Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 03 76 Date : Le 25 juillet 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot [X] Et [Y] Demandeurs c. MINISTÈRE DU REVENU DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 30 janvier 2004, les demandeurs s’adressent à la Direction centrale de l’accès à l’information […] de l’organisme afin d’obtenir copie des documents concernant le travail d’Hélène Morand et de Claude Frigeau de l’organisme au sujet de la société Restaurant 7 ième ciel et des deux demandeurs ainsi qu’au dossier de perception de cette société. 1 L.R.Q., c. A-2.1 ci après appelée « la Loi ».
04 03 76 Page : 2 [2] Le 18 février suivant, le responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) rend sa décision concernant les 405 pages de documents visées par la demande d’accès : 1. 353 pages sont accessibles en totalité (323) ou en partie (30) moyennant le paiement, par les demandeurs à l’organisme, des frais exigibles pour la reproduction de ces pages par photocopieur, soit la somme de 96,42 $; 2. 35 pages sont inaccessibles en totalité au motif qu’elles contiennent, en substance, l’un ou l’autre ou plusieurs des renseignements visés par les dispositions 18, 19, 53, 54, 59 et 88 de la Loi et 69 et 69.0.0.3 de la Loi sur le ministère du Revenu 2 ; 3. 30 pages sont accessibles en partie. Certains renseignements qui s’y trouvent ont été retirés pour les même motifs que ceux mentionnés à l’appui de l’inaccessibilité des 35 pages précédentes; et 4. 17 pages proviennent de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et il serait préférable que les demandeurs s’adressent à cet organisme pour en avoir copie. Elles sont inaccessibles en application de l’article 19 de la Loi. [3] Les demandeurs contestent cette décision du Responsable et requièrent la Commission d’accès à l’information de la réviser. [4] Une audience en révision se tient et se termine en la ville de Montréal, au 500 boul. René-Lévesque Ouest, 18 e étage, le 5 mai 2005. Le délibéré peut commencer à cette date. L’AUDIENCE A. L’ÉTENDUE DU LITIGE [5] Il est entendu entre les parties que les demandeurs s’adresseront à l’Agence des douanes et du revenu du Canada pour obtenir la communication des 17 pages émanant de cet organisme fédéral. Ces pages ne sont pas en litige. [6] Les demandeurs ne contestent pas le nombre de pages que l’organisme est prêt à leur remettre en tout ou en partie, en photocopie. La Commission statue, par le présent paragraphe, que tant que les frais de reproduction exigibles afférents et 2 L.R.Q., c. M-31, ci-après appelée la « LMR ».
04 03 76 Page : 3 exigés par l’organisme ne seront pas acquittés par les demandeurs, ces derniers ne pourront se voir communiquer les photocopies des pages qu’ils voudront obtenir, l’organisme étant en droit de retarder l’envoi de ces photocopies pour le motif bien fondé de non-paiement des frais exigibles. [7] Restent en litige la totalité des 35 pages désignées au sous-paragraphe [2] 2 et certains renseignements contenus dans chacune des 30 pages désignées au sous-paragraphe [2] 3 pour les motifs indiqués. B. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de monsieur Bernard Blanchet [8] Monsieur Blanchet est conseiller en accès à la Direction centrale de l’accès à l’information de l’organisme. [9] Il déclare avoir traité la demande d’accès en cause. [10] Il dépose sous la cote O-1 la partie accessible des 30 pages du groupe [2] 3 afin de faciliter le repérage des parties de ces documents qui sont en litige. [11] Il déclare avoir obtenu les consentements réciproques à la communication des renseignements nominatifs et fiscaux des personnes concernées par ces renseignements et les dépose, en liasse, sous la cote O-2. [12] Il remet entre les mains de la Commission, sous pli confidentiel, les documents en litige. Les pages totalement soustraites de l’accès sont numérotées 1 à 35 par la Commission. [13] Chacune des pages en litige et chacun des renseignements en litige qu’elles contiennent sont abordés par le témoin. [14] Ce dernier explique chacun des motifs qui fondent le refus de communiquer chacun de ces renseignements, lesquels motifs sont énumérés dans la réponse du Responsable sous examen. [15] Cette preuve s’étant faite en présence des demandeurs, il est évident que le témoin s’est abstenu de dévoiler les renseignements en litige, se limitant à en souligner l’endroit où il se trouve et la nature, sachant que la soussignée pouvait les lire et les identifier au fur et à mesure du témoignage.
04 03 76 Page : 4 [16] Chacun des motifs de refus invoqués par le Responsable a été abordé par le témoin en regard de chaque renseignement qu’il vise. ii) des demandeurs [17] Les demandeurs ne présentent aucun élément de preuve. C. LES ARGUMENTS i) de l’organisme [18] L’avocat de l’organisme plaide qu’il faut suivre ici la jurisprudence constante de la Commission protégeant les dénonciateurs et les auteurs d’une plainte lorsque leur identité risque d’être dévoilée par la communication du contenu de la dénonciation ou de la plainte 3 . Cette jurisprudence établit que ce renseignement d’identité de même que celui révélant le simple fait d’avoir dénoncé sont des renseignements nominatifs protégés par les articles 53, 54 et 59 alinéa premier de la Loi et 88 de la Loi. [19] Il soutient également que la jurisprudence de la Commission a toujours acquiescé à la protection des renseignements fournis par des tiers dans l’application d’une loi fiscale en vertu des articles 69 et 69.0.0.3 de la LMR ainsi que des renseignements visés par les articles 18 et 19 de la Loi 4 . [20] L’avocat de l’organisme dépose à l’onglet 10 de ses autorités, à titre de référence, les articles 129 et 130 de l’Entente relative à l’administration par le Québec de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C., ch E-15) concernant la taxe sur les produits et services. ii) des demandeurs [21] Les demandeurs s’en remettent à la décision de la Commission, réitérant que leur réelle préoccupation est de connaître l’identité des dénonciateurs. 3 X. c. Montréal, (Ville de), [] 2003 CAI 442, 444; Pratte c. Université de Montréal, [2000] CAI 287,297, 298; Corporation d’habitations Jeanne-Mance c. Lacroix, [1997] CAI 427 (C.Q.) 429, 430; Buffone c. Québec (Ministère du Revenu), [1996] CAI 85, 87 (requête pour permission d’appeler accueillie, C.Q.M. 500-02-033410-965 et 500-02-033513-966, règlement hors cour, 15 septembre 1997). 4 Levasseur c. Québec (Ministère du Revenu), [1998] CAI 288, 291; Sdiri, Mohamed c. Ministère du Revenu du Québec, CAI Québec 98 16 39, 3 septembre 1999.
04 03 76 Page : 5 [22] En effet, ils estiment que le fait de leur cacher ces informations viole leurs droits fondamentaux dont le respect est garanti par la Charte des droits et libertés de la personne 5 . DÉCISION [23] J’ai examiné les documents et les parties des documents qui sont en litige. [24] Les dispositions applicables en l’espèce sont les articles 18, 19, 53, 54, 59 alinéa premier, 88 et 14 (partie soulignée) de la Loi et les articles 69 et 69.0.0.3 de la LMR : 18. Le gouvernement ou un ministère peut refuser de communiquer un renseignement obtenu d'un gouvernement autre que celui du Québec, d'un organisme d'un tel gouvernement ou d'une organisation internationale. Il en est de même du lieutenant-gouverneur, du Conseil exécutif et du Conseil du trésor. 19. Un organisme public peut refuser de communiquer un renseignement lorsque sa divulgation porterait vraisemblablement préjudice à la conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un autre gouvernement ou une organisation internationale. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si 5 L.R.Q. c, C-12.
04 03 76 Page : 6 l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. […] 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. (Les soulignement sont de la soussignée) 69. Le dossier fiscal d'une personne est confidentiel et tout renseignement qu'il contient ne peut être utilisé ou communiqué à moins que cette personne n'y consente ou que cette utilisation ou communication ne
04 03 76 Page : 7 soit effectuée conformément à la présente loi. Le dossier fiscal d'une personne est constitué des renseignements que le ministre détient à son sujet pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale. Ne font pas partie du dossier fiscal une procédure judiciaire prise pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale, de même que la décision qui en découle. Ne constitue pas un dossier fiscal un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère du Revenu, en application du premier alinéa de l'article 2 et des articles 3 à 6, ou pour une infraction, en application des articles 71.3.1 à 71.3.3. 69.0.0.3. Malgré l'article 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ( chapitre A-2.1), le ministre doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement contenu dans son dossier fiscal lorsqu'il est raisonnable de considérer que sa divulgation révélerait un renseignement concernant une autre personne ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente ou que le renseignement ne soit nécessaire à l'application ou à l'exécution, à l'égard de la personne, d'une loi fiscale ou d'une loi, d'un chapitre ou d'un programme prévu au paragraphe b du premier alinéa de l'article 69.0.0.7. [25] Tous les renseignements que les documents et les parties de document en litige contiennent sont visés par l’une ou l’autre des dispositions invoquées par l’organisme pour en refuser l’accès. Lorsque les documents sont totalement exclus de l’accès, ces renseignements en forment la substance au sens de la partie ci-haut soulignée de l’article 14 de la Loi. [26] Je suis d’avis que le Responsable était fondé de refuser l’accès aux renseignements et documents demandés qui restent toujours en litige.
04 03 76 Page : 8 [27] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’organisme : M e Alain-François Meunier (Veillette, Larivière, avocats)
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