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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 02 87 Date : 15 avril 2005 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. Ville de Rosemère Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE LA DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 10 février 2004, le demandeur requiert de l'organisme une copie dune étude qui aurait été préparée pour le compte de celui-ci en regard des « coûts dexpropriation que subirait la ville de Rosemère pour lexpropriation des terrains situés dans la forêt du Grand Coteau ». [2] Le 12 février, par lentremise de M e Patrick St-Amour, directeur des services juridiques et greffier, lorganisme refuse au demandeur l'accès audit document selon les termes du 2 e alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 02 87 Page : 2 [3] Le demandeur sollicite, le 23 février, lintervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour que celle-ci révise la décision de lorganisme. L'AUDIENCE [4] La présente cause est entendue le 12 janvier 2005, à Montréal, en présence du demandeur et des témoins de lorganisme. LA PREUVE A) DE LORGANISME [5] M e Patrick St-Amour affirme quil est, entre autres, directeur et responsable de laccès aux documents. Celui-ci déclare que lorganisme a retenu les services professionnels de M. Vincent Ladouceur, de la firme Paris Ladouceur & Associés, évaluateurs agréés. Ces derniers sont des consultants externes qui avaient, entre autres, pour mandat « dévaluer la valeur marchande dun terrain vacant » identifié « et non développé » par lorganisme. M e St-Amour dépose confidentiellement le rapport dévaluation faisant lobjet du présent litige. [6] M e St-Amour précise que M. Ladouceur a procédé, entre autres, à lanalyse des éléments recueillis, il a fait un estimé de la valeur marchande et du coût de lexpropriation dudit terrain. Il a émis des opinions, tel quil est indiqué, à titre dexemple, à la page 10 et à lannexe IV du rapport dévaluation. M e St-Amour considère que le 2 e alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès sapplique à cette partie de ce document. La « lettre dopinion » et lannexe III jointes sont également refusées au demandeur pour le même motif. [7] De plus, M e St-Amour souligne que M. Ladouceur a examiné différentes méthodes de comparaison, lesquelles se situent entre les pages 13 à 26 inclusivement du rapport dévaluation. Parmi ces méthodes de comparaison, au nombre de 3, lorganisme doit en choisir une, ce quil na toujours pas fait. [8] Quant à lannexe IV, M e St-Amour déclare quil sagit du curriculum vitae de M. Ladouceur. Ce document ne devrait pas être accessible au demandeur, car il contient des renseignements nominatifs concernant cette personne.
04 02 87 Page : 3 [9] M e St-Amour ajoute avoir transmis au demandeur une copie élaguée du rapport dévaluation, mais celui-ci souhaite en obtenir une copie intégrale. B) DE CHANTAL GAUVREAU [10] M me Gauvreau déclare solennellement quelle est directrice générale de lorganisme. Après avoir pris connaissance de la demande daccès, elle a requis de M. Pierre Pauzé, du Service de lurbanisme, loriginal du rapport dévaluation incluant ses annexes. Ce rapport vise un développement immobilier dans le secteur de « la forêt du Grand Coteau. » [11] M me Gauvreau affirme quelle-même et la mairesse de lorganisme, M me Monique Richer ont discuté du contenu du rapport. Elle précise que le processus décisionnel nest toujours pas terminé. CONTRE-INTERROGATOIRE [12] En contre-interrogatoire, M me Gauvreau déclare que le rapport est conservé dans un endroit sécuritaire sous clé. Elle est la seule personne à y avoir accès, la mairesse ou dautres personnes nen détiennent pas une copie. [13] De plus, M me Gauvreau émet des commentaires sur des renseignements quelle a fournis et qui apparaissent dans des articles de journaux relativement à cette affaire (pièce D-1). Elle ajoute quelle faisait alors référence, par exemple, à « des techniques » existant pour pouvoir « évaluer la valeur dun site dans le cas dune expropriation pour compenser la perte de revenus dun développement et les contraintes dune expropriation, on peut aller jusquà 10 millions de dollars dans ce cas-ci». LES ARGUMENTS A) DE LORGANISME [14] M e St-Amour prétend que le deuxième alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès visant des avis ou recommandations faits par un consultant sapplique à la présente cause. Pour mieux saisir la définition des mots « avis » ou « recommandations » indiqués à cet article, il réfère à la décision rendue, par la
04 02 87 Page : 4 Cour du Québec, dans laffaire Deslauriers c. ministère de la Santé et des Services sociaux 2 . M e St-Amour précise que le rapport contient des avis émis par le consultant à lorganisme. [15] Par ailleurs, référant au contre-interrogatoire de M me Gauvreau en regard des articles de journaux, M e St-Amour souligne que la diffusion des renseignements ne permet pas de conclure nécessairement que lorganisme a renoncé à la discrétion prévue à larticle 37 de la Loi sur laccès de refuser de communiquer au demandeur une copie du document convoité, et ce, tel quil appert de la décision Syndicat national des employés municipaux manuels de Rimouski c. Ville de Rimouski 3 , lorsquil est mentionné que : […] La publication dun résumé du document en litige et la diffusion dun communiqué de presse ne vaut pas renonciation à la discrétion prévue à larticle 37 de la Loi sur laccès 4 . […] DU DEMANDEUR [16] Selon le demandeur, la preuve démontre que lorganisme a fait connaître, par voie de communiqués de presse, sa décision de ne pas construire dimmeubles au nord de lautoroute 640. Il a de plus conclu que la valeur du site dans le cas dune expropriation est estimée à 10 millions de dollars. Ce renseignement ayant été rendu public, lorganisme ne peut donc prétendre vouloir appliquer la discrétion de lui refuser laccès au document convoité au motif quil contient des avis ou des recommandations. Les exceptions au principe général du droit daccès doivent être interprétées de façon restrictive. LA DÉCISION [17] Le demandeur souhaite obtenir, en vertu de larticle 9 de la Loi sur laccès, une copie dun rapport dévaluation ayant été préparé par M. Vincent Ladouceur, de la firme Paris, Ladouceur & Associés, évaluateurs agréés. Ce rapport de 29 pages, contient quatre annexes et une lettre dopinion de trois pages portant la signature de son auteur. 2 [1991] C.A.I. 311, C.Q. 3 [1997] C.A.I. 353, 355. 4 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, Laccès à linformation et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 2, publication CCH ltée, 2003, p. 118 205.
04 02 87 Page : 5 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [18] Lorganisme, pour sa part, invoque le deuxième alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès pour refuser au demandeur laccès au rapport dévaluation. 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. [19] La preuve démontre que ce rapport a été préparé à la demande de lorganisme, dans le but, entre autres, de permettre à celui-ci de prendre une décision relativement à la construction éventuelle dimmeubles sur un terrain identifié et aux coûts dexpropriation que subirait lorganisme. De plus, la preuve démontre que lors de communiqués de presse, M me Gauvreau et la mairesse de lorganisme ont chiffré leur estimation à près de 10 millions de dollars. [20] Le demandeur, pour sa part, prétend quen rendant public ce renseignement, lorganisme a rendu sa décision. Le document convoité devrait lui être accessible. [21] La soussignée a examiné et comparé le contenu de chaque page du document en litige qui est daté du 28 juillet 2003. À ce document sont joints une lettre datée du 15 août 2003 (2 pages), trois annexes et une lettre dopinion (de 3 pages, incluant une page frontispice): a) à la première page de la lettre datée du 15 août 2003 portant la signature de M. Ladouceur, celui-ci émet un avis sur la valeur marchande des immeubles se trouvant sur divers terrains; b) à la deuxième page de cette lettre, M. Ladouceur décrit en détail la valeur marchande des immeubles situés sur chaque terrain. Il émet par la suite un avis;
04 02 87 Page : 6 c) à la table des matières, une section entière est masquée, à savoir les pages 13 à 25 inclusivement; d) à ces pages, lauteur indique la méthode utilisée pour effectuer son travail et les motifs pour lesquels celle-ci a été choisie. Il émet des commentaires, entre autres sur la valeur marchande estimative dun terrain en particulier et émet des avis; e) à la lettre dopinion de trois pages, incluant la page frontispice, lauteur réfère à un terrain vacant précis. Il le compare avec dautres terrains vacants. Cette lettre comprend huit avis formulés à lorganisme. [22] Lannexe III du rapport dévaluation, auquel est joint un schéma, contient notamment les noms de « vendeur/dacheteur » de terrains. Lauteur fait état de la situation et émet des commentaires. [23] Par ailleurs, la soussignée considère que le document en litige a probablement fait lobjet de communiqués de presse. Toutefois, la Commission a déjà statué que cette diffusion ou communication nempêche pas lapplication dune restriction à la Loi sur laccès, et ce, tel quil est mentionné dans les affaires Union des agents de la paix en institutions pénales c. ministère de la Sécurité publique du Québec 5 et Ville de Drummondville c. ministère des Affaires municipales du Québec 6 . [24] De plus, la soussignée constate que le rapport dévaluation date du 28 juillet 2003 et que les avis ont été faits à lorganisme, soit depuis moins de dix ans, par le consultant sur une matière de sa compétence. [25] Tel quil est indiqué par les auteurs Duplessis, Hétu 7 : […] Pour déterminer si un organisme peut refuser de communiquer un document ou une partie dicelui au motif quil contient un avis ou une recommandation, le Tribunal doit en venir à la conclusion, à lexamen du document en litige, que celui-ci comporte une évaluation ou un jugement de valeur portant sur les informations qui peuvent faire 5 [1989] C.A.I. 184. 6 [1990] C.A.I. 60. 7 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, Laccès à linformation et la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, volume 2, publications CCH ltée, 2003, p. 116 707.
04 02 87 Page : 7 lobjet dune décision, évaluation ou jugement de valeur formulés de nature à mettre lorganisme dans une position de choix : agir ou non. Ce nest pas parce quun document comporte une classification de linformation ou une analyse de celle-ci quil peut être tenu secret. Il faut plutôt sen remettre au processus décisionnel de lorganisme et distinguer ce qui est préparatoire sans incidence de ce qui se rapporte à lexercice dun choix; ce sont ces derniers éléments et ceux-là seuls que le législateur a permis de protéger. Or, ces éléments comportent toujours une évaluation de faits et des alternatives, jugement de valeur émis dans le but dédicter ce qui devra être fait, un choix ou une incitation à agir. […] Dans ce contexte, les mots « avis » et « recommandation » expriment à des degrés divers une même chose, cest-à-dire lénoncé dun jugement de valeur conditionnant lexercice dun choix entre diverses alternatives. Cest à la lecture et lanalyse exhaustive du document concerné et à son contexte quil faut à chaque fois recourir pour conclure sil comporte des avis ou recommandations au sens de larticle 37 de la Loi. […] [26] De plus, tel que mentionné par M e Pierre Laurin dans un article paru dans le cadre de la formation permanente du Barreau du Québec 8 : […] La rigueur est le propre de lanalyse. Les avis et recommandations, quant à eux, laissent place à dautres qualités tels limagination ou le jugement. Ils peuvent être intuitifs alors que, comme lillustre la définition citée dans laffaire Deslauriers, lanalyse est discursive. […] [27] Dans le présent cas, il est établi que le processus décisionnel de lorganisme nest pas terminé, lorganisme na toujours pas pris de décision finale. La preuve démontre quà partir dun exercice intellectuel, lauteur du rapport a émis des avis à lorganisme. La majeure partie des renseignements ainsi que lannexe III rencontrent effectivement les critères législatifs prévus au deuxième alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès. 8 Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit de laccès à linformation, p. 216.
04 02 87 Page : 8 [28] Tirant un extrait de laffaire Deslauriers c. ministère de la Santé et des Services sociaux 9 dans la cause Fortin c. Ville de Cap Rouge 10 , la Commission indique ce qui suit : […] Ainsi le test à suivre, dans lexercice visant à déterminer sil sagit dun avis au sens de larticle 37 de la loi, consiste donc à se demander si les informations contenues dans le document en litige peuvent avoir des « incidences » sur une décision administrative ou politique.[…] [29] Néanmoins, la soussignée considère que lorganisme devra communiquer au demandeur les extraits suivants représentant des faits. Le 2 e alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès est inapplicable ici : a) à la page 13, le 2 e paragraphe commençant par les mots « Afin de déterminer à lanalyse du marché »; b) à la page 14, le dernier paragraphe débutant par « Voici un tableau la zone parc » ainsi que ce tableau; c) à la page 25, le paragraphe débutant par les mots « Il est à noter pieds carrés ». [30] Lannexe IV, pour sa part, est le curriculum vitae de M. Ladouceur. Ce document est truffé de renseignements nominatifs concernant celui-ci personnellement. Ce document doit demeurer confidentiel dans son intégralité. Il nest pas établi que M. Ladouceur ait autorisé lorganisme à le communiquer au demandeur. Les articles 53 et 88 de la Loi sur laccès sappliquent dans la présente cause, tel quil est indiqué, entre autres, dans les décisions Cusson c. ministère de la Sécurité publique 11 , Fecteau c. Commissaire à la déontologie policière 12 et St-Michel Piper c. Société dhabitation du Québec et Ville de Lachine 13 . 9 [1991] C.A.I. 311, 321 et 322, C.Q. 10 [1997] C.A.I. 312, 316. 11 [2003] C.A.I. 110. 12 [2003] C.A.I. 469. 13 [1997] C.A.I. 119, 123.
04 02 87 Page : 9 [31] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que lorganisme a communiqué au demandeur une copie élaguée du rapport dévaluation; ORDONNE à lorganisme de lui transmettre les renseignements tels quil est indiqué au paragraphe 29; REJETTE, quant au reste, la demande de révision; FERME le présent dossier n o 04 02 87. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Patrick St-Amour Procureur de lorganisme
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