Commission d'accès à l'information du Québec Dossiers : 04 15 92 et 04 15 89 Date : Le 20 mai 2005 Commissaire : M e Michel Laporte DÉCISION X -et- ASSOCIATION DES RIVERAINS DU LAC SAINT-FRANÇOIS-XAVIER-DE- BROMPTON (TOMCOD) INC. Demanderesses c. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT Organisme -et- CONSTRUCTION ET PAVAGE PORTNEUF INC. Tierce partie
04 15 92 Page : 2 04 15 89 L'OBJET DEMANDES DE RÉVISION [1] Les 3 août et 15 septembre 2004, l’Association des riverains du lac Saint-François-Xavier-de-Brompton (Tomcod) inc. (« l’Association ») et la demanderesse (« les demanderesses ») soumettent au ministère de l’Environnement (le « Ministère ») une demande pour obtenir une copie du dossier visant l’exploitation d’une carrière par Construction et pavage Portneuf inc. (« l’Entreprise ») aux abords du 4 e Rang de la Municipalité de Saint-François-Xavier-de-Brompton. [2] Les 13 et 21 septembre 2004, le Ministère fait parvenir aux demanderesses une série de dix documents. Il refuse cependant l’accès, selon les termes des articles 23, 24, 53 et 54 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), à une série de trois documents. [3] Les 12 et 15 octobre 2004, les demanderesses veulent que la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») intervienne pour qu’elles puissent obtenir les documents restant en litige. [4] Le 25 avril 2005, une audience se tient à Magog. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [5] La Commission et les parties conviennent de réunir le présent dossier (C.A.I. n o 04 15 92) avec celui au même effet de l’Association (C.A.I. n o 04 15 89), représentée par la présidente, M me Nicole Gagnon. Elles conviennent également de la rédaction d’une seule décision pour les deux dossiers. [6] Les parties confirment que le seul objet du litige consiste à déterminer de l’accessibilité ou non des trois documents suivants : 1) Le tableau et le schéma accompagnant la demande de certificat d’autorisation; 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 15 92 Page : 3 04 15 89 2) L’entente intervenue entre l’Entreprise et des particuliers; 3) L’étude d’impact de bruit réalisée par un ingénieur au mois de novembre 2002. [7] Le Ministère remet à la Commission, sous pli confidentiel, les trois documents en litige. [8] Les parties notent que la nouvelle désignation du Ministère est maintenant celle de ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. B) LA PREUVE i) Du Ministère M. Daniel Messier [9] M. Messier, répondant à l’accès en la région de l’Estrie, atteste avoir traité les demandes d’accès, avisé l’Entreprise conformément à l’article 25 de la Loi et remis aux demanderesses une série de dix documents. Il confirme que l’Entreprise a signifié au Ministère son refus de communiquer les trois documents en litige. [10] Les demanderesses certifient avoir reçu les dix documents du Ministère. M. Denis Canuel [11] M. Canuel, ingénieur, est responsable de l’analyse des demandes de certificat d’autorisation au Ministère, particulièrement celles visant les carrières et les sablières. Il a traité le dossier de l’Entreprise, lequel demeure sous étude. Il affirme que le Ministère n’a pas émis d’autorisation, le dossier de l’Entreprise étant jusqu’à ce jour incomplet. Il manque, dit-il, la résolution de la Municipalité de Saint-François-Xavier-de-Brompton. [12] M. Canuel passe en revue les documents en litige de la façon suivante : 1) Le tableau et le schéma accompagnant la demande de certificat d’autorisation [13] Il mentionne que ce document de deux pages lui a été remis par l’Entreprise. La première page est un tableau faisant l’énumération des
04 15 92 Page : 4 04 15 89 équipements requis pour le projet. Il y est décrit les caractéristiques de ceux-ci : le nom du fabricant, le modèle, le poids, la capacité et le nombre requis. La deuxième page est un plan présentant la disposition et les agencements des équipements sur les lieux convoités. 2) L’entente intervenue entre l’Entreprise et des particuliers [14] Il indique que l’Entreprise doit fournir au Ministère les ententes nécessaires à l’exploitation de sa carrière. Dans ce cas-ci, il s’agit d’une entente intervenue avec les deux propriétaires du terrain où compte opérer l’Entreprise. Il soutient qu'elle renferme de nombreuses informations de nature technique et financière. 3) L’étude d’impact de bruit réalisée par un ingénieur au mois de novembre 2002 [15] Il explique que le projet de l’Entreprise nécessite la réalisation d'une étude d’impact sur le bruit. Cette dernière a été réalisée par une firme d’ingénieurs. L’étude contient des informations techniques et une analyse sur le bruit engendré par les équipements utilisés par l’Entreprise et la façon de les opérer. Il affirme que les tests de bruit sont spécifiques aux équipements et lieu où se trouvera la carrière. [16] M. Canuel fait valoir que l’étude de bruit est accompagnée du plan de localisation de la carrière et des équipements, en lien direct avec le premier document en litige. Le plan permet de voir les aires d’exploitation de la carrière et la localisation des équipements. Il affirme que ce plan diffère d’une carrière à l’autre et comporte essentiellement des renseignements techniques et industriels. [17] Interrogé par les demanderesses, M. Canuel confirme que l’étude en litige porte sur le bruit et qu’il ne s’agit pas d’une étude visant l’impact de la carrière sur le lac Saint-François-Xavier-de-Brompton. [18] Interrogé par le procureur de l’Entreprise, M e Jean-Guy LeBel, M. Canuel réitère que les premier et troisième documents en litige sont intiment liés. Ils permettent de connaître la nature et les agencements des équipements planifiés par l’Entreprise. Il affirme que ces renseignements reflètent la connaissance et la façon de faire de l’Entreprise pour opérer une carrière dans un lieu en particulier.
04 15 92 Page : 5 04 15 89 ii) De l’Entreprise M. David Marcotte [19] M. Marcotte, ingénieur, travaille pour l’Entreprise depuis 15 ans et est responsable de l'aspect construction. Il indique que l’Entreprise a soumis une demande au Ministère, au mois de juin 2004, aux fins d’obtenir un certificat d’autorisation pour ouvrir une carrière de haute qualité. Il confirme que les trois documents en litige ont été produits pour répondre aux exigences du Ministère. [20] M. Marcotte confirme également l’existence d’un différend avec la Municipalité de Saint-François-Xavier-de-Brompton au sujet de son autorisation à exploiter cette carrière. [21] M. Marcotte atteste avoir confectionné le premier document en litige. Celui-ci contient la description des équipements et un schéma traduisant la façon de fabriquer des agrégats de l’Entreprise à un coût compétitif. Il signale que ce document doit être regardé en lien avec le troisième en litige. [22] M. Marcotte explique que l’Entreprise exploite des carrières à divers endroits au Québec. Il prétend que les carrières ne sont pas petites, ni grosses, ni les plus rapides. Cependant, elles sont sûrement, dit-il, la meilleure manière développée par l’Entreprise pour faire des agrégats. Il soumet que cette façon de faire permet à l’Entreprise d’exploiter une carrière dans un contexte et lieu précis, et ce, en respectant les règles édictées par le Ministère sur le bruit. [23] M. Marcotte affirme que les documents en litige sont conservés sous clé et classés confidentiellement dans un classeur de son bureau et que seuls lui, sa secrétaire et les vérificateurs peuvent les consulter. [24] M. Marcotte indique que le Ministère exige une étude d’impact sur le bruit lorsqu’une carrière, comme au cas sous étude, se trouve en deçà d’une distance de 600 mètres de lieux habités. Le troisième document en litige a donc été réalisé par l’Entreprise pour répondre aux normes édictées par le Ministère. Ce dernier document comprend l’étude de bruit en lien avec la façon d’opérer une carrière par l’Entreprise. Il signale que l’Entreprise a mis en place au fil des ans un procédé lui permettant d’opérer une carrière près du lieu de travail. Cette dernière situation la rend compétitive. [25] M. Marcotte fait valoir que la présence de deux multinationales dans la région de l’Estrie, Sintra et Dejf, donne au processus de soumission un caractère
04 15 92 Page : 6 04 15 89 très compétitif. Ainsi, rendre publics aux compétiteurs les documents en litige équivaut à leur communiquer la façon de faire de l’Entreprise, influençant ainsi directement le prix des soumissions. Il affirme qu’il n’a pas accès à ce type de renseignements de la part de ses compétiteurs. [26] M. Marcotte mentionne que le deuxième document en litige est une entente intervenue entre l’Entreprise et les deux propriétaires du terrain visé pour exploiter la carrière. Le document identifie les personnes, la situation et l’emplacement de la carrière, les aspects financiers, la durée du contrat et les détails sur les opérations aux fins de redevances. Il croit que la communication de ce document permettrait aux compétiteurs de connaître sa capacité de payer et sa marge bénéficiaire. Ces informations entre les mains de compétiteurs, ajoute-t-il, lui seraient préjudiciables financièrement pour s’entendre à l’avenir avec d’autres propriétaires ou lors de soumissions. Il existe donc un risque potentiel de provoquer une surenchère. [27] Interrogé par les demanderesses, M. Marcotte atteste que l’étude de bruit porte sur l’exploitation de la carrière. C) LES ARGUMENTS i) De l’Entreprise [28] M e LeBel soumet que la preuve non contredite démontre que les documents en litige ont été fournis par l’Entreprise au Ministère et contiennent des renseignements techniques, industriels, financiers et commerciaux, traités confidentiellement par l’Entreprise et le milieu, étant visés et protégés par l’article 23 de la Loi 2 . [29] M e LeBel fait valoir que les documents en litige donnent des informations de nature concurrentielle sur l’agencement particulier des lieux et de l’équipement choisi par l’Entreprise. Il prétend que la communication des documents en litige équivaut à dévoiler la façon de faire de l’Entreprise, relevant de sa seule expertise et expérience. Il soumet que ce n’est pas parce l’Entreprise donne au Ministère des informations sensibles qu’il doit perdre ses avantages concurrentiels 3 . 2 Municipalité de Wendover c. Ministère de l'Environnement et de la Faune, C.A.I. Québec, n o 00 13 15, 27 mai 2001, c. Grenier; Giguère c. Ministère de l'Environnement et de la Faune, C.A.I. Québec, n o 00 18 38, 30 août 2002, c. Boissinot; X c. Ministère de l'Environnement et de la Faune, C.A.I. Québec, n o 02 04 73, 1 er octobre 2003, c. Boissinot; 9070-0238 Québec inc. c. Société québécoise de récupération et de recyclage (Recyc-Québec), [2001] C.A.I. n o 80. 3 Burcombe c. Québec (Ministère de l'Environnement et de la Faune), [1997] C.A.I. 370.
04 15 92 Page : 7 04 15 89 [30] M e LeBel note que d’autres tierces parties que l’Entreprise sont visées au document en litige et que celles-ci n’ont pas été informées de la demande d’accès 4 . Il rappelle que les premier et troisième documents en litige n'ont été préparés que pour le Ministère. Il souligne que le deuxième document en litige a été l’objet d’une discussion à la Cour supérieure, mais que les parties ont convenu d’une entente de confidentialité (pièce T-1). [31] M e LeBel souligne que la carrière n’est pas encore en fonction et que la communication des documents en litige risquerait de lui causer un préjudice et de lui nuire tout en avantageant les compétiteurs, selon les termes de l’article 24 de la Loi. ii) De l'organisme [32] La procureure de l'organisme, M e Sophie Primeau, souligne que le Ministère a respecté les dispositions des articles 25 et 49 de la Loi en avisant la tierce partie ayant fourni les documents : 25. Un organisme public doit, avant de communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical fourni par un tiers, lui en donner avis, conformément à l'article 49, afin de lui permettre de présenter ses observations, sauf dans les cas où le renseignement a été fourni en application d'une loi qui exige que le renseignement soit accessible au requérant et dans les cas où le tiers a renoncé à l'avis en consentant à la communication du renseignement ou autrement. 49. Lorsque le responsable doit donner au tiers l'avis requis par l'article 25, il doit le faire par courrier dans les vingt jours qui suivent la date de la réception de la demande et lui fournir l'occasion de présenter des observations écrites. Il doit, de plus, en informer le requérant et lui indiquer les délais prévus par le présent article. Le tiers concerné peut présenter ses observations dans les vingt jours qui suivent la date où il a été informé de l'intention du responsable. À défaut de le faire dans ce délai, il est réputé avoir consenti à ce que l'accès soit donné au document. Le responsable doit donner avis de sa décision au requérant et au tiers concerné, par courrier, dans les quinze 4 Hydro-Pontiac inc. c. St-Ferréol-les-neiges (Municipalité de), [1997] C.A.I. 53.
04 15 92 Page : 8 04 15 89 jours qui suivent la présentation des observations ou l'expiration du délai prévu pour les présenter. Lorsqu'elle vise à donner accès aux documents, cette décision est exécutoire à l'expiration des quinze jours qui suivent la date de la mise à la poste de l'avis. [33] M e Primeau considère que les conditions des articles 23 et 24 de la Loi ont été satisfaites par l’Entreprise. iii) Des demanderesses [34] Les demanderesses soumettent qu’elles ne veulent que transparence pour que soient respectées les règles environnementales du Ministère. DÉCISION L'article 23 de la Loi 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. [35] Quatre conditions sont nécessaires à l’application de l’article 23 de la Loi : les renseignements doivent faire partie de l’une des catégories mentionnées à cet article, avoir été fournis par un tiers, être de nature confidentielle et traités par le tiers de manière confidentielle. [36] Les renseignements de nature technique sont ceux appartenant à un domaine particulier, spécialisé, de l’activité ou de la connaissance, par opposition à ce qui est commun ou général 5 . Nous retrouvons notamment dans cette catégorie les méthodes d’analyse, les procédés et matériaux utilisés et la liste des équipements 6 . La description des activités du tiers est, pour sa part, une information habituellement de nature industrielle. 5 Stop inc. c. Communauté urbaine de Montréal, [1986] C.A.I. 114, 120; 6 Front commun régional pour une gestion écologique des déchets c. Québec (Ministère de l'Environnement), [1993] C.A.I. 176, 180.
04 15 92 Page : 9 04 15 89 L'article 24 de la Loi 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. [37] Le refus d’accès en vertu de l’article 24 de la Loi est autorisé lorsque la divulgation des renseignements fournis par le tiers risquerait de lui causer une perte, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à sa compétitivité 7 . Il a déjà été décidé que des plans, devis ou informations permettant de connaître les détails ou les coûts d'un projet, accessibles sans frais à des concurrents d'un tiers, sont de ceux visés par l'article 24 de la Loi. 8 [38] Le fardeau de la preuve concernant les conditions d’application des articles 23 et 24 de la Loi incombe au tiers concerné 9 . [39] Il n’a pas été contesté que les documents en litige n os 1 et 3 que j’ai examinés ont été réalisés par un ingénieur, sont de nature technique et ont été fournis à la Ville par la tierce partie. MM. Canuel et Marcotte ont déclaré que ces documents sont, dans les faits, de nature confidentielle et habituellement traités confidentiellement par la tierce partie ou ses compétiteurs. Les conditions de l’article 23 étant satisfaites, les demanderesses ne pourront donc obtenir copie des documents n os 1 et 3. [40] Il en est de même pour le deuxième document en litige. Il faut ajouter qu'il renferme de plus des renseignements de nature financière détaillant notamment les opérations permettant de calculer les redevances aux propriétaires des terrains. Ces informations, liées à la situation non contredite que la tierce partie est en concurrence avec deux autres entreprises ayant des activités similaires, permettent de répondre aux exigences de l’article 24 de la Loi. 7 Précitée, note 4. 8 Précitée, note 5. 9 Mouvement au courant c. Québec (Ministère de l'Environnement et de la Faune), [1994] C.A.I. 92.
04 15 92 Page : 10 04 15 89 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [41] REJETTE la demande de révision des demanderesses visant l’accès aux trois documents en litige. MICHEL LAPORTE Commissaire Bernard, Roy (Justice-Québec) (M e Sophie Primeau) Procureurs de l'organisme Michaud LeBel (M e Jean-Guy LeBel) Procureurs de la tierce partie
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