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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 07 55 Date : Le 21 avril 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demandeur c. UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS formulée en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 24 mars 2004, le demandeur formule au Responsable de l'accès de lorganisme (le Responsable) une demande d'accès formulée en ces termes : Conformément à la Loi sur laccès aux documents des organismes publics, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me communiquer : 1) tout document concernant une entente entre lUniversité de Sherbrooke et lun ou lautre de ses employés au sujet des droits de propriété intellectuelle et des droits dauteur de tout produit dérivé du projet intitulé « Le français standard en usage au Québec »; 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée la « Loi ».
04 07 55 Page : 2 2) […] [2] Le 14 avril 2004, le Responsable refuse au demandeur laccès à ces ententes au motif que celles-ci contiennent des renseignements personnels concernant leurs auteurs. [3] Le 5 mai 2004, le demandeur requiert la Commission de réviser cette décision du Responsable en ce qui regarde le point 1) de sa demande daccès. [4] Une audience se tient en la ville de Québec le 26 novembre 2004. Des événements imprévus à la direction de la Commission en 2003 et 2004 ont causé la suspension du délibéré dans un nombre appréciable de causes déjà entendues par la soussignée et ce, jusquen octobre 2004, la suspension des délibérés a été levée dans tous ces dossiers à la fois. Cette accumulation de dossiers en délibéré est la cause directe des retards dans la rédaction des décisions. L'AUDIENCE A. LA PREUVE i) de lorganisme Témoignage de monsieur Martin Buteau [5] Monsieur Buteau est secrétaire général de lorganisme. Il exerce également la fonction de Responsable de laccès de lorganisme. [6] Il déclare avoir traité la demande daccès en cause ici. [7] Pour ce faire, il sest dabord adressé au service des archives de lorganisme afin que soient récupérés les documents en cause et que copie de ces derniers lui soit transmise pour analyse. [8] Le service des archives lui a donc remis copie de deux documents, lesquels documents sont les seuls qui peuvent répondre au point 1) de la demande daccès. [9] Il dépose sous pli confidentiel entre les mains de la Commission les deux documents en litige suivants :
04 07 55 Page : 3 document 1 Copie dune Convention signée le 29 juin 1998, entre lorganisme et certaines personnes conjointement appelées « les auteurs », ayant un lien avec le projet intitulé, selon le demandeur, « Le français standard en usage au Québec » (5 pages); et document 2 Copie dun projet de convention intitulé « Addendum à la convention intervenue le 29 juin 1998 » lequel projet préparé en 2002, na pas été signé par toutes les parties à la convention originale du 29 juin 1998 (2 pages). [10] Le témoin déclare que cette convention (document 1) na jamais été exécutée en raison de la remise sine die de la signature du document 2. [11] Le témoin est davis que le document 1 ne constitue pas un contrat de service au sens du paragraphe 3° du premier alinéa de larticle 57, ni nest relié aux « fonctions » quoccupe quelque employé que ce soit de lorganisme au sens du paragraphe 2° du même alinéa. [12] Le témoin déclare avoir contacté les signataires de la Convention du 29 juin 1998. Les « auteurs » lui ont communiqué quils refusent que les renseignements nominatifs les concernant soient divulgués. [13] Larticle 53 et le premier alinéa de larticle 59 de la Loi sappliquent au cas en lespèce. Il doit protéger les renseignements nominatifs qui forment la substance de ces documents. [14] Il déclare que même si le projet « Le français standard en usage au Québec » est connu du public, le document 1 na jamais été rendu public. [15] En contre-interrogatoire, et à la suite du témoignage du demandeur qui a déclaré que les « auteurs » sont des professeurs chez lorganisme et sont les porteurs du projet de lorganisme appelé le « projet FRANQUS », le témoin acquiesce à cet énoncé. [16] Il explique que les fonctions, rôle et statut des professeurs oeuvrant au sein de lorganisme sont peu définis, même aux termes de la convention collective. [17] Il ajoute que certaines activités permises aux professeurs duniversité et qui sont prévues à leur convention collective font référence à des concepts qui
04 07 55 Page : 4 ne sont pas bien définis et qui font lobjet de nombreuses discussions dans la communauté universitaire. [18] Il rappelle quun professeur peut toujours refuser de participer à certaines de ces activités sans être pénalisé, ce qui révèle un certain flou dans la détermination des tâches spécifiquement attribuées au poste de professeur duniversité. [19] Après avoir entendu le témoignage du demandeur ci-après rapporté, le témoin exprime le désir de donner, ex parte et à huis clos, donc en labsence du demandeur et du public, des explications plus précises sur les documents en litige et sur le contexte entourant les raisons du refus de lorganisme de les divulguer, ce qui lui est accordé en vertu des articles 19 et 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation 2 . [20] À cette occasion, il déclare, entre autres, que lidentité des « auteurs » est connue du public et du demandeur, comme le révèle le témoignage de ce dernier. Il est convaincu que le fait de rayer les noms, coordonnées et signature des « auteurs » sur les documents faisant lobjet des demandes daccès et de révision lors de leur divulgation naurait aucun effet protecteur de la confidentialité des renseignements contenus à ces documents. [21] En effet, la simple lecture des seules clauses et conditions de la convention (document 1) et de son addendum non signé (document 2) révélera une foule de renseignements nominatifs sur les auteurs, étant donné que lidentité de ces derniers est connue de tous dans le milieu et, généralement, dans le public informé. [22] Il ne peut affirmer que lextrait de la convention collective des professeurs de luniversité Laval déposé sous la cote D-1 contienne des dispositions identiques à celles en vigueur entre lorganisme et ses professeurs. ii) du demandeur Témoignage du demandeur 2 L.R.Q. c. A-2.1, r.2 : art. 19. Lorsque la demande de révision porte sur la protection des renseignements personnels, la Commission procède à huis clos toutes les fois cela est nécessaire pour éviter que ne soient divulgués des renseignements susceptibles d'être protégés par la Loi. 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi.
04 07 55 Page : 5 [23] Le demandeur a déposé un document contenant des déclarations et des représentations telles quil les a livrées en substance lors de laudience. [24] Il convient de déposer ce document sous la cote D-2, un autre document ayant déjà reçu la cote D-1 lors de laudience. [25] Le demandeur déclare que madame Hélène Cajolet-Laganière et monsieur Pierre Martel sont porteurs dun projet appelé projet FRANQUS (Le français en usage au Québec) quils ont soumis à lorganisme. [26] Il déclare que ces personnes sont professeurs à lemploi de lorganisme. [27] Il explique que lun des objectifs de ce projet est de publier et de commercialiser un Dictionnaire général et normatif du français québécois. [28] Il déclare que lorganisme a signé avec un ou plusieurs des membres de son personnel une entente concernant les droits de propriété intellectuelle et les droits dauteurs en vue de la commercialisation des produits issus du projet FRANQUS. [29] Il utilise indifféremment les termes « FRANQUS », « Le français standard en usage au Québec » et « Le français en usage au Québec » pour désigner le projet visé par sa demande daccès. [30] Il dépose, sous la cote D-1, des extraits de la convention collective des professeurs de lUniversité Laval actuellement en vigueur concernant les fonctions universitaires des professeurs (articles 2.1.01 à 2.1.08). B. LES REPRÉSENTATIONS i) de lorganisme [31] Lavocat de lorganisme prétend que les documents 1 et 2 en litige contiennent, en substance, des renseignements nominatifs concernant les signataires appelés « auteurs » en raison de la connaissance que le public en général et le demandeur ont de lidentité de ces personnes physiques. [32] Lavocat de lorganisme prétend que la seule lecture des documents en litige convainc que les paragraphes 2° et 3° de larticle 57 ne sappliquent pas en
04 07 55 Page : 6 lespèce. La fonction de professeur et la notion de contrat de service ne sont pas en cause ici. ii) du demandeur [33] Le demandeur prétend que le projet ayant été financé par des fonds publics, les contribuables ont le droit de savoir à quoi sert largent versé à son exécution par des employés dun organisme public. [34] Il estime quau nom de la transparence, lorganisme doit dévoiler les conditions de ces ententes ou conventions. DÉCISION [35] La lecture des documents en litige et le témoignage de monsieur Buteau démontrent quen raison de linexécution de laddendum (document 2) et de linexécution dune ou de plusieurs conditions de la convention principale (document 1), cette dernière na jamais été exécutée et aucune somme na été versée aux auteurs ou à quiconque en vertu de cette convention principale. [36] Celle-ci est, de toute évidence, de la nature dune entente de principe dont la réalisation dans le détail est assujettie à la survenance de nombreuses conditions ou à lexécution préalable de certains engagements. [37] La prépondérance de la preuve démontre que le demandeur et le public connaissent lidentité des « auteurs » signataires du document 1 et que ces derniers sont ceux que le demandeur a nommés dans son témoignage ou dans le document D-2. [38] À partir du moment le nom des personnes physiques porteuses du projet en cause est connu du public, les conditions des conventions relatives à ce projet et auxquelles ces personnes physiques ont consenti constituent des renseignements nominatifs concernant ces personnes même si leur nom, adresse et signature sont masqués sur les documents en litige. [39] La Commission est davis que lorganisme ne doit pas les dévoiler en application des articles 53, 54, 56 et lalinéa premier de larticle 59 étant donné que le demandeur na présenté aucun élément de preuve tendant à établir quil est une des personnes visées par les paragraphes 1° à 9° du deuxième alinéa de ce dernier article :
04 07 55 Page : 7 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est
04 07 55 Page : 8 requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement.
04 07 55 Page : 9 [40] Le demandeur a prétendu dans ses propres mots, que ces renseignements nominatifs se trouveraient toutefois revêtus dun caractère public en raison de la fonction des « auteurs » qui sont des membres du personnel de lorganisme et également parce que les services à rendre en vertu des ententes ou conventions en litige sont rétribués par des fonds publics ou des subventions gouvernementales. [41] Il faut en déduire quil prétend donc que larticle 55 et les paragraphes 2° et 3° du premier alinéa de larticle 57 de la Loi doivent trouver application : 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1° […] 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3° un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; 4° […] [42] Bien quil soit établi que ces « auteurs » occupent le poste de professeurs au sein de lorganisme, rien dans la preuve ou à la lecture des documents en litige nest venu établir que ces « auteurs » ont signé le document 1 dans lexercice de leur fonction à titre de professeur chez lorganisme. [43] On peut donc raisonnablement conclure du dernier énoncé que les dispositions contractuelles contenues aux documents 1 et 2 ne peuvent être interprétées comme constituant lexercice des « fonctions » de ces personnes au sein de lorganisme. [44] Le contenu des documents en litige ne peut être assimilé à la fonction dun membre du personnel de lorganisme au sens du paragraphe 2° du premier alinéa de larticle 57 de la Loi, donc ne peut être revêtu du caractère public que cette disposition propose.
04 07 55 Page : 10 [45] La jurisprudence 3 récente hésite à étendre la notion de fonction, apparaissant à larticle 57, beaucoup plus loin quaux renseignements sur le type de poste occupé, sur les caractéristiques de cette fonction ou sur la description de tâches attribuées à ce poste ou à cette fonction, cest-à-dire, en général, sur les renseignements pertinents pour comprendre en quoi consiste la fonction dun membre du personnel dun organisme. [46] La Commission est convaincue que le contenu des documents en litige nentre pas dans cette notion de fonction. [47] À lexamen des documents en litige, la Commission est convaincue quils ne constituent pas un contrat de service au sens des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec 4 : 2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer. [48] Les documents en litige nétant pas visés par le paragraphe 3° du premier alinéa de larticle 57, ils ne sont pas susceptibles de contenir des renseignements à caractère public. [49] De plus, le témoignage de monsieur Buteau a révélé que la convention principale (document 1) na jamais été exécutée, pour cause. Il ny a donc aucun avantage économique qui a été consenti par lorganisme ni aucun montant dargent qui a été transféré par lorganisme aux « auteurs » en vertu de celle-ci. [50] Lexigence de transparence imposée aux organismes publics est certes beaucoup plus significative lorsque des fonds publics sont en jeu. Lorsquaucune somme nest versée en vertu dune entente ou dune convention parce que celle-ci nest pas exécutée, pour cause, la divulgation de la nature des avantages 3 Cardinal c. Leclerc, [1999] CAI 492 (C.Q.); Lachine (Ville de) c. Leclerc, [1999] CAI 482 (C.Q.); Bureau du commissaire des incendies de la Ville de Québec c. Assurance Royale, [1999] CAI 497 (C.Q.); Moreau c.Val-Bélair (Ville de), [1999] CAI 214; Laforest c. Caisse de dépôt et placement du Québec, 2004AC-20. 4 L.Q., 1991, c. 64.
04 07 55 Page : 11 économiques qui auraient été consentis en raison de cette convention devient vraisemblablement sans objet. [51] De toute évidence, les objectifs de transparence des organismes publics visés par le paragraphe 4° du deuxième alinéa de larticle 57 de la Loi ne peuvent saccomplir ici : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: […] 4° le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. […] [52] La décision de lorganisme de refuser laccès aux documents demandés est donc bien fondée. Ces documents contiennent en substance des renseignements nominatifs concernant les personnes physiques qui les ont souscrits. [53] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. DIANE BOISSINOT commissaire Avocat de lorganisme : M e Jean-Guy Marchesseault
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