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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 03 06 91 Date : 6 avril 2004 Commissaire : M e Hélène Grenier MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES, SPORT ET LOISIR Organisme c. COMMUNICATIONS PROPNET INC. Demanderesse DÉCISION OBJET REQUÊTE POUR LOBTENTION DUNE AUTORISATION DE NE PAS TENIR COMPTE DUNE DEMANDE DACCÈS À UN FICHIER DE RENSEIGNEMENTS QUI ONT UN CARACTÈRE PUBLIC. [1] La demanderesse sest adressée à lorganisme le 28 février 2003 pour obtenir « copie du fichier des transactions immobilières de lannée 2001. ». Elle a précisé quelle souhaitait que ce fichier lui soit transmis par courriel et quil contienne « tous les champs dinformation publique concernant les informations extraites des actes de vente et des rôles dévaluation. ». Elle a également mentionné quelle maintenait « une banque de données immobilières à léchelle du Québec accessible à tous. ». [2] Lorganisme requiert lautorisation de ne pas tenir compte de cette demande en vertu du 2 ième alinéa de larticle 126 de la Loi sur l'accès aux
03 06 91 Page : 2 documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. [3] Dans la requête quil adresse à la Commission, le responsable de laccès précise que la demanderesse souhaite obtenir le « fichier des mutations immobilières » que lorganisme détient dans lexercice de ses fonctions en vertu des articles 80 et 264 de la Loi sur la fiscalité municipale (L.R.Q., c. F-2.1). Le responsable explique que ce fichier est constitué de renseignements qui proviennent des rôles dévaluation foncière des municipalités et de renseignements que lofficier de la publicité des droits transmet aux municipalités concernant le transfert dimmeubles sur leur territoire. Il reconnaît que les renseignements personnels compris dans ce fichier ont un caractère public en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale (article 73, pour les renseignements extraits des rôles dévaluation) et du Code civil du Québec (articles 2936 et 2971, pour les renseignements communiqués par lofficier de la publicité des droits); il explique à cet égard que le caractère public des rôles dévaluation foncière est prévu pour permettre laccès et la comparaison entre les immeubles qui y sont inscrits et que le caractère public des renseignements constituant le registre foncier est prévu pour faire connaître létendue des droits réels immobiliers et les rendre opposables aux tiers. Selon le responsable, la demande daccès implique de la part de lorganisme une diffusion massive de renseignements personnels à caractère public qui nest pas conforme aux exigences de larticle 24 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de linformation. Le responsable précise enfin quil est porté à croire que la demanderesse utilise le fichier des mutations immobilières à des fins commerciales. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 06 91 Page : 3 PREUVE i) de lorganisme [4] Lavocate de lorganisme dépose, entre autres documents, la demande daccès du 28 février 2003 adressée à M. François Lessard de la direction de lévaluation foncière de lorganisme, lavis de réception de cette demande signé par M. Claude Cantin, responsable de laccès aux documents de lorganisme, ainsi que la requête soumise par lorganisme en vertu du 2 ième alinéa de larticle 126 précité, requête dont la demanderesse a eu avis (O-1, en liasse). Elle fait entendre M. François Lessard qui témoigne sous serment. Interrogatoire de M. François Lessard : [5] M. Lessard confirme exercer ses fonctions à la direction de lévaluation foncière de lorganisme; cette direction est responsable du fonctionnement du système dévaluation foncière municipale au Québec ainsi que de lapplication des dispositions législatives et réglementaires qui sy rapportent et elle voit au développement du Manuel dévaluation foncière du Québec. M. Lessard a, entre autres tâches, celle de répondre aux demandes dinformation qui proviennent de lextérieur de lorganisme. Il a collaboré avec le responsable de laccès aux documents de lorganisme pour traiter la demande du 28 février 2003. [6] À la connaissance de M. Lessard, lorganisme a transmis à la demanderesse, de 1995 à 2002, les renseignements détenus constituant le fichier des mutations immobilières. En 2002, lorganisme a commencé la collecte de tous les rôles dévaluation municipale et il a dès lors remis en question la communication de ses différentes banques de données, notamment celle de son fichier des mutations immobilières; d la présente requête (O-1). [7] M. Lessard dépose une description du fichier qui était communiqué à la demanderesse (O-1, « description du fichier pour utilisateurs à la DGSIG »), fichier constitué, pour chaque année, de renseignements provenant des actes de vente (#1 à #16) et des évaluateurs municipaux (#17 à #29 inclus). Ce fichier était extrait du « fichier des mutations immobilières » détenu par lorganisme (O-1) aux fins de lapprobation de la proportion médiane et du facteur comparatif et constitué, pour chaque année, de renseignements provenant des actes de vente (#1 à #16) et des évaluateurs municipaux (#17 à #38 inclus). M. Lessard explique que les renseignements #30 à #38 du « fichier des mutations immobilières » sont des analyses obligatoirement fournies par lévaluateur qui nont pas un caractère public, qui ne proviennent pas du rôle dévaluation
03 06 91 Page : 4 foncière et qui ne sont pas transmises par lorganisme qui les utilise dans lexercice de ses fonctions (articles 78 et 80 de la Loi sur la fiscalité municipale). [8] M. Lessard réfère à larticle 3 du Règlement sur le rôle dévaluation foncière (A.M., (1994) 126 G.O. ll, 5702 (94-10-06), adopté en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale, qui prévoit que lévaluateur tient à jour un fichier des mutations relatives aux immeubles quil doit évaluer et, quà cette fin, il recueille et note les renseignements prescrits par le Manuel dévaluation foncière du Québec quant à tout transfert de propriété de ces immeubles. Il souligne que lévaluateur note et utilise conséquemment les renseignements que détiennent nécessairement les municipalités en vertu de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières (L.R.Q., D-15.1) qui prévoit spécifiquement que : lofficier de la publicité des droits avise des mutations immobilières la municipalité sur le territoire de laquelle sont situés les immeubles en lui transmettant une copie de toutes les réquisitions, de même que des documents qui les accompagnent lorsquelles prennent la forme dun sommaire, visant le transfert dimmeubles situés sur le territoire de la municipalité (art. 10); la réquisition dinscription dun transfert doit contenir les mentions suivantes : le nom du cédant et du cessionnaire, ladresse de la résidence principale du cédant et du cessionnaire, le nom de la municipalité sur le territoire de laquelle est situé limmeuble, le montant de la contrepartie pour le transfert de limmeuble, le montant constituant la base dimposition du droit de mutation, le montant du droit de mutation et toute autre mention prescrite par règlement (art. 9); sauf ceux dont la loi prévoit déjà le caractère public, sont confidentiels tous renseignements obtenus dans lapplication de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières; il est interdit à toute personne de communiquer ou de permettre que soit communiqué à une personne qui ny a pas légalement droit un tel renseignement ou de permettre à une telle personne de prendre connaissance dun document contenant un tel renseignement ou dy avoir accès; le tout, malgré larticle 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (art. 22). [9] M. Lessard explique que le fichier des mutations immobilières que lévaluateur tient à jour fait partie des renseignements qui servent à létablissement et à la tenue à jour du rôle dévaluation foncière municipale; il réfère à cet égard aux articles 3 et suivants du Règlement sur le rôle dévaluation foncière ainsi quau chapitre 1 du Manuel dévaluation foncière du Québec (O-1)
03 06 91 Page : 5 qui prévoient que ce fichier permanent, constitué des renseignements obtenus de lofficier de la publicité des droits, est essentiel pour former une base crédible destimation du prix de vente le plus probable qui sera ultérieurement inscrit au rôle dévaluation et pour la tenue à jour de ce rôle. Le Manuel dévaluation foncière du Québec (O-1) spécifie que ce fichier des mutations immobilières rassemble, par un moyen informatique, les données contenues dans les avis de mutation immobilière selon une forme standardisée pour en faciliter le traitement, ces données étant mises en relation avec les autres fichiers permanents et bonifiées par lopinion de lévaluateur quant à la représentativité de la transaction par rapport au marché immobilier. M. Lessard rappelle que lévaluateur tient également à jour les autres fichiers permanents suivants (O-1), en vertu du règlement précité: celui des dossiers dévaluation pour chaque unité, dossiers dans lesquels sont inscrits des renseignements prédéterminés (art. 4); celui des unités de voisinage, tenu à des fins danalyse et de comparaison dans le processus dévaluation (art. 5); celui des éléments graphiques du système dinformation prévu par le Manuel dévaluation foncière du Québec (art. 6). [10] Le processus dévaluation foncière prévu par le règlement précité exige de lévaluateur quil : détermine tout taux de variation du marché qui est nécessaire pour établir quels auraient été les prix, dans le cas des ventes contenues dans le fichier des mutations immobilières, si les ventes avaient été conclues selon les conditions du marché au 1 er juillet de chaque année (art. 7); motive, dans un dossier spécifique, tout taux quil détermine, ou le cas échéant, le fait quil nen a pas déterminé (art. 7); évalue chaque unité dévaluation selon la ou les techniques les plus pertinentes (art. 8); établisse et inscrive la valeur de chaque unité dévaluation en fonction des renseignements quil a compilés et des résultats quil a obtenus (art. 9); dresse le rôle dévaluation et sassure que lon puisse, pendant lapplication du rôle, en utilisant le numéro matricule dune unité dévaluation, la désignation cadastrale ou ladresse de tout immeuble quelle comprend ou le nom de la personne au nom de laquelle elle est inscrite, avoir accès aux inscriptions du rôle concernant lunité (art. 10).
03 06 91 Page : 6 [11] M. Lessard indique que lévaluateur établit, pour chaque exercice financier, à quelle proportion médiane de la valeur foncière réelle des unités dévaluation correspondent les valeurs inscrites au rôle; la proportion médiane est établie selon les règles de calcul prescrites par le Règlement sur la proportion médiane du rôle dévaluation foncière (A.M., [1993] 125 G.O. ll, 7490 (93-11-18), règles qui impliquent lanalyse, par lévaluateur, des prix de ventes des immeubles inscrits au rôle dévaluation foncière dune municipalité. M. Lessard précise que lorganisme reçoit des évaluateurs des renseignements relatifs à la proportion médiane quils ont établie et il vérifie ces renseignements en vue de permettre au ministre dapprouver, en vertu de larticle 264 de la Loi sur la fiscalité municipale, la proportion médiane établie par lévaluateur. Il rappelle que lorganisme détient, en vertu de la même loi (article 80) et pour évaluer la qualité des rôles dévaluation, le fichier des mutations immobilières tenu à jour par chaque évaluateur. [12] Le fichier des mutations immobilières détenu par lorganisme comprend le nom de lacquéreur dun immeuble; les renseignements constituant ce fichier ne sont accessibles quà un nombre restreint de personnes qui doivent les utiliser dans lexercice de leurs fonctions. Lorganisme comprend que la demanderesse veut obtenir copie de ce fichier. Contre-interrogatoire de M. François Lessard : [13] M. Lessard nest pas le responsable de laccès aux documents de lorganisme; il est à lemploi de lorganisme, à la direction de lévaluation foncière et il est notamment chargé de répondre aux demandes dinformations. Lorganisme détient une nouvelle banque de données, soit celle des rôles dévaluation fonciers intégraux; lavis du responsable de laccès a été requis relativement à la communication, à lexterne, de cette nouvelle banque ainsi que du fichier des mutations immobilières (O-1). [14] De lavis de M. Lessard, le nom de lacquéreur dun immeuble est un renseignement personnel; ce renseignement ne concerne pas nécessairement loccupant. [15] Les renseignements constituant le fichier des mutations immobilières proviennent de lofficier de la publicité des droits, renseignements auxquels sont ajoutés des renseignements extraits des rôles dévaluation foncière. [16] La demanderesse diffuse, de façon massive et à des fins commerciales, des renseignements personnels compris dans le fichier des mutations
03 06 91 Page : 7 immobilières détenu par lorganisme. La commercialisation de ces renseignements nest pas conforme à lobjet des dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Ces renseignements sont collectés par lorganisme, pour le seul exercice de ses fonctions qui incluent la vérification des éléments danalyse qui ont permis aux évaluateurs détablir la proportion médiane soumise à lapprobation du ministre de lorganisme. Lexercice des fonctions de lorganisme et la finalité de ces fonctions ne comprend pas la diffusion des renseignements inscrits dans le fichier des mutations immobilières. Interrogatoire de M. Norman Roy : [17] M. Norman Roy témoigne sous serment en qualité dadministrateur de la demanderesse. Il confirme la véracité des renseignements suivants que lorganisme a déposés en liasse (O-1) et que la demanderesse diffuse sur son site web, à savoir que : la demanderesse est un service dinformations immobilières dont le but est de contribuer à lefficacité des travailleurs de limmobilier en rassemblant toute linformation en un seul moteur de recherche; le service dinformations immobilières de la demanderesse se veut un outil de développement économique; la demanderesse privilégie, pour ses bases de données, le rôle dévaluation des municipalités et les transactions immobilières; ces bases contiennent un extrait des actes notariés pour toutes les propriétés vendues (prix supérieur à 1 000,00 $) au Québec ainsi quun extrait du rôle dévaluation de la municipalité concernée à la date de la vente; le fichier des mutations immobilières de lorganisme est la principale source de renseignements de la demanderesse; la demanderesse rend ce fichier disponible à tous, notamment aux municipalités, aux agents immobiliers, aux arpenteurs, aux développeurs, aux institutions financières, aux évaluateurs, aux notaires, aux avocats, aux services gouvernementaux et parapublics, aux vérificateurs de crédit; le site web de la demanderesse offre des outils adaptés à plusieurs types de recherche (notamment par nom, par adresse, par numéro de matricule, par numéro de lot); les tarifs de consultation des transactions immobilières du Québec sont diffusés sur le site web de la demanderesse.
03 06 91 Page : 8 ii) de la demanderesse [18] M. Norman Roy affirme que la demanderesse a été constituée au début des années 1990 pour répondre à une demande de lOrdre des évaluateurs agréés du Québec qui souhaitait quune banque de données immobilières soit créée et que tous ses membres puissent travailler avec les données réelles du marché. La demanderesse a été créée avec laide financière de cet Ordre professionnel, sous son égide. Le site web de la demanderesse est accessible par Internet; la banque de données ainsi diffusée est constituée du fichier des mutations immobilières communiqué par lorganisme depuis 1994; ce fichier comprend un extrait des actes enregistrés auprès de lofficier de la publicité des droits et un extrait des rôles dévaluation de sorte que la personne qui a accès aux données diffusées par la demanderesse puisse établir une comparaison entre le prix de vente dun immeuble et son évaluation. [19] M. Roy confirme que le fichier des mutations immobilières est, essentiellement, un extrait des renseignements que les évaluateurs municipaux rassemblent et communiquent à lorganisme qui, pour sa part, les assemble. Il précise que ces renseignements sont les éléments des transactions qui servent à létablissement de la proportion médiane. [20] M. Roy ajoute que la demanderesse offre aussi aux municipalités qui ne le font pas déjà de diffuser la partie publique de leur rôle dévaluation sur son site. À sa connaissance, seulement quelques municipalités diffusent leur rôle dévaluation via Internet. [21] M. Roy indique que le site web de la demanderesse a pour objet de donner accès à linformation qui concerne le contenu des rôles dévaluation et des transactions immobilières; cet objet dépasse lobjet dorigine qui visait la création dun fichier pour les membres de lOrdre des évaluateurs agréés. De lavis de M. Roy, toute personne a intérêt à avoir accès à ces renseignements, ne serait-ce que pour vérifier la justesse de lévaluation de sa propriété ou le prix de vente des immeubles comparables au sien dans son secteur ou dans sa ville. La demanderesse diffuse, via Internet et dans lintérêt de tous, linformation qui concerne le contenu des rôles dévaluation et des transactions immobilières, information qui nétait pas disponible avant cette diffusion par la demanderesse. [22] M. Roy spécifie que la demanderesse impose un ticket modérateur en appliquant une tarification (O-1) aux personnes qui consultent son site de façon à empêcher limportation massive de renseignements. Il ajoute quune demande de recherche adressée au bureau de la publicité des droits concernant des mutations immobilières est beaucoup plus coûteuse et fastidieuse; il signale à
03 06 91 Page : 9 cet égard que le bureau de la publicité des droits noffre pas, sur son site Internet, doutil de recherche qui permette de chercher des transactions immobilières. La personne qui utilise le site du bureau de la publicité des droits doit, à lavance, connaître le numéro de lacte ou du lot visé par une transaction; à défaut, la personne doit faire des recherches extensives, se procurer des plans pour trouver les numéros de lots dans un territoire donné et consulter lindex aux immeubles de chaque lot. [23] M. Roy est informé par le ministère des Ressources naturelles, dont lorganisation des bureaux de la publicité des droits relève, quaucun outil de recherche nest prévu, le ministère considérant que le développement de cet outil ne fait pas partie de sa mission. La demanderesse permet à toute personne de faire une recherche immobilière pour obtenir rapidement, à partir du fichier des mutations immobilières de lorganisme, une liste de transactions immobilières dans un voisinage donné ainsi que le numéro dun acte ou du lot. Ces numéros peuvent dès lors être utilisés pour : accéder, via le site du bureau de la publicité des droits concerné, à un acte de vente en particulier; accéder, via le site Internet utilisé par une municipalité pour diffuser son rôle dévaluation, à lévaluation dun immeuble en particulier. [24] Selon M. Roy, la demanderesse offre, en contrepartie dune tarification qui « nest pas profitable de façon importante », un service permettant à toute personne davoir facilement accès à des renseignements immobiliers non confidentiels. La demanderesse donne plus de transparence à ces renseignements immobiliers étant donné quaucune municipalité ne publie le fichier des mutations immobilières et quil faut se rendre aux bureaux de presque toutes les municipalités pour consulter leur rôle dévaluation foncière. La demanderesse permet désormais à ses clients de vérifier le processus dévaluation ainsi que la qualité des rôles, opérations que lorganisme était seul à pouvoir exécuter. Contre-interrogatoire de M. Norman Roy : [25] Selon M. Roy, le fichier demandé à lorganisme comprend des renseignements à caractère public qui proviennent des rôles dévaluation foncière et des actes de vente immobilière. Lorganisme est la seule source qui communique, de façon massive, le fichier des mutations immobilières de sorte que la demanderesse na pas à sadresser à au moins 1000 municipalités pour obtenir ces renseignements quelles détiennent en partie. L'organisme détient le
03 06 91 Page : 10 fichier en litige; la demanderesse, qui selon M. Roy y a droit, na donc pas à en confectionner un pareil à partir des rôles dévaluation des municipalités et des actes de vente inscrits au bureau de la publicité des droits. À son avis, laccès, par une personne, aux renseignements en litige existe en théorie; lexercice de cet accès nécessite cependant un effort trop important. La demanderesse collecte donc le fichier auprès de lorganisme et elle le diffuse au public qui y a facilement accès moyennant une tarification. [26] M. Roy est par ailleurs davis que toutes les données contenues sur le site web de la demanderesse sont la propriété exclusive de la demanderesse ou de ses partenaires et quelles sont protégées par le droit dauteur. Il explique que le fichier en litige appartient à lorganisme et que le fichier modifié par la demanderesse pour le rendre accessible appartient à la demanderesse. [27] La demanderesse a, de 1995 à 2002, diffusé les renseignements du fichier des mutations immobilières qui ont été requis par ses clients; la demanderesse na pas vendu ces renseignements de façon massive mais elle a déjà négocié en vue de le faire. La demanderesse a, exceptionnellement, déjà effectué des études à caractère statistique pour mesurer la moyenne des valeurs dans une région donnée et pour vérifier si un rôle dévaluation en particulier avait une médiane réaliste tel que le prétendait lorganisme. ARGUMENTS i) de lorganisme [28] Les renseignements visés par la demande daccès, notamment le nom de lacquéreur dun immeuble ainsi que son adresse civique et le prix payé par lui, sont des renseignements personnels sils concernent des personnes physiques. Ces renseignements personnels ont un caractère public en vertu de larticle 73 de la Loi sur la fiscalité municipale (renseignements provenant du rôle dévaluation) et des articles 2934, 2936, 2938 et 2971 du Code civil du Québec (renseignements provenant du bureau de la publicité des droits). [29] Larticle 22 de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières prévoit cependant ce qui suit en ce qui concerne les renseignements transmis par lofficier de la publicité des droits aux municipalités : 22. Sauf ceux dont la loi prévoit déjà le caractère public, sont confidentiels tous renseignements obtenus dans lapplication de la présente loi. Il est interdit à toute
03 06 91 Page : 11 personne de communiquer ou de permettre que soit communiqué à une personne qui ny a pas légalement droit un tel renseignement ou de permettre à une telle personne de prendre connaissance dun document contenant un tel renseignement ou dy avoir accès. Toutefois, un tel renseignement peut, à la demande écrite de lintéressé ou de son représentant autorisé, être communiqué à une personne désignée dans la demande. Le présent article sapplique malgré larticle 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Quiconque contrevient au présent article commet une infraction et est passible dune amende nexcédant pas 1 000 $. [30] Les renseignements qui sont inscrits dans des documents conservés dans les bureaux de la publicité des droits à des fins de publicité sont publics, comme le prévoit larticle 2971 du Code civil du Québec : 2971. Les registres et les autres documents conservés dans les bureaux de la publicité des droits à des fins de publicité sont des documents publics; les règlements pris en application du présent livre prévoient les modalités de consultation de ces documents. [31] Lorganisme a revu, en 2002, sa façon de faire quant à la communication massive des renseignements personnels quil détient et qui ont un caractère public en vertu de la loi; la preuve démontre que la demanderesse souhaite obtenir communication dun fichier complet à des fins manifestement commerciales (O-1). La Commission a déjà décidé dans des circonstances analogues 2 que lorsque des renseignements personnels à caractère public et inscrits au rôle dévaluation sont utilisés à des fins qui ne correspondent pas à 2 Ville de La Baie c. Residentex inc. [1999] CAI 433; Lampron c. LÎle dOrléans [2000] CAI 248; Journal de lassurance et al c. Bureau des services financiers [2000] CAI 381; Ministère de lAgriculture c. Advantex Marketing International inc. [1998] CAI 92; Ministère de lAgriculture c. Services sanitaires Transwick [1998] CAI 225.
03 06 91 Page : 12 celles prévues par la Loi sur la fiscalité municipale, pareille utilisation nest pas conforme à lobjet de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels en matière de protection des renseignements personnels. Lutilisation commerciale des renseignements à caractère public inscrits au rôle dévaluation nest pas prévue par le législateur. [32] La preuve démontre que la demanderesse facilite laccès à des renseignements personnels à caractère public; la preuve démontre par ailleurs que lorganisme, qui détient ces renseignements, les collecte dans lexercice de ses fonctions et aux fins prévues par la loi, non pas pour les diffuser puisquil nen a pas le mandat. [33] Les détenteurs des droits relatifs à la propriété intellectuelle concernant les renseignements personnels à caractère public qui sont en litige sont les municipalités du Québec (rôle dévaluation) et lofficier de la publicité des droits (actes translatifs de propriété). Lorganisme ne peut, en vertu de la Loi sur le droit dauteur, diffuser ces renseignements et tarifer les utilisateurs puisquil nest pas titulaire des droits relatifs à la propriété intellectuelle qui, autrement, lhabiliteraient. [34] La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ne sapplique pas aux documents conservés dans les bureaux de la publicité des droits à des fins de publicité; il en est de même, par conséquent, de la compétence de la Commission : 2. La présente loi ne s'applique pas: 1° aux actes et au registre de l'état civil; 2° aux registres et autres documents conservés dans les bureaux de la publicité des droits à des fins de publicité; 3° (remplacé); 3.1° au registre constitué en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales (chapitre P-45); 4° aux archives privées visées à l'article 27 de la Loi sur les archives (chapitre A-21.1). [35] Les documents conservés dans les bureaux de la publicité des droits à des fins de publicité sont régis par larticle 24 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de linformation (L.Q. 2001, c. 32) :
03 06 91 Page : 13 24. Lutilisation de fonctions de recherche extensive dans un document technologique qui contient des renseignements personnels et qui, pour une finalité particulière, est rendu public doit être restreinte à cette finalité. Pour ce faire, la personne responsable de laccès à ce document doit voir à ce que soit mis en place les moyens technologiques appropriés. Elle peut en outre, eu égard aux critères élaborés en vertu du paragraphe 2° de larticle 69, fixer des conditions pour lutilisation de ces fonctions de recherche. [36] Larticle 24 précité prévoit que lutilisation des renseignements personnels à caractère public est limitée par la finalité pour laquelle ces renseignements ont un caractère public. Cette disposition restrictive, qui limite la communication des renseignements personnels à caractère public, consacre la tendance développée par la Commission. [37] La requête de lorganisme porte sur la diffusion massive, à la demanderesse et par lorganisme, du fichier des mutations immobilières; elle ne porte pas sur laccessibilité donnée à ce fichier selon les conditions imposées par la demanderesse à ses clients. ii) de la demanderesse [38] Largument fondé sur le respect des droits relatifs à la propriété intellectuelle ne peut être invoqué puisquil nest pas allégué dans la requête du 17 avril 2003. [39] Les renseignements en litige ne sont pas des renseignements personnels. Le nom dune personne physique a un caractère public et nest pas nominatif. [40] Le fichier des mutations immobilières avec référence aux rôles dévaluation municipale nest pas un fichier de renseignements personnels. Ce fichier en est un de renseignements concernant la propriété immobilière et comprenant nécessairement le nom des acquéreurs reliés aux titres de propriété.
03 06 91 Page : 14 [41] Lorganisme détient des renseignements qui lui sont transmis par lofficier de la publicité des droits; la détention de ces renseignements à caractère public par lorganisme ne leur confère pas un caractère personnel. [42] Lorganisme ne peut refuser laccès au fichier en litige parce que ce fichier est constitué de renseignements immobiliers à caractère public. [43] La demanderesse a démontré que son utilisation antérieure du fichier en litige respecte la finalité des renseignements qui le constituent. Lorganisme approuve la qualité des rôles dévaluation; la demanderesse diffuse les renseignements qui permettent à ses clients de : sassurer que ce travail a été fait correctement par lorganisme et que les responsables de lévaluation ont tenu compte « des bonnes évaluations »; de sassurer en toute transparence que le travail des évaluateurs a été bien fait; de contester lévaluation de leur propriété à partir de la valeur réelle; de connaître le marché immobilier. [44] La demanderesse continue le travail de transparence de lorganisme; elle fait de même pour ce qui est du travail de transparence des municipalités quant à la diffusion de leur rôle dévaluation et de leur fichier des mutations immobilières respectifs, travail qui, pour plusieurs municipalités, est une corvée et présuppose, pour certaines, un coût exorbitant. La demanderesse fournit un outil de recherche que le bureau de la publicité des droits ne fournit pas; sans cet outil, le travail est ardu pour tous. La demanderesse respecte la finalité du fichier en litige lorsquelle le diffuse; elle en assure la transparence. [45] La demanderesse ne diffuse pas le fichier des mutations immobilières de façon massive, ce, en raison du tarif quelle impose à ses clients. [46] La loi ne prohibe pas lutilisation commerciale du fichier des mutations immobilières; lutilisation de ce fichier à caractère public par la demanderesse nest pas incompatible avec sa finalité. [47] Larticle 24 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de linformation ne sapplique pas aux documents conservés dans les bureaux de la publicité des droits à des fins de publicité. Ces bureaux noffrent pas de moyen technologique permettant davoir accès à ces documents publics de façon massive alors que toute personne y a droit puisquils sont publics et quils ne comprennent pas de renseignements personnels.
03 06 91 Page : 15 [48] Le 2 ième alinéa de larticle 126 ne sapplique pas au fichier en litige qui ne comprend pas de renseignements personnels et qui a un caractère public. DÉCISION [49] La preuve démontre que la demande daccès vise lobtention de copie du fichier des mutations immobilières de lannée 2001 que lorganisme détient dans lexercice de fonctions précises conférées par la Loi sur la fiscalité municipale; la preuve démontre que la demanderesse limite sa demande aux renseignements qui ont un caractère public (renseignements #1 à #29 inclus) et qui sont compris dans ce fichier. [50] La preuve démontre que le fichier des mutations immobilières visé par la demande daccès est constitué de lensemble des fichiers des mutations immobilières que les évaluateurs doivent tenir à jour relativement aux immeubles quils doivent évaluer pour une municipalité. Le cadre juridique du fichier des mutations immobilières municipal : [51] La preuve démontre que le fichier des mutations immobilières municipal : est un fichier permanent constitué par lévaluateur en vertu du Règlement sur le rôle dévaluation foncière et servant à létablissement et à la tenue à jour du rôle dévaluation municipal (section ll, article 3); comprend des renseignements qui sont recueillis et notés par lévaluateur concernant le transfert de propriété des immeubles quil doit évaluer (section ll, article 3) et qui sont communiqués à la municipalité en vertu de larticle 10 de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières; est utilisé par lévaluateur dans le processus dévaluation foncière, notamment pour déterminer le taux de variation du marché et la proportion médiane de la valeur foncière réelle des unités dévaluation à laquelle correspondent les valeurs inscrites au rôle. [52] La preuve démontre spécifiquement que la tenue à jour de ce fichier exige de lévaluateur quil rassemble, par un moyen informatique, les données contenues dans les avis de mutations immobilières, ces données y étant mises en relation avec des données dautres fichiers permanents préparés par lui pour être bonifiées par son opinion quant à la représentativité dune transaction par rapport au marché.
03 06 91 Page : 16 [53] La preuve démontre clairement que le fichier informatisé des mutations immobilières tenu à jour par lévaluateur municipal rassemble des renseignements précis sur les immeubles qui ont fait lobjet dun transfert de propriété (renseignements #1 à #16 provenant des actes de vente) avec des renseignements précis sur ces immeubles que lévaluateur extrait du rôle dévaluation en vigueur lors du transfert de propriété (renseignements #17 à #29) et avec des renseignements quil prépare (renseignements #30 à #38). [54] La preuve convainc la Commission que le fichier des mutations immobilières tenu à jour par lévaluateur municipal est, parce quil est constitué de renseignements rassemblés et préparés par lévaluateur en vue de la confection et de la tenue à jour du rôle dévaluation, visé par les articles 78 (2 ième et 3 ième alinéas) et 79 de la Loi sur la fiscalité municipale : 78. Le rôle est la propriété de la municipalité locale pour laquelle il est fait. Les documents rassemblés ou préparés par lévaluateur en vue de la confection ou de la tenue à jour du rôle, quils aient servi ou non à cette fin, appartiennent au propriétaire du rôle. Lorganisme municipal responsable de lévaluation a la garde de ces documents au bénéfice de leur propriétaire, et décide de lendroit ils doivent être conservés. Aux fins du présent chapitre, le mot «document» comprend une bande, un ruban, un disque, une cassette ou un autre support dinformation, ainsi que les données quil renferme. La propriété ou la garde dun tel document emporte le droit pour lorganisme ou la municipalité dobtenir sans frais de lévaluateur et de toute autre personne qui y a consigné les données tous les renseignements nécessaires pour avoir accès à ces données et pour pouvoir les transcrire sur un document conventionnel; cependant, ce droit ne comprend pas celui dobtenir sans frais le logiciel. 79. Malgré larticle 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, nul na droit daccès aux documents visés au deuxième alinéa de
03 06 91 Page : 17 larticle 78, à lexception de la matrice graphique dont létablissement et la tenue à jour sont prévus par le règlement pris en vertu du paragraphe 1° de larticle 263 et par le Manuel dévaluation foncière du Québec auquel il renvoie. Toutefois, une personne peut consulter un tel document relatif à limmeuble dont elle est le propriétaire ou loccupant ou relatif à létablissement dentreprise dont elle est loccupant, sil a servi de base à une inscription au rôle concernant cet immeuble ou cet établissement dentreprise et sil a été préparé par lévaluateur. Il en est de même pour une personne ayant déposé une demande de révision ou pour un requérant à légard de limmeuble ou de létablissement dentreprise qui fait lobjet de la demande de révision ou dun recours devant le Tribunal administratif du Québec. Outre la municipalité locale et lorganisme municipal responsable de lévaluation, le ministre peut consulter un tel document préparé par lévaluateur et en obtenir copie sans frais. [55] Larticle 79 de la Loi sur la fiscalité municipale écarte, de façon directe et quasi absolue, lapplication de larticle 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels à chacun des fichiers des mutations immobilières qui constituent le fichier en litige. Les exceptions prévues par cet article désignent les seuls titulaires du droit daccès et elles circonscrivent, en fonction de ceux-ci, les renseignements qui leur sont accessibles de même que les modalités daccès; ces exceptions ne sappliquent ni à la demande daccès de la demanderesse ni à la mesure ou à la finalité de ses activités démontrées. Vu la preuve et vu le cadre juridique précité, la demanderesse na aucun droit daccès aux renseignements (personnels et autres) qui ont un caractère public (#1 à # 29) et qui y sont rassemblés, couplés ou reliés par lévaluateur et tenus à jour par lui dans le fichier des mutations immobilières. La demanderesse ne peut, en sadressant directement à lorganisme, éviter lapplication de larticle 79 précité.
03 06 91 Page : 18 [56] Le responsable de laccès aux documents de lorganisme devait, en vertu du 3 ième paragraphe de larticle 47 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, informer la demanderesse que laccès au fichier réunissant tous les fichiers des mutations immobilières ne pouvait lui être donné, en tout ou en partie, en raison des articles 78 et 79 de la Loi sur la fiscalité municipale. [57] La requête présentée par lorganisme et appuyée sur le 2 ième alinéa de larticle 126 na pas dobjet, la demanderesse nayant aucun droit daccès aux renseignements qui sont rassemblés (renseignements #1 à #29) ou préparés (#30 à #38) par lévaluateur et qui sont inscrits dans le fichier de mutations immobilières dont la conservation relève de lorganisme municipal responsable de lévaluation. [58] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que la demanderesse na, en vertu de la loi, aucun droit daccès au fichier en litige, que ce soit en tout ou en partie; CESSE dexaminer la présente affaire. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Denise Cardinal Avocate de lorganisme
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