Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 06 86 Date : 13 mai 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Ministère de la Sécurité publique Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS CONCERNANT DES TIERS [1] Le 28 janvier 2004, le demandeur cherche à obtenir auprès de M. André Sénécal, inspecteur chef de la Sûreté du Québec (la « SQ »), une copie intégrale de tous les documents consignés dans un rapport denquête, dans le cadre dune plainte quil a formulée, « le ou vers le 15 janvier 2001 », contre R. D. et C. L. [2] Le 18 février suivant, M. André Marois, responsable de laccès aux documents au ministère de la Sécurité publique, (l « organisme »), indique au
04 06 86 Page : 2 demandeur quil a reçu sa demande le 16 du mois courant et quun délai de trente jours lui est nécessaire pour le traitement de cette demande. [3] Le 11 mars suivant, M. Marois transmet au demandeur des extraits du rapport denquête. Il lui refuse cependant laccès au reste des documents, en invoquant les articles 28 (3 e et 6 e paragraphes), 37, 40, 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur laccès »). [4] Le 19 avril suivant, le demandeur soumet à la Commission daccès à linformation (la « Commission ») lautorisation de proroger le délai, afin de lui faire parvenir sa demande de révision. À la même date, il requiert auprès de celle-ci, la révision de la décision de lorganisme. LAUDIENCE [5] Laudience se tient à Montréal, le 18 avril 2005, en présence du demandeur et des témoins de lorganisme, celui-ci étant représenté par M e Marc J. Champagne, du cabinet davocats Bernard, Roy (Justice-Québec). LA PREUVE A) DE LORGANISME [6] M. André Marois affirme solennellement quil est responsable de laccès aux documents. Il déclare avoir examiné les 296 pages de documents que compose le rapport denquête. Il a retourné au demandeur les documents émanant de celui-ci et lui a transmis des documents élagués. [7] M. Marois précise que ce rapport fait suite à une dénonciation formulée par le demandeur auprès de la Sûreté du Québec (la « S.Q. ») contre deux officiers, à savoir R. D. et C. L., eu égard « à leur ingérence dans le processus de promotion » lors dun concours réalisé par la S.Q. Cette dernière a désigné lenquêteur, M. Donald Ferland, qui a ouvert un « dossier denquête disciplinaire » en regard de cette dénonciation. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 06 86 Page : 3 [8] M. Marois déclare que le demandeur ne peut pas avoir une copie intégrale des documents contenus dans le rapport denquête, car il est un tiers vis-à-vis de R. D. et C. L. Ledit rapport contient des renseignements nominatifs devant demeurer confidentiels au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur laccès. [9] Le témoin sengage cependant à communiquer au demandeur dautres documents identifiés durant son témoignage. [10] M. Marois émet les commentaires suivants sur linaccessibilité des documents en litige : a) Les pages 13 et 28 : une note manuscrite émanant dune personne physique autre que le demandeur (art. 9 de la Loi sur laccès); b) les pages 14 à 23 et 27 : une note manuscrite, des notes de service, « rapport de vérification de transmission », des lettres adressées à dautres personnes physiques que le demandeur (art. 53, 54 et 88 de la Loi sur laccès); c) les pages 31 à 35 et 47 à 123 : lidentification de témoins policiers rencontrés par lenquêteur et qui ont produit leur déclaration respective. Ces documents contiennent des renseignements nominatifs concernant ces témoins (art. 53, 54 de la Loi sur laccès). M. Marois ajoute que ceux-ci nont pas consenti à ce que les renseignements quils ont fournis soient divulgués (art. 88 de la Loi sur laccès); d) les pages 36 et 37 : lenquêteur fait le point sur le contenu de la dénonciation ayant été déposée par le demandeur contre les deux officiers; il décrit des documents en annexe, il fait un résumé de létat de la situation tout en identifiant les personnes rencontrées (art. 53, 54 de la Loi sur laccès); e) Les pages 124 à 159 : lenquêteur analyse les renseignements recueillis auprès des témoins qui sont des personnes autres que le demandeur, il formule des recommandations (art. 37, 53, 54 de la Loi sur laccès); f) Les pages 263 à 287 : les documents préparés par lenquêteur, indiquant, entre autres, les dates selon lesquelles il va rencontrer des personnes, les démarches qui seront entreprises, etc. (art. 53, 54 et 88 de la Loi sur laccès);
04 06 86 Page : 4 g) Les pages 288 à 291, 293 et 294 : M. Marois précise que « toute lenquête est faite en fonction des personnes citées dans la dénonciation (art. 53, 54 et 88 de la Loi sur laccès); h) Les pages 292 et 295 : elles sont datées et elles contiennent le n o du dossier de dénonciation et une pagination; i) La page 296 : lidentité de deux personnes physiques autres que le demandeur (art. 53, 54, 88 de la Loi sur laccès). [11] Par ailleurs, M. Marois signale que le demandeur, membre de la S.Q. a participé à un concours pour un poste supérieur. Sa candidature na pas été retenue. Pour les motifs invoqués dans la dénonciation, le demandeur sest plaint auprès de M. Florent Gagné, alors Directeur général de la S.Q., contre les officiers mentionnés dans cette dénonciation. [12] M. Marois ajoute quil est impossible dextraire des renseignements nominatifs sans toucher à leur substance. Par exemple, il se réfère aux pages 124 et 159 lenquêteur « tire les passages essentiels, il croise différentes informations, lenquêteur fait une synthèse de différentes déclarations dans le but dapporter un éclairage » au rapport denquête. B) TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR [13] Le demandeur affirme solennellement quil confirme lexactitude du témoignage de M. Marois, lorsque celui-ci fait la chronologie des évènements ayant mené, en 2004, à sa demande daccès aux documents contenus dans le rapport denquête. Il ajoute que M. Ferland, enquêteur au dossier, la informé que lenquête relative à cette affaire est terminée depuis le printemps 2002. Conséquemment, ce rapport devrait lui être accessible. [14] Par ailleurs, le demandeur reconnaît que lorganisme lui a transmis des documents. LES ARGUMENTS DE LORGANISME [15] M e Champagne rappelle que le demandeur a formulé auprès de son supérieur immédiat une plainte, sous forme de dénonciation, contre deux officiers de police, et ce, conformément à larticle 23 du Code de déontologie des policiers
04 06 86 Page : 5 du Québec 2 . Cette dénonciation a nécessité une enquête, de nature administrative, menée par un policier enquêteur. Cette enquête vise deux policiers et non le demandeur. Lenquêteur a recueilli, auprès de plusieurs témoins des renseignements relativement à cette affaire. Il a rédigé un rapport denquête auquel le demandeur voudrait avoir accès. Lavocat plaide que lorganisme est en droit de lui en refuser laccès dans son intégralité, car ce rapport contient des renseignements nominatifs concernant des tiers, la preuve démontre que ceux-ci nont pas consenti à ce que les renseignements nominatifs les concernant soient divulgués. [16] Par ailleurs, M e Champagne précise que lorganisme renonce à invoquer les articles 40 et 59 de la Loi sur laccès. DU DEMANDEUR [17] Le demandeur, pour sa part, émet des commentaires sur chacun des articles de la Loi sur laccès mentionnés par lorganisme dans sa réponse. Il ajoute que lenquête étant terminée depuis lannée 2002, le rapport denquête devrait lui être accessible. Il indique de plus que les articles 53, 54 et 88 ne sappliquent pas dans la présente cause, puisque les policiers, fonctionnaires de lÉtat, relatent des faits sur un évènement précis. Ils occupent des fonctions revêtant un caractère public. LA DÉCISION [18] Le demandeur sest adressé à lorganisme, afin dexercer son droit daccès en vertu de larticle 9 de la Loi sur laccès, pour pouvoir obtenir une copie intégrale dun rapport denquête rédigé par un policier enquêteur. Ce rapport fait suite à une plainte, sous forme de dénonciation, quil a déposée contre deux policiers dans le cadre dun concours auquel il a participé. Larticle 83 de la Loi sur laccès ne sapplique pas dans linstance, la preuve ayant démontré que ce rapport ne vise pas le demandeur qui est un tiers vis-à-vis des deux policiers faisant lobjet de cette dénonciation, et ce, conformément à la décision Sauvageau c. ministère de la Sécurité publique 3 . 2 L.R.Q., c. P-13, a. 57.1. 3 C.A.I. Québec, n o 02 09 44, 6 mars 2003, c. Grenier.
04 06 86 Page : 6 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [19] Demblée, lorganisme reconnaît que lenquête menée par lenquêteur est de nature administrative. Celui-ci recueille des renseignements et documents à partir desquels il en fait une analyse. Larticle 28 de la Loi sur laccès ne sapplique pas dans la présente instance. [20] Le rapport denquête en litige date du 7 février 2002 et est composé entre autres : Des notes manuscrites non datées; De la correspondance échangée entre des tiers; De 29 déclarations faites par des témoins policiers rencontrés par lenquêteur relativement à ce quils prétendent connaître des allégations contenues dans la dénonciation formulée par le demandeur et sur le concours auquel celui-ci a participé. Parmi ces 29 témoins, se retrouvent la déclaration du demandeur et celle des deux policiers faisant lobjet de la dénonciation; Dune conclusion qui sapparente à une recommandation adressée à la « Direction des affaires internes » de la S.Q.; De lannexe A à lannexe NNN. [21] Après avoir effectué un examen approfondi des documents déposés confidentiellement par lorganisme à laudience, la soussignée est davis quils sont truffés de renseignements nominatifs concernant des personnes physiques autres que le demandeur selon les termes des articles 53, 54 et 56 de la Loi sur laccès, tels les nom, prénom de chaque policier qui exprime son opinion personnelle eu égard au concours ou au demandeur, etc. Ces renseignements ne
04 06 86 Page : 7 revêtent pas un caractère public. De plus, tel quil est indiqué dans la décision X. c. Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture 4 , le nom dune personne physique est : « un renseignement nominatif qui la concerne et qui lidentifie; ». [22] Dans la présente cause, la preuve non contredite démontre que les personnes mentionnées nont pas consenti à la divulgation des renseignements nominatifs les concernant. Larticle 88 de la Loi sur laccès sapplique. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 4 X. c. Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, C.A.I. Québec, n o 03 20 47, 19 octobre 2004, c. Grenier.
04 06 86 Page : 8 [23] De plus, lexamen des documents permet à la soussignée de constater quil est impossible den extraire des renseignements nominatifs, sans toucher à la substance même de ces documents. Larticle 14 de la Loi sur laccès sapplique. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [24] Tel quil est mentionné par les auteurs Doray Charette 5 : […] Les parties dun document qui ne sont visées par aucune restriction doivent donc être communiquées au requérant à moins que lexercice dextraction des renseignements confidentiels vise la substance du document. Dans ce cas, le document en entier pourra demeurer confidentiel. […] [25] De ce qui précède, la soussignée considère que lorganisme était fondé de refuser au demandeur les documents en litige. [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que le ministère de la Sécurité publique a communiqué au demandeur des documents; ORDONNE à lorganisme de communiquer au demandeur les documents additionnels quil a identifiés à laudience; 5 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à linformation, Loi annotée, Edition Yvon Blais, 2001 , volume 1, p. II/14-1.
04 06 86 FERME le présent dossier portant le n M e Marc J. Champagne BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) Procureurs du ministère de la Sécurité publique Page : 9 o 04 06 86. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.