une partie du troisième paragraphe de la page 7. 3) Courriel de M. René Allaire du 1 er mai 2003 (1 page) [23] Elle indique que ce courriel de M. Allaire, directeur général adjoint à la Ville, est adressé à M me Nathalie Laberge, responsable de l’aménagement à la MRC du Haut-Saint-François. Elle affirme qu’il s’agit de recommandations n’ayant pas été données au demandeur parce qu’elles peuvent avoir une incidence sur une décision. 4) Compte rendu de la rencontre avec le demandeur du 16 mai 2003 (3 pages) [24] Elle accepte de remettre au demandeur la partie factuelle aux pages 1 et 2, à l’exception de la page 3 contenant les avis et recommandations de M. Éric Du Perron, agent négociateur, traitant de la façon de se comporter dans ce dossier. 5) Note de M me Caroline Cloutier de la Corporation de conservation (3 pages) [25] Elle soutient que ce document renferme les avis et recommandations de M me Cloutier. Elle fait valoir qu’il est rédigé de manière subjective, dressant l’évaluation de la situation par M me Cloutier et n’établissant pas que les faits. [26] M e Chabot affirme que la Ville ne détient pas d’autres documents en lien avec la demande. [27] Cependant, M e Chabot s’engage à vérifier, d’ici 15 jours, la détention ou non par la Ville d’un rapport réalisé par M. André Roy, arpenteur-géomètre, représentant les terrains de la Ville situés à Cookshire-Eaton en lien avec le plan déjà remis au demandeur. [28] Le 10 mai 2005, la Commission reçoit de M e Chabot la lettre suivante adressée au demandeur (pièce O-3) : Suite à l'audition tenue le 28 avril 2005 devant M e Michel Laporte, commissaire, nous nous sommes engagés à vous transmettre, à l'intérieur d'un délai de 15 jours, les documents suivants :
04 07 20 Page : 6 - Des extraits des pages 6 et 7 du rapport interne de madame Marie Parent (pour une meilleur compréhension, nous avons joint les 8 pages du document); - Les pages 1 et 2 du compte-rendu de M. Éric Du Perron; - Le rapport d'arpentage accompagnant le certificat de piquetage. Ces documents sont joints à la présente et complètent nos engagements. Nous demeurons dans l'attente de la décision du tribunal pour connaître nos obligations à l'égard des autres informations et documents non divulgués. (sic) M me Caroline Cloutier [29] M me Cloutier atteste qu’elle est directrice et seule employée de la Corporation de conservation. Elle en assure la gestion et l’exploitation. [30] La Corporation de conservation, dit-elle, a été créée pour voir notamment à la conservation des lieux dans un état naturel et développer un centre d’interprétation de la nature. Le financement provient à 80 % de la Ville et le conseil d’administration est composé de cinq membres, dont trois sont nommés par la Ville et les deux autres par les universités de Sherbrooke et Bishop. [31] M me Cloutier confirme être l’auteure du cinquième document en litige. Il s’agit de l’état de sa réflexion et de son avis, après avoir pris connaissance du quatrième document en litige. Réflexion qu’elle a partagée, dit-elle, avec les membres du conseil de la Corporation de conservation. Elle spécifie qu’elle travaille étroitement avec la Ville. Elle a préparé ce cinquième document à la demande du directeur-adjoint, M. Allaire. DÉCISION Les notes personnelles (article 9 de la Loi) 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature.
04 07 20 Page : 7 [32] Le 2 e alinéa de l’article 9 de la Loi autorise la Ville à refuser l’accès aux notes personnelles apposées sur un document pour l’usage exclusif de son auteur 3 . [33] M. Bernier est l’auteur des notes manuscrites aux pages 3 à 8 du deuxième document en litige. Il n’est pas le destinataire de ce document, s’agissant plutôt d’un envoi de M me Parent à MM. Labbé et Marcoux. La lecture des notes de M. Bernier me convainc qu’il s’agit de commentaires inscrits par celui-ci pour son usage exclusif au moment de sa consultation du document. Le demandeur ne pourra donc obtenir copie de ces notes manuscrites, selon les termes de l’article 9 de la Loi. Les avis et recommandations (article 37 de la Loi) 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence [34] L’article 37 de la Loi permet à la Ville de refuser, à sa discrétion, la communication des avis et recommandations soumis par l’un de ses membres dans l'exercice de ses fonctions. Les avis et recommandations ont été définis comme étant 4 : Le sens du mot «recommandation» de l'article 37 de la Loi d'accès «ne semble poser aucune difficulté puisqu'il a été défini dans de nombreuses décisions comme étant un énoncé proposant une ligne de conduite». […] […] Dans cette optique, il importe non pas de se référer précisément à une notion ou définition du dictionnaire, ni de tenter d'enchâsser le concept «avis» dans une définition quelconque, mais de qualifier ce concept dans le contexte qui est le sien en rapport avec les principes générateurs 3 Larivière c. Centre des services sociaux Laurentides-Lanaudière, [1987] C.A.I 185. 4 Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, [1991] C.A.I. 311, 320-321.
04 07 20 Page : 8 qui ont façonné la Loi d'accès. Il faut rechercher le sens contextuel. À cet égard, au risque de se répéter, il ne faut pas perdre de vue que l'article 37 est une restriction au droit général d'accès à des documents d'organismes publics et que la section à laquelle il appartient en témoigne indubitablement. Par surcroît, la sous-section d'où il provient en dit long quant à l'objet de cette exception: […]. Voilà le véritable contexte de nature à qualifier le sens du mot «avis». […] À partir du moment où l’organisme, ou quelqu’un pour lui, procède à une évaluation des faits, ou porte sur ceux-ci un jugement de valeur, en fonction de ce qui devrait être fait par le décideur, la loi permet à l’organisme de garder le secret. […] Dans ce contexte, les mots «avis» et «recommandation» expriment à des degrés divers une même chose, c'est-à-dire l'énoncé d'un jugement de valeur conditionnant l'exercice d'un choix entre diverses alternatives. […] Par contre, pour déterminer s’il s’agit d’un avis, l’étude du document convoité nécessite un exercice intellectuel plus rigoureux, pour percevoir si certaines parties sont articulées de façon à avoir «des incidences sur les décisions administratives ou politiques». (soulignements ajoutés) [35] Après avoir examiné les pages en litige, je suis d’avis que les renseignements aux troisième et cinquième documents en litige répondent à cette définition d’avis et de recommandation de l’article 37 de la Loi. Il en est de même pour les renseignements aux pages des documents suivants : • la page 6 du deuxième document en litige; • la page 3 du quatrième document en litige. Les renseignements nominatifs (article 53 de la Loi) 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants:
04 07 20 Page : 9 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. [36] L’article 53 de la Loi crée l’obligation pour un organisme public de refuser la communication d’un renseignement nominatif, en l’absence de consentement de la personne concernée : [37] Un renseignement nominatif est celui défini notamment par les articles 54 et 56 de la Loi : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [38] Les renseignements aux pages 3 à 8 et à la dernière phrase du deuxième paragraphe de la page 7 du deuxième document en litige sont de nature à permettre l’identification d’une personne physique autre que le demandeur. Ces derniers renseignements ne sont donc pas accessibles au demandeur. [39] Toutefois, le demandeur pourra obtenir les deuxième et troisième paragraphes de la page 7 du deuxième document en litige, parce que ceux-ci ne renferment pas des renseignements visés par les articles 9, 37 ou 53 de la Loi. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [40] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur;
04 07 20 Page : 10 [41] PREND ACTE que le premier document n’est plus en litige et que le demandeur a reçu copie des documents demandés à la Ville, à l'exception des renseignements demeurant en litige; [42] CONSTATE que le demandeur a reçu à l’audience et le 10 mai 2005 : • les extraits des pages 6 et 7 du deuxième document en litige; • les pages 1 et 2 du quatrième document en litige; • le rapport d’arpentage accompagnant le certificat de piquetage. [43] ORDONNE à la Ville de communiquer au demandeur les deuxième et troisième paragraphes de la page 7 du deuxième document en litige, à l’exception de la dernière phrase du deuxième paragraphe; [44] REJETTE, quant au reste, la demande de révision du demandeur. MICHEL LAPORTE Commissaire Sauvé Villeneuve & Associés (M e Line Chabot) Procureurs de l'organisme
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