Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 03 03 84 Date : Le 29 mars 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot X Demanderesse c. QUÉBEC (VILLE DE) Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS (a. 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ). [1] Le 6 janvier 2003, par courrier dont copie est déposée au cours de l’audience par l’organisme sous la cote O-1a), la demanderesse formule une demande d’accès à certains documents en ces termes : Dans une lettre adressé[e] à mon employeur, un policier du Service de police de la Ville de Québec s’exprimait ainsi : « Dans le cadre d’une enquête policière, nous tenons à vous informer qu’une employée du Palais de Justice, [prénom, nom et profession de la demanderesse], qui travaille également de temps à autre au bar [nom du bar et rue où il est situé], réfère des gens directement à des vendeurs de stupéfiants qui opèrent dans ce bar. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
03 03 84 Page : 2 Compte tenu de son statut au Palais de justice, nous préférons vous aviser le plus rapidement possible. Ultérieurement, nous vous fournirons par écrit tous les éléments relatifs à ces informations. » Ces accusations ont mené à mon congédiement. Il est de mon intention de réfuter ces fausses allégations et de prendre tous les recours légaux à ma disposition afin d’y parvenir. J’exige donc que vous me fassiez parvenir tous les documents relatifs à l’enquête me concernant, notamment et sans restreindre la généralité de ce qui précède, tous les rapports de policiers, les notes personnelles des policiers et les rapports d’enquête. […] (Les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [2] Entre le 9 janvier 2003 et le 17 février 2003, tel qu’il appert des lettres déposées au cours de l’audience, par l’organisme, sous les cotes mentionnées ci-après, le responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) accuse réception de la demande d’accès (O-1b), requiert un délai supplémentaire pour répondre à la demande d’accès (O-1c), puis répond le 5 février suivant que le rapport demandé n’a pas encore été rédigé (O-1d), accuse réception (O-1g) d’une autre lettre de la demanderesse datée du 17 février 2003 comme si celle-ci constituait une nouvelle demande d’accès, rédige une réponse (O-1h) à la lettre du 17 février 2003 par laquelle il refuse de communiquer les documents en vertu des paragraphes 2°, 3° et 6° de l’article 28 de la Loi. [3] Pendant ce temps, le 27 février 2003, selon le document déposé au cours de l’audience par l’organisme sous la cote O-1f, la demanderesse requiert la Commission d’accès à l’information de réviser la seule réponse qu’elle avait reçue du Responsable, savoir celle du 5 février 2003, (O-1d). [4] Les avis de la Commission relatifs à la réception d’une demande de révision datée du 27 février 2003 sont postés à la demanderesse et à l’organisme le 14 mars 2003 et sont déposés ensemble lors de l’audience par l’organisme sous la cote O-1i. [5] Une audience se tient et se termine, en la ville de Québec, le 26 novembre 2004, date à laquelle le délibéré peut commencer. [6] Dans un jugement récent de la Cour supérieure, il semble que la Commission doive expliquer la longueur de ses délibérés lorsque ceux-ci dépassent un délai habituellement jugé raisonnable. La soussignée déclare donc qu’en raison de sa nomination par l’Assemblée nationale à la fonction de
03 03 84 Page : 3 présidente par intérim de la Commission en décembre 2003, de l’exercice de cette fonction qui s’est prolongé jusqu’au 24 septembre 2004 et de ses vacances annuelles qui ont suivi jusqu’au 12 octobre 2004, elle a dû suspendre son délibéré dans beaucoup de dossiers qu’elle a entendus antérieurement à celui-ci. Le 12 octobre 2004, tous les délibérés qui avaient été suspendus ont été repris en même temps, pour décision. Il en est résulté un report des délibérés et des décisions dans les dossiers entendus plus récemment, comme le présent dossier. L’AUDIENCE A. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M e Lucie Trudel [7] Madame Trudel dépose, comme ci-haut relaté, les documents O-1a à O-1j aux fins d’illustrer l’historique du dossier en révision devant la Commission. [8] Elle dépose également, sous la cote O-2, une lettre envoyée le 4 novembre 2002 au substitut en chef du procureur général, monsieur Jean Lortie, employeur de la demanderesse, par l’inspecteur Martial Tremblay du Service de police de la Ville de Québec, dont le contenu est cité en substance par la demanderesse dans sa lettre de demande d’accès du 6 janvier 2003 (O-1a) reproduite en partie plus haut. [9] Le témoin déclare qu’à la suite de la réception de cette lettre du 4 novembre 2002, l’employeur de la demanderesse la congédie. [10] Madame Trudel dépose également, sous la cote O-3, un mémo interne chez l’organisme provenant de l’inspecteur Martial Tremblay, adjoint opérationnel du service des enquêtes et services spécialisés, adressé au Responsable le 15 janvier 2003 en ces termes : J’ai reçu votre correspondance concernant la demande de Mme . Compte tenu qu’il s’agit d’une enquête policière qui est présentement en cours, et pour laquelle aucune accusation n’a encore été portée, vous comprendrez qu’il m’est impossible pour le moment de répondre à ses demandes.
03 03 84 Page : 4 Lorsque le dossier sera clos, il me fera plaisir de vous transmettre les documents pertinents qui font l’objet de la présente demande. [11] Mme Trudel dépose aussi, sous la cote O-4, la sentence que l’arbitre Marc Poulin a rendue le 10 mars 2004 (dossier 01-98-005678) à la suite du grief n° 99554 déposé par la demanderesse le 20 décembre 2002 à la suite de son congédiement survenu le 16 décembre précédent. [12] Le témoin dépose enfin, sous pli confidentiel, les documents en litige. Il s’agit : document 1° des notes personnelles et manuscrites de l’agent double ou agent d’infiltration à l’emploi de l’organisme qui enquêtait sur le trafic de drogues dans le secteur de la rue Grande-Allée à Québec relatant son intervention du 15 octobre 2002 au bar où travaillait à l’occasion la demanderesse (6 pages comprenant un croquis des lieux); et document 2° du sommaire dactylographié du témoignage que pourrait rendre l’agent double à un éventuel procès concernant les mêmes faits survenus le 15 octobre 2002, sommaire qui fait partie du dossier d’enquête policière (une demi-page). [13] Madame Trudel ajoute que ces notes personnelles (document 1°) n’ont jamais été remises à l’employeur de la demanderesse. [14] Seul le document 2° a été communiqué à ce dernier. [15] Elle déclare qu’aucune poursuite criminelle n’a été intentée contre la demanderesse et qu’il n’y en aura jamais. [16] Elle est d’avis qu’au moment du traitement de la demande d’accès par le Responsable, les paragraphes 2°, 3° et 6° du premier alinéa de l’article 28 s’appliquaient en l’espèce. ii) de la demanderesse [17] La demanderesse corrobore, en substance, le témoignage de madame Trudel, pour la partie des faits qui sont parvenus à sa connaissance.
03 03 84 Page : 5 B. LES REPRÉSENTATIONS i) de l’organisme [18] L’organisme réitère la position de l’organisme déjà exprimée dans les documents constitutifs d’instance. ii) de la demanderesse [19] La demanderesse s’interroge sur la légalité de la communication des renseignements policiers par l’organisme, de sa propre initiative, à son employeur. [20] Elle ne voit pas pourquoi les dispositions invoquées en janvier et février 2003 à l’encontre de son droit d’accès aux renseignements la concernant, savoir les paragraphes 2°, 3° et 6° du premier alinéa de l’article 28, n’ont pas réussi à empêcher la communication des mêmes renseignements à son employeur en novembre 2002. [21] Elle déclare que la communication de ces renseignements nominatifs et policiers la concernant lui a causé de graves préjudices dont elle souffre encore. [22] Elle déclare que l’enquête sur les faits la concernant est terminée, que ces faits n’ont pas donné lieu à une poursuite criminelle contre elle et que la méthode d’enquête et les composantes du système de communication du service de police de l’organisme sont maintenant connues, considérant le contenu de la sentence arbitrale (O-4) où tous ces mécanismes ont été expliqués publiquement à l’exception de l’identité de l’agent double. [23] Les paragraphes invoqués de l’article 28 ne peuvent donc plus trouver application. [24] En conséquence, elle demande que les renseignements en litige lui soient communiqués. DÉCISION [25] La preuve et la lecture des documents en litige convainquent la Commission que le Responsable ne pouvait, au moment du traitement de la
03 03 84 Page : 6 demande d’accès en janvier et février 2003, remettre à la demanderesse les documents en litige. [26] La Commission, dans l’exercice de sa compétence en révision, doit apprécier les faits tels qu’ils existaient au moment de la prise de décision du Responsable. [27] Or, la preuve démontre qu’à ce moment, l’enquête policière n’était pas terminée et la procédure devant le tribunal d’arbitrage qui tient des audiences publiques 2 n’avait pas encore eu lieu et la sentence de l’arbitre n’avait pas encore été rendue. [28] Il est évident que les représentations que fait la demanderesse lors de l’audience auraient pu obtenir quelque succès si le traitement de sa demande d’accès par le Responsable s’était effectué dans le contexte qui existait lors de l’audience, c’est-à-dire en novembre 2004. [29] La Commission doit pourtant les rejeter comme étant non pertinentes compte tenu de la compétence limitée de la Commission lorsqu’elle agit en révision d’une décision d’un Responsable. [30] Les conditions d’application des paragraphes 2°, 3° et 6° du premier alinéa de l’article 28 étaient donc réunies au moment du traitement de la demande d’accès par le Responsable : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1° […] 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […] 2 Code du travail. L.R.Q. c. C-27, article 82
03 03 84 Page : 7 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; […] [31] La décision sous révision de la Responsable est donc fondée. [32] EN CONSÉQUENCE, la Commission REJETTE la demande de révision. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de l’organisme : M e Line Trudel
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.