Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 03 85 Date : Le 29 mars 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demanderesse c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS (a. 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ). [1] Le 6 janvier 2003, par courrier adressé au responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable), la demanderesse formule la demande d’accès suivante : Le 16 décembre dernier, Mario Bilodeau sous-ministre associé me congédiait de mon poste de technicienne en droit pour le motif suivant : « Le ou vers le 15 octobre 2002, avoir facilité la demande de quelqu’un intéressé à se procurer des stupéfiants. » Il est de mon intention de réfuter ces fausses allégations, de reprendre mon emploi et de prendre tous les recours légaux à ma disposition afin d’y parvenir. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
03 03 85 Page : 2 J’exige donc que vous me fassiez parvenir tous les documents relatifs à cette enquête admnistrati[ve] ayant mené à mon congédiement notamment et sans restreindre la généralité de ce qui précède, tous les rapports de polices, les notes personnelles de ces policiers et leurs rapports d’enquête qui vous ont été communiqués et également toutes correspondances entre le bureau des ressources humaines et la direction des poursuites publiques bureau du sous-ministre associé. […] (Les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [2] Le 8 janvier suivant, le Responsable accuse réception, le 7 janvier précédent, de la demande et requiert 10 jours supplémentaires aux 20 jours accordés par la Loi pour y répondre. [3] Le 3 février 2003, le Responsable accède en partie à la demande d’accès et remet à la demanderesse une copie de certains documents. Toutefois, en vertu de l’article 87 de la Loi, il refuse de lui communiquer d’autres documents qui lui seraient inaccessibles par l’application des paragraphes 1° à 6° du premier alinéa de l’article 28 et des articles 29, 32, 53 et 88 de la Loi. [4] Dans cette même décision, le Responsable avise la demanderesse, conformément au paragraphe 4° de l’article 47 de la Loi, que l’organisme détient certains documents préparés par le service de police de la Ville de Québec et réfère la demanderesse au Responsable de l’accès de la ville de Québec, précisant les coordonnées de ce dernier. [5] Le 27 février 2003, la demanderesse requiert la Commission d’accès à l’information (la Commission) de réviser cette décision du Responsable. [6] Une audience se tient et est complétée en la ville de Québec, le 7 février 2005, date à laquelle le délibéré commence. L’AUDIENCE A. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M e Pierre Legendre, Responsable de l’accès de l’organisme [7] Monsieur Legendre dépose, en liasse sous la cote O-1, les documents introductifs d’instance mentionnés plus haut, à l’exception de la demande de
03 03 85 Page : 3 révision du 27 février 2003, ainsi que la lettre de congédiement adressée le 16 décembre 2002 par le sous-ministre associé, Mario Bilodeau, à la demanderesse. Témoignage de monsieur Pierre Dion [8] Monsieur Dion est coresponsable de l’accès depuis 1998. [9] Il a traité la présente demande d’accès et a procédé au repérage des documents susceptibles de répondre à celle-ci. [10] Pour repérer correctement ceux-ci, il s’est adressé aux deux directions de l’organisme susceptibles de les détenir, savoir la Direction générale des poursuites publiques et la Direction générale des services de gestion. [11] Considérant la nature de la demande, il déclare qu’il n’était pas utile d’effectuer des recherches ailleurs au sein de l’organisme. [12] Il déclare que les seuls documents pouvant répondre à la demande d’accès sont ceux énumérés et décrits dans un tableau qu’il dépose sous la cote O-2. Il le réaffirme d’ailleurs en contre-interrogatoire. [13] Selon le témoin Dion, le tableau O-2 représente une description sous forme de liste, des 14 documents remis en partie ou en totalité à la demanderesse (numérotés 1 à 14 inclusivement) ainsi que la liste des trois documents dont l’accès est refusé en entier (numérotés 15 à 17 inclusivement). Ce tableau mentionne la nature de chacun des documents, leur date, le cas échéant le nom de leur auteur ou de leur destinataire et les articles invoqués au soutien du refus de les communiquer en tout ou en partie, le cas échéant. [14] Le tableau O-2 indique également quels sont les documents qui ont subi un masquage partiel avant d’être communiqués, ainsi élagués, à la demanderesse. Il s’agit des documents 2, 3, 7, 8, 9, 10 et 12. Le tableau indique par ailleurs que les documents 1, 4, 5, 6, 11, 13 et 14 ont été entièrement communiqués à la demanderesse. [15] Monsieur Dion dépose sous pli confidentiel à la Commission l’intégrale des documents 2, 3, 7, 8, 9, 10 et 12 dont l’accès a été refusé en partie. [16] Le témoin Dion dépose, aussi sous pli confidentiel, les documents en litige 15, 16 et 17 dont l’accès a été refusé en totalité :
03 03 85 Page : 4 document 15 Le sommaire dactylographié du témoignage de l’agent double concernant les faits survenus le 15 octobre 2002, sommaire qui fait partie du dossier d’enquête policière et qui a été remis par les policiers au substitut du procureur général (une demi-page); document 16 Un résumé dactylographié d’une rencontre entre M e Jean Lortie, monsieur Sabin Ouellet et l’agent double, survenue le jeudi 7 novembre au bureau de M e Jean Lortie (1 page); et document 17 Un résumé dactylographié d’une rencontre entre William Trudel, policier du service de police de la ville de Québec, M e Jean Lortie et monsieur Sabin Ouellet, survenue le vendredi 8 novembre 2002 (une demi-page). [17] Le témoin Dion déclare que le document 15 provient du bureau du substitut du procureur général. [18] Monsieur Dion dépose également, en liasse sous la cote O-3, l’organigramme de la Direction générale des poursuites publiques de l’organisme, mise à jour d’octobre 2003 et le répertoire téléphonique 2002-2003 de cette direction. [19] Le témoin Dion dépose enfin, en liasse sous la cote O-4, les documents 1 à 14 tels qu’ils ont été remis à la demanderesse après traitement par le Responsable. [20] Étant donné que les éléments personnels contenus dans les documents formant la liasse O-4 sont maintenant publics en raison de la tenue de l’audience publique devant l’arbitre de grief et du contenu de la sentence rendue par ce dernier (ci-après mentionnée et déposée par la demanderesse sous la cote D-1), il convient de lever l’interdit de publication, de diffusion et de divulgation dont ces documents (O-4) faisaient l’objet depuis l’audience. [21] Il déclare que pendant sa recherche et la préparation de la réponse, sous examen, il savait que la demanderesse avait déposé un grief en vertu de la convention collective concernant le bien-fondé de son congédiement et ce, quelques jours après que celui-ci ne soit survenu. Copie du grief fait d’ailleurs partie des documents remis à la demanderesse. C’est le document numéro 14. [22] Il déclare que la sentence arbitrale rejetant le grief de la demanderesse fait l’objet d’une procédure instituée par cette dernière devant la Commission du travail.
03 03 85 Page : 5 [23] En réponse à une question de la demanderesse qui voulait savoir s’il avait eu connaissance qu’elle avait intenté un recours devant le Commissaire à la déontologie policière, le témoin Dion dit qu’il ignorait ce fait. ii) de la demanderesse [24] La demanderesse confirme avoir reçu les documents déposés en liasse sous la cote O-4. [25] Elle dépose sous la cote D-1, la sentence arbitrale sur le grief de congédiement rendue le 10 mars 2004 par le tribunal d’arbitrage sous la présidence de l’arbitre Marc Poulin. [26] La demanderesse déclare que les parties masquées des documents 2, 3, 7, 8, 9, 10 et 12 sont effectivement des renseignements concernant des tierces personnes physiques. La demanderesse déclare toutefois qu’elle est la source de ces renseignements puisque ces documents sont en substance des résumés de ses propres déclarations. [27] La demanderesse connaît déjà ces renseignements. B. LES REPRÉSENTATIONS i) de l’organisme [28] L’avocate de l’organisme rappelle que la Commission doit apprécier le bien-fondé de la décision du Responsable de l’accès, sous examen, à la lumière des faits existant à l’époque de cette décision. [29] Elle plaide que tous les documents ou partie de documents en litige sont visés par l’article 32 de la Loi puisque le lien entre le congédiement et le grief est établi. [30] Elle argue aussi que les renseignements nominatifs concernant des tiers et qui ont été communiqués par la demanderesse lors des déclarations qu’elle a faites à son employeur ne peuvent lui être divulgués sans le consentement de ces tiers (documents 2, 3, 7, 8, 9, 10 et 12).
03 03 85 Page : 6 [31] Elle soutient que les trois documents dont l’accès a été totalement refusé (documents 15, 16 et 17) contiennent des renseignements visés par les paragraphes 1°, 3° et 4° de l’article 28. [32] Elle rappelle que la jurisprudence a reconnu que les documents provenant du substitut du procureur général sont visés par l’article 28 de la Loi 2 . [33] Elle plaide également que le contenu des documents 15, 16 et 17 révèle des renseignements dont la divulgation aurait pour effet de réduire l’efficacité d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d’un bien ou d’une personne au sens de l’article 29 de la Loi. ii) de la demanderesse [34] La demanderesse plaide que la divulgation des renseignements nominatifs masqués aux documents 2, 3, 7, 8, 9, 10 et 12 ne lui apprendrait rien qu’elle ne sache déjà. Elle rappelle que ces documents sont des résumés de ses propres déclarations faites lors de rencontres organisées par son employeur pour obtenir sa version des faits ou sont des notes personnelles que les participants à ces rencontres ont pu prendre. [35] Elle ajoute que comme déclarante, ces renseignements la concernent, elle, tout autant que les tierces personnes physiques dont elle parlait et qu’elle y a accès en vertu de la Loi. [36] La demanderesse s’interroge sur la légalité de la communication des renseignements policiers ou visés par l’article 28 à son employeur. [37] Elle ne voit pas pourquoi les dispositions invoquées en janvier et février 2003 à l’encontre de son droit d’accès aux renseignements la concernant, entre autres les paragraphes 1°, 2° et 4° du premier alinéa de l’article 28, n’ont pas réussi à empêcher, à l’automne 2002, la communication des mêmes renseignements à l’organisme, son employeur, ou aux personnes au sein de l’organisme qui ont le pouvoir de statuer sur la fin de son emploi. 2 Bouchard c. Québec (Ministère de la Main d’œuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle), [1990] CAI 410, 416; Boréal Assurance inc. c. Ville de Greenfield Park, CAI n° 97 07 69 Montréal le 19 février 1999, E. R. Iuticone, commissaire; Noël c. Ministère de l’Environnement du Québec, [1989] CAI 24.
03 03 85 Page : 7 [38] Elle se dit que si son employeur peut obtenir des renseignements visés par l’article 28, elle peut certainement les obtenir elle-même. [39] Elle déclare que la communication de ces renseignements nominatifs et policiers la concernant lui a causé de graves préjudices dont elle souffre encore. [40] En conséquence, elle demande que les renseignements en litige lui soient communiqués. DÉCISION LES DOCUMENTS 2, 3, 7, 8, 9, 10 ET 12 [41] L’examen comparé de l’intégrale et de la version élaguée des documents partiellement communiqués à la demanderesse, soit les documents 2, 3, 7, 8, 9, 10 et 12, démontre que tous les renseignements masqués sont des renseignements nominatifs qui concernent autant des tierces personnes physiques que la demanderesse elle-même et qu’ils sont totalement et entièrement connus de cette dernière puisqu’elle en est la source, à l’exception des onze (11) derniers mots du 7 e alinéa de la deuxième page du document 3. [42] En effet, ces documents constituent, en substance, des résumés des déclarations de la demanderesse. [43] Malgré la prétention de l’organisme, la simple lecture des 11 derniers mots du 7 e alinéa de la deuxième page du document 3 démontre qu’ils ne sont pas des renseignements obtenus par une des personnes visées par le premier alinéa de l’article 28 cité ci-après. On ne peut les soustraire de l’accès en vertu d’aucun des paragraphes de cette disposition de la Loi. [44] Aucun des autres renseignements qui ont aussi été masqués dans cette série de documents n’a été obtenu par des personnes visées par l’article 28 de la Loi. La preuve et l’examen de ces documents démontrent que ces autres renseignements ont été obtenus par des employés de l’organisme exerçant leur fonction de gestionnaire en ressources humaines. L’article 28 ne s’applique pas à cette série de renseignements : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est
03 03 85 Page : 8 chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8° de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1° à 9° du premier alinéa.
03 03 85 Page : 9 [45] L’examen des renseignements nominatifs ou autres masqués dans cette série de documents ne peut convaincre la Commission qu’ils sont visés par l’article 29 de la Loi : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [46] Ces renseignements soustraits de l’accès sont la narration d’une série de faits bruts et ne peuvent constituer, non plus, une « analyse » au sens de l’article 32 de la Loi et de l’interprétation que les tribunaux ont donné du mot « analyse » lorsqu’il est utilisé dans la Loi 3 : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. [47] La demanderesse a droit à la communication de ces renseignements masqués en vertu de l’article 83 de la Loi. Aucune preuve n’est venue établir que l’organisme avait raison de refuser à la demanderesse la communication de ces renseignements. Ni l’application de l’article 87 ni celle de l’article 88 ne peuvent empêcher la divulgation de ces renseignements : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. 3 Ferland c. Ministère des Affaires municipales du Québec, (1984-86) 1 CAI, 360, 364; Deslauriers c. Québec (Sous-ministre de la santé et des services sociaux), [1991] CAI 311 (C.Q.) 322; Québec (Procureur général) c. Bernier, [1991] CAI 378 (C.Q.) 380, 381; G. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, (1984-86) 1 CAI 207, confirmée en appel dans [1986] CAI 432 (C.P.).
03 03 85 Page : 10 Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. […] 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure où la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. LE DOCUMENT 15 L’ARTICLE 28 (précité) [48] La preuve testimoniale démontre que ce document provient du substitut du procureur général, une des directions de l’organisme, qui elle, l’avait obtenu du service de police de la ville de Québec dans le cadre du transfert, pour étude, d’un dossier de poursuites criminelles contre d’autres personnes que la demanderesse. Toutefois, cette direction de l’organisme s’est approprié ce document à d’autres fins. Elle l’a utilisé pour prendre une décision dans l’exercice de sa fonction de gestion de son personnel. [49] La jurisprudence établit que de tels documents du substitut du procureur général sont visés par le premier alinéa de l’article 28 de la Loi 4 . 4 Bouchard c. Québec (Ministère de la Main-d’œuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle), op. cit. supra, note 2.
03 03 85 Page : 11 [50] Cependant, rien dans la preuve ne démontre que la divulgation des renseignements que contient ce document risquerait vraisemblablement d’avoir l’un ou l’autre des effets mentionnés aux paragraphes 1° à 9° du premier alinéa de l’article 28 précité. [51] Rien dans la preuve présentée ne permet à la Commission de conclure, par exemple, que le déroulement d’une procédure ou d’une enquête, risque vraisemblablement d’être « entravé ». L’organisme ne s’est pas préoccupé d’établir par des éléments de preuve convaincants que l’un ou l’autre des effets énumérés aux paragraphes 1° à 9° risquait vraisemblablement de survenir à la suite de la divulgation de ce document à la demanderesse. [52] L’organisme n’a fait qu’affirmer que les risques étaient là, laissant la Commission tirer ses propres conclusions, comme si la simple lecture de ce document allait être suffisante pour prouver que ces risques sont vraisemblables. [53] L’identité même de l’agent double reste toujours inconnue à la lecture de ce document, de même qu’à la lecture du document 16, d’ailleurs. [54] La Commission n’est pas convaincue, à la simple lecture de ce document, que l’un ou l’autre des effets prévus à l’article 28 de la Loi risque vraisemblablement de survenir au moment où la décision du Responsable sous examen est émise. LES ARTICLES 53 ET 88 [55] Ces articles se lisent comme suit : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une
03 03 85 Page : 12 ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 88. (précité) [56] Ce document contient des renseignements nominatifs concernant la demanderesse exclusivement, auxquels elle doit avoir accès, et des renseignements concernant des tierces personnes physiques. Ces derniers renseignements concernant des tiers ne doivent pas être remis à la demanderesse puisqu’ils n’étaient pas vraisemblablement connus de celle-ci lors du traitement de sa demande d’accès. [57] Ainsi, pour ces motifs, ne doivent pas être remis à la demanderesse les mots du premier paragraphe sous le titre « FAITS » compris entre les mots « …mentionne que… » et les mots « La transaction… » et la fin du deuxième paragraphe sous ce même titre après les mots « …s’arranger avec elle [prénom]. » jusqu’à la fin de ce paragraphe. LES DOCUMENTS 16 ET 17 [58] L’organisme a invoqué les articles 28, 29, 32, 53 et 88 au soutien de son refus de communiquer ces documents. L’ARTICLE 28 (précité) [59] Ces renseignements n’ont pas été cueillis par une personne visée par le premier alinéa de l’article 28. Les personnes qui ont interrogé l’agent double (document 16) ou le policier Trudel (document 17) sont des gestionnaires ayant un lien d’autorité sur la demanderesse au sein de l’organisme. [60] Ces gestionnaires ont cueilli ces renseignements dans le but d’en arriver à une décision administrative concernant la demanderesse et son maintien dans l’emploi qu’elle occupait à l’époque au sein de l’organisme. [61] Ces gestionnaires ne sont pas des personnes qui, en vertu de la loi, sont chargées de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. [62] L’article 28 ne peut s’appliquer à ces deux documents 16 et 17 en l’espèce.
03 03 85 Page : 13 L’ARTICLE 29 (précité) [63] Aucune preuve n’a été présentée par l’organisme à la Commission aux fins d’établir que les renseignements contenus à ces documents sont visés par cette disposition de la Loi. [64] Une simple affirmation que cette disposition s’applique n’est pas suffisante pour convaincre du bien-fondé de cet énoncé. L’ARTICLE 32 (précité) [65] Cette disposition s’applique si les documents contiennent une analyse ou sont de nature analytique. [66] Or, à la lecture du contenu de ces documents, la Commission ne décèle aucune analyse. Il s’agit de compte rendu des conversations que les gestionnaires de l’organisme ont eues avec deux agents de police qui ont relaté des faits dont ils ont eu connaissance, sans plus. LES ARTICLES 53 ET 88 (précités) [67] Les agents de police qui ont fait les déclarations contenues dans ces deux documents sont des fonctionnaires. Ils ont eu connaissance des faits qu’ils rapportent en raison de leur fonction à l’emploi de la Ville de Québec. [68] L’examen de ces déclarations montre que leur contenu n’est revêtu d’aucun caractère nominatif quant à ce qu’il pourrait révéler des déclarants, les policiers. [69] Les renseignements nominatifs contenus dans le document 16 concernent, en partie, la demanderesse seule. Ces renseignements doivent lui être remis. [70] Certains renseignements nominatifs contenus au document 16 concernent également des tierces personnes physiques. Ces renseignements doivent toutefois être masqués. On les retrouve dans la relation que fait le policier de ses conversations avec des personnes physiques autres que la demanderesse. [71] Le document 16 contient, après la mention des personnes présentes à l’entretien, 27 lignes de texte.
03 03 85 Page : 14 [72] Les passages concernant des tierces personnes physiques qui doivent être masqués se retrouvent aux lignes 9, 10, 15 à 20 inclusivement, à la fin de la ligne 23 et aux lignes 24 et 25. [73] Au moment du traitement de sa demande d’accès, ces faits n’étaient vraisemblablement pas connus ni de la demanderesse ni du public en général. Il était du devoir du Responsable, alors, d’en restreindre l’accès. [74] Le document 17 ne contient aucun renseignement nominatif concernant des tierces personnes physiques. Il peut être remis en totalité à la demanderesse. AUTRES MOTIFS DE REFUS [75] Aucun autre motif de refus n’a été exprimé à la demanderesse que ceux qui ont fait l’objet de l’analyse plus haut et la Commission ne peut voir aucun autre motif impératif de refus qui aurait pu s’appliquer en l’espèce et qui aurait mérité, d’office, de faire l’objet d’une analyse de sa part. [76] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission LÈVE l’interdit de publication, de diffusion et de divulgation dont les documents déposés en liasse sous la cote O-4 faisaient l’objet depuis l’audience; ACCUEILLE, en partie, la demande de révision; ORDONNE à l’organisme de remettre à la demanderesse tous les documents et renseignements en litige à l’exception des renseignements nominatifs concernant les tierces personnes physiques contenus aux documents 15 et 16 et dont l’emplacement est plus haut décrit; et REJETTE la demande de révision quant à ces derniers renseignements nominatifs concernant les tierces personnes physiques qu’il faut protéger. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de l’organisme : M e Marie-Andrée Gauthier (Crevier Royer, avocats)
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