Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 00 85 Date : 13 mai 2005 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. CONSEIL DU TRÉSOR Organisme Et EDS Canada Inc. Tiers DÉCISION PRÉLIMINAIRE OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le demandeur s’adresse au Conseil du trésor le 11 novembre 2003 pour obtenir les documents suivants : • « les détails financiers de l’entente survenue entre le gouvernement du Québec et EDS Canada à la suite de l’abandon du projet informatique GIRES, projet d’uniformiser les systèmes informatiques de gestion des
04 00 85 Page : 2 ressources financières, matérielles et humaines du gouvernement du Québec; • Les montants des compensations touchés par EDS et les raisons évoquées; • Les montants totaux dépensés en tout en partout [sic] dans le projet GIRES. ». [2] Le 17 novembre 2003, le responsable de l’accès aux documents du Conseil du trésor l’avise qu’il doit, aux fins du traitement de cette demande et en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’accès 1 , préalablement consulter le tiers EDS Canada Inc. concernant la communication de la liste de taux que ce tiers a fournie et qui est produite en annexe au protocole d’entente en litige. [3] Le 19 décembre 2003, le responsable décide de donner accès au protocole d’entente demandé après avoir masqué les renseignements ci-après énumérés et indiqué les dispositions de la loi sur lesquelles il appuie son refus de communiquer ces renseignements : • Le nom des personnes physiques représentant EDS Canada Inc. aux fins de la conclusion du protocole d’entente de même que les initiales et la signature de l’une de ces personnes; ces renseignements sont masqués en vertu des articles 53, 54 et 59 de la Loi sur l’accès; • Les montants indiqués à l’article 6 de ce protocole, de même que les quelques mots permettant de déduire des indications sur ces montants; les articles 21, 23 et 24 de la loi précitée sont invoqués au soutien du refus du responsable; • L’annexe intitulée « Taux moyens du fournisseur »; la communication de ce document est refusée en vertu des articles 23, 24 et 14 de la même loi. [4] Le 6 janvier 2004, le responsable avise le demandeur que le tiers EDS Canada Inc. s’est adressé à la Commission pour obtenir la révision de la décision du 19 décembre 2003 et que l’exécution de cette décision est suspendue jusqu’à la décision de la Commission. Le responsable lui communique par ailleurs un tableau intitulé « Projet GIRES; détails des coûts et investissements en M $ »; le responsable lui précise que ce tableau reflète les montants totaux dépensés dans le projet GIRES mais ne reflète pas les montants dépensés par chacun des ministères et organismes. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 00 85 Page : 3 [5] Le 13 janvier 2004, le demandeur soumet une demande de révision. Il expose que le responsable n’a pas décidé concernant l’accès à certains des renseignements demandés et qu’il n’a pas justifié son refus à cet égard. Il soutient avoir le droit d’obtenir l’intégralité des renseignements demandés de même que le droit de connaître les motifs de refus du responsable. [6] Le 3 mars 2005, date de l’audience devant la Commission, les parties transigent; le tiers EDS Canada Inc. se désiste conséquemment de sa propre demande de révision (dossier 03 22 85). [7] L’avocat du demandeur indique alors que le litige ne porte que sur les montants totaux dépensés dans le projet GIRES et visés par la demande d’accès du 11 novembre 2003. Il réfère à cet égard au tableau que le responsable a transmis à son client le 6 janvier 2004 et qui montre le détail des coûts et investissements associés au projet GIRES au 31 août 2003; à son avis, ce tableau devait être à jour à la date de la demande d’accès. Il soutient par ailleurs que le responsable du Conseil du trésor devait, pour traiter la demande d’accès du 11 novembre 2003 conformément à la loi, rassembler tous les renseignements détenus par tous les ministères et organismes concernés en vue de communiquer les montants totaux demandés. [8] L’avocate de l’organisme signale que le tableau communiqué au demandeur le 6 janvier 2004 est celui qui était détenu à la date de la demande d’accès et que le demandeur doit, pour obtenir une mise à jour additionnelle, adresser une nouvelle demande d’accès conformément à la loi. Elle fait entendre M. Alain Parenteau qui témoigne sous serment concernant le traitement de la demande d’accès relative aux montants qui sont en litige. PREUVE (audience du 3 mars 2005) i) de l’organisme Témoignage de M. Alain Parenteau : [9] M. Parenteau est greffier du Conseil du trésor. Il a traité la demande d’accès du 11 novembre 2003 alors qu’il était également responsable de l’accès aux documents de cet organisme; il a, à cet effet, requis que les renseignements demandés soient réunis et il a aussi lui-même procédé à la recherche de ces renseignements.
04 00 85 Page : 4 [10] À titre de responsable, M. Parenteau traitait les demandes d’accès qui étaient adressées au Conseil du trésor, non pas celles qui étaient adressées aux autres ministères ou organismes publics. Il a donc traité la demande d’accès du 11 novembre 2003 en fonction des renseignements détenus par le Conseil du trésor seulement. [11] À la connaissance de M. Parenteau, chaque ministère ou organisme public concerné avait son unité GIRES et fonctionnait à cet égard indépendamment du Conseil du trésor; chacun avait, en tant qu’organisme autonome, sa partie GIRES, c’est-à-dire ses crédits ou son budget pour ses ressources humaines et matérielles. [12] Selon M. Parenteau, le responsable de l’accès aux documents du Conseil du trésor n’a pas, en cette qualité, le pouvoir de rassembler les renseignements détenus par d’autres organismes publics et celui de donner suite à des demandes d’accès en lieu et place du responsable de chacun de ces organismes. [13] À la connaissance de M. Parenteau, l’organisme (par son sous-secrétariat de la gestion intégrée des ressources) avait produit le tableau intitulé « Projet GIRES; détails des coûts et investissements en M $ » (O-1) pour la présidente du Conseil du trésor. Ce tableau constitue ce que l’organisme détenait et il a été communiqué au demandeur pour répondre à sa demande concernant les montants totaux en litige. Contre-interrogatoire de M. Alain Parenteau : [14] M. Parenteau ne s’est pas entretenu avec les personnes qui avaient, à la requête de la présidente du Conseil du trésor, préparé le tableau précité (O-1) et il ne sait pas si ces personnes ont continué leur travail à ce sujet. Il réitère avoir donné accès au document qui était détenu par le Conseil du trésor en ce qui a trait aux renseignements qui demeurent en litige. ARGUMENTATION (écrite) i) du demandeur (produite le 1 er avril 2005) [15] La demande d’accès relative aux renseignements qui demeurent en litige doit se lire comme suit : « les montants totaux dépensés en tout et en partie dans le projet GIRES ».
04 00 85 Page : 5 [16] Le Conseil du trésor a l’obligation de faire enquête dans l’appareil gouvernemental à la recherche des renseignements qui pourraient permettre d’établir, au 11 novembre 2003, ce qu’a coûté le projet GIRES. Le responsable de l’accès aux documents du Conseil du trésor devait, pour traiter la demande d’accès du 11 novembre 2003 conformément à la loi en ce qui a trait aux renseignements qui demeurent en litige, rassembler tous les renseignements détenus par chaque ministère ou organisme public concerné. Interpréter autrement la Loi reviendrait à dire au requérant qu’il doit tirer à l’aveuglette à travers tout l’appareil gouvernemental pour tenter d’obtenir les coûts d’un projet majeur qui a eu un impact significatif sur les finances publiques. Ce ne peut être l’objet de la Loi qui est de favoriser l’accès plutôt que de le restreindre. [17] Le responsable de l’accès devait donc étendre le traitement de la demande d’accès à tous les ministères et organismes concernés par le projet GIRES. Il ne peut se prévaloir de l’article 48 de la Loi sur l’accès. Le tableau préparé pour le Conseil du trésor et communiqué au demandeur (O-1) démontre qu’il est de la compétence de cet organisme d’obtenir et de fournir les montants dépensés en tout et en partie dans le projet GIRES. [18] Des faits nouveaux sont survenus depuis l’audience du 3 mars 2005 et requièrent la présentation d’une preuve supplémentaire. Le demandeur a appris qu’une ligne de crédit susceptible de fournir l’ensemble des coûts engagés concernant le projet GIRES à la date de la demande d’accès du 11 novembre 2003 était apparemment toujours existante à cette date. Le demandeur a le droit d’obtenir les renseignements détaillant et donnant l’état de cette ligne de crédit; ces renseignements, visés par la demande d’accès, devraient permettre de répondre totalement ou en partie à la demande d’accès. ii) de l’organisme (produite le 28 avril 2005) [19] Le responsable a, avec raison, traité la demande d’accès aux renseignements en litige comme si le demandeur s’était ainsi exprimé : « Les montants totaux dépensés en tout et partout dans le projet GIRES. ». [20] La preuve démontre que le responsable a communiqué le seul document détenu par le Conseil du trésor en ce qui a trait aux renseignements qui étaient demandés et qui demeurent en litige; il a transmis le tableau « Projet GIRES; détails des coûts et investissements en M $ » (O-1) qui reflète les montants totaux dépensés dans ce projet, non pas ceux dépensés par chacun des ministères et organismes. Ce tableau couvre toute la demande en ce qui
04 00 85 Page : 6 concerne le Conseil du trésor. Le responsable a transmis strictement les éléments pertinents à la demande qui visait l’obtention de montants totaux. [21] M. Parenteau a traité la demande d’accès en qualité de responsable de l’accès aux documents du Conseil du trésor. Il n’était pas tenu, en vertu de la loi, de créer un document ou de rassembler les renseignements ou documents détenus par d’autres organismes publics pour satisfaire le demandeur. [22] La preuve démontre que l’implantation du projet GIRES était réalisée indépendamment dans les ministères et organismes concernés. Les demandes d’accès aux montants totaux dépensés dans chacun de ces organismes doivent leur être adressées individuellement, pour leur partie respective; chacun est en droit de faire valoir une ou des restrictions à l’accès pour des raisons propres à son organisation. L’article 8 de la Loi sur l’accès identifie clairement que chaque organisme doit nommer un responsable pour voir à l’application de la loi aux documents qu’il détient. [23] La Commission doit rejeter la requête du demandeur voulant qu’une preuve supplémentaire soit présentée en raison de « faits nouveaux » qui, selon le demandeur, sont survenus après l’audience du 3 mars 2005 et qui résultent de sa lecture du « Rapport projet GIRES » préparé le 22 septembre 2003 à la demande de la présidente du Conseil du trésor. Le demandeur a obtenu ce document le 18 mars 2005 en réponse à sa demande d’accès du 16 mars 2005 adressée au Conseil du trésor et ainsi libellée : « … je désire obtenir les informations suivantes : les montants totaux dépensés en tout et partout dans le projet GIRES notamment répertoriés dans un document produit par M. Jacques Henry et un certain M. Lirette. ». En lisant ce rapport, le demandeur a appris que « tous les coûts directs et indirects reliés à GIRES sont capitalisés dans le Fonds des services gouvernementaux en tant que développement informatique. Le financement s’effectue à même une marge de crédit du Fonds de financement d’un montant autorisé de 275 M $ jusqu’au 31 mars 2004… Les dépenses en date du 30 juin sont de 167,556 M $. ». Selon le Conseil du trésor, cette marge de crédit lui a été accordée pour lui permettre d’y imputer les dépenses qu’il a lui-même engagées pour l’implantation de GIRES et elle ne constitue qu’un outil comptable établissant le niveau de crédit disponible à différentes dates données. Le projet GIRES a été arrêté en septembre 2003; lors de la conférence de presse du 30 septembre 2003, la présidente du Conseil du trésor indiquait que les coûts du projet étaient plutôt de l’ordre de 400 M $, ce, sans inclure les dépenses des ministères et organismes. Par sa requête, le demandeur tente de transformer sa demande d’accès en une demande ouverte ou quasi perpétuelle; les documents relatifs à la ligne de crédit doivent faire l’objet d’une demande d’accès distincte.
04 00 85 Page : 7 DÉCISION A) Les renseignements qui demeurent en litige : [24] Les renseignements qui demeurent en litige ont été exprimés par le demandeur selon le libellé suivant : « Les montants totaux dépensés en tout en partout dans le projet GIRES. ». Les arguments présentés à la Commission indiquent que les parties interprètent ce libellé de façon différente; l’interprétation de chacune est intéressante mais elle ne règle aucunement la question résultant du défaut du demandeur d’avoir rédigé un libellé précis et du défaut du responsable d’avoir requis un libellé précis. Cette question doit d’abord être réglée; le demandeur doit, sans y ajouter, préciser ce qu’il entend par : « Les montants totaux dépensés » de sorte que le responsable puisse, à partir de précisions claires et univoques, donner suite à la demande en fonction des renseignements qui étaient détenus par le Conseil du trésor le 11 novembre 2003 et qui peuvent être rassemblés. Le demandeur doit être conscient que l’article 15 de la Loi sur l’accès s’applique : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. [25] Le responsable traitera cette demande précisée selon les prescriptions de l’article 47 de la loi précitée. Le traitement de cette demande sera appuyé d’une déclaration du responsable, faite sous serment, afin de compléter la preuve initiale. La Commission déterminera ce qui, au besoin, devra être fait par la suite. B) Les obligations du responsable de l’accès : [26] Il faut donner raison à l’avocate du Conseil du trésor lorsqu’elle indique que le responsable de cet organisme n’était pas tenu, en vertu de la loi, de créer un document ou de rassembler les renseignements ou documents détenus par d’autres organismes publics pour satisfaire le demandeur. [27] Le Conseil du trésor est, en vertu de la Loi sur l’accès, un organisme public; l’article 3 de cette loi le distingue des ministères et organismes gouvernementaux notamment :
04 00 85 Page : 8 3. Sont des organismes publics : le gouvernement, le Conseil exécutif, le Conseil du trésor, les ministères, les organismes gouvernementaux, les organismes municipaux, les organismes scolaires et les établissements de santé ou de services sociaux. Sont assimilés à des organismes publics, aux fins de la présente loi: le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale, un organisme dont celle-ci nomme les membres et une personne qu'elle désigne pour exercer une fonction en relevant, avec le personnel qu'elle dirige. Les organismes publics ne comprennent pas les tribunaux au sens de la Loi sur les tribunaux judiciaires (chapitre T-16). [28] Le responsable de l’accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels détenus par le Conseil du trésor est, à l’instar du responsable de chacun des autres organismes publics, désigné en vertu de la Loi sur l’accès pour exercer les fonctions que cette loi lui confère : 8. La personne ayant la plus haute autorité au sein d'un organisme public exerce les fonctions que la présente loi confère à la personne responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels. Toutefois, cette personne peut désigner comme responsable un membre de l'organisme public ou de son conseil d'administration, selon le cas, ou un membre de son personnel de direction et lui déléguer tout ou partie de ses fonctions. Cette délégation doit être faite par écrit. Celui qui la fait doit en donner publiquement avis. [29] Le responsable de l’accès aux documents du Conseil du trésor doit, en vertu de l’article 1 de la Loi sur l’accès, traiter les demandes d’accès qui lui sont adressées en fonction des documents détenus par cet organisme et selon la procédure prévue par les articles 42 et suivants de cette loi :
04 00 85 Page : 9 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : 1° donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 2° informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6° informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le
04 00 85 Page : 10 responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. [30] Le responsable de l’accès du Conseil du trésor n’avait pas, en vertu de la Loi sur l’accès, l’obligation d’étendre le traitement de la demande d’accès à tous les ministères et organismes concernés par le projet GIRES. [31] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ORDONNE au demandeur de préciser, selon les conditions prévues au paragraphe 24 de la présente, ce qu’il entend par « Les montants totaux dépensés » et de fournir copie de sa demande précisée à la Commission avant le 19 juin 2005; ORDONNE au responsable de traiter la demande précisée selon les conditions prévues au paragraphe 25 de la présente; REJETTE la demande quant aux renseignements qui ne sont pas détenus par le Conseil du trésor. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e François Pouliot Avocat du demandeur M e Marie-Andrée Gauthier Avocate de l’organisme
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