Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 19 60 Date : Le 9 mai 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION [1] Le demandeur conteste la décision du Ministère de la Sécurité publique (le « Ministère ») lui refusant l’accès, selon les termes des articles 35, 37, 38 et 39 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), aux « […] minutes de l’état-major [de la Sûreté du Québec] pour la période débutant le 1 janvier 1997 jusqu’au 31 décembre 1998 sur l’ensemble des discussions concernant la fermeture des 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 19 60 Page : 2 sections de Montréal, St-Jean, Joliette et de l’ouverture des districts de M.L.L.L. et de la Montérégie. » [2] Une audience se tient à Montréal le 13 avril 2005. L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) Du Ministère M. André Marois [3] M. Marois, responsable de l’accès, remet à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») le document en litige. Il s’agit, dit-il, de sept pages émanant du Conseil de direction de la Sûreté du Québec (le « Conseil de direction ») portant spécifiquement sur le sujet de la demande d’accès. Il affirme que le document contient les extraits de comptes rendus des réunions discutant de l’organisation et la localisation des bureaux de la Sûreté du Québec en région. Il accepte de remettre au demandeur les pages 1, 3 et 6 indiquant les dates, lieux et heures des réunions. [4] M. Marois fait valoir que le Ministère refuse de communiquer le document en litige, selon les termes de l’article 35 de la Loi, étant les délibérations des membres du Conseil de direction. Il explique que le Conseil de direction est formé du directeur général et des directeurs adjoints nommés par le gouvernement du Québec en vertu des articles 55 et 56 de la Loi sur la police 2 : 55. La Sûreté du Québec est administrée et commandée par un directeur général, secondé par des directeurs généraux adjoints. Le directeur général et les directeurs généraux adjoints ont rang d'officiers. Les autres membres de la Sûreté se répartissent dans les catégories suivantes: 1° inspecteurs-chefs, inspecteurs, capitaines et lieutenants, qui ont rang d'officiers; 2° sergents et caporaux, qui ont rang de sous-officiers; 3° agents et agents auxiliaires. 2 L.R.Q., c. P-13.1.
03 19 60 Page : 3 La Sûreté comprend également: 1° du personnel non policier, notamment des spécialistes de différents domaines dont les compétences sont requises pour l'accomplissement de la mission de la Sûreté; 2° des cadets. 56. Le directeur général est nommé par le gouvernement. Les directeurs généraux adjoints, ainsi que les autres officiers, sont nommés par le gouvernement sur recommandation du directeur général. Les sous-officiers ainsi que les agents et agents auxiliaires sont nommés par le directeur général sur approbation du ministre. [5] M. Marois fait valoir que les documents en litige renferment également des avis et recommandations protégés par les articles 37 et 39 de la Loi. Il précise qu’il existe, aux pages 4 et 5 du document en litige, des informations non visées par la demande d’accès. [6] Interrogé par le demandeur, M. Marois indique que ses recherches couvrent la période mentionnée à la demande d’accès, soit du 1 er janvier 1997 au 31 décembre 1998. Il affirme que la Sûreté du Québec lui a communiqué tous les documents en lien avec la demande et qu’il n’en possède pas d’autres. ii) Du demandeur [7] Le demandeur raconte qu’il est un policier retraité de la Sûreté du Québec pour y avoir travaillé pendant 32 ans. Il explique avoir subi un préjudice à la suite de la modification, adoptée en 1998, des territoires desservis par la Sûreté du Québec. Ceux-ci ont été divisés en respectant les limites des municipalités régionales de comté (les « MRC »). [8] Le demandeur prétend que la Sûreté du Québec n’a pas respecté intégralement le processus décisionnel prévu en pareille situation, particulièrement en agissant sans l’adoption d’un décret et à l’encontre de la directive 10.206 et de l’article 39.01 du contrat de travail de l’Association provinciale des policiers du Québec régissant les policiers de la Sûreté du Québec (pièces D-1, D-2 et D-3) : 39.01 La fermeture ou la relocalisation d’un poste ou d’une unité de surveillance physique de Montréal et de Québec dans le cas de relocalisation, fait l’objet d’un préavis écrit de quatre (4) mois à l’Association.
03 19 60 Page : 4 [9] Le demandeur motive donc sa demande d’accès par l’impact négatif qu’a eu la décision de la Sûreté du Québec de scinder la région de Montréal en deux régions. La décision a provoqué son déménagement et des pertes liées notamment à son inéligibilité à un poste de direction. [10] Le demandeur ne comprend pas la justification du refus du Ministère en vertu de l’article 39 de la Loi, le délai de cinq ans étant largement dépassé : 39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date où l'analyse a été faite. [11] Le demandeur se dit victime d’une injustice et veut obtenir les documents en litige pour connaître ce qui s’est réellement passé. B) LES ARGUMENTS i) Du Ministère [12] La procureure du Ministère, M e Marie-Josée Bourgeault, annonce l’abandon des articles 38 et 39 de la Loi comme motifs de refus. Elle maintient les restrictions à l’accès des articles 35 et 37 de la Loi : 35. Un organisme public peut refuser de communiquer les mémoires de délibérations d'une séance de son conseil d'administration ou, selon le cas, de ses membres dans l'exercice de leurs fonctions, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze ans de leur date. 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence.
03 19 60 Page : 5 [13] M e Bourgeault avance que les pages 2, 4, 5 et 7 restant en litige permettent de suivre les discussions et le cheminement du Conseil de direction, constituant alors les délibérations de membres visés par l’article 35 de la Loi 3 . [14] M e Bourgeault allègue que les délibérations des membres de la Direction demeurent couvertes par l’article 35 de la Loi, même si la décision est prise et publique. [15] M e Bourgeault soumet que les informations aux pages en litige contiennent également des avis et recommandations ayant eu un impact sur une décision politique et administrative. Elles se trouvent donc protégées pour dix ans, selon l’article 37 de la Loi, incluant le nom des personnes étant intervenues à ce processus 4 . [16] M e Bourgeault soumet que l’intérêt du demandeur n’est pas utile dans la détermination de l’accessibilité ou non du document en litige. ii) Du demandeur [17] Le demandeur s’étonne qu’un sujet d’importance comme celui de la réorganisation et la localisation des bureaux de la Sûreté du Québec devant tenir compte du découpage territorial des MRC n’ait provoqué que trois réunions du Conseil de direction. Il réitère vouloir le document en litige pour compléter son dossier et vérifier si le Ministre a réellement été saisi des enjeux liés à cette réorganisation. DÉCISION [18] La Commission a déjà reconnu que l’article 35 de la Loi s’applique aux réunions d’un conseil de direction formé de membres nommés par le gouvernement. Cette restriction facultative vise à assurer l’indépendance des décideurs en protégeant les comptes rendus délibératifs des discussions tenues par les dirigeants, à l’exception de la décision elle-même constatant la fin de cette discussion 5 . 3 Groupe Auto-Psy c. Centre hospitalier Robert-Giffard, [1984-86] 1 C.A.I. 48 et [1988] C.A.I. 115 (C.Q.); Office du crédit agricole du Québec c. Boucher, [1987] C.A.I. 252. 4 Charrette c. Centre hospitalier Jeffery Hale, [1988] C.A.I. 170. 5 Groupe Auto-Psy c. Centre hospitalier Robert-Giffard, précitée, note 3, 49.
03 19 60 Page : 6 [19] L’article 37 de la Loi permet au Ministère de refuser les avis et recommandations soumis par l’un de ses membres dans l'exercice de ses fonctions. Les avis et recommandations ont été définis comme étant 6 : Le sens du mot «recommandation» de l'article 37 de la Loi d'accès «ne semble poser aucune difficulté puisqu'il a été défini dans de nombreuses décisions comme étant un énoncé proposant une ligne de conduite». […] […] Dans cette optique, il importe non pas de se référer précisément à une notion ou définition du dictionnaire, ni de tenter d'enchâsser le concept «avis» dans une définition quelconque, mais de qualifier ce concept dans le contexte qui est le sien en rapport avec les principes générateurs qui ont façonné la Loi d'accès. Il faut rechercher le sens contextuel. À cet égard, au risque de se répéter, il ne faut pas perdre de vue que l'article 37 est une restriction au droit général d'accès à des documents d'organismes publics et que la section à laquelle il appartient en témoigne indubitablement. Par surcroît, la sous-section d'où il provient en dit long quant à l'objet de cette exception: […]. Voilà le véritable contexte de nature à qualifier le sens du mot «avis». […] À partir du moment où l’organisme, ou quelqu’un pour lui, procède à une évaluation des faits, ou porte sur ceux-ci un jugement de valeur, en fonction de ce qui devrait être fait par le décideur, la loi permet à l’organisme de garder le secret. […] Dans ce contexte, les mots «avis» et «recommandation» expriment à des degrés divers une même chose, c'est-à-dire l'énoncé d'un jugement de valeur conditionnant l'exercice d'un choix entre diverses alternatives. […] Par contre, pour déterminer s’il s’agit d’un avis, l’étude du document convoité nécessite un exercice intellectuel plus rigoureux, pour percevoir si certaines parties sont 6 Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, [1991] C.A.I. 311, 320-321.
03 19 60 Page : 7 articulées de façon à avoir des «incidences sur les décisions administratives ou politiques». (soulignements ajoutés) [20] J’ai examiné les pages en litige. Je suis d’avis que les renseignements se trouvant à la page 2, et seulement ceux-ci, répondent, vu la preuve, aux conditions de l’article 35 de la Loi. Le Ministère ayant exercé sa discrétion d’en refuser la communication, le demandeur ne pourra obtenir copie des renseignements se trouvant à la page 2. [21] En ce qui concerne les autres renseignements en lien avec la demande d’accès, je constate que ceux-ci sont des décisions et non des avis ou recommandations au sens de l’article 37 de la Loi. Le demandeur pourra donc obtenir copie des renseignements faisant l’objet de sa demande, aux pages 5 et 7, masqués des noms de personnes s’y trouvant. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [22] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [23] CONSTATE que le demandeur a reçu à l’audience une copie des pages 1, 3 et 6 du document en litige; [24] ORDONNE au Ministère de communiquer au demandeur une copie des renseignements en lien avec sa demande, aux pages 5 et 7 en litige, à l’exception des noms de personnes s’y trouvant; [25] REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Bernard, Roy (Justice-Québec) (M e Marie-Josée Bourgeault) Procureurs de l'organisme
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