Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 07 70 Date : 13 juillet 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Hôpital Santa Cabrini Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 19 avril 2004, le demandeur s’adresse à M me Irène Giannetti, de l’hôpital Santa Cabrini, ci-après désigné l’ «organisme», afin d’avoir accès à des documents contenus dans le dossier du « comité de discipline ». [2] Le 7 mai suivant, M me Giannetti, directrice générale, refuse au demandeur l’accès aux documents convoités, invoquant à cet effet l’article 218 de la Loi sur les services de santé et des services sociaux 1 (la « L.s.s.s.s. »). [3] Le 11 mai, le demandeur requiert l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), afin que soit révisée la décision de l’organisme. 1 L.R.Q., c. S-4.2.
04 07 70 Page : 2 L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause, qui a été reportée à une reprise à la demande de l’avocate de l’organisme, se tient à Montréal, le 17 mai 2005. Le demandeur, accompagné de M e Richard Benoît, est présent. M e Christiane Lepage, de la firme d’avocats Monette Barakett Lévesque Bourque Pedneault, est l’avocate de l’organisme. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME TÉMOIGNAGE DE M me IRÈNE GIANNETTI [5] M e Lepage fait entendre M me Irène Giannetti. Celle-ci déclare qu’elle est directrice générale de l’organisme et responsable de l’accès aux documents. Elle précise que le demandeur cherche à obtenir une copie d’un procès-verbal et des documents provenant du comité de discipline. Celui-ci a été créé par le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (le « CMDP ») à la suite d’une plainte déposée par le demandeur contre un médecin travaillant au sein de l’établissement. [6] M me Gionnetti, qui dépose confidentiellement une copie des documents en litige, indique qu’elle a eu plusieurs entretiens téléphoniques avec le demandeur relativement à cette affaire. Elle ajoute qu’au cours de ces entretiens, elle lui a expliqué les motifs pour lesquels il ne peut pas avoir accès à ces documents; ceux-ci sont conservés par le Conseil des médecins. CONTRE-INTERROGATOIRE DE M me GIONNETTI [7] En contre-interrogatoire mené par M e Benoît, M me Gionnetti réitère que les documents convoités par le demandeur relèvent du CMDP qui en est le propriétaire, mais le médecin faisant l’objet de la plainte ne travaille pas pour l’organisme. [8] M me Gionnetti indique que le CMDP est constitué suivant la nature d’une plainte. Lorsqu’une personne dépose une plainte contre un médecin, le CMDP rencontre les parties afin de connaître leur version des faits. Par la suite, il rédige un rapport. Dépendant des éléments recueillis par le CMDP, celui-ci émet, le cas échéant, des recommandations au conseil d’administration de l’organisme.
04 07 70 Page : 3 [9] Cependant, dans le cas présent, n’ayant pas prévu de sanction contre le médecin faisant l’objet de la plainte du demandeur, le CMDP n’a pas fourni une copie de son rapport au conseil d’administration de l’organisme. B) TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR [10] Le demandeur déclare qu’il a rencontré M. Richard Potvin, président du CMDP et son « message a été enregistré. » Le médecin qui faisait l’objet de la plainte, était absent de la rencontre, celui-ci ayant commis une erreur médicale à son égard. Il a également intenté un recours judiciaire contre ce médecin et contre l’organisme. Le demandeur a de plus expliqué toutes les démarches qu’il a entreprises, entre autres, auprès du ministre de la Santé du Québec afin de pouvoir obtenir satisfaction, mais sans succès. [11] Par ailleurs, le demandeur spécifie que l’enregistrement de sa rencontre avec M. Potvin, du CMDP, est nécessaire à sa cause devant les tribunaux judiciaires. CONTRE-INTERROGATOIRE DU DEMANDEUR [12] M e Lepage contre-interroge le demandeur. Celui-ci indique que sa plainte vise une intervention chirurgicale au laser effectué par un médecin vers le mois de décembre 1999. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [13] M e Lepage précise que l’organisme est un établissement visé par la L.s.s.s.s. Elle résume le témoignage du demandeur affirmant qu’il désire obtenir une copie d’un enregistrement sonore afin de s’en servir dans le cadre du recours judiciaire qu’il a intenté contre le médecin et l’organisme. La demande d’accès du demandeur concerne des documents produits par le CMDP. [14] Selon M e Lepage, la preuve démontre que le CMDP a recueilli les témoignages du demandeur et les documents réclamés par celui-ci sont déposés aux archives du CMDP. Ce dernier est créé en vertu des dispositions législatives prévues à l’article 226 de la L.s.s.s.s.
04 07 70 Page : 4 [15] Par ailleurs, M e Lepage fait remarquer que le législateur prévoit diverses responsabilités attribuées au CMDP, telles que « contrôler et apprécier la qualité des actes médicaux posés dans un établissement, évaluer et maintenir la compétence des médecins » qui y exercent leur profession. Le CMDP a également pour responsabilités de donner son avis quant aux mesures disciplinaires que le conseil d’administration devrait imposer à un médecin, et ce, en vertu des paragraphes 1, 2 et 5 de l’article 214 de la L.s.s.s.s. [16] M e Lepage argue de plus que les documents visés par la demande sont inaccessibles au demandeur, selon les termes de l’article 218 de la L.s.s.s.s. Cet article prévoit que, sous réserve des restrictions mentionnées, nul ne peut prendre connaissance des procès-verbaux et des documents produits par le CMDP. M e Lepage commente à cet effet une décision rendue par la Cour d’appel du Québec dans Lafontaine c. Rémillard 2 où l’honorable juge Brossard indique notamment : […] Quant aux documents internes et procès-verbaux de délibérations du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, il s’agit de l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (art. 114, 3 e alinéa, de l’ancienne loi en vigueur en 1990) qui stipule, de plus et façon expresse, que cette confidentialité prévaut même sur la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 . [17] M e Lepage commente de plus d’autres décisions selon lesquelles les tribunaux supérieurs ont clairement statué que les documents, tels ceux visés par la demande, sont inaccessibles à un demandeur. Ce sont entre autres, Tambourgi c. Hôtel-Dieu de Roberval 4 et Breault c. Centre hospitalier régional de Lanaudière 5 . À cette dernière décision, la Commission a notamment statué qu’elle ne peut pas déroger aux dispositions de l’article 218 de la L.s.s.s.s. La Commission ajoute que cet « article traite non seulement d’une confidentialité absolue, mais également des restrictions que je considère d’ordre impératif. » 2 C.A.Q., n o 200-09-000280-930, 15 juin 1994, j. Nichols, Brossard et Rousseau-Houle. 3 L.R.Q., c. A-2.1. 4 C.S. Roberval, n o 155-05-000090-960, 29 août 1997, j. Duchesne. 5 [2002] C.A.I. 87 à 89.
04 07 70 Page : 5 B) DU DEMANDEUR [18] M e Benoît plaide que la Loi sur l’accès permet à une personne d’avoir accès aux documents qui le concernent. Il reconnaît cependant que les restrictions contenues à l’article 218 de la L.s.s.s.s. sont très importantes. LA DÉCISION [19] Le demandeur souhaite avoir accès aux documents détenus par le CMDP et qui sont produits confidentiellement à l’audience. Ils sont au nombre total de 23 pages. L’on y retrouve, entre autres, de la correspondance échangée avec le demandeur, avec l’organisme, avec les procureurs du médecin faisant l’objet de la plainte et avec d’autres tiers. S’y retrouvent également la plainte du demandeur, des avis de convocation transmis à des membres du CMDP et le rapport de ce dernier. [20] L’article 214 de la L.s.s.s.s. fait ressortir les responsabilités et devoirs du CMDP. 214. Conformément aux règlements de l'établissement, le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens est, pour chaque centre exploité par l'établissement, responsable envers le conseil d'administration: 1 o de contrôler et d'apprécier la qualité, y compris la pertinence, des actes médicaux, dentaires et pharmaceutiques posés dans le centre; 2 o d'évaluer et de maintenir la compétence des médecins, dentistes et pharmaciens qui exercent dans le centre; 3 o de faire des recommandations sur les qualifications et la compétence d'un médecin ou d'un dentiste qui adresse une demande de nomination ou de renouvellement de nomination ainsi que sur les privilèges et le statut à lui accorder; 4 o de faire des recommandations sur les qualifications et la compétence d'un pharmacien qui adresse une demande de nomination ainsi que sur le statut à lui attribuer;
04 07 70 Page : 6 5 o de donner son avis sur les mesures disciplinaires que le conseil d'administration devrait imposer à un médecin, un dentiste ou un pharmacien; […] [21] De plus, l’article 218 de la L.s.s.s.s. stipule notamment que : 218. Malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ( chapitre A-2.1), les dossiers et procès-verbaux du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et de chacun de ses comités sont confidentiels. […] Restriction. Nul ne peut prendre connaissance des procès-verbaux d'un comité du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens sauf les membres du comité, les membres du comité exécutif du conseil, le Tribunal administratif du Québec ou les représentants d'un ordre professionnel dans l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la loi. […] [22] La preuve démontre que les documents recherchés par le demandeur sont visés par cet article. Ils sont confidentiels et ne peuvent lui être accessibles. À cet effet, le législateur ne confère à l’organisme aucun pouvoir discrétionnaire. Celui-ci a donc raison de ne pas communiquer au demandeur les documents en litige, et ce, conformément à une jurisprudence constante établie tant par la Commission que par les tribunaux judiciaires 6 . [23] Toutefois, l’organisme devra communiquer au demandeur une copie de toute la correspondance qu’il a échangée avec l’organisme, laquelle se trouve parmi les documents déposés confidentiellement à l’audience. Il devra également lui communiquer une copie de sa plainte dont il est l’auteur, s’intitulant « Résumé des évènements » (au nombre de 4 pages). 6 Hudon c. Réseau Santé Kamouraska, [2002] C.A.I. 284 à 286; X c. Rivest, Schmidt, [2002] C.A.I. 286 à 288; Gomez c. Michaud, [2000] R.J.Q. 834 (C.S.); Curateur public du Québec c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [1997] R.J.Q. 517 (C.S.); Rumak c. Hôpital St-Charles Borromée, [1995] C.A.I. 290; Haber c. St-Mary’s Hospital Centre, [1995] C.A.I. 192.
04 07 70 Page : 7 [24] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision du demandeur contre l’Hôpital Santa Cabrini; ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur une copie des documents tels qu’ils sont indiqués au paragraphe 23; REJETTE, quant au reste, cette demande; FERME le présent dossier n o 04 07 70. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Christiane Lepage MONETTE BARAKETT LÉVESQUE BOURQUE PEDNEAULT Procureurs pour l’Hôpital Santa Cabrini
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