Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 00 65 Date : 31 mai 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Ministère de la Sécurité publique Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 2 décembre 2003, la demanderesse requiert de M. André Marois, responsable de l’accès aux documents pour le ministère de la Sécurité publique, ci-après désigné l’« organisme », une copie d’un « rapport d’enquête de sécurité » détenu par la Sûreté du Québec (la « S.Q. »). Ce rapport contiendrait des renseignements indiquant les motifs pour lesquels sa candidature pour un poste de « technicienne en informatique » n’a pas été retenue. [2] Le 18 décembre, par l’entremise de M. André Marois, l’organisme invoque comme motif de refus au document recherché par la demanderesse l’article 28 de
04 00 65 Page : 2 la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). Il ajoute que : […] Nous ne pouvons confirmer ou infirmer l’existence des documents demandés en raison de leur caractère confidentiel. En effet, ces renseignements s’ils étaient dévoilés seraient susceptibles de révéler une méthode d’enquête, de dévoiler des sources confidentielles d’informations, de compromettre un programme de prévention en divulguant des éléments et de réduire l’efficacité d’un dispositif de sécurité. » […] [3] Le 12 janvier 2004, la demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que celle-ci révise la décision de l’organisme. L'AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause, qui a été reportée à une reprise, se tient à Montréal le 17 mai 2005. LA PREUVE DE L’ORGANISME A) TÉMOIGNAGE DE M. ANDRÉ MAROIS [5] M e Marie-Josée Bourgeault, de la firme d’avocats Bernard, Roy (Justice-Québec) est l’avocate de l’organisme. Elle fait témoigner M. André Marois qui déclare qu’il est responsable de l’accès aux documents. Il affirme avoir pris connaissance de la demande ainsi que du document en litige, pour lequel il ne peut ni confirmer ni infirmer les renseignements qu’il contient. Compte tenu de la nature du poste convoité par la demanderesse, celle-ci a autorisé l’organisme à effectuer une enquête de sécurité dans le cadre du processus de pré-embauche à la S.Q., de laquelle s’en est suivi un rapport de sécurité. La candidature de la demanderesse n’a pas été retenue. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 00 65 Page : 3 [6] M. Marois indique que la divulgation des renseignements contenus dans ce rapport aurait, entre autres, pour effet de réduire l’efficacité des différentes composantes d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d’une personne. B) TÉMOIGNAGE DE M. GUY CÔTÉ [7] M. Guy Côté affirme qu’il est, entre autres depuis 2002, « directeur à la protection de l’État », des enquêtes criminelles. C’est une entité spécialisée qui fournit des services exclusifs à la S.Q. « au niveau 6 ». Ses fonctions consistent à procéder notamment à la vérification d’antécédents des personnes qui souhaitent être embauchées à la S.Q. Dans le cas sous étude, une telle vérification a été effectuée à l’égard de la demanderesse. [8] Selon M. Côté, la divulgation des renseignements contenus dans le document en litige, risque de mettre en péril des méthodes d’enquête et les sources d’informations utilisées par la S.Q. UNE PREUVE EX PARTE [9] À la demande de l’avocate de l’organisme, une preuve ex parte se tient selon les termes de l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 . 20. La Commission peut prendre connaissance, en l’absence du requérant et à huis clos, d’un document que l’organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l’accès en vertu d’une restriction prévue à la section II de la Loi. Reprise de l’audience [10] À la reprise de l’audience, M. Côté réitère l’essentiel de son témoignage initial et ajoute qu’il est membre de la S.Q. depuis 25 ans. C) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [11] La demanderesse déclare qu’elle a été embauchée par la S.Q., afin d’occuper la fonction de « technicienne en informatique ». Elle affirme avoir été informée par la S.Q. qu’elle débuterait son emploi à compter du mois de novembre 2004. Après avoir effectué une enquête de sécurité, un représentant de la S.Q. l’a 2 Règles de procédure de la Commission d’accès à l’information, décret 2058-84.
04 00 65 Page : 4 cependant avisée qu’elle ne peut pas occuper ce poste, sans indiquer les motifs de ce refus. [12] La demanderesse ajoute qu’elle considère que sa candidature n’a pas été retenue en raison « des activités politiques » de son conjoint. Elle indique avoir soumis sa candidature pour occuper le poste ci-dessus mentionné, et non son conjoint. Elle ne devrait donc pas être pénalisée en raison des activités de celui-ci. LES ARGUMENTS DE L’ORGANISME [13] M e Bourgeault plaide que la preuve démontre qu’une enquête à l’égard de la demanderesse a été menée par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois en vertu du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès. La preuve démontre que cette enquête a été menée, entre autres, à l’égard d’une personne désirant travailler à la S.Q., comme dans le cas sous étude. M e Bourgeault rappelle le témoignage de M. Côté recueilli lors de la preuve ex parte qui a expliqué le but de cette enquête, les renseignements confidentiels obtenus et qui sont inscrits dans le document en litige. [14] Conséquemment, M e Bourgeault argumente que les 3 e et 6 e paragraphes de l’article 28 ainsi que l’article 29 de la Loi sur l’accès s’appliquent dans la présente cause, et ce, conformément, entre autres, aux décisions P. c. Ministère de la Sécurité publique 3 et Hatto c. Ville de Laval 4 . LA DÉCISION [15] La demanderesse désire obtenir une copie d’un « rapport d’enquête de sécurité effectué » dans le cadre d’un processus de pré-embauche à la S.Q. Le document recherché par la demanderesse la concerne, elle a le droit de l’obtenir sous réserve de certaines dispositions législatives. Cette demande est faite selon les termes de l’article 83 de la Loi sur l’accès qui stipule que : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. 3 C.A.I. Montréal, n o 01 10 56, 9 avril 2003, c. Laporte. 4 C.A.I. Québec, n o 98 13 77, 22 mars 1999, c. Grenier.
04 00 65 Page : 5 Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [16] L’organisme invoque, comme motif de refus, les articles 28 (3 e et 6 e paragraphes) et 29 de la Loi sur l’accès. La preuve non équivoque recueillie lors de la preuve ex parte démontre que la divulgation des renseignements contenus dans le document en litige risquerait de révéler des sources confidentielles d’information et des composantes d’un système de communication destiné à l’usage des policiers, et ce, conformément aux décisions P. c. Ministère de la Sécurité publique 5 et Hatto c. Ville de Laval 6 précitées. [17] Par ailleurs, le témoignage de M. Côté est clair. Il est membre de la S.Q. depuis 25 ans. Il est, depuis 2002, directeur des enquêtes criminelles, laquelle est une entité spécialisée au sein de la S.Q. Cette dernière rend des services au niveau 6, et ce, tel qu’il est indiqué à l’article 70 de la Loi sur la police 7 . [18] Cet article prévoit que le niveau 6 comprend la liste des « Mesures d’urgence » et des « Services de soutien ». Les « Services de soutien » voient notamment à la : • Protection des personnalités internationales; • Protection de l’Assemblée nationale; • Enquête et renseignement de sécurité d’État; • Atteinte à la sécurité et à des réseaux informatiques du gouvernement; • […] [19] Comme dans l’affaire Leblanc c. Ministère de la Sécurité publique 8 , la preuve convainc la soussignée que le document refusé contient, entre autres, des renseignements dont la divulgation aurait pour effet de réduire l’efficacité d’un dispositif de sécurité au sens du 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès. 5 Id., note 3. 6 Id., note 4. 7 L.R.Q., c. P-13.1. 8 C.A.I. Montréal, n o 00 04 74, 22 mars 2001, c. Laporte.
04 00 65 Page : 6 [20] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse contre le ministère de la Sécurité publique; FERME le présent dossier portant le n o 04 00 65. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Marie-Josée Bourgeault BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) Procureurs du ministère de la Sécurité publique
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