Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 04 14 Date : 31 mai 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. La Maritime, Compagnie dassurance-vie Entreprise DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE DACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [1] La demanderesse requiert, le 28 août 2003, de M. Rob Hiscock, Vice-président Marketing, de la Maritime, Compagnie dassurance-vie, ci-après désignée « lentreprise », laccès aux documents contenus dans son dossier. [2] Le 29 septembre suivant, M me Martine Gravel, gérante au « Service dinvalidité » de lentreprise, transmet à la demanderesse une lettre par laquelle elle réfute les allégations mentionnées dans la lettre datée du 28 août 2003. Lentreprise invoque, comme motif de refus, le 2 e paragraphe de larticle 39 de la
04 04 14 Page : 2 Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi sur le privé »), car une audience relativement à des procédures de griefs impliquant la demanderesse et lUniversité McGill, son employeur, se tiendrait les 10 et 17 octobre 2003. [3] Le 10 mars 2004, la demanderesse sadresse à la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), afin que soit examinée cette mésentente. LAUDIENCE [4] Les parties sont entendues en audience, le 6 mai 2005 à Montréal en présence de la demanderesse. M e Louis-Stéphane Rousseau, du cabinet Paquet Des Marchais, est lavocat de lentreprise. LA PREUVE A) TÉMOIGNAGE DE M. RÉMI ST-GERMAIN [5] M e Rousseau fait témoigner, sous serment, M. St-Germain. Celui-ci déclare quil est « consultant sénior » pour lentreprise. Il indique que, par contrat intervenu avec lUniversité McGill, lentreprise effectue des paiements aux employés prestataires du régime dassurance-invalidité, incluant la demanderesse. Au mois de juin 2001, lentreprise a cessé de verser à celle-ci lesdites prestations. [6] M. St-Germain précise que le 16 mars 2003, la demanderesse sest adressée à lentreprise, afin dobtenir une copie des documents contenus dans son dossier. Le 28 avril suivant, M me Thu-Uyen Nguyen lui transmet des documents et répond à ses commentaires. [7] Le 27 juin suivant, la demanderesse formule une 2 e demande. Le 21 août, M me Nguyen lui transmet dautres documents. M. St-Germain produit (pièce E-1 en liasse) la correspondance échangée entre les parties. [8] M. St-Germain ajoute que le 28 août 2003, la demanderesse formule une autre demande daccès, elle cherche également à obtenir un montant dargent à titre de dommages contre lentreprise. Elle prétend que celle-ci a obtenu des renseignements confidentiels la concernant auprès de lUniversité McGill, sans son consentement, et ce, en violation de sa vie privée, se plaçant ainsi en conflit 1 L.R.Q., c. P-39.1.
04 04 14 Page : 3 dintérêts dans le traitement de son dossier. M. St-Germain se réfère à un extrait de cette lettre la demanderesse spécifie entre autres : […] I will make this matter simple for Maritime Life to comprehend. Your company is guilty of harassment, conflict of interest, invasion of privacy and a failure to protect my personal and medical information. I am seeking a letter of apology and an acknowledgment of wrongdoing. I am also seeking monetary compensation for these breaches of trust. I am requesting your response 30 days from receipt of this letter. […] [9] M. St-Germain précise que la demanderesse a avisé lentreprise quelle intenterait des procédures judiciaires contre celle-ci qui décide alors de ne pas lui communiquer les documents. M. St-Germain produit confidentiellement lesdits documents en litige dans leur intégralité. [10] Faisant suite à la demande daccès du 28 août 2003, M. St-Germain souligne que la demanderesse a fait parvenir à lentreprise, le 25 novembre 2003, une mise en demeure par laquelle elle lui réclame un montant de 25 000 $ (pièce E-1 en liasse précitée). [11] Le 30 décembre 2003, la demanderesse intente un recours judiciaire devant la Cour du Québec (Division des petites créances), réclamant de lentreprise un montant de 7 000 $ à titre de dommages. M. St-Germain spécifie que, le 22 avril 2005, un jugement est rendu par cette cour, rejetant ce recours de la demanderesse (E-2 en liasse). CLARIFICATIONS RECHERCHÉES PAR LA DEMANDERESSE [12] M. St-Germain réitère lessentiel de son témoignage. Il souligne que lentreprise refuse de donner à la demanderesse accès aux documents en litige, car leur divulgation risque davoir un effet sur une procédure de grief alors en cours contre lUniversité McGill. Lentreprise refuse également dacquiescer à sa demande, parce que la demanderesse spécifie son intention de la poursuivre pour les motifs indiqués dans sa lettre du 28 août 2003. [13] M. St-Germain ajoute que, dans le cadre de son mandat, lentreprise est en communication constante avec lUniversité McGill. Celle-ci la alors informé, entre autres, quune audience devant un arbitre de griefs était fixée aux 10 et 17 octobre
04 04 14 Page : 4 2003 relativement au versement ou non des prestations dassurance-invalidité de la demanderesse pour une période déterminée. [14] En ce qui concerne les allégations de violation à sa vie privée, de conflits dintérêts, etc, soulevées par la demanderesse à laudience, M. St-Germain signale que tous ces points avaient été débattus devant la Cour du Québec qui a rejeté son recours. B) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [15] La demanderesse déclare que lentreprise doit lui donner accès à tous les documents contenus à son dossier, incluant « le dossier secret » quelle détient à son égard. Considérant les agissements de lentreprise qui a recueilli et communiqué, sans son consentement, des renseignements personnels la concernant, la demanderesse affirme avoir déposé une plainte à la Commission. Cette dernière a conclu que lentreprise na pas respecté les dispositions législatives prévues à cette fin (pièce D-1). La demanderesse prétend que la Commission lui a donné raison. LES ARGUMENTS [16] M e Rousseau rappelle le témoignage de M. St-Germain ayant expliqué les motifs pour lesquels lentreprise a décidé de ne pas communiquer des documents à la demanderesse. Celle-ci la avisée, entre autres, de son intention dentreprendre une procédure judiciaire (pièce E-1 en liasse précitée). Dès lors, lentreprise se devait de lui refuser laccès intégral à ces documents. Lavocat plaide que la preuve démontre que leur divulgation risque davoir un impact sur la procédure judiciaire intentée alors par la demanderesse. [17] Par ailleurs, M e Rousseau argue que le risque dintenter des procédures judiciaires et leffet de la divulgation doivent être évaluées au moment lentreprise a pris la décision de refuser à la demanderesse laccès aux renseignements personnels contenus dans son dossier, et ce, conformément à laffaire Personnelle-vie, Corporation dassurances c. Cour du Québec 2 . [18] Se référant à la décision SSQ Vie c. Nadeau 3 , M e Rousseau en cite un extrait la Cour du Québec indique, entre autres, que : 2 [1997] C.A.I. 466, 477, Cour supérieure. 3 C.Q. Québec, n o 200-02-023728-001, 8 décembre 2000, j. Sheehan.
04 04 14 Page : 5 […] La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit quune entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement davoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle lune ou lautre de ces personnes a un intérêt. Cette disposition de la loi repose sur le simple bon sens. Lorsque des gens se poursuivent ou sapprêtent à le faire devant un Tribunal, la divulgation des documents et renseignements pouvant vraisemblablement avoir une incidence sur leurs procédures, doit se faire selon les règles en vigueur devant le Tribunal saisi de cette poursuite, plutôt que selon les dispositions de la Loi sur laccès. […] LA DÉCISION Les dispositions législatives pertinentes Articles 2,11, 27, 30 et 36 de la Loi sur le privé 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. 11. Toute personne qui exploite une entreprise doit veiller à ce que les dossiers qu'elle détient sur autrui soient à jour et exacts au moment elle les utilise pour prendre une décision relative à la personne concernée. 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier, de successeur
04 04 14 Page : 6 de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'une assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. 36. Celui qui détient un renseignement faisant l'objet d'une demande d'accès ou de rectification doit, s'il n'acquiesce pas à cette demande, le conserver le temps requis pour permettre à la personne concernée d'épuiser les recours prévus par la loi. [19] La présente décision porte sur deux points spécifiques. Il sagit du refus de lentreprise à donner à la demanderesse communication des documents la concernant, dune part, parce quau moment de la demande daccès, le 28 août 2003, une procédure de grief est en cours et, dautre part, parce quelle lavise de son intention de la poursuivre en dommages. [20] La preuve démontre que la demanderesse cherche à obtenir des renseignements personnels contenus dans un dossier la concernant selon les termes de larticle 2 de la Loi sur le privé. Ce dossier est détenu par lentreprise qui refuse de lui en donner communication. La Commission est saisie de la présente demande pour examiner cette mésentente. Les articles 11, 27, 30 et 36 ci-dessus mentionnés sappliquent dans la présente cause. [21] Dans laffaire Personnelle-Vie, Corporation dassurances 4 précitée, la Cour supérieure fait ressortir notamment que « la procédure probable, appréhendée ou imminente doit être étudiée dans le contexte qui existe au moment du refus. » [22] Les conditions prévues au 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé ci-après décrites doivent être rencontrées par une entreprise qui refuse à un demandeur laccès à des documents personnels le concernant : a) Le renseignement personnel doit concerner la personne qui fait la demande de communication; b) Le refus doit avoir un lien avec une procédure judiciaire; c) La divulgation de ce renseignement risquerait vraisemblablement davoir un impact sur cette procédure judiciaire. 4 Id., note 2.
04 04 14 Page : 7 [23] Afin de pouvoir examiner ces trois conditions, il importe de se référer aux éléments pertinents recueillis à laudience : Lentreprise est ladministrateur dun régime dassurance-invalidité des employés de lUniversité McGill, elle leur verse des prestations; La demanderesse, employée de lUniversité McGill, reçoit lesdites prestations, et ce, jusquau mois de juin 2001, période à laquelle lentreprise ferme le dossier. La demanderesse formule alors un grief contre son employeur, dont laudience est fixée aux 10 et 17 octobre 2003; La demanderesse sadresse, le 28 août précédent, à lentreprise afin dobtenir une copie intégrale des documents contenus dans son dossier; Considérant son insatisfaction relativement aux agissements de lentreprise à son égard, elle lavise quelle entreprendra un recours en dommages afin de pouvoir obtenir un montant dargent; Le 29 septembre suivant, lentreprise décide de refuser à la demanderesse laccès auxdits documents, et ce, en raison, dune part, de cette procédure de grief en cours, et dautre part, parce quelle indique son intention dentreprendre un recours de nature civile contre lentreprise. Cette dernière invoque, comme motif de refus, le 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé; La demanderesse transmet à lentreprise une mise en demeure le 25 novembre 2003 (pièce E-1 en liasse précitée) réclamant à celle-ci, entre autres, un montant de 25 000 $; Quatre mois après avoir formulé sa demande daccès, soit le 30 décembre suivant, la demanderesse intente un recours, réclamant de lentreprise un montant de 7 000 $ devant la Cour du Québec (Division des petites créances) à titre de dommages dans le dossier de cour portant le n o 500-32-079706-034 5 . Cette cour rejette cette réclamation (pièce E-2 en liasse précitée). 5 C.Q. Montréal, n o 500-032-079706-034, 22 avril 2005, j. Roy.
04 04 14 Page : 8 [24] Par ailleurs, lexamen approfondi des documents (184 pages) démontre clairement quils ont un lien direct avec la procédure de griefs quavait intentée la demanderesse contre son employeur, lUniversité McGill, au moment laccès aux documents lui est refusé par lentreprise le 29 septembre 2003. De plus, considérant les éléments contenus dans la demande daccès datée du 28 août précédent et considérant la preuve, lentreprise était fondée de lui refuser également laccès auxdits documents selon les termes du 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé. [25] Toutefois, outre la correspondance produite en preuve (pièce E-1 en liasse précitée), lentreprise devra communiquer à la demanderesse les notes manuscrites et toutes les lettres adressées à celle-ci et qui se trouvent parmi les documents déposés confidentiellement à laudience. [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande dexamen de mésentente de la demanderesse contre lentreprise; ORDONNE à lentreprise de communiquer à la demanderesse les documents tel quil est indiqué au paragraphe 25; REJETTE, quant au reste, la demande; FERME le présent dossier portant le n o 04 04 14. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Louis-Stéphane Rousseau PAQUET DES MARCHAIS Procureurs de lentreprise
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.