Commission d'accès à L'information du Québec Dossier : 03 21 10 Date : Le 27 mai 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. ÉQUIFAX CANADA INC. Entreprise DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RECTIFICATION [1] Le demandeur veut que la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») intervienne pour examiner sa mésentente avec Équifax Canada inc. (« Équifax ») lui refusant le retrait des informations portant sur les saisies effectuées par un membre de sa famille et par les avocats Gariépy, Marcoux, Richard (« GMRD »). [2] Une audience a lieu à Montréal le 28 avril 2005.
03 21 10 Page : 2 L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) D'Équifax M me Sylvie Normandeau [3] M me Normandeau, chef du Service national aux consommateurs, raconte qu’Équifax est une agence de renseignements traçant l’historique de crédit d’un individu. Elle recueille les renseignements auprès des archives publiques (registraire de la faillite, dépôts volontaires, saisies de salaires, comptes en recouvrement et jugements des tribunaux) et de ses clients, tels que les institutions financières, commerçants, grands magasins et compagnies financières. Elle fournit habituellement à ses clients, contre rémunération, l’information sur la solvabilité d’une personne. [4] M me Normandeau affirme que le dossier de crédit du demandeur a été modifié pour corriger les renseignements portant sur Marina Iberville Performance Marine (pièce E-2), intégrer les informations sur le montant reçu à titre de rente d’invalidité et inclure sa déclaration de consommateur (pièce E-3). [5] M me Normandeau affirme également avoir vérifié au Palais de justice concerné l’exactitude des renseignements se rapportant aux saisies effectuées par un membre de la famille du demandeur (7 000 $) et par GMRD (4 000 $). Cette recherche a confirmé l’exactitude des renseignements. En conséquence, elle n’a pu rectifier le dossier de crédit du demandeur, les informations devant être conservées, selon les normes existantes en Amérique, pendant une période de six ans. [6] M me Normandeau rapporte que le demandeur a déjà discuté avec un représentant d’Équifax, le 24 novembre 2003, pour exiger plus de flexibilité en écourtant la période de rétention de six ans (pièce E-1). Équifax, dit-elle, ne peut malheureusement pas accéder à cette demande. [7] M me Normandeau explique que l’information incomplète provenant des tribunaux judiciaires a amené Équifax à modifier ses inscriptions au relevé fourni au consommateur, en n'inscrivant maintenant que l’information suivante : « jugement(s) au Québec – décision rendue inconnue. » (pièce E-3). Elle ajoute que leurs clients sont également avisés de vérifier l’état de la situation à la cour concernée.
03 21 10 Page : 3 ii) Du demandeur [8] Le demandeur atteste que l’information détenue par Équifax est exacte, mais lui cause d’importants préjudices pour obtenir une approbation de crédit. Il veut voir retirés plus rapidement les renseignements traitant des deux saisies à cause de la survenance d’événements hors de son contrôle. [9] Le demandeur raconte qu’il a été en période de réadaptation un an au Centre Lucie-Bruneau à la suite d’un coma de 15 jours dû à un anévrisme survenu le 1 er novembre 1998. Il a donc été empêché de gérer ses avoirs et son entreprise, laquelle bénéficiait d’une marge de crédit de 50 millions de dollars. [10] Le demandeur fait valoir que le représentant de la caisse populaire avec laquelle il traite lui a remis le relevé d'Équifax daté du 8 décembre 2003. Ce dernier relevé mentionne qu’il est un consommateur à risque, ayant un pointage de risques de 495 et un indice de faillite de 819 (pièce D-1). Il prétend que cette situation l’oblige à payer tous ses achats comptant, même si la rente mensuelle d’invalidité qu’il reçoit après impôt est de 10 000 $. Il ajoute que son concessionnaire automobile l’a contraint à verser 15 000 $ comptant pour conclure le contrat d’achat à crédit de son véhicule. [11] Interrogé par le procureur d’Équifax, M e Jean-Pierre Michaud, le demandeur confirme avoir réglé les différends ayant provoqué les deux saisies. M me Sylvie Normandeau [12] M me Normandeau explique que le pointage de 0 à 999 associé au prédicteur de risque et à l’indicateur de navigation de faillite se trouvant à la pièce D-1 est un service requis et acheté par ses clients. Les quatre facteurs suivants permettant d’en influencer le pointage y sont inscrits : PRÉDICTEUR RISQUE CONSOMMATION 495 Ratio de soldes renouvelables comparés au crédit limité/élevé Historique défavorable de registres publics Nombre d’opérations à crédit avec 1 paiement de retard Carte de pointage – deuxième ordre IND. NAV. FAILLITE 819 [indicateur de navigation de faillite] Nbre d’opérations renouv. avec forte utilisation. Age moyen des opérations de cartes nationales. Nbre d’interrogations/12 derniers mois. Age de la plus ancienne opération de magasins.
03 21 10 Page : 4 [13] M me Normandeau indique qu’un consommateur peut obtenir, contre paiement des frais, le « Prédicteur Risque Consommation », mais pas l'« Indicateur de navigation de faillite ». B) LES ARGUMENTS i) D'Équifax [14] M e Michaud soumet que les informations détenues par Équifax faisant l’objet du litige ont été vérifiées pour en confirmer l’exactitude et reconnues comme telles par le demandeur lui-même. L’objet de la requête du demandeur ne vise donc que le délai de conservation. [15] M e Michaud rappelle qu’Équifax se doit de détenir des renseignements sur un individu qui sont exacts, véridiques et à jour, ce qu’Équifax a fait au présent dossier 1 . [16] M e Michaud signale qu’Équifax ne peut impunément modifier les normes au sujet de la cueillette de renseignements sans affecter la viabilité de ceux-ci. Le consommateur et ses clients doivent pouvoir se référer aux mêmes critères d’un dossier à l’autre. Le type de renseignements cueillis et leur conservation doivent donc répondre aux mêmes normes pour tous. La différence, note-t-il, est dans la recherche et l’interprétation qu’en tireront les clients qui le consultent. Il est également reconnu que le délai de purge établi par l’industrie est de six ans 2 , en l’absence de calendrier de conservation aux termes de l’article 12 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 3 (la « Loi ») : 12. L'utilisation des renseignements contenus dans un dossier n'est permise, une fois l'objet du dossier accompli, qu'avec le consentement de la personne concernée, sous réserve du délai prévu par la loi ou par un calendrier de conservation établi par règlement du gouvernement. [17] M e Michaud fait valoir qu’il ne conteste aucunement les difficultés vécues par le demandeur. Cependant, cette conjoncture ne modifie par pour autant l’information objective se rapportant à la situation de crédit du demandeur 4 . 1 X. c. Équifax Canada inc., [1995] C.A.I. 286. 2 X. c. Équifax Canada inc., [1994] C.A.I. 230. 3 L.R.Q., c. P-39. 4 Hallis c. Équifax Canada inc., [1996] C.A.I. 107.
03 21 10 Page : 5 ii) Du demandeur [18] Le demandeur prétend qu’Équifax n’est pas obligée de conserver l’information sur les saisies dont il a été l’objet pendant six ans au même titre qu’une faillite. Il réitère qu’un assouplissement des règles doit prévaloir pour tenir compte, humainement, de sa situation et du préjudice que cela lui cause. DÉCISION [19] Les articles pertinents de la Loi et du Code civil du Québec dans le cadre de l’étude de la présente demande de rectification sont les suivants : 28. Outre les droits prévus au premier alinéa de l'article 40 du Code civil, la personne concernée peut faire supprimer un renseignement personnel la concernant si sa collecte n'est pas autorisée par la loi. 40. Toute personne peut faire corriger, dans un dossier qui la concerne, des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques; elle peut aussi faire supprimer un renseignement périmé ou non justifié par l'objet du dossier, ou formuler par écrit des commentaires et les verser au dossier. La rectification est notifiée, sans délai, à toute personne qui a reçu les renseignements dans les six mois précédents et, le cas échéant, à la personne de qui elle les tient. Il en est de même de la demande de rectification, si elle est contestée. [20] L’exercice du droit à la rectification s’effectue selon les modalités énoncées aux articles 42 et 53 de la Loi : 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25. 53. En cas de mésentente relative à une demande de rectification, la personne qui détient le dossier doit prouver qu'il n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en
03 21 10 Page : 6 cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec l'accord de celle-ci. [21] Bien que je suis sympathique aux propos et au contexte exprimés par le demandeur, la preuve démontre néanmoins que les renseignements détenus par l’Entreprise ne sont pas inexacts, incomplets ou équivoques, de l’aveu même du demandeur. [22] Ainsi, vu le défaut d’un délai de conservation prévu par la Loi, selon les termes de l’article 12, ou par un calendrier de conservation établi par règlement du gouvernement, la Commission ne peut supprimer les renseignements en litige, le délai de purge de six ans établi par l’industrie n’étant pas encore atteint. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [23] REJETTE la demande de rectification du demandeur visant à supprimer les informations concernant les deux saisies. MICHEL LAPORTE Commissaire Borden Ladner Gervais (M e Jean-Pierre Michaud) Procureurs de l'entreprise
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.