Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 18 43 Date : Le 30 mai 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 22 octobre 2004, le demandeur s’adresse au Responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) afin d’obtenir copie d’un document contenant « les constats, recommandations ou tout autre élément se rapportant à la visite d’inspection rendue par les services du ministère à la Sécurité publique de Trois-Rivières du 27 au 30 septembre 2004. » [2] Le 5 novembre 2004, le Responsable refuse l’accès à ce document en ces termes : […] 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée la « Loi ».
04 18 43 Page : 2 Malheureusement, nous ne pouvons vous communiquer le rapport demandé. En effet, comme ce rapport est constitué d’une ébauche et de notes préparatoires et qu’il contient des avis et recommandations adressés aux autorités municipales et qu’il traite de sujets pouvant toucher la sécurité interne du service de police sous leur juridiction [sic]. Cette décision est prise en application des articles 9, 28, 29, 37, 38 et 39 de la loi sur l’accès. (Les inscriptions entre crochets sont de la Commission.) [3] Le 23 novembre suivant, le demandeur requiert la Commission d’accès à l’information (la Commission) de réviser cette décision du Responsable et une audience se tient en la ville de Trois-Rivières le 25 février 2005. [4] Lors de l’audience, le 25 février 2005, la Commission prend acte des développements suivants comme s’ils avaient été formulés par écrit, les autorise et les authentifie : i) Le demandeur formule, séance tenante devant la Commission, une nouvelle demande d’accès à la version finale du document visé par sa demande d’accès du 22 octobre 2004. ii) Séance tenante, le Responsable formule alors les mêmes motifs de refus ci-haut invoqués concernant l’accès au document intitulé : Rapport d’inspection thématique – Technologies informatiques, systèmes d’information et de télécommunications – Service de police de la Ville de Trois-Rivières – TSI-15 préparé en février 2005 par monsieur Léonard Arseneault de la Direction de l’inspection des services policiers, Direction générale des affaires policières, de la prévention et des services de sécurité de l’organisme à la suite d’une inspection menée par messieurs Roger Bordeleau et Gilles Drolet, de la même Direction (le Rapport). iii) Le demandeur requiert la Commission de réviser cette dernière décision du Responsable au cours de la présente audience.
04 18 43 Page : 3 L’AUDIENCE A. LE LITIGE [5] Le Responsable, monsieur André Marois, est assermenté et offre le témoignage et les éclaircissements qui suivent. [6] D’emblée, dès le début de l’audience, il explique à la Commission que le document demandé en octobre 2004 n’a été complété dans sa version finale et définitive qu’au mois de février dernier, après que les auteurs aient produit une série de versions préliminaires. [7] Instruit séance tenante de ce fait qu’il ignorait, le demandeur manifeste son intention de formuler une nouvelle demande d’accès visant évidemment, cette fois, la version finale du Rapport. [8] Afin d’éviter au demandeur de recommencer toute la procédure d’accès et à la suggestion de la Commission, les parties consentent à étayer un nouveau dossier de révision, séance tenante, comme ci-haut rapporté au paragraphe [4]. [9] Étant donné la nouvelle demande de révision, le demandeur se désiste de celle qu’il avait d’abord formulée le 23 novembre 2004, celle-ci étant devenue caduque et sans objet. [10] L’avocat de l’organisme n’invoque plus le deuxième alinéa de l’article 9 de la Loi au soutien du nouveau refus de communiquer la version finale du Rapport, puisqu’il ne s’agit plus d’un brouillon contenant des notes personnelles. [11] Le Responsable dépose sous pli confidentiel, entre les mains de la Commission, le texte intégral du Rapport en litige plus haut identifié au sous paragraphe [4] ii. [12] Le texte intégral du Rapport est composé des diverses parties suivantes : Page de présentation du document (1 page); Sommaire (1 page); Table des matières (2 pages); Préambule et renseignements généraux, chapitres 1 et 2 (pages 1 à 3);
04 18 43 Page : 4 Analyse et recommandations, sous forme de tableaux, concernant les technologies informatiques et systèmes d’information, chapitre 3 (pages 3 à 16); Analyse et recommandations, sous forme de tableaux, concernant les télécommunications et 9-1-1, chapitre 4 (pages 16 à 23); Liste des recommandations regroupées, chapitre 5 (pages 24 à 26). [13] Le Responsable remet au demandeur la page de présentation, la table des matières des chapitres 1 et 2, les pages 1, 2 et une partie de la page 3. [14] Le document ainsi remis, en partie, au demandeur est déposé sous la cote O-1. [15] Sont donc en litige les pages du Rapport qui n’ont pas été remises au demandeur. B. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de monsieur Gilles Drolet [16] Monsieur Gilles Drolet est un policier dont les services ont été prêtés par la Ville de Lévis, son employeur, à la Direction de l’inspection des services de police (DISP) de l’organisme. Il possède un baccalauréat en administration avec une spécialité en gestion informatisée. Il donne d’autres informations sur sa formation ainsi que sur celle de l’autre inspecteur à ce dossier, monsieur Roger Bordeleau. [17] À la DISP, il coordonne les inspections thématiques relatives aux technologies informatiques et aux systèmes d’information et de communications. [18] Il a effectué l’inspection en cause avec monsieur Roger Bordeleau pendant cinq jours. [19] Il déclare que l’inspection du service de police de la Ville de Trois-Rivières a été effectuée en vertu des dispositions de la Loi sur la police 2 qui prescrivent une inspection générale des services de police à tous les cinq ans par le ministère de la Sécurité publique. 2 L.R.Q., c. P-13, ci-après appelée la « LP », articles 268 et suivants.
04 18 43 Page : 5 [20] Il explique que le développement et l’utilisation des nouvelles technologies des communications et de l’information au sein de services de police requièrent des inspections plus pointues et ciblées par des équipes plus spécialisées dans ces domaines. [21] En effet, il est d’avis que des failles éventuelles dans les systèmes de communication et informatique utilisés par les services de police doivent être identifiées et colmatées rapidement afin d’assurer un niveau de sécurité publique acceptable. [22] Le témoin décrit toutes les étapes du processus d’inspection dans ces deux domaines de la technologie, étapes qui ont été élaborées minutieusement par lui-même et monsieur Bordeleau. [23] Durant le processus d’inspection, les informations sur les instruments utilisés sont répertoriées et validées et le personnel s’occupant de la technologie est rencontré. [24] Une fois l’inspection faite, il y a rétroaction auprès du directeur du service de police inspecté qui consulte son état major, les gens s’occupant à l’interne du système informatique et, parfois, le directeur général de la municipalité en cause. [25] Ces derniers émettent des commentaires aux inspecteurs. Ces commentaires sont validés par ces derniers qui, à l’occasion, retournent sur le terrain pour ce faire. [26] Une ébauche d’un rapport préliminaire contenant des constats et recommandations préliminaires est rédigée par les inspecteurs. Cette ébauche est remaniée par un rédacteur avant d’être soumis pour commentaires officiels au Directeur du service de police concerné. [27] Après études des commentaires du Directeur du service de police concerné, des corrections et, s’il y a lieu, des modifications aux constats et recommandations sont apportées et un rapport final est rédigé, ce qui fut complété, dans le cas qui nous occupe, en février 2005. [28] Le rapport final est approuvé par le ministre et envoyé au maire ou au président de la Régie inter municipale concernée avec copie au Directeur du service de police concerné. Deux autres copies sont conservées à la Direction de l’inspection des services policiers de l’organisme.
04 18 43 Page : 6 [29] Selon le témoin, normalement, seulement quatre exemplaires de ce rapport sont en circulation. [30] À l’étape suivante, le ministre demande au Directeur de police concerné d’émettre, en principe dans les trois mois de l’émission du rapport, un plan d’action sur la mise en œuvre des recommandations. [31] Dès le plan d’action émis, le témoin le valide. [32] L’organisme demande à la Commission que lui soit accordé, en vertu de l’article 20 du Règlement de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information 3 , de faire témoigner monsieur Drolet ex parte et à huis clos afin de permettre à l’organisme de prouver en quoi certaines parties du Rapport en cause sont visées par les articles 28, 29, 37, 38 et 39 de la Loi : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [33] Le demandeur ne s’objecte pas à cette façon de procéder pourvu que son exclusion soit limitée à l’audition de cette preuve. [34] Le témoin commence son témoignage ex parte et à huis clos. Durant ce témoignage, avec le document en litige à l’appui, il explique les forces et les faiblesses des systèmes de communication et de télécommunication et du système informatique du service de police de l’organisme telles qu’elles sont décrites au Rapport, selon la grille de conformité et les critères élaborés par sa Direction. [35] Un nombre impressionnant d’informations, formulées avec une très grande précision, s’y trouvent réunies. [36] Le témoin indique comment chacune des faiblesses relevées, le cas échéant, mène à une ou plusieurs recommandations précises faites par les inspecteurs dans le but évident d’atteindre des standards et des normes établis. [37] Il indique, à l’occasion, jusqu’à quel point les informations (forces et faiblesses des systèmes, orientations stratégiques, choix d’équipement, etc.) qui 3 A-2.1, r.2
04 18 43 Page : 7 se trouvent dans ce document pourraient profiter à certaines organisations criminelles aux fins de contrer les efforts des services de sécurité publique. [38] Il ressort du témoignage que chacune des recommandations, qui apparaissent à chacun des chapitres, puis qui sont réunies aux dernières pages, résulte d’un examen minutieux et d’une analyse détaillée et approfondie de la situation et est formulée en termes très précis, toujours dans le but d’améliorer les systèmes qui ont fait l’objet de l’inspection. Contre-interrogatoire de monsieur André Marois, le Responsable [39] En réponse aux questions du demandeur, le Responsable réitère les motifs de refus fondés sur les articles 28, 29, 37, 38 et 39 de la Loi. [40] En particulier, il se dit convaincu que la divulgation des renseignements en litige risquerait de réduire l’efficacité du dispositif de sécurité que représentent les systèmes faisant l’objet de l’inspection, au sens du deuxième alinéa de l’article 29 de la Loi : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. ii) du demandeur [41] Le demandeur ne présente aucun élément de preuve. C. LES ARGUMENTS i) de l’organisme [42] L’avocat de l’organisme plaide que les paragraphes 3°, 4° et 6° du premier alinéa de l’article 28 s’appliquent au présent cas.
04 18 43 Page : 8 [43] Ainsi, il soutient que la grille d’examen suivie par les inspecteurs constitue une méthode d’enquête, révèle presque toutes les composantes des systèmes de communication et de télécommunication du service de police concerné. [44] L’avocat de l’organisme prétend également qu’à la simple lecture conjointe des articles 274 de la LP et des articles 37, 38 et 39 de la Loi, il apparaît clair qu’à la date de la demande d’accès du 25 février dernier, le processus décisionnel n’est pas terminé et que les délais apparaissant aux articles 37 et 38 de la Loi ne sont pas expirés. [45] L’avocat de l’organisme plaide également que l’ensemble du Rapport forme un tout indistinct de chacune des analyses ou des recommandations qu’il contient et qui constituent sa substance. Il est impossible d’effectuer un élagage des renseignements inaccessibles en vertu des articles 37, 38 et 39 de la Loi sans enlever toute signification aux parties restant accessibles du Rapport. Dans ces conditions, l’article 14 de la Loi permet que le tout soit inaccessible. ii) du demandeur [46] Le demandeur veut vérifier par lui-même si les systèmes de sécurité informatique et les systèmes de communication et de télécommunication sont adéquats sur le territoire de l’organisme, s’il faut y apporter des améliorations et, dans l’affirmative, si ces dernières sont majeures ou mineures. DÉCISION [47] L’examen des parties du Rapport restant en litige et la preuve, en particulier le témoignage de monsieur Drolet et celui de monsieur Marois, convainquent la Commission que la substance de ces parties est manifestement composée des renseignements visés par le deuxième alinéa de l’article 29 de la Loi (précité), savoir de renseignements dont la divulgation aurait pour effet de réduire l’efficacité du dispositif de sécurité publique de l’organisme. [48] Ainsi, en application de la partie ci-après soulignée de l’article 14 de la Loi, la totalité des renseignements retirés de l’accès doit rester inaccessible au demandeur : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains
04 18 43 Page : 9 renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [49] Il est donc inutile que la Commission se prononce sur l’applicabilité des autres dispositions soulevées par le Responsable dans la réponse sous examen. [50] La Commission est toutefois d’avis que l’article 28 de la Loi n’aurait pu s’appliquer à ces renseignements puisque ceux-ci n’ont pas été obtenus par une personne qui, en vertu de la Loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime au sens que la jurisprudence a donné, dans certaines circonstances, à ces derniers mots. [51] En effet, la doctrine de l’intensité spécifique, bien résumée dans l’affaire Lebel 4 , interdit l’application de l’article 28 de la Loi à des renseignements obtenus, notamment, par des policiers, dans l’exécution d’une fonction administrative du type de ceux recueillis par les auteurs de l’inspection en cause. Ainsi dans cette affaire Lebel, la Commission avait décidé que : […] même si un organisme peut bénéficier de dispositions pénales pour favoriser la sanction de la loi qu'il administre, il doit démontrer que l'enquête en cause s'effectuait dans le but bien précis de prévenir, détecter ou réprimer les infractions à la loi en cause. Une enquête de routine ou simplement administrative ne satisfait pas aux exigences de l'article 28 même si elle peut conduire accessoirement à des poursuites pénales. Bref, dans chaque cas où on invoque l'article 28, il faut d'abord déterminer la nature de l'enquête à laquelle se rapportent les documents en cause. Seuls les documents relatifs à une enquête se rapportant à la commission d'actes illégaux particuliers par des individus particuliers sont susceptibles d'être protégés. 4 Lebel, c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal [1989] CAI, 401.
04 18 43 Page : 10 [52] En particulier, la Cour provinciale a décidé ce qui suit, dans l’affaire Ville de Sainte-Foy c. Drouin 5 : Il est important de réaffirmer que le seul fait de la cueillette de l'information par un agent du service policier, ne suffit pas à lui seul à justifier l'organisme public dans son refus d'en permettre la communication. En somme, c'est la nature de l'enquête elle-même et non le seul statut de policier, qui détermine l'application des lois au présent cas. [53] La Commission comprend que les buts et les intentions du demandeur sont louables et que ses interrogations sont légitimes et saines. Il faut toutefois comprendre que les règles d’accès sont les mêmes pour tous et qu’en vertu de la Loi, un document ou un renseignement est accessible ou il ne l’est pas, et ce, indépendamment de l’identité du demandeur et quels que soient sa qualité, ses intentions ou ses motifs. [54] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. DIANE BOISSINOT commissaire Avocat de l’organisme : M e Jonathan Branchaud Chamberland, Gagnon (Justice-Québec) 5 [1986] CAI 411 (C.P.) 417, confirmant [1984-86) CAI 602.
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