Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 06 24 Date : Le 23 mars 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DES PROFESSEURES ET PROFESSEURS D’UNIVERSITÉ Demanderesse c. TÉLÉ-UNIVERSITÉ DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC (TÉLUQ) Organisme DÉCISION OBJET : DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS (a. 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ). [1] Le 5 mars 2003, la demanderesse formule une demande d’accès au responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) en ces termes : La Fédération […] sollicite recevoir les documents nécessaires au constat de la qualité de [deux personnes identifiées] depuis leur nomination au Conseil d’administration de votre établissement et notamment pour ce qui est des séances du Conseil d’administration des 19 février 2002 et 14 janvier 2003. (Les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) [2] Le 8 avril 2003, le Responsable refuse l’accès à ces documents au motif qu’ils contiennent des renseignements nominatifs. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
03 06 24 Page : 2 [3] Le 9 avril 2003, la demanderesse requiert la Commission de réviser cette décision du Responsable. [4] Une audience se tient en la ville de Montréal le 14 octobre 2004 et se poursuit par la production, selon l’échéancier établi, des représentations écrites des parties jusqu’au 5 novembre 2004, date à laquelle le délibéré commence. [5] Compte tenu qu’aux termes d’un jugement récent de la Cour supérieure du Québec, un délai anormal de délibéré par un membre de la Commission semble devoir être expliqué, la soussignée déclare qu’en raison de sa nomination par l’Assemblée nationale à la fonction de présidente par intérim de la Commission en décembre 2003, de l’exercice de cette fonction qui s’est prolongé jusqu’au 24 septembre 2004 et les vacances annuelles qui ont suivi jusqu’au 12 octobre 2004, elle a dû suspendre son délibéré dans beaucoup de dossiers qu’elle a entendus antérieurement à celui-ci. Le 12 octobre 2004, tous les délibérés qui avaient été suspendus ont été repris en même temps, pour décision. Il en est résulté un report des délibérés et des décisions dans les dossiers entendus plus récemment, comme le présent dossier. L’AUDIENCE A. LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de M e Pierre Le Gallais [6] Monsieur Le Gallais est le Responsable, il occupe également le poste de secrétaire général et directeur des affaires juridiques de l’organisme. [7] Il dépose respectivement sous les cotes O-1 à O-3, les documents constitutifs d’instance ci-haut énumérés et portant les dates des 5 mars, 8 avril et 9 avril 2003. Il dépose aussi une demande de remise sous la cote O-4, une lettre d’entente sous la cote O-5 et, sous la cote O-6, la lettre adressée le 12 octobre 2004 par monsieur Le Gallais à monsieur Jean-Yves Lescop, président de la demanderesse, laquelle réitère la position de l’organisme en ces termes : […] « Les documents nécessaires » au constat de la qualité doivent nécessairement être des documents retrouvés au dossier académique d’un étudiant. Ces documents contiennent des renseignements qui
03 06 24 Page : 3 concernent une personnes physique (ex : adresse, numéro de téléphone, date d’inscription, programme, choix de cours, code permanent d’étudiant, échecs, succès, acquisition de crédit universitaire, etc) et qui permettent de l’identifier. Ces renseignements sont des renseignements nominatifs que nous ne pouvons dévoiler. De là, les motifs de notre refus. [8] Monsieur Le Gallais réitère cette position de l’organisme dans son témoignage. [9] Il remet à la Commission, sous le sceau de la confidentialité, le dossier académique informatisé des deux personnes visées par la demande d’accès. Il déclare que ces documents sont le résumé exact de l’état du dossier académique de ces personnes et contiennent toutes les informations que la demanderesse souhaite détenir et qui sont énumérées, en substance, dans la lettre qu’il vient de déposer sous la cote O-6. [10] Le témoin déclare que les deux personnes nommées à la demande d’accès O-1 sont des personnes qui occupent ou ont occupé des sièges au conseil d’administration de l’organisme réservés aux étudiants. [11] Le témoin affirme que les deux sièges du conseil d’administration de l’organisme automatiquement et exclusivement réservés à des étudiants aux termes des Lettres patentes de l’organisme sont attribués par l’organisme aux étudiants nommés à cette fin par l’Association des étudiantes et étudiants de la Télé-université (AETELUQ) en vertu des articles 31 et 32 de la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants 2 . [12] Monsieur Le Gallais ajoute que le seul moyen, pour quiconque, de vérifier la qualité d’étudiant d’une personne est de consulter le dossier académique d’étudiant de cette personne. [13] Une analyse de ce dossier doit suivre pour déterminer si un étudiant possède la qualité nécessaire pour siéger au conseil d’administration de l’organisme. ii) de la demanderesse [14] La demanderesse dépose en preuve les documents suivants : 2 L.R.Q., c. A-3.01, ci-après appelée la « LAFAEE ».
03 06 24 Page : 4 D-1 Les lettres patentes concernant l’institution de la Télé-université créée le 26 février 1992 en vertu de l’article 50 de la Loi sur l’université du Québec 3 ; D-2 Le Règlement de régie interne de la Télé-université (mise à jour avril 2004) ; D-3 Le Règlement des études de premier cycle de l’Université du Québec et de la Télé-université (mise à jour janvier 2004); D-4 Le Règlement des études de cycles supérieures de l’Université du Québec et de la Télé-université (mise à jour septembre 2001); D-5 Copie de certains extraits du procès-verbal de la 89 e réunion régulière du conseil d’administration de la Télé-université tenue le 19 février 2002. [15] Interrogé par l’avocat de la demanderesse, monsieur Le Gallais déclare que lui incombe la responsabilité, en sa qualité de secrétaire général de l’organisme, de constater les présences aux réunions régulières du conseil d’administration de l’organisme et de consigner, à leurs procès-verbaux, la présence des administrateurs et la qualité en vertu de laquelle ils siègent. B. LES REPRÉSENTATIONS i) de l’organisme. [16] L’organisme plaide que l’effet du paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 57 est de transformer certains renseignements nominatifs concernant les membres de cet organisme en renseignements à caractère public. [17] Les renseignements visés par ce paragraphe ne sont pas tous les renseignements nominatifs concernant ces personnes et qui les rendent admissibles à occuper le siège qu’elles occupent. [18] Il soutient que le dossier académique d’un étudiant contient, certes, tous les éléments d’analyse nécessaires à l’organisme, ou à l’association d’étudiant qui le nomme, pour permettre à l’un ou à l’autre de faire la détermination de l’admissibilité de cette personne au poste de membre « étudiant » du conseil d’administration ou pour déterminer si ce membre « étudiant » conserve ce statut. 3 L.R.Q., c. U-1, ci-après appelée la « LUQ ».
03 06 24 Page : 5 [19] Cette analyse des renseignements se trouvant au dossier académique d’un étudiant doit être faite par les personnes qui sont habilitées à la faire et non par tout citoyen qui désire la faire. Il plaide que ce n’est pas le rôle de la Commission de permettre à ce que tout citoyen puisse faire lui-même cette détermination. [20] Il plaide que les seuls renseignements personnels concernant un membre « étudiant » du conseil d’administration de l’organisme qui deviennent revêtus d’un caractère public sont les suivants : son nom, l’adresse et le numéro de téléphone reliés à sa fonction de membre et son seul titre d’« étudiant », par opposition à tout ce qu’il faut pour être admissible à ce titre d’étudiant ou qui entoure sa condition d’ « étudiant », ces derniers renseignements devant rester confidentiels. ii) de la demanderesse [21] Toute l’argumentation de la demanderesse est reliée à son droit de vérifier la qualité des membres du conseil d’administration au moment de leur entrée en fonction et tout au long de l’exercice de leur mandat à ce titre. [22] La demanderesse prétend que plusieurs dispositions de diverses lois ou règlements en vigueur au Québec régissant l’admissibilité de certaines personnes à occuper certains postes ou fonctions de l’administration publique ou la conservation de ces postes doivent recevoir application. [23] Ainsi, argue-t-elle, le principe de transparence de la gestion des institutions publiques doit favoriser l’accès à tous les documents pouvant permettre à tout citoyen de vérifier si effectivement les personnes détenant ces postes les détiennent légitimement. [24] Pour la demanderesse, la protection des renseignements personnels détenus par les organismes ne doit pas freiner le citoyen dans l’exercice de son droit de surveillance de ces organismes. [25] Pour la demanderesse, il va de soi qu’en acceptant le poste de membre « étudiant » du conseil d’administration de l’organisme, une personne abandonne ou renonce à son droit à la vie privée pour tous les renseignements relatifs aux conditions d’admissibilité ou de conservation de ce poste c'est-à-dire à sa qualité d’étudiant. [26] Selon la demanderesse, ce principe est consacré par les articles 55 et 57, al. premier, paragraphe 1°.
03 06 24 Page : 6 DÉCISION [27] Les dispositions de la Loi en vertu desquelles la demanderesse pourrait avec succès prétendre à l’obtention des renseignements demandés sont, d’une part, les articles 55 et 57 et, d’autre part, le deuxième alinéa de l’article 59. LES ARTICLES 55 ET 57 DE LA LOI SUR L’ACCÈS AUX DOCUMENTS DES ORGANISMES PUBLICS ET SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [28] La Commission souscrit au bien-fondé de l’énoncé que les articles 55 et 57 alinéa premier, paragraphes 1° et 2° sont l’expression du souci du législateur de faciliter la transparence des organismes publics. Ces dispositions permettent également au citoyen, entre autres, de savoir qui travaille dans son dossier ou qui prend les décisions au sein d’un organisme public ou à qui il doit s’adresser, au sein d’un organisme public, pour obtenir le service qui lui est dû : 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3° […] (la Commission a souligné)
03 06 24 Page : 7 [29] Ces dispositions n’ont jamais signifié pour autant que les conditions requises pour porter tel titre ou pour occuper telle fonction sont revêtues du même caractère public que le nom attribué à ce titre ou à cette fonction. Rien dans le libellé de ces dispositions ni dans la jurisprudence de la Commission ne permet une telle interprétation. [30] Les conditions requises par les lois, les règlements et les lettres patentes invoqués par la demanderesse pour être admissible à la fonction de membre du conseil d’administration de l’organisme ou pour continuer d’occuper cette fonction concernent la personne physique qui exerce cette fonction. [31] Les renseignements constituant la qualité d’étudiant et contenu au dossier académique d’une personne sont des renseignements nominatifs concernant cet individu et sont accessibles de plein droit aux seules personnes qui ont la responsabilité, au sein de l’organisme, de vérifier l’admissibilité de cet individu à occuper cette fonction ou le maintien de la qualité requise pour continuer à l’occuper. [32] S’il y a renonciation implicite, par l’étudiant, à la confidentialité de son dossier académique, elle s’opère aux fins de permettre cette vérification interne et administrative. Cette renonciation implicite ne peut avoir la portée que lui confère la demanderesse et avoir pour effet de rendre son dossier académique accessible à toute personne qui le réclame. L’ARTICLE 59, ALINÉA DEUXIÈME [33] Le deuxième alinéa de l’article 59 de la Loi prévoit toutefois qu’à certaines conditions précises, un organisme peut communiquer des renseignements nominatifs sans le consentement de la personne concernée. [34] La demanderesse n’a cependant pas fait la démonstration qu’elle est une personne à qui l’organisme peut exceptionnellement communiquer le dossier académique des membres « étudiants » du conseil d’administration de l’organisme, c'est-à-dire qu’elle est une personne visée par ce deuxième alinéa de l’article 59, en particulier par le paragraphe 8° de cet alinéa : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de
03 06 24 Page : 8 cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement.
03 06 24 Page : 9 [35] Aurait-elle réussi à l’établir, l’organisme aurait toujours eu la discrétion de lui remettre ces documents ou de lui en refuser la communication puisque le législateur utilise les termes « peut communiquer » en introduction du deuxième alinéa. [36] La décision sous révision du Responsable de refuser la communication de copie du dossier académique informatisé des personnes mentionnées à la demande d’accès au motif qu’il contient, en substance, des renseignements nominatifs concernant ces personnes est donc fondée. [37] EN CONSÉQUENCE, la Commission REJETTE la demande de révision. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de la demanderesse : M e Richard McManus, avocat
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.