Commission d’accès à l’information du QUébec Dossier : 04 07 26 Date : 15 avril 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. Curateur public du Québec Organisme public DÉCISION L’OBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 31 mars 2004, la demanderesse requiert de M me Manon Lamarche, du Curateur public (l’ « organisme ») de lui faire parvenir une copie intégrale des documents contenus au dossier de sa mère qu’elle identifie. [2] Le 1 er avril suivant, M me Lamarche, responsable de la confidentialité et de l’accès en vertu de la Loi sur le Curateur public 1 (« la L.C.P. »), transmet à la demanderesse un accusé de réception dans lequel elle l’informe que cette loi s’applique à sa mère et non la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 . Elle ajoute que la mère de la demanderesse « bénéficie depuis le 26 octobre 1999 d’un régime de protection consistant en une tutelle aux biens et à la personne assumée par le Curateur public. » 1 L.R.Q., chapitre C-81. 2 L.R.Q., c. A-2.1.
04 07 26 Page : 2 [3] Le 8 avril, M me Lamarche réfère la demanderesse à l’article 52 de la L.C.P. indiquant, entre autres, les personnes pouvant avoir accès au dossier d’une personne bénéficiant de ce régime de protection. Elle lui demande, d’une part, de s’identifier par des pièces justificatives, et, d’autre part, de lui faire connaître les motifs de cette demande. La demanderesse y répond le 23 avril 2004. [4] Le 28 avril 2004, la demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), pour que celle-ci révise la décision de l’organisme. L’AUDIENCE [5] La présente cause est entendue, le 24 mars 2005, à Montréal, en présence de la demanderesse et du témoin de l’organisme étant représenté par M e Claire-Élaine Audet. MOYENS PRÉLIMINAIRES [6] M e Audet informe la soussignée qu’elle entend plaider que l’intervention de la Commission n’est pas utile et qu’elle devrait cesser d’examiner la présente affaire, selon les dispositions prévues à l’article 130.1 de la Loi sur l’accès. Elle ajoute que la Commission n’a pas la compétence pour disposer de cette cause, et ce, en vertu des articles 50, 51, 52 de la L.C.P. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME [7] M e Audet fait témoigner M e Hélène Drapeau. Celle-ci déclare qu’elle est répondante de l’accès aux documents pour l’organisme. Dans le cadre de ses fonctions, elle procède aux traitements des demandes d’accès que formulent les demandeurs tant en vertu de la Loi sur l’accès, qu’en vertu de la L.C.P. Elle affirme avoir traité la demande faisant l’objet du présent litige portant la signature respective des enfants de M me M. D., incluant la demanderesse (pièce O-1). [8] M e Drapeau précise qu’il existe deux régimes de protection : a) Le « régime de protection privé » est celui par lequel la Cour supérieure du Québec prononce, entre autres, l’ouverture d’un régime de protection dans
04 07 26 Page : 3 l’intérêt d’une personne majeure et nomme, à titre d’exemple, un membre de la famille, un allié, un ami comme représentant légal de cette personne; b) Pour le « régime de protection public », la Cour supérieure du Québec rend un jugement prononçant notamment l’ouverture d’un régime de protection dans l’intérêt d’une personne. Elle nomme cependant le Curateur public comme représentant légal à la personne et aux biens. [9] Elle précise qu’après vérifications aux « Registres des régimes de protection », elle a alors constaté que l’organisme est le représentant légal à la personne et aux biens de M me M. D. (pièce O-2), et ce, en vertu d’un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec (pièce O-3). M me Lamarche a alors fait parvenir à la demanderesse une lettre l’informant notamment que depuis le 26 octobre 1999, sa mère bénéficie « d’un régime de protection consistant en une tutelle aux biens et à la personne assumée par le Curateur public. » (pièce O-4) LES REPRÉSENTATIONS DE L’ORGANISME [10] M e Audet plaide que les dispositions législatives contenues au 1 er alinéa de l’article 2.2 de la Loi sur l’accès démontrent que la L.C.P. s’applique dans la présente cause, et ce, tel qu’a statué la Commission dans les affaires Greenbaum c. Curateur public 3 . En appel de cette décision, la Cour du Québec 4 a notamment indiqué que : […] La Commission a décidé que le deuxième alinéa de l’article 2.2 de la Loi sur l’accès déniait juridiction à la Commission lorsqu’il s’agit d’accès aux documents contenus dans un dossier que le Curateur public détient sur une personne qu’il représente ou dont il administre les biens puisqu’il prescrit spécifiquement que seule la fonction d’enquête administrative de la Commission peut s’exercer aux termes des articles 123, 127 et 128.1 de la Loi sur l’accès. […] 3 C.A.I. Montréal, n os 94 09 61, 94 10 23, 17 février 1995, c. Cyr et C.A.I. Montréal, n os 94 02 83, 93 11 06, 31 mai 1994, c. Cyr. 4 C.Q. Montréal, n o 500-02-012726-944, 10 août 1994, j. Mailloux.
04 07 26 Page : 4 [11] M e Audet argue que le 2 e alinéa de l’article 2.2 réfère aux articles de la Loi sur l’accès indiquant les conditions législatives permettant à la Commission d’exercer sa fonction. [12] Par ailleurs, M e Audet plaide que la consultation d’un dossier détenu par l’organisme est interdite à quiconque, à l’exception des personnes mentionnées à l’article 52 de la L.C.P. Elle précise cependant que, malgré le 4 e paragraphe de cet article prévoyant l’accessibilité de ce dossier à un proche parent, l’organisme conserve quand même la discrétion de ne pas le communiquer. [13] Dans le présent cas, l’avocate plaide que toute décision prise par l’organisme à l’égard de M me M. D. l’a été dans son intérêt tel qu’il est prévu à l’article 257 du Code civil du Québec 5 (le « C.c.Q. »). [14] M e Audet signale de plus que, malgré son état d’inaptitude, M me M. D. conserve les mêmes droits que toute autre personne, c’est-à-dire les droits au respect de sa vie privée, à la sauvegarde à son honneur et à sa réputation, et ce, en vertu des articles 35 du C.c.Q., 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne 6 . [15] M e Audet ajoute que le législateur exige de l’organisme, à l’article 51 de la L.C.P., l’obligation de maintenir un dossier sur chaque personne qu’il représente ou dont il administre les biens. Ce dossier est confidentiel. DE LA DEMANDERESSE [16] La demanderesse, pour sa part, indique qu’elle est d’avis que toute personne a droit au respect de sa vie privée, incluant sa mère, M me M. D. Elle estime cependant avoir rencontré tous les critères législatifs pour avoir accès aux documents contenus à son dossier. Elle précise de plus que M me M. D. a consenti, par écrit, à ce qu’elle s’adresse à l’organisme et a fourni à ce dernier la documentation nécessaire. Les documents contenus au dossier de sa mère devraient donc lui être accessibles. LA DÉCISION [17] Il importe de citer les articles pertinents à la présente cause. Ce sont les articles : 2.2, 123, 127, 128.1, 130.1 de la Loi sur l’accès, 50 à 52 de la L.C.P., 35, et 257 du C.c.Q. 5 L.Q. 1991, c. 64. 6 L.R.Q., c. C-12.
04 07 26 Page : 5 Articles de la Loi sur l’accès 2.2 L'accès aux documents contenus dans un dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens, de même que la protection des renseignements personnels contenus dans un tel dossier, sont régis par la Loi sur le curateur public (chapitre C-81). A l'égard des renseignements personnels contenus dans un tel dossier, la présente loi ne s'applique que pour permettre à la Commission d'exercer la fonction visée au paragraphe 6° de l'article 123 et les pouvoirs visés au paragraphe 3° de l'article 127 et à l'article 128.1. 123. La Commission a également pour fonctions: […] 6° de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. 127. La Commission peut, de sa propre initiative ou sur la plainte d'une personne intéressée, faire enquête sur: […] 3° le respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que détient le curateur public sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. L'enquête est secrète. Seul un membre de la Commission ou un membre de son personnel de direction désigné par écrit à cette fin par la Commission peut prendre connaissance des renseignements nominatifs versés au fichier ou des renseignements personnels contenus dans un dossier visé au paragraphe 2° et 3° du premier alinéa. Toutefois, un membre du personnel de la Commission peut, si la Commission l'autorise par écrit, prendre connaissance des renseignements personnels contenus dans un dossier visé au paragraphe 2° et 3° du premier alinéa. 128.1 La Commission peut au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 2 o du premier alinéa de l'article 127 et après avoir fourni à l'organisme public qui détient le dossier visé à ce paragraphe l'occasion de présenter des observations écrites:
04 07 26 Page : 6 1° ordonner à un organisme public de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements personnels contenus dans un dossier ayant trait à l'adoption d'une personne; 2° indiquer les mesures nécessaires à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels contenus dans un tel dossier; 3° indiquer les conditions particulières auxquelles la gestion d'un tel dossier peut être assujettie. La Commission exerce les mêmes pouvoirs à l'égard du curateur public au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 3 o du premier alinéa de l'article 127. 130.1 La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n'est manifestement pas utile. Articles de la Loi sur le Curateur public. 50. Le curateur public doit maintenir un dossier sur chacune des personnes qu’il représente ou dont il administre les biens. 51. Le dossier d’une personne que le curateur public représente ou dont il administre les biens est confidentiel. 52. Nul ne peut prendre connaissance d’un dossier maintenu par le curateur public sur une personne qu’il représente ou dont il administre les biens, en recevoir communication écrite ou verbale ou autrement y avoir accès si ce n’est : 1° le personnel du curateur public dans l’exercice de leurs fonctions; 2° la personne que le curateur public représente ou a représenté et celle dont il administre les biens ou leurs ayants cause ou héritiers; 3° le titulaire de l’autorité parentale de la personne que le curateur public représente, avec l’autorisation de ce dernier; 4° le conjoint, un proche parent, un allié, toute autre personne ayant démontré un intérêt particulier pour le majeur ou la personne qui a reçu une délégation du curateur public, avec l’autorisation de ce dernier; 5° le Protecteur du citoyen.
04 07 26 Page : 7 Exception. Néanmoins, le curateur public peut attester qu’une personne est mineure ou sous un régime de protection et indiquer le nom du tuteur ou curateur, à la demande d’une personne intéressée. Articles du Code civil du Québec 35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise. 257. Toute décision relative à l’ouverture d’un régime de protection ou qui concerne le majeur protégé doit être prise dans son intérêt, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie. Le majeur doit, dans la mesure du possible et sans délai, en être informé. [18] La preuve démontre que le législateur a cru nécessaire d’indiquer clairement au 1 er alinéa de l’article 2.2 de la Loi sur l’accès que l’accès aux documents contenus dans le dossier d’une personne que l’organisme représente ou dont celui-ci administre les biens, de même que la protection des renseignements personnels contenus dans ce dossier sont régis par la Loi sur le curateur public. [19] Dans le cas présent, la demanderesse affirme vouloir obtenir une copie des documents contenus au dossier de sa mère, M me M. D. Par jugement de la Cour supérieure du Québec, l’organisme a été nommé, le 26 octobre 1999, « curateur pour prendre soin de sa personne et administrer ses biens. » À partir de cette date, l’organisme devient son représentant légal. [20] Ainsi, la preuve démontre que les renseignements se trouvant dans le dossier de M me M. D. sont protégés par le premier alinéa de l’article 2.2. de la Loi sur l’accès précité, et ce, tel qu’il est notamment indiqué dans la décision Strike c. Curateur public 7 . 7 C.A.I. Montréal, n o 03 04 78, 4 avril 2003, c. Grenier.
04 07 26 Page : 8 [21] De plus, dans une autre décision Greenbaum c. Curateur public 8 , la Commission a statué que : […] La preuve démontre clairement que le document en question réfère à une personne qui est une protégée du Curateur Public en vertu d’une décision de la Cour Supérieure. Ainsi, les informations détenues par rapport à cette personne font partie de son dossier et son confidentielles en vertu des articles 50, 51 et 52 de la Loi sur le curateur public. Il s’agit d’un régime d’exception à l’économie générale de la Loi sur l’accès, prévu spécifiquement à l’article 2.2 de cette dernière loi. Dans de semblables circonstances, la Commission doit décliner juridiction comme l’indique la Cour du Québec dans l’arrêt Ura Greenbaum c. Curateur public et Pierre Cyr et Commission d’accès à l’information précité. […] [22] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse contre le Curateur public; FERME le présent dossier n o 04 07 26. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Claire-Élaine Audet Procureure de l’organisme 8 C.A.I. Montréal, n o 02 03 25, 11 février 2003, c. Stoddart.
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