Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 15 51 Date : 31 mai 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] La demande d’accès, datée du 25 juin 2003, vise l’obtention des documents suivants concernant le dossier 115-021015-028 : • « Dossier complet enquêteur; • Les différentes déclarations des témoins; • La déclaration du soussigné; • Tous autres documents au dossier de l’enquêteur; • Tous documents que vous avez partagés au Substitut du procureur général. ».
04 15 51 Page : 2 [2] Le refus partiel du responsable, daté du 29 juillet 2003, s’appuie sur les articles 14, 28 (6), 31, 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur l’accès 1 . [3] Insatisfait de ce refus, le demandeur soumet une demande de révision le 11 août 2003. [4] Les parties sont entendues le 14 mars 2005; la date de l’audience a été fixée en priorité à compter du moment où le demandeur, qui était incarcéré, a donné à la Commission avis de la date de sa libération. PREUVE i) de l’organisme [5] M. André Marois, responsable de l’accès aux documents de l’organisme, témoigne sous serment. Il a reçu la demande d’accès le 30 juin 2003 et il l’a traitée; après examen des documents conservés par la Sûreté du Québec, il a, le 29 juillet 2003, décidé d’en transmettre une partie au demandeur. [6] M. Marois a traité les documents suivants qui font état de l’enquête effectuée par la Sûreté du Québec : un rapport d’événement, un rapport d’enquête qui inclut des extraits de déclarations de témoins et de renseignements obtenus par l’enquêteur, la déclaration du demandeur et celle des témoins, les renseignements obtenus par l’enquêteur, une demande d’intenter des procédures, une liste de témoins à assigner et une opinion juridique. Il a numéroté les 50 pages détenues. [7] M. Marois énumère les renseignements qui demeurent en litige et qu’il a identifiés comme tels dans la copie intégrale des 50 pages qu’il a remise à la Commission sous pli confidentiel; ces renseignements sont les suivants : • Le nom des témoins de même que les renseignements concernant et permettant d’identifier les témoins; l’accès à ces renseignements est refusé en vertu des articles 53, 54, 59 (9) et 88 de la Loi sur l’accès (pages 2, 4, 5, 6, 7, 8, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 47 et 50); • Les sources confidentielles de renseignements; l’accès à ces sources est refusé en vertu de l’article 28 (3) de la Loi sur l’accès (pages 9, 10, 38, 39); 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 15 51 Page : 3 • Des composantes du système de communication destiné à l’usage des personnes chargées d’assurer l’observation de la loi (pages 19 à 30, 31 et 47); l’accès à ces composantes est refusé en vertu de l’article 28 (6) de la Loi sur l’accès; • Une opinion juridique; l’accès à ce document est refusé en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’accès (page 46). Contre-interrogatoire de M. André Marois : [8] Les déclarations des témoins sont identifiées comme telles par l’enquêteur qui a rencontré les témoins; ces déclarations ne sont pas toutes faites sous serment. Les renseignements en litige qui ont été versés par un agent du service correctionnel canadien ont été recueillis dans le cadre d’une enquête policière; ces renseignements peuvent concerner des témoins que l’enquêteur a rencontrés. ii) du demandeur [9] Le demandeur renonce aux pages 31 et 32 auxquelles l’accès est refusé en vertu des articles 28 (6), 53, 54 et 59 (9) de la Loi sur l’accès. Il renonce également à la page 46 à laquelle l’accès est refusé en vertu de l’article 31 de la même loi. ARGUMENTATION i) de l’organisme [10] L’application de l’article 28 (6) aux renseignements des pages 19 à 30 a, conformément à la loi, été limitée aux codes qui constituent des composantes d’un système de communication destiné à l’usage des personnes chargées d’assurer l’observation de la loi 2 . [11] Les autres renseignements qui demeurent en litige sont nominatifs et confidentiels; ils permettent d’identifier des témoins rencontrés dans le cadre de l’enquête policière. Les articles 53, 54 et 59 (9) de la Loi sur l’accès s’appliquent 2 X c. Ministère de la Sécurité publique, dossier CAI 01 19 38, 17 juillet 2003, M e Diane Boissinot.
04 15 51 Page : 4 à ces renseignements. L’article 59 (9) n’habilite pas l’organisme à donner communication de renseignements nominatifs sur l’identité d’un témoin, d’un dénonciateur ou d’une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d’être mise en péril par la communication d’un tel renseignement. [12] L’article 59, précité, s’applique aux renseignements nominatifs concernant des agents d’un service correctionnel. [13] L’article 59, précité, s’applique aux déclarations de témoins, ce, même si ces déclarations ne sont pas faites sous serment. [14] Le responsable ainsi que la Commission doivent protéger les renseignements nominatifs selon les règles applicables; ainsi, la prétention du demandeur voulant qu’il connaisse l’identité de témoins ou leur déclaration respective serait sans effet sur l’application des articles 28, 53, 54 et 59 (9) de la Loi sur l’accès 3 . L’identité d’un témoin ainsi que la déclaration qui permet de l’identifier sont confidentielles sauf si le témoin concerné consent à ce que ces renseignements soient communiqués ou divulgués; le droit du demandeur d’obtenir ces renseignements dans le cadre d’un procès est sans effet sur le traitement de la demande d’accès du 25 juin 2003. [15] Les agents du service correctionnel canadien sont des agents de la paix au sens du Code criminel. [16] Aucune preuve ne démontre l’endroit exact où l’événement visé par le rapport d’enquête en litige s’est produit. ii) du demandeur [17] Les documents en litige ne constituent pas des déclarations de témoins; ce sont des rapports d’infraction ou des déclarations d’observation faits par des agents non identifiables sur des situations données. [18] Le 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès ne protège la déclaration d’un témoin que si cette déclaration est faite à un policier ou à un organisme d’enquête reconnu par la loi; cette disposition ne s’applique pas aux déclarations obtenues par le service correctionnel canadien ou l’un de ses agents parce que 3 Procureur général du Québec c. Allaire, Grenier, C.Q. 500-02-095608-019, 16 septembre 2002.
04 15 51 Page : 5 ces personnes ne sont pas, en vertu de la loi, chargées de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois 4 . [19] L’organisme doit, en vertu de l’article 14 de la Loi sur l’accès, donner au demandeur accès aux déclarations qui ont été faites par des agents du service correctionnel après avoir pris soin de masquer le nom de ces agents; ces déclarations conservent leur sens même lorsque l’accès au nom de leur auteur est refusé 5 . [20] L’article 28 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas aux déclarations d’un agent du service correctionnel canadien qui sont inscrites dans le dossier social d’un détenu et qui lui sont accessibles 6 . [21] Les rapports ou déclarations d’observation d’un agent du service correctionnel ne constituent pas une déclaration. L’article 59 (9) ne s’applique pas à ces rapports lorsqu’ils sont communiqués à un policier parce que cet agent n’est pas nécessairement un témoin, un dénonciateur ou une personne dont la sécurité est en péril. [22] Le sommaire du rapport d’enquête en litige renseigne sur l’endroit où l’événement qui y a donné lieu s’est produit. DÉCISION [23] Le rapport auquel l’accès a été partiellement refusé a été préparé par un policier du service des enquêtes sur les crimes contre la personne de la Sûreté du Québec. Le policier a enquêté à la suite d’une plainte de voies de fait que le demandeur a portée contre un agent de service correctionnel; l’événement serait survenu alors que le demandeur était incarcéré dans un pénitencier. Deux constats s’imposent à la lecture de ce rapport : le demandeur est l’une des personnes impliquées dans l’événement qui est à l’origine de sa plainte et cet événement a fait l’objet d’un rapport par un corps de police. [24] Les noms des témoins, tels qu’ils ont été obtenus par le policier enquêteur, ont été masqués par le responsable; l’article 59 (9) de la Loi sur l’accès impose spécifiquement ce refus au responsable qui n’est aucunement habilité à communiquer au demandeur un renseignement sur l’identité d’un 4 Procureur général du Québec c. Beaulieu, [1993] CAI 315 (C.Q.). 5 Marois c. Ministère de la santé et des services sociaux, dossier CAI 00 21 77, 12 février 2003, M e Diane Boissinot. 6 Pineault c. Ville de Jonquière, dossier CAI 00 21 12, 11 juin 2002, M e Christiane Constant.
04 15 51 Page : 6 témoin sans le consentement du témoin concerné. Aucune preuve du consentement nécessaire à cet égard n’a été faite : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent : 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1;
04 15 51 Page : 7 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [25] Les autres renseignements qui ont été obtenus par le policier enquêteur concernant les témoins permettent d’identifier ces témoins, le demandeur étant une personne impliquée dans l’événement. Les articles 53, 54, 56, 59 et 88 s’appliquent à ces renseignements qui comprennent des déclarations; le refus du responsable n’a pas, non plus, à être révisé, vu l’absence de preuve relative au consentement des témoins concernés : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa
04 15 51 Page : 8 seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [26] L’accès au nom des personnes qui ne sont pas des témoins ainsi qu’aux autres renseignements obtenus par le policier enquêteur concernant ces personnes doit être refusé en vertu des articles 53, 54, 56, 59 et 88 de la Loi sur l’accès parce que ces renseignements permettent d’identifier ces personnes. Aucune preuve ne démontre que ces personnes ont consenti à la divulgation ou à la communication de ces renseignements nominatifs. [27] Le responsable devait, conformément au 3 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès, refuser de donner communication des renseignements obtenus de sources confidentielles parce que la divulgation de ces renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête effectuée par le policier aurait révélé ces sources, notamment des renseignements nominatifs : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° … … 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; …
04 15 51 Page : 9 [28] Le responsable a, conformément au 6 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès, refusé de donner communication des codes qui sont des composantes d’un système de communication destiné à l’usage d’une personne chargée d’assurer l’observation de la loi; ces codes sont inscrits dans les documents que le policier a obtenus dans le cadre de son enquête : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° … … 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; … [29] La preuve démontre que le demandeur a obtenu tous les renseignements auxquels il avait droit en vertu des articles 9 et 83 de la Loi sur l’accès; le responsable a traité la demande d’accès en tenant compte des prescriptions de l’article 14 de cette loi : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé.
04 15 51 Page : 10 [30] La décision du responsable n’a pas à être révisée. La Loi sur l’accès régit la demande d’accès du demandeur; les règles qui y sont prévues diffèrent de celles qui s’appliquent à la communication de renseignements dans le cadre d’un procès. [31] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Jonathan Branchaud Avocat de l’organisme
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