Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 02 15 Date : Le 22 mars 2005 Commissaire : M e Michel Laporte X Demandeur c. SHERMAG INC. Entreprise DÉCISION L'OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE [1] Le 23 décembre 2003, le demandeur écrit à Shermag inc. (« l’entreprise ») pour obtenir une copie de son dossier d’employé. [2] Le 6 janvier 2004, l’entreprise fait parvenir au demandeur une partie des documents de son dossier. Elle invoque le 2 e paragraphe de l’article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi ») pour lui refuser l’accès aux « […] documents relatifs au grief no 14, ce qui inclut la cassette vidéo. […] » 1 L.R.Q., c. P-39.1.
04 02 15 Page : 2 [3] Le 16 janvier 2004, M. Gilles Pelletier, représentant syndical, avise l’entreprise que : Suite au refus de nous fournir la cassette qui est à l’origine du congédiement [du demandeur], il nous apparaît très clair que nous n’avons pas d’autre choix que de porter le grief # 14 […] à l’arbitrage. […] [4] Le 2 février 2004, le demandeur veut que la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») examine sa mésentente avec l’entreprise. [5] Le 16 février 2005, une audience se tient à Montréal et, le 28 février suivant, la Commission reçoit le document en litige de l’entreprise. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [6] Le demandeur confirme à l’audience qu’il veut obtenir une copie complète de son dossier d’employé. B) LA PREUVE De l'entreprise Le demandeur [7] Le demandeur atteste avoir soumis un grief, au début du mois de décembre 2003, contestant son congédiement par l’entreprise (pièce E-1). Il indique avoir été congédié, le 28 novembre 2003, parce que l’entreprise a prétendu qu’il avait des activités incompatibles avec son état de santé (pièce E-2). Il signale que la cassette vidéo qu’il veut obtenir reproduit des événements concernant sa vie privée. [8] Le demandeur confirme qu’il existe un lien entre son congédiement et la cassette vidéo qu’il réclame de l’entreprise. Il précise vouloir cette cassette vidéo aux fins de lui permettre de bien se préparer pour l’audition du grief. Il ajoute que l’audience en arbitrage a été retardée parce qu’il veut être représenté par un avocat plutôt que par un représentant syndical.
04 02 15 Page : 3 M me Josée Bélanger [9] M me Bélanger, secrétaire corporative, indique avoir traité la demande d’accès parce qu’elle gère les réclamations à la Commission de la santé et sécurité du travail (la « CSST »). Elle explique que le demandeur était en accident de travail lors de son congédiement et qu’il a fait l’objet d’une filature. Elle affirme que l’entreprise entend soumettre en preuve la cassette vidéo devant l’arbitre. [10] Interrogée par le demandeur, M me Bélanger confirme qu’il a visionné 5 % de la cassette vidéo lors d’une rencontre chez l’entreprise le 28 novembre 2003. Elle confirme également que le procureur et les représentants de l’entreprise ont visionné la cassette vidéo. Elle affirme avoir transmis au demandeur, le 29 mars 2001, l’entente du mois de février 2001 impliquant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. [11] Interrogée par la Commission, M me Bélanger fait valoir que les rapports médicaux versés au dossier du demandeur étaient contradictoires. Cette dernière situation et une dénonciation qu’elle a reçue justifiaient, selon elle, une surveillance du demandeur au moyen de la vidéosurveillance. [12] M me Bélanger affirme que le demandeur a obtenu tous les documents au dossier d’employé détenus par l’entreprise à son siège social et à l’usine, sauf ceux concernant le dossier de la CSST. Intervention de la Commission [13] Vu la demande d’accès, la Commission exige de l’entreprise de lui faire parvenir, dans les trente jours, une copie de la cassette vidéo et une lettre constatant la remise au demandeur de tous les documents qu’elle détient, liés au dossier de la CSST. L’entreprise [14] Le procureur de l’entreprise, M e Jean-François Pagé, transmet à la Commission, sous pli confidentiel, le 28 février 2005, la cassette vidéo en litige. Il joint également la lettre suivante expédiée par M me Bélanger, sous pli recommandé, au demandeur le même jour : La présente fait suite à votre demande du 23 décembre 2003 de même qu’à l’audience du 16 février dernier devant la Commission d’accès à l’information du Québec et vise à vous transmettre,
04 02 15 Page : 4 sous pli, copie de votre dossier relié aux réclamations déposées auprès de la CSST. C) LES ARGUMENTS De l'entreprise [15] Le procureur de l’entreprise, M e Jean-François Pagé, invoque le 2 e paragraphe de l’article 39 de la Loi pour refuser l’accès aux documents en litige : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: […] 2 o d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [16] M e Pagé soumet que l’entreprise ne peut communiquer le document en litige, parce que son contenu est susceptible d’avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle elle a un intérêt, soit le grief 2 . Les images captées par la cassette vidéo répondent donc aux conditions de l’article 39 de la Loi 3 . Il spécifie que même un arbitre de grief ne peut forcer la communication de la preuve avant la tenue de l’audition 4 . DÉCISION [17] M me Bélanger a déclaré à l’audience que tous les documents détenus par l’entreprise, au sens des articles 1 et 2 de Loi, ont été remis au demandeur, à l’exception des documents du dossier de la CSST le concernant et de la cassette vidéo : 2 Développements récents en droit administratifs (1995), Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 147; Bernier c. Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances, [1992] C.A.I. 100. 3 Ménard c. Cambior, Mine Doyon, C.A.I. Québec, n o 99 13 50, 3 mai 2000, c. Comeau. 4 Syndicat international des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie et du tabac, section locale 382 c. Aliments Culinar inc., grief 97-01, 8 septembre 1997, arbitre Rousseau; Orica Canada inc. c. Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 13148, n o 00-133, 11 février 2002, arbitre Cournoyer; Produits forestiers Donohue inc. c. Tremblay, C.S. Québec, n o 200-05-011789-992, 7 juillet 2000, j. Bédard.
04 02 15 Page : 5 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public. 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. [18] M me Bélanger a complété la réponse de l’entreprise, le 28 février 2005, en expédiant au demandeur les documents du dossier de la CSST. Cette preuve me convainc que le demandeur a obtenu tous les documents détenus par l’entreprise en lien avec sa demande, sauf la cassette vidéo demeurant en litige. [19] J’ai visionné la cassette vidéo en litige. Il s’agit d’images captées lors d’activités journalières du demandeur à des jours et périodes différentes de la journée. [20] Le demandeur a confirmé à l’audience que cette cassette vidéo sera déposée en preuve devant l’arbitre de grief. Ce témoignage a été corroboré par M me Bélanger. Vu cette preuve et le visionnement de la cassette vidéo, j’en conclus que les conditions d’application de l’article 39 de la Loi ont été satisfaites. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [21] ACCUEILLE, en partie, la demande d’examen de mésentente du demandeur; [22] CONSTATE que le demandeur a reçu tous les documents détenus par l’entreprise, après le dépôt de sa demande d’examen de mésentente, en lien avec sa demande d’accès, à l’exception de la cassette vidéo;
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