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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 22 23 Date : Le 11 mai 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demanderesse c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] La demanderesse conteste la décision de la Ville de Montréal (la « Ville ») lui refusant laccès, selon les termes de larticle 40 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), à lintégralité des documents portant sur les concours n os 20071A, 20071B, 39592D et 39592E. [2] Une audience a lieu à Montréal le 12 avril 2005. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 22 23 Page : 2 L'AUDIENCE A) LE LITIGE [3] Les parties confirment que la demande daccès du 10 novembre 2003 vise les documents concernant deux concours au Service de la sécurité du revenu de la Ville : le premier, daté du 6 février 2002, portant le n o 20071A et le deuxième, daté du 21 octobre 2003, les n os 20071B, 39592D et 39592E. [4] La demanderesse confirme avoir reçu les documents exigés de la Ville, sauf la partie intitulée « Justification » remplie par les évaluateurs (pièce O-1 en liasse). Elle maintient vouloir obtenir une copie de lappréciation inscrite par les évaluateurs apparaissant à la colonne de droite aux documents quelle a reçus. La Commission reçoit, sous pli confidentiel, une copie intégrale de lévaluation réalisée par les trois évaluateurs pour le deuxième concours. [5] La représentante de la Ville, M me Lise Raymond, stagiaire en droit, annonce que la Ville ne détient plus le document intégral lié au premier concours. B) LA PREUVE De la Ville M me Cynthia Couture [6] M me Couture, analyste en gestion de documents, fait valoir que la Ville possède les documents déjà remis à la demanderesse et le document complet touchant le deuxième concours. Elle certifie que la Ville na plus le document original et intégral du premier concours. [7] M me Couture affirme que les documents originaux se rapportant au premier concours ont été détruits, selon léchéance prévue de deux ans au calendrier de conservation de la Ville (pièce O-2). Elle certifie que le document intégral du premier concours a été détruit au mois de février 2004. [8] M me Couture affirme également quelle na pu, malgré ses recherches, trouver dautres documents en lien avec la demande daccès que ceux déjà donnés à la demanderesse ou restant en litige.
03 22 23 Page : 3 M me Lise Raymond [9] M me Raymond explique que la Ville était impliquée dans le processus de la fusion des municipalités lors de la demande daccès et que la Commission de la fonction publique de la Ville de Montréal était responsable de ladministration des concours. Cette dernière, dit-elle, nadministre plus les concours et, dans les faits, nest même plus « en opération ». [10] Dans le cadre de la préparation de la présente audience, M me Raymond soutient avoir constaté, au mois de février 2005, que la Ville, malgré les nombreuses recherches, ne détenait aucun autre document que ceux remis à la demanderesse ou restant en litige. M me Cynthia Couture [11] M me Couture confirme quelle na pas trouvé dautres documents et quil ny a pas dautres personnes pouvant répondre à la présente demande. Elle atteste que cest lunité administrative détenant les documents qui appliquent les règles de conservation des documents, sauf avis contraire du Service des archives. C) LES ARGUMENTS i) De la Ville [12] M me Raymond invoque larticle 40 de la Loi pour refuser laccès aux documents en litige : 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. [13] M me Raymond fait valoir que les renseignements en litige sont les résultats notés par le Comité de sélection de la Ville au moment de lentrevue orale de la demanderesse. Elle soutient que la demanderesse a déjà obtenu beaucoup dinformations, notamment les critères de lévaluation, les évaluations globales et, pour chaque critère, le nom des évaluateurs et la date de lévaluation. Elle considère que les commentaires des évaluateurs restant en litige ne peuvent être donnés à la demanderesse, sagissant de notes personnelles et de lopinion de ceux-ci 2 . 2 Hatto c. Ville de Laval, [1999] C.A.I. 111.
03 22 23 Page : 4 [14] M me Raymond allègue que la communication des renseignements en litige pourrait affecter à lavenir lindépendance des évaluateurs. Elle ajoute que les évaluateurs, selon les articles 53 et 59 de la Loi, nont pas autorisé la Ville à donner les renseignements les concernant à la demanderesse : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: 1 o au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2 o au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1; 3 o à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4 o à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5 o à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique;
03 22 23 Page : 5 6 o (paragraphe abrogé); 7 o (paragraphe abrogé); 8 o à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9 o à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [15] M me Raymond prétend que, même en retranchant le nom des évaluateurs et la date des évaluations, la demanderesse peut associer le nom dun évaluateur, par lécriture manuscrite, à une évaluation précise. ii) De la demanderesse [16] La demanderesse mentionne quelle travaille présentement à la Ville et que les concours visaient un emploi permanent. Elle veut obtenir les commentaires formulés par les évaluateurs aux fins didentifier les éléments pour saméliorer. [17] La demanderesse sinterroge sur le motif réel de refus de la Ville, la Commission de la fonction publique nexistant plus et, conséquemment, nutilisera pas de nouveau les renseignements en litige. DÉCISION [18] M me Couture a déclaré que la Ville ne détenait pas dautres documents ou renseignements que ceux déjà donnés à la demanderesse ou restant en litige. [19] Il a été démontré que la Ville ne possédait plus le document original se rapportant au premier concours. Malgré les recherches et le contexte bien décrit par les témoins, force est de constater que la Ville ne détient plus ce document. Il importe de rappeler à la Ville quelle a, par cette situation, contrevenu à lobligation impérative de larticle 102.1 de la Loi, rendant théorique le recours de la demanderesse pour cette partie de la demande : 102.1 Le responsable doit veiller à ce que le renseignement faisant l'objet de la demande soit conservé le temps requis pour permettre au requérant d'épuiser les recours prévus à la présente loi.
03 22 23 Page : 6 [20] Il est regrettable qu'un organisme aussi important que la Ville puisse commettre une erreur comme celle que j'ai pu constater au présent dossier. Il est souhaitable que des dispositions soient prises pour éviter une répétition de ce type d'erreur. [21] Larticle 40 de la Loi permet à la Ville de ne pas communiquer, à sa discrétion, « […] une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. » [22] À sa discrétion, la Ville peut donc décider de communiquer à la demanderesse, comme le cas sous étude, les critères et le résultat de lévaluation (pièce O-1). Dans les faits, la seule partie que la demanderesse na pas reçue est lévaluation de chaque évaluateur. Ces renseignements émanant des évaluateurs sont-ils de la nature de ceux visés par larticle 40 de la Loi? [23] On remarque, à la vérification des renseignements en litige, que chaque évaluateur ajuste et pondère ses évaluations selon les critères et réponses donnés. Ils analysent donc de façon différente chaque situation. À lévidence, les commentaires des évaluateurs peuvent difficilement être similaires dun cas à lautre et être transposables à un autre évalué. [24] Je crois que les renseignements en litige, même connus davance, ne correspondent pas à ceux visés par larticle 40 de la Loi, ne révélant pas la nature ou le contenu dune épreuve. Je suis également davis quaucune preuve ne permet de conclure que ces renseignements peuvent être encore utilisés par la Ville. Les conditions de larticle 40 de la Loi nont donc pas été satisfaites. L'article 88 de la Loi [25] La demanderesse peut-elle obtenir ou non la partie intitulée « Justification » remplie par les évaluateurs? [26] La demanderesse a déjà obtenu de la Ville le nom des évaluateurs ainsi que tous les renseignements concernant le deuxième concours, sauf les remarques manuscrites des trois évaluateurs. Les notes sont celles apparaissant sous le titre « Justification » pour chacun des six critères et sous le titre « Justification de lévaluation » au bas de la page. Il faut retenir que le résultat global de cette évaluation est traduit par une cotation, « A », « B » ou « C », ayant déjà été donnée à la demanderesse.
03 22 23 Page : 7 [27] La Ville prétend que la communication de ces renseignements en litige révélerait un renseignement nominatif au sujet de son auteur, notamment en permettant vraisemblablement dassocier le nom dun évaluateur à une évaluation précise. [28] Jai examiné attentivement les renseignements en litige. Il sagit des observations et commentaires retenus par les évaluateurs au sujet du comportement de la demanderesse lors de lentrevue. Ces renseignements concernent donc la demanderesse au sens de larticle 83 de la Loi : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [29] Du cas despèce, à moins dêtre un expert en reconnaissance décriture, je crois quil demeure très difficile, sinon improbable, en lisant simplement le texte des évaluateurs, den connaître lauteur précis. [30] Je suis dopinion que la simple remise du texte constituant les renseignements en litige et, par mesure de précaution, sans les autres informations se trouvant sur les feuilles, dont le nom des évaluateurs nest pas de nature à révéler un renseignement nominatif, selon les termes de larticle 88 de la Loi : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
03 22 23 Page : 8 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [31] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de la demanderesse; [32] CONSTATE que la Ville na pas conservé tous les documents faisant lobjet du litige, et ce, en contravention de larticle 102.1 de la Loi; [33] ORDONNE à la Ville de communiquer à la demanderesse les renseignements en litige, sans les autres informations se trouvant sur les feuilles, dont le nom des évaluateurs; [34] REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Charest, Séguin, Caron (M me Lise Raymond, stagiaire en droit) Procureurs de l'organisme
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